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Voici
quelques réflexions sur le Canada, l'Australie et la France, en lien
avec ce qu'il a déjà pu écrire sur ce blog. Je ne partage évidemment pas
toutes ses conclusions, en particulier la revente de drones STDI par le
Canada à la France n'est pas bon signe et je reste assez circonspect
dans l'ensemble sur une convergence marquée France-USA depuis les
arrivées respectives de Nicolas Sarkozy et Barack Obama.
Dans cet article nous poursuivons un peu notre étude des plus fidèles alliés des États-Unis, après avoir déjà abordé l'Espagne et l'Australie (« Le Brésil est à la France ce que ne sera pas l'Australie à l'Espagne »).
Nous continuons donc en nous intéressant toujours à l'Australie et, nouveauté, au Canada. Cela nous permettra d'énoncer une hypothèse plus farfelue que réellement fondée mais aussi de montrer, surtout, par cette occasion, que les pays les plus suiveurs des États-Unis ne sont pas pour autant hermétiques à la France.
Une période féconde
Resituons le contexte. Nous sommes dans les années 1980. Cette période a pour caractéristique d'avoir relancé la course aux armements. Les États-Unis ont eu comme porte-étendard l'Initiative de Défense Stratégique (IDS), et leurs alliés ont suivi avec un ambitieux renouvellement conventionnel. Par exemple, en France c'est le lancement des programmes Rafale, Leclerc et du porte-avions nucléaire. C'est un pari qualitatif face à la puissance quantitative de l'Union Soviétique. Vous connaissez la suite de l'histoire.
12 SNA classe Rubis pour le Canada
Le Canada, quant à lui, a tenté un coup à la fois qualitatif et quantitatif. Alors qu'il opère une petite flotte de sous-marins centrée autour de trois anciens navires à propulsion diesel électrique de classe Obéron (déclassés et vendus par la Grande-Bretagne), il va tenter de se doter d'une sous-marinade nucléaire de dix à douze vaisseaux !
Avant le livre blanc canadien de 1987, il était prévu l'achat de 17 sous-marins classiques supplémentaires. La pensée stratégique évoluant, les conclusions du livre blanc aboutirent à choisir la voie du SNA. Il était question d'une flotte de 12 unités au maximum, construite localement en transfert de technologie.
Le Canada, quant à lui, a tenté un coup à la fois qualitatif et quantitatif. Alors qu'il opère une petite flotte de sous-marins centrée autour de trois anciens navires à propulsion diesel électrique de classe Obéron (déclassés et vendus par la Grande-Bretagne), il va tenter de se doter d'une sous-marinade nucléaire de dix à douze vaisseaux !
Avant le livre blanc canadien de 1987, il était prévu l'achat de 17 sous-marins classiques supplémentaires. La pensée stratégique évoluant, les conclusions du livre blanc aboutirent à choisir la voie du SNA. Il était question d'une flotte de 12 unités au maximum, construite localement en transfert de technologie.
Mettons
en évidence cette remarque : est-ce que face à une telle commande, la
France et l'Angleterre se seraient inquiétées de ce transfert de
technologie ?
Un
des besoins stratégiques profonds du Canada, qui a abouti à ce
changement, est de pouvoir assurer sa souveraineté sur les trois océans
Atlantique, Pacifique et Arctique. Il est d'ailleurs exacerbé
aujourd'hui, surtout face aux ambitions russes et américaines sur la
zone arctique. Le SNA a donc paru être le type de sous-marin le plus
adapté. France et Angleterre se sont opposées avec pour l'une, son tout
nouveau SNA classe Rubis, et pour l'autre, son SNA classe Trafalgar. Le
projet fut finalement abandonné en avril 1989, les prémices de la fin de
la Guerre Froide se faisant sentir. Sans oublier l'arrivée d'un nouveau
gouvernement conservateur qui sabrera dans toutes les dépenses de
Défense, initiative dont les effets se font encore sentir aujourd'hui.
L'ambition militaire canadienne générale fut dès lors orientée à la
baisse.
Emblématique connexion canadienne
C'était
donc une occasion avortée pour la France ou l'Angleterre de conclure
l'un des plus juteux contrats de vente de sous-marins. Notons deux
choses :
- C'est aussi la période où commencent les discussions sur une fusion ambitieuse : Aérospatiale et Alenia avec de Havilland, alors division canadienne de Boeing. La Commission européenne mettra son veto en 1991. Il faut noter que le rêve du marché de l'armement transtlantique se cassait les dents déjà à cette période (si vous pensez qu'on fait référence ici à une tentative actuelle, vous touchez au but).
- Notons que la « démocratisation » du SNA a commencé à cette période. C'est pendant cette décennie 80 que l'Inde loue un SNA à l'URSS, que le Canada tente de se doter de ce type de navire et que le Brésil et l'Inde lancent leur projet de conception et de construction locale.
L'Australie et le sous-marin atomique
L'Australie
est dans une situation similaire à celle du Canada. C'est aussi un
Etat-continent entouré de grand océans, qui voit sa défense maritime
passer par une flotte sous-marine.
