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Lancement du SNLE George Washington le 9 juin 1959.
L'interview de l'historien Jesse Ferris dans Guerres et
Histoire (numéro 15 - août 2013, pp. 102-103) est intéressante à plus
d'un titre. Son objet initial est la thèse que l'historien a
développé dans son ouvrage (FERRIS Jesse, Nasser's gamble, How Intervention in Yemen Caused the Sixt-Day War and the Decline of Egyptian Power, Princeton University Presse,
356
p.). Au détour de l'interview, nous pouvons apprendre un détail
intéressant sur le jeu naval en Méditerranée pendant la Guerre froide.
La volonté soviétique de rechercher un débouché en Méditerranée
s'expliquait en grande partie par l'héritage géopolitique de la Russie.
Cette dernière ayant, depuis Pierre le Grand, au moins,
toujours recherchait l'accès aux mers chaudes (libre de glaces toute
l'année) pour contourner les ports russes bloqués par les glaces une
grande partie de l'année (la frontière Nord du
Heartland est l'océan Arctique).
Autre chose, il est impératif pour la puissance navale soviétique de
contourner les détroits turcs. La convention de Montreux garantit le
passage des navires soviétiques (hors porte-avions). Ce
qui n'empêche pas qu'ils sont dans une position de faiblesse
stratégique.
Le 9 juin 1959 le SNLE George Washington est lancé. C'est le premier navire occidental du genre. Il s'agit de cinq navires dérivés de la fameuse classe Skipjack. Armés de 16
missiles Polaris A1, ces vaisseaux noirs sont capables d'atteindre Moscou depuis la Méditerranée.
Nouveauté pour l'époque : ils peuvent lancer leurs engins en
plongée. Problème pour l'Union soviétique qui peinait déjà à suivre les
porte-avions américains qui embarquaient aussi l'arme
nucléaire (d'où le projet de sous-marins nucléaires d'attaque
soviétique de classe Alpha, un projet largement en avance sur son temps
et la construction d'une grande flotte sous-marine dès
Staline et l'après seconde guerre mondiale).
Et donc, les Etats-Unis sont en mesure d'effectuer une première
frappe sur le coeur soviétique depuis une mer qui est un véritable lac
otanien, au point que l'Italie envisage de développer des croiseurs Polaris pour l'OTAN...
Jesse Ferris relate que l'Egypte s'enfonce dans une crise
diplomatique en raison de ses difficultés militaires dans son aventure
au Yemen. Peu à peu, Le Caire se coupe diplomatiquement
des monarchies du Golfe et de ceux qui les soutiennent :
l'Angleterre et les Etats-Unis. Alors que l'Egypte de Nasser était le seul pays à réussir à obtenir des aides des deux Grands,
elle se retrouve enfermée dans un tête à tête avec l'URSS qui maintient son aide.
En 1964, Brejnev remplace Kroutchev. Ce dernier était le grand ami de Nasser, son successeur est moins disposé à la soutenir sans contrepartie. Il y a ce problème avec
la VIe flotte américaine qui patrouille en Méditerranée et protège les premiers SNLE Polaris.
Moscou presse donc Nasser de lui fournir une base navale en
Méditerranée orientale, en
Egypte ou en Syrie (bien que la République Arabe Unie soit dissoute
depuis le retrait syrien en 1961), prolongement naturel de la flotte de
la Mer Noire, pour contrebalancer la menace américaine.
Nasser est bloqué : il a évincé les Britanniques au nom de la
souveraineté égyptienne, dénigré les monarchies du Golfe pour être des
marionnettes de Londres et il ne voudrait pas apparaître comme
celle de Moscou...
C'est un nouvel échec (temporaire) pour l'Union soviétique. Staline
réclamait aux alliés une base navale dans les détroits Turcs et le
contrôle de ces détroits par les Etats de la Mer Noire. Ce
refus n'aide en rien le problème soviétique.
Finalement, en 1971, Moscou et Damas signe un accord qui accorde une base navale à l'URSS dans le port syrien de Tartous.
Finalement, en 1971, Moscou et Damas signe un accord qui accorde une base navale à l'URSS dans le port syrien de Tartous.
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