La guerre navale occupe une place centrale dans l'histoire des
Etats-Unis d'Amérique. Dès l'année 1775, les treize colonies décident de
constituer une marine. Six année plus tard, cette marine en
voie de constitution ne dispose en tout et pour tout que de trois
"croiseurs".
Pour subvenir aux besoins de la guerre d'Indépendance, les insurgés
pratiquèrent la guerre de course. Plus de mille corsaires (peut être
même deux milles selon d'autres historiens) sillonnaient
les mers. L'un de leurs commandants, John Paul Jones, est
resté célèbre ; de sa base de Brest il semait la terreur jusqu'en
Ecosse. Six cents navires anglaires furent capturé, ce qui
n'empêcha nullement la Royal Navy de conserver la maîtrise des mers.
A partir de l'année 1778 les colonies recevèrent ce qui leur
manquait le plus : une aide financière et le concours d'une flotte. La
Marine Royale, c'est-à-dire la Marine du royaume de France,
apporta ce soutien décisif.
Première chose, c'est le stratégiste naval anglais Sir Julian S. Corbett qui eu raison avant l'amiral Alfred Tayor Mahan
: la bataille décisive n'est pas vérifiée dans ce
conflit tandis que l'impérative protection des communications
maritimes l'est. De cet effort pour la maîtrise des flux découle, dans
la pensée corbettienne, la mobilité nécessaire pour
projeter une force (aéro)terrestre et la débarquer sur le point
faible du dispositif adverse grâce à une maîtrise locale de la Mer.
Non pas que la bataille de la baie de Chesapeake (5 septembre 1781) n'ait pas été décisive dans l'issue du conflit, au contraire. Cependant, la victoire de la Marine royale ne permet pas de vaincre la Royal Navy tout entière. A l'opposé du théâtre principal, Suffren combat les anglais au large des Indes et y forge sa légence. Les corsaires américains permettent de disperser la marine anglaise à défaut d'apporter une contribution décisive. C'est ce combat à l'échelle de l'Océan qui forge les conditions de la victoire dans la baie de Cheseapake : la Royal Navy est dispersée, la France peut compter sur un avantage local décisif qui débouche directement sur la Victoire de Yorktown (28 septembre - 17 octobre 1781).
Non pas que la bataille de la baie de Chesapeake (5 septembre 1781) n'ait pas été décisive dans l'issue du conflit, au contraire. Cependant, la victoire de la Marine royale ne permet pas de vaincre la Royal Navy tout entière. A l'opposé du théâtre principal, Suffren combat les anglais au large des Indes et y forge sa légence. Les corsaires américains permettent de disperser la marine anglaise à défaut d'apporter une contribution décisive. C'est ce combat à l'échelle de l'Océan qui forge les conditions de la victoire dans la baie de Cheseapake : la Royal Navy est dispersée, la France peut compter sur un avantage local décisif qui débouche directement sur la Victoire de Yorktown (28 septembre - 17 octobre 1781).
Les Etats-Unis retiendront des aspects navals de ce conflit la
nécessité de fonder et entretenir une marine hauturière capable de
défendre leur commerce avec l'Europe, vital à leur développement.
La quasi guerre avec la France (1798 - 1800) et la seconde guerre
d'Indépendance (1812-1814) ne contredisent pas cette analyse dans la
construction de la puissance navale étasunienne.
Même la guerre de sécession (1861 - 1865) est dans la droite lignée
de cette pensée. Le Nord parviendra à écraser le Sud et son commerce par
sa supériorité navale.
La Confédération perd la guerre. Mais c'est bien un fait d'arme sous
la mer qui contient peut être une inflexion majeure de la politique
américaine. Le CSS Hunley, un des premiers
submersibles de l'Histoire est au service de la marine confédérée.
Le 18 février 1864, l'engin, bien que rudimentaire, "torpille" et coule
l'USS Housatronic. Le prix à payer de cette
petite révolution est lourd car navire et équipage sont perdus alors qu'ils dérobent.
Plus loin, la conquête de l'Ouest se poursuit. A la fin du XIXe
siècle, l'étendue territoriale des Etats-Unis ressemble à ce nous
connaissons aujourd'hui en Amérique du Nord. L'Etat américan
touche les deux océans Pacifique et Atlantique.
La fin du XIXe siècle concorde avec le lancement de la construction
du canal de Panama (1880, Ferdinand de Lesseps), il sera achevé en 1914.
Cet outil permettait autant de diviser par deux la
longueur de la route pour joindre les deux façades américaines que
de permettre la concentration navale américaine.
Peut être est-ce là une certaine apogée de l'hémisphère américain. Dès la Farewell adress
du président George Washington (1793-1796), l'isolationnisme américain
est en germe. Par la
suite, la doctrine Monroe (1823) proclame que les Etats-Unis
n'accepteront ni nouvelle colonisation ni nouvelle intervention
européenne dans cet hémispère. En échange de quoi, Washington ne se
mêlera pas des affaires européennes. Les bases de l'isolationnisme
sont posées et cette politique concerne pour l'essentiel les rapports
entre Ancien et Nouveau monde. Le corollaire Roosevelt (6
décembre 1904) durci cette politique : les Etats-Unis se réservent
le droit d'intervenir dans les affaires de l'hémisphère, en particulier
en Amérique latine.