Nous
avons déjà abordé en partie le programme australien de sous-marin
classe Collins. Rappelons que cette classe a mis en évidence les lacunes
de l'Australie à concevoir, construire, entretenir et opérer une
sous-marinade. Il existe, pour succéder à cette classe, l'option du
sous-marin atomique. Le besoin est le même, assurer la souveraineté
australienne sur ses eaux. Le besoin est de plus stimulé par une
nouvelle menace. Alors que le Canada était en première ligne contre
l'URSS, l'Australie est elle en première ligne face aux ambitions
navales de l'Inde et de la Chine, et de toute l'Asie qui est entraînée
dans leur sillage. Les ambitions américaines, caractérisées par la
présence de 60% de leur flotte dans le Pacifique, n'inquiète pas
l'Australie puisque c'est un allié. C'est pareil pour le Canada, à la
différence qu'il existe une ambition canadienne sur l'Arctique.
L'autre
différence avec le Canada, c'est que livre blanc australien de 2009 a
rejeté en premier lieu l'option du sous-marin nucléaire. Le résultat
est, certes, le même que le Canada au final. Le remplacement des Collins
se ferait donc par douze nouveaux sous-marins classiques comme nous
l'évoquions. Mais l'Australie est prise dans une tourmente fondamentale,
la qualité de son industrie militaire a abouti à ce qu'un rapport
australien pointe la réalité, comme le rapporte le portail des
sous-marins : dans une étude menée l'an dernier [2008], l'Australian
Strategic Policy Institute avait évalué à 9 milliards AUS$ (6 milliards
€) le prix d'achat de sous-marins européens sur étagère et à 36
milliards (24 milliards €) le prix de sous-marins développés et
construits en Australie
Le
décor est planté, et là se présente notre hypothèse farfelue. Les
Espagnols disent être les favoris pour la construction locale, en
transfert de technologie, de sous-marins classiques. Chose que nous leur
reconnaissons. A un tel coût, on se pose néanmoins des questions. Et on
se prend à rêver d'une offre culottée de la France : la vente de douze
SNA classe Suffren (Barracuda). Un groupe de pression australien, la
Navy league, nous fait le parfait argumentaire d'une proposition si osée
(là aussi par l'intermédiaire du portail des sous-marins) : quatre
nations qui opèrent dans les océans Indien et Pacifique — la Russie, la
Chine, l'Inde et les États-Unis —, disposent de sous-marins nucléaires,
indique la ligue dans la dernière édition de sa publication The Navy.
"Si l'Australie veut maintenir son avance technologique, elle aussi
devrait choisir la propulsion nucléaire," indique-t-elle
Notons
encore que la France est présente localement en Australie via Thalès
Australia. Et qu'elle a déjà vendu sur le continent australien : Mirage
III et hélicoptère Tigre. C'est dire que face à la défense maritime de
son territoire, toutes les options sont permises.
La France et les alliés américains pour conclure
Le
Canada et l'Australie offrent les mêmes perspectives de développement
pour la France. Bien qu'on évoquait plus haut une baisse d'ambition
canadienne et les coupes sombres de la fin de la Guerre Froide, cela
n'empêche pas pour autant ce pays de se renouveler. La problématique de
l'Arctique reste la même et est peut-être plus d'actualité, aujourd'hui
qu'hier, avec la fonte des glaces. Et donc, à défaut d'une ouverture
pleine et entière des routes commerciales, c'est une confrontation
d'ambition géopolitique des États riverains. Ce qui force un peu le
renouvellement des armes du pays, confronté à ses réalités
géopolitiques. La France se place autant qu'elle peut pour tirer profit
de cet état de fait. La récente revente de drones STDI du Canada à la
France est un autre exemple d'un contrat passé. Un temps, on donnait
DCNS bien placé pour rénover douze frégates canadiennes de classe City
ou assurer l'entretien des sous-marins canadiens (allié à un industriel
local). Et la candidature du VBCI symbolise la continuité de la
relation. En somme, la France fait son marché au Canada.
Cette
capacité de la France à vendre son arsenal est due au fait qu'elle a
développé un arsenal. C'est un fait trop souvent oublié : on ne vend que
ce que l'on a développé (produit ou service). C'est une chose que nous
avions déjà mise en évidence en étudiant les rapports franco-espagnols à
l'aune de l'hyperpuissance américaine. Notre conclusion est
sensiblement la même. Nous mettrons d'autant plus en évidence que si
États-Unis et France sont concurrents, cela n'empêche pas notre pays
d'user d'une certaine amitié pour en tirer un bon parti. C'est ce que
nous avons tenter d'illustrer en parlant de l'Australie, de l'Espagne et
du Canada. La France n'hésite pas à chasser les marchés chez les plus
fidèles alliés de Washington, et ce, bien qu'elle soit confrontée aux
impératifs stratégiques contradictoires de ce dernier. Une récente
interview du générale Jones (Le Figaro) illustre toute la complexité de
l'amitié franco-américaine. Depuis le renouvellement présidentiel dans
nos deux pays (2007 et 2008), les points de convergence sur les affaires
internationales sont légion. On observerait même une répartition des
rôles : la France jouerait au « gentil flic » avec la récente conférence
sur le nucléaire civil, tandis que les Etats-Unis seraient sur cette
affaire le « méchant flic » avec la future conférence sur le TNP.
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