Sur le plan militaire, la Galéasse apparaît au XVIe siècle selon Philippe Masson -"De la Mer et de sa Stratégie". Ce navire hybride est la dernière évolution d'un navire plus que millénaire : la galère.
Cette tentative de conjuguer les avantages de la galère et des
précurseurs du vaisseau fera merveille dans premier temps, en
Méditerranée.
C'est
une hybridation car il s'agit d'améliorer un navire qui se fait
lentement mais surement déborder par les précurseurs du vaisseau. Sous
de multiples formes, celui-ci commence à imposer sa domination navale
aux autres utilisateurs de la mer. Les cogghe, puis les caraques, et
enfin les galions (qui sont une évolution de la caraque) menacent
définitivement le règne des galères. C'est l'artille navale portée par
ces nouveaux venus qui menacent les galères : portée latéralement, elle
accroit considérablement le nombre de bouches à feu à bord d'un navire
-ce qui offrent accessoirement de nombreuses et nouvelles possibiltiés
de manoeuvre et d'engagement.
Cette
nouvelle disposition de l'artillerie n'apporte pas une puissance de feu
théorique, mais bien réelle. Par exemple, à la bataille de Preveza
(1538), le Galion de Venise résiste à l'attaque de plusieurs galères
turques pendant une journée entière. Bien plus tard, en 1684, le
vaisseau français Le Bon, un 50 canons, commandé par le compte de
Relingue, brise pendant cinq heures l'assaut de 35 galères espagnoles.
L'historien Philippe Masson ajoute dans son ouvrage qu'un vaisseau
hollandais de 56 canons, La Licorne, sera capturé à l'abordage par six
galères sous le commandement du français La Pailleterie, en Mer du Nord.
Loin de réhabiliter la galère, cet engagement ne mettait en exergue que
l'avantage de la rame quand il n'y avait pas de vent, et l'avantage
historique d'équipages entraînés face à un équipage improvisé.
Dès
le début du XVIe siècle, la galère ne peut qu'apparaître comme menacée.
Elle est faite pour le combat singulier, et, définitivement, elle ne
pourra plus jamais (sauf exceptions) venir à bout d'un adversaire conçu
dans le Nord de l'Europe et portant une artillerie latérale.
Gênes
et Venise, les deux grandes puissance navales de la Méditerranée, se
doivent de réagir à cette remise en cause matérielle de leurs forces par
les puissances maritimes montantes du Nord de l'Europe.
Pour
parvenir à cette fin, il s'agit donc d'adapter aux galères ce qui
permettra aux vaisseaux de les supplanter définitivement : l'artillerie
navale fondée sur les canons. Depuis l'Antiquité, les galères embarquent
de l'artillerie : catapultes, balistes, divers engins incendiaires et,
enfin, des canons. Cette artille qui sert essentiellement, dans
l'Histoire, à préparer les abordages, n'est installée qu'en chasse,
c'est-à-dire à l'avant du navire. Dans cette partie se trouve de trois à
cinq bouches à feu, dont la plus grande est généralement surnommée le
coursier. Problème majeur, l'arrivée des différents navires
nord-européens introduisent une artillerie latérale. Fatalement, à
dimensions égales, le nombre de bouches à feu est bien plus importante à
bord des navires du Nord plutôt qu'à bord des galères qui se trouvent
très limitées dans l'emport de bouches à feu.
Loin d'abdiquer, la galéasse modernise considérablement son genre :
- premièrement, la coque est arrondie à la poupe comme à la proue, à la manière des cogghe. Par ce biais une meilleure tenue à la mer est recherchée.
- Deuxièmement, le navire est plus haut sur l'eau, ce qui s'accompagne d'un tirant d'eau augmenté.
- Troisièmement, des châteaux sont érigés à l'avant et à l'arrière du navire, à la manière des carraques. Il En ce qui concerne le château arrière, la domination de l'adversaire par la hauteur est recherchée car la guerre sur mer est encore une guerre terrestre où s'affronte des forteresses flottantes. Et donc, l'avantage va aux archers et aux arbalétriers plus hauts sur l'eau que leurs adversaires. Mais surtout, le château avant sert essentiellement à porter une artillerie nombreuse, en plus de celle qui est généralement installée en chasse.
- Quatrièmement : installation d'une artillerie navale dans les flancs du navire. C'est là le principal apport des navires du nord qui tranchent foncièrement de la galère par cette artillerie latérale.
Cependant,
la Galéasse ne s'émancipe peut être pas suffisamment de la galère. Elle
garde une propulsion à deux modes, ce qui semble indiqué pour les mers
étroites et fermées sans vents ni courants dominants. Ce qui peut
surprendre, surtout, c'est que le navire conserve un éperon. Le fait de
porter cet arme n'était peut être pas une tradition très coûteuse. Mais
cela relève une ambivalence dans l'utilisation militaire de la galéasse :
ses concepteurs ne choisirent pas entre le choc et le feu.
Choix d'autant plus dommageable car la galéasse semble taillée pour le feu, justement. De facto, dès la mise à l'eau des galéasses, il y a un distingo à faire entre deux guerres navales :
- la guerre navale héritée de l'Antiquité où un ensemble de plateformes navales manoeuvrent pour aller chercher le choc entre elles, et donc l'abordage. Souvent, la manoeuvre des galères, et d'autres navires, est semblable aux manoeuvres terrestres. En mer, il y eu également un centre encadré par deux ailes. Ce qui revient à dire que le combat entre navires ou entre équipages semble être une transposition de ce qui se fait à terre.
- La guerre navale qui émerge grâce aux navires du Nord de l'Europe (caraque, galion, vaisseau) où le nombre de points de comparaison avec la guerre terrestre va tendre à disparaître au fil des siècles. L'abordage devient une méthode de combat tout à fait secondaire. C'est le feu qui domine, et l'on manoeuvre moins pour aborder le navire adverse afin d'aller en décimer l'équipage plutôt que pour immobiliser, voir pour le détruire. Sa destruction mettra quelques siècles à devenir un objectif préférable à sa capture.
A
la bataille de Lépante (1571), c'est par l'utilisation du feu que la
galéasse fera merveille. Il y aura à cette bataille la distinction entre
le navire du feu, la galéasse, et celui du choc, de la mêlée, la
galère.
En
tout les cas, la création de la galéasse permet de renouveler
intelligemment la galère en transposant les avancées de l'artillerie
navale provantn des puissances navales montantes du Nord de l'Europe. La
conservation des deux modes de propulsion de la galère permet aussi de
conserver à cette hybridation, pendant un temps, des capacités
manoeuvrières supérieures. Cependant, l'hybride ne prendra pas quand il
s'aventurera dans des milieux qui ne sont pas les siens. Bien malheureux
seront ceux qui feront quitter la galéasse de la Méditerranée pour
l'emener affronter les caraques, galions et autres vaisseaux sur un
terrain pour lequel ils ont été conçus. L'hybride n'était conçu que pour
son milieu. En dehors, il était obsolète, et pire, il était moins bon
que l'un (la galère) ou l'autre (caraque, galion) de ses parents. Dans
l'Océan, la galéasse cumulait les défauts et perdait ses avantages.
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