Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





09 décembre 2019

Tatmadaw Yay : prochaine admission au service actif du premier sous-marin birman

© Indian Navy (?). L'INS Sindhuvir (1988 - 2019) lors de son arrivée à HSL en 2017.

     L'Inde cédera dans quinze jours l'INS Sindhuvir (1988 - 2019), sous-marin du projet 877EKM, à la marine de la Birmanie ou Myanmar (Tatmadaw Yay). L'obtention d'une première capacité sous-marine n'est pas seulement une réponse spécifique au Bangladesh et ses premiers sous-marins car c'est également l'une des dernières manifestations du premier cycle de puissance sous-marine ou « course au sous-marin » initiée en Asie du Sud-Est par le Việt Nam (1997) et la Malaisie (2002).

 

     Le projet d'obtention d'une capacité sous-marine par la Birmanie ne semble pas entretenir dans un premier temps un lien direct avec avec les capacités navales de ses voisins et rivaux régionaux dans le cadre d'un dilemme de sécurité ("mon voisin s'arme, donc je m'arme aussi"). Dès 1999, il est avancé que des officiers de la marine birmane auraient suivi une formation au sein de la Marine pakistanaise (Pɑkistan Bahri'a) depuis ses sous-marins de la classe Hashmat (Hashmat (1979) et Hurmat (1980) du type Agosta 70, de conception et facture françaises.

 

Par la suite, l'épisode irakien de 2003 aurait cristallisé bien des inquiétudes en Birmanie au point de déplacer la capitale de Rangoon à Naypyidaw (2005), soit de la côte à l'arrière-pays. C'est dans cette perspective que s'inscrivait le premier projet d'obtention de sous-marins auprès de la République Populaire Démocratique de Corée (Pyongyang). Il était question de sous-marins de poche du type Yugo (110 tonnes de déplacement en plongée) ou de sous-marins côtiers de la classe Sang-O (370 tonnes de déplacement en plongée). Il y aurait eu un accord en 2002 mais aussitôt abandonné. Ce serait en raison tant des coûts financiers inhérents autant à l'achat qu'à la constitution des infrastructures d'entraînement, logistiques et de soutien mais aussi en raison de la situation délicate de Pyongyang sur la scène internationale.

 

     La logique géostratégique dans les années suivantes semble revenir aux rationalités manifestées dès 1999, c'est-à-dire de ne pas se laisser distancer par les autres nations du Sud-Est asiatique se dotant de sous-marins. Dès 2006 des officiers Birmans embarquent sur un ou plusieurs sous-marins indiens pour des stages d'observation de la mise en œuvre de ces bateaux à la mer. En 2010, selon certaines rumeurs non-vérifiées, l'Inde aurait dispensé une formation sur sous-marins à des officiers de la Tatmadaw Yay à partir d'un des quatre sous-marins de la classe Vela (INS Vela (1973 - 2010), INS Vagir (1973 - 2001), INS Vagli (1974 - 2010) et INS Vagsheer (1974 – 1997) ou projet 641 (Foxtrot dans la classification OTAN). Il aurait alors été question de l'achat d'exemplaires du même type de sous-marins en Russie.

 

Une nouvelle donnée géostratégique catalysait l'opposition militaire entre le Bangladesh et la Birmanie : l'incident naval de 2008. Daewoo International Corporation confirmait la présence de gaz dans les gisements offshore Myanmar A-1 (2004) et Myanmar A-3 (2006) situés dans la zone économique exclusive birmane. L'entreprise sud-coréenne prospectait à la demande du gouvernement du Myanmar et concluait un contrat de vente du gaz à hauteur de 6250 millions d'euros (2009). C'était lors d'une campagne d'exploration en 2008 que l'incident naval se produisait. Un navire de Daewoo International Corporation prospectait la zone économique exclusive birmane près de l'île Saint-Martin appartenant au Bangladesh. Ce dernier pays envoyait quatre bâtiments de guerre prétextant qu'il s'agissait de la zone économique exclusive bangladaise. La Birmanie répliquait par l'envoi de deux bâtiments de guerre. L'affaire débutait le 2 novembre et s'achevait le 7 par le retrait et des bâtiments de guerre birmans et du navire d'exploration de la société sud-coréenne. Mais l'affaire est portée par la Birmanie devant le Tribunal international de la Mer en 2009. Son arrêt du 14 mars 2012 donne raison à la Birmanie et tort au Bangladesh au sujet de la délimitation de leurs zones économiques exclusives.

 

Le Bangladesh semble être le moteur de cette réactivation du projet birman d'obtention d'une capacité sous-marine et de son entrée dans sa phase décisive. Le premier ministre du Bangladesh, Mme Sheikh Hasina , déclarait en janvier 2013 que son pays aller se doter d'une force sous-marine composée de deux futurs bateaux. Un contrat d'acquisition de deux sous-marins cédés par la Marine de l'Armée Populaire de Libération (MAPL) au profit de la marine bangladaise est signé au cours de l'année 2013. Deux sous-marins Type 035G (soit parmi les 12 bateaux entrés en service entre 1990 et 1999) appartenant à la classe Ming sont négociés pour 147,2 millions d'euros (2013), somme qui comprend une refonte dans un chantier naval chinois et d'autres prestations. Les BONS Nabajatra BONS Joyjatra sont livrés en 2016 et admis au service actif le 12 mars 2017.