Justement, la présidence de Theodore Roosevelt est aussi celle d'un
navaliste qui a dirigé le secrétariat d'Etat à la Marine (force armée
permanente depuis 1775, à la différence de l'Armée
américaine). Il est acquis au projet thalassocratique défendu par
Alfred Tayor Mahan pour les Etats-Unis. Aux environs de l'incident de
Fachoda (1898) entre la France et l'Angleterre, l'US Navy
est la seconde marine du monde. La Grande croisière blanche (16
décembre 1907 - 22 février 1909) qu'effectue les cuirassés américains le
long de la route de circumnavigation est une grande
opération de diplomatie navale pour faire connaître la chose.
© Wikipédia. L'USS Kansas navigue devant l'USS Vermont lors du départ de la flotte d'Hampton
Roads en Virginie le 16 décembre 1907.
Le parallèle est saisissant entre cette grande croisière et l'année
1775 : les Etats-Unis parviennent à lancer une grande marine amène de
défendre leur commerce dans l'Atlantique et partout où
cela sera nécessaire dans le Monde. Faut-il rappeler que le plus
veil allié des Etats-Unis n'est pas la France mais le Maroc (1777) ?
Cette alliance est l'arbre qui cache la forêt naissante des
engagements américain en Méditerranée. Ceux-ci remontent aux
premières années du XIXe siècle, à une époque où la marine américaine
était engagée dans des opérations contre les pirates
barbaresques et les Etats Nord-Africains pour défendre le commerce
et les citoyens de l'Amérique.
La première guerre mondiale a peut être été porteuse, sur le plan
naval, de deux données navales d'une importance vitale pour les
Etats-Unis.
Premièrement, la décision allemande de lancer la guerre sous-marine à
outrance dans la première bataille de l'Atlantique fait apparaître
l'importance du lien transtlantique pour les deux rives de
l'Atlantique. Le sous-marin bouleverse totalement la stratégie
navale classique, c'était une révolution que contenait, déjà, le CSS Hunley
en 1824. Il est vital pour la France et
l'Angleterre mais aussi pour les Etats-Unis dont l'économie ne
pourrait pas se remettre de la perte de l'accès aux marchés européens.
C'est toute la conséquence : les forces navales construites pour la
bataille décisive ne sont d'aucune utilité contre les sous-marins. Au
contraire, c'est une guerre des flux maritimes qui est
lancée par les allemands et il faut tout reconsidérer l'effort
naval.
Deuxièmement, la bataille du Jutland (31 mai - 1er juin 1916) devait être La bataille navale décisive et il n'en fut rien. La mer n'en resta pas moins salée.
Que se passa-t-il dans les esprits de la classe dirigeante
américaine à cet instant ? La plus grande puissance navale de tous les
temps, la Grande-Bretagne, n'est pas capable de vaincre la rivale
allemande. Celle-ci tente de se hisser au niveau de l'hégémon
britannique pour le contester et le ravir. Là où la Royal navy bat la marine française à Trafalgar (21 octobre 1805) en état
d'infériorité numérique, elle ne parvient pas à vaincre en situation de supériorité numérique.
Cela ne peut qu'intéresser à Washington qui hisse aussi sa marine au
niveau de la Royal navy. Le traité de Washington (1922) est le début de
la parité puis du dépassement naval entre Londres et
Washington.
Mais cette bataille du Jutland veut dire aussi qu'à force
plus ou moins égale cela n'amène nullement une des puissances à prendre
décisivement l'ascendant sur les mers.
Pire, la "vraie" bataille est celle de l'Atlantique et le calcul
allemand est savant : la guerre sous-marine à outrance est capable de
découpler les deux rives de l'Atlantique.
Si nous revenons à la théorie du Heartland de Harold J. Mackinder (The geographical pivot of History, 1904), la chose est encore plus compréhensible. A cette époque, le
pivot pour l'auteur britannique est l'Europe de l'Est (qui permettra le contrôle du Heartland, puis de l'Ile monde et enfin du monde). La flotte de surface américaine pourrait être
incapable d'empêcher une Allemagne hégémonique de conquérir le Heartland mais, et surtout, d'interdire l'accès à l'Europe aux Etats-Unis.
Washington en reviendrait à la situation de 1775 : la situation
pré-colombienne, c'est-à-dire avant les grandes découvertes. Washington
aurait été totalement marginalisé dans pareille situation.
Les sous-marins ont remplacé les vaisseaux de la Royal Navy.
A la lecture de l'histoire navale américaine et de la théorie de Mackinder,
nous pouvons lancer cette hypothèse : les Etats-Unis ont peut être
rompu avec l'isolationnisme au regard de
cette histoire. Washington commence à s'ingérer dans les affaires du
continent européen à partir du traité de Versailles (28 juin 1919). La
seconde bataille de l'Atlantique achève de confirmer
que le lien transtlantique peut être rompu sans que la flotte de
surface américaine, seule, puisse riposter décisivement. Dans cette
perspective, la sécurité nationale américaine impliquait aussi
de rompre avec l'isolationnisme pour empêcher une puissance
européenne de découpler croissants interne et externe.
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