 

Il a été rapporté que le Bangladesh projette de construire une base navale avec l'assistance de la Chine pour un coût évalué à 1084,57 millions d'euros (2019). Le devis est donné pour la construction de la seule base sous-marine mais il correspond probablement plus aux premières constructions de la nouvelle base navale elle-même qui sera située sur l'île de Kutubdia, soit à environ 220 km de l'île bangladaise de Saint Martin (incident naval de 2008). Base navale qui comprendrait toutes les installations nécessaires, dont une jetée, afin de soutenir les deux sous-marins.

 

     Ces premières acculturations birmanes (1999 - 2010) au fait sous-marin auraient notamment servi à déterminer la « filière » diplomatico-militaire la plus pertinente quant à l'obtention d'une capacité sous-marine intérimaire dans l'optique de choisir un fournisseur pour la capacité perenne. Il se dégage alors un consensus dans les sphères décisionnelles birmanes quant à une future transaction impliquant l'Inde et la Russie. Et le Bangladesh exerce une pression militaire qui ne semble pas avoir pu être anticipée. Les formations menées en 1999 au Pakistan sur Agosta 70 se poursuivent ou reprennent en 2013 au centre de formation des sous-mariniers pakistanais PNS Bahadur.

 

Le commandant en chef des forces armées birmanes, le général Min Aung Hlaing (30 mars 2011), aurait visité dès 2013 les chantiers navals de l'Amirauté (Saint-Petersbourg, fondés le 5 novembre 1704 par Pierre le Grand), l'un des trois chantiers navals russes à assembler des sous-marins dénommés Kilo pour l'OTAN (projets 877, 877 EKM, 636, 636.1 et 636.3) avec Nijni-Novgorod et Komsomolsk-sur-l'Amour. Mais les chantiers navals de l'Amirauté sont surtout ceux qui ont fabriqués les sous-marins du projet 877EKM indiens ou classe Sindhughosh (10). Les discussions auraient dès lors débuté pour l'acquisition de deux sous-marins au profit du Myanmar avec une première capacité opérationnelle espérée pour l'année 2015.

 

Le projet birman enregistre un glissement de deux années sans recevoir le moindre commencement d'exécution, hormis les formations menées au Pakistan. Le général Min Aung Hlaing déclarait en 2015 que la Birmanie se doterait d'ici quatre à cinq années de plusieurs sous-marins. En mai 2017, le vice-ministre de la Défense du Myanmar, le général de division Myint Nwe, affirme que la Tatmadaw cherchait un sous-marin, tout en soulignant les étroites relations entretenues avec l'Indian Navy et sans jamais s'intéresser à la fourniture du bateau en Chine.

 

Le fait que dès mars 2017 une cinquantaine de stagiaires suivent des cours à l'INS Satavahana, c'est-à-dire la base d'entraînement des sous-mariniers de l’Indian Navy (Visakhapatnam) et que des « équipes de formation mobiles » indiennes se rendent à Rangoon sans qu'aucun contrat d'acquisition de sous-marins n'ait été signé avec un quelconque constructeur donnait une première indication sur la provenance du premier sous-marin. Ce ne serait pourtant qu'en mars 2019, lors d'une visite du général Min Aung Hlaing en Inde, qu'était annoncé le transfert, avec l'accord de Moscou, d'un sous-marin de la marine indienne à la marine birmane. Un accord de coopération militaire entre la Birmanie et l'Inde était signé le 31 juillet 2019 lors d'une nouvelle visite du général Min Aung Hlaing en Inde.

 

Il finit par être précisé qu'il s'agira de l'INS Sindhuvir (1988 – 2019). C'est un sous-marin qui a assez souffert pendant sa carrière opérationnelle puisqu'il est entré en collision avec un navire de commerce en 2008, a été endommagé par un incendie le 14 août 2013 alors qu'il était en entretien et s'est même échoué le 17 janvier 2014. Le sous-marin est entré en « refonte normale » le 18 juillet 2017 (cf. supra : photographie d'illustration) et serait en travaux depuis cette date dans le chantier naval d'Hindustan Shipyard Limited de Visakhapatnam. Le bateau pourrait être livré dès le 24 décembre 2019, c'est-à-dire le jour de la Marine en Birmanie. Son admission au service actif pourrait être prononcé en avril 2020 à l'issue d'une série d'exercices menés dans le golfe du Bengale.

 

L'INS Sindhuvir mesure 72,6 mètres de long pour un diamètre de coque de 9,9 mètres. Son déplacement en surface est de 2325 tonnes pour un déplacement en plongée d'environ 3100 tonnes. Il marche jusqu'à 10 nœuds en surface et atteint 17 nœuds en plongée. Fort d'une autonomie de 6000 nautiques à 7 nœuds en surface, 400 nautiques à 3 nœuds en plongée et peut soutenir jusqu'à 45 jours d'opérations. L'immersion maximale atteint 300 mètres quand la coque est sous l'âge. Armé par un équipage de 52 hommes.

 

La suite sonar du bâtiment après refonte devrait être le SMX2 développé par le DRDO (Defence Research and Development Organisation (Inde) à destination du marché international. L'armement se compose de six tubes lance-torpilles avec une capacité de 18 torpilles (dont six aux tubes, douze sur racks ou un maximum de 24 mines). Il n'est pas dit si des torpilles lourdes sont fournies (Type 53-65 ? Varunastra?), même remarque quant aux missiles anti-navires 3M-54E1 (Club-S) de 220 km équipant les Kilo indiens...

 

Reste que cette première capacité birmane prépare l'avenir car c'est là son objectif essentiel. Il est donc attendu que des discussions formelles débutent entre Naypyidaw et Moscou pour l'acquisition de deux sous-marins qui seront probablement du projet 636.3. Il ne serait pas étonnant que dans l'attente de l'admission au service actif de ces futurs sous-marins, la Birmanie puisse espérer la livraison d'un autre bateau de la part de l'Inde, notamment pour assurer une présence continue à la mer. Ce qui permettrait de débuter la formation d'au moins un deuxième équipage. Et que les sous-marins cédés par l'Inde soient un ou deux, il serait intéressant d'observer si la Birmanie continuera à en entretenir l’un d’eux à la mer pour servir de bâtiment-école quand seront perçus les nouvelles unités.

 

Le choix birman est une réponse de taille aux sous-marins mis en œuvre par le Bangladesh. Il y a presque deux générations d'écart entre les deux sous-marins Type 035G et le projet 877EKM. L'avantage acoustique détenu par la Birmanie est indéniable tandis que l'avantage numérique profite pour le moment au Bangladesh.

 

C'est finalement la Thaïlande qui témoigne le plus d'inquiétudes à l'encontre des futures opérations sous-marines birmanes. La Marine royale thaïlandaise (Kong thap ruea thai) s'apprête à faire face à une « nouvelle situation » en raison des futures croisières du sous-marin birman en mer d'Andaman, entre l'archipel indien éponyme, le détroit de Malacca et les côtes du golfe de Thaïlande. La Marine royale thaïlandais sélectionnait pourtant dès le 2 juillet 2015 le sous-marin Type S26T (version commerciale de la classe Yuan (Type 039A). Une commande fut passée pour une première unité de ce type à un coût de 331,11 millions d'euros en 2017 après que le projet de la marine ait été approuvé le 18 avril de la même année. La découpe de la première tôle s'est déroulée le 4 septembre 2018 à Wuhan (Chine). Une option est insérée dans le contrat portant l'acquisition souhaitée de deux autres unités dont les commandes sont à affermir d'ici à 2026. Mais la tête de série ne serait livrée qu'en 2023. La Birmanie a donc trois ans d'avance, ce qui inquiète la Thaïlande.

 

     La cession de l'INS Sindhuvir (1988 – 2019) par l'Inde montrerait un succès de la diplomatie Look East Policy (1990). Manmohan Singh, alors premier ministre indien (2004 – 2014), était en mai 2012 le premier chef de gouvernement indien à effectuer une visite de gouvernement en Birmanie depuis 25 ans. Visite qui parachevait un changement de positionnement stratégique birman dont les bases navales hébergeaient des « ingénieurs navals chinois » entre 1988 et 1998. Le rapprochement des années 2000 voit l'Inde apportait son assistance pour soutenir le renforcement des capacités navales hauturières birmanes, dont une première capacité sous-marine (2006 – 2019).

 

La problématique géopolitique est toutefois difficile car le régime de Naypyidaw est ostracisé par la communauté internationale, notamment pour le conflit opposant son gouvernement aux communautés rassemblées sous le terme de « rohingya », les États-Unis d'Amérique ayant même pris des sanctions. L'Inde doit donc essayer de compenser afin d'éviter que la Birmanie ne se tourne entièrement vers la Chine alors qu'elle avait réussi à détacher partiellement cet État de l'influence chinoise, au point d'organiser entre les deux marines des exercices et de coopérer pour la sécurité maritime dans le golfe du Bengale.

 

     Cela permet à New Delhi de rééquilibrer le rapport de force dans le triangle allant du golfe du Bengale au détroit de Malacca avec pour sommet l'archipel Andaman. Devant contrer dans la mer d'Arabie la sous-marinade pakistanaise qui devrait graduellement être porté de cinq à huit unités d'ici 2030-35, l'Inde ne pouvait que s'inquiétait de la montée en puissance des capacités sous-marines du Bangladesh (2) et de la Thaïlande (3) d'ici à 2026 tandis que la sous-marinade indienne est sous tension pour maintenir puis augmenter son format. Cette cession montrerait que l'Inde peut aussi être un fournisseur de sécurité, bien que les limites de l'exercice apparaissent immédiatement : c'est bien la Russie qui est appelée à équiper la marine birmane en sous-marins neufs et non pas l'Inde.

 

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