© Inconnu.
Il
y a deux choses qui doivent conduire à considérer, d'une part, ce qu'il
adviendra du système Harfang, et d'autre part, si une base mobile
pouvait lui permettre de gommer une partie de ses obsolescences
actuelles, comme celles qui sont liées à son autonomie trop légère par
rapport à des drones MALE plus lourds.
Premièrement,
il peut être bon de glisser quelques pistes sur l'origine du programme
SIDM (Système Intérimaire de Drones MALE). Ce système devait être
l'école d'apprentissage, aussi bien pour les opérationnels que pour
l'industriel retenu dans le cadre du programme EuroMALE. Ce programme lancé en 2002 ou 2004 en France avait donc deux volets :
- le système intérimaire,
- et un futur "drone MALE durable".
Le
premier devait quitter le service en 2010, année où le second devait
lui prendre son service. Ce qui s'est plutôt passé, c'est que le système
intérimaire a pris son service en 2010 et que le drone MALE durable a
connu quelques viscitudes. Le SIDM emprunte la plateforme israélienne Eagle One et l'EuroMALE devait emprunter Eagle 2
: le Héron TP. A l'heure actuelle, la seule chose qui change c'est que
ce drone israélien ne doit plus devenir la base du système EuroMALE mais
bien servir de base à un second système intérimaire. Celui-ci
disposerait de tout ou partie des capacités visées par EuroMALE. L'autre
nouveauté, c'est l'entrée en piste d'un compétiteur américain, le Reaper de General Dynamics, pour ce SDIM 2.
Deuxièmement,
le système Harfang n'était qu'une sorte de laboratoire volant qui
n'avait pas pour vocation à devenir une capacité opérationnelle de
l'Armée de l'Air au service des Armées. Force est de constater que ce
soit au-dessus du sol national, en Afghanistan et en Libye, ce système a pu devenir opérationnel et rendre de grands services :
- "Pourtant, plus de deux ans après sa mise en service, les chiffres parlent d'eux-mêmes: plus de 6.000 heures de vol ont été accumulées par les quatre vecteurs aériens Harfang, dont une écrasante majorité en zone de conflit. Déployé en Afghanistan, sur la base de Bagram, depuis février 2009, le Harfang y aurait accumulé pas moins de 4.250 heures de vol au cours de 511 missions. Ces chiffres, arrêtés au 18 septembre, ont été révélés mercredi par Cassidian, la division d'EADS responsable du programme".
- "Opérationnel depuis le 24 août sur la base sicilienne de Sigonella, le Harfang participe régulièrement à la surveillance du territoire libyen. L'unique vecteur déployé en Sicile a réalisé 11 missions en date du 18 septembre, accumulant ainsi 179 heures de vol. Du 18 au 27 mai dernier, un drone a également participé, depuis la base aérienne 105 d'Evreux , à la surveillance du G8 de Deauville - évènement au cours duquel 62 heures de vol ont été réalisées".
Troisièmement,
il y a ce premier système intérimaire qui, en l'état actuel des choses
et des décisions, ne risque pas de demeurer en service car son contrat
de MCO (Maintient en Condition Opérationnelle) arrive à échéance en
2013.
Quatrièmement, le système Harfang serait trop court sur patte. Par exemple, le numéro 26 de "Penser les Ailes Françaises" du CESA (Centre d'Etudes Stratégiques Aérospatiales) transpose les actes du colloque du 2 mai 2011 : "Du drone armé à l'UCAV : évolution ou rupture ?". Page 136 de la revue, il est possible de lire le témoignage du sénateur Jacques Gautier, membre de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces Armées du Sénat. Le sénateur s'attache à présenter, en 2011, les avantages et inconvénients des deux solutions d'alors pour prendre la suite du système Harfang : soit ce qu'il nommait le "Harfang NG", soit le Reaper. Il est à noter que la solution de la francisation du Héron TP/Eagle 2/Volitgeur par Dassault Aviation n'était pas encore dans l'air. Ce qui est très intéressant, c'est le graphique proposée par le sénateur Gautier. Une tentative de reproduction de ce graphique vous est proposé :
Le sénateur nous permettait donc de vérifier qu'un drone de la classe des 4 tonnes (Reaper) avait manifestement une autonomie supérieure à un autre qui est de la classe des 1 tonne (Harfang).
Ce
qui est parfaitement surprenant, c'est qu'il n'y aurait qu'à liquider
l'expérience du système Harfang, notamment car il a une autonomie trop
faible... Alors que ce graphique contient de manière implicite l'une des
solutions possibles pour éviter de dilapider ce capital, sans même le
passer par pertes et profits ! Quelle est l'une des caractéristiques
majeures de l'opération Harmattan ? C'est que pendant cette opération
militaire française, toute la puissance aérienne française est
intervenue : Armée de l'Air, Aviation navale et Aviation Légère de
l'Armée de Terre. Cette dernière est exclusivement intervenue depuis les
Bâtiments de Projection et de Commandement (BPC) Mistral et Tonnerre de
la Marine nationale. Est-ce que les seules voilures tournantes de
l'ALAT devraient intervenir depuis les ponts d'envol des BPC ?
Il y aurait deux manières de répondre au manque d'autonomie du système Harfang :
- le ravitailler en vol via un aéronef ayant un profil de vol compatible avec le drone,
- le déployer au plus près du théâtre, comme par exemple depuis un BPC.
Ces
deux solutions imposent le recours à un programme d'études amonts et
des études opérationnelles et technico-opérationnelles. Le
ravitaillement aérien des drones aériens s'imposera comme une technique à
maîtriser dans la mesure de leur prolifération au sein des Armées. Mais
la faculté d'opérer des drones à voilure fixe à bord des ponts plats de
la Marine nationale semble être une priorité primaire par rapport à
l'autre capacité qui ne peut être que secondaire (ne pas mettre la
charrue avant les boeufs : d'abord les drones, après les interactions
entre aéronefs).
Le
développement des solutions permettant d'opérer des drones à voilure
tournante à bord des navires de la Marine est en cours. Il y a
premièrement le drone école Camcopter S-100 de Schiebel qui a été le
premier hélidrone à opérer automatiquement depuis un navire, la frégate
Montcalm en l'occurence, en 2008 : c'était une première mondiale,
ce qui démontrer que les retards constatés dans la maîtrise et le
développement de systèmes de drones est tout sauf une fatalité. Mais il y
aussi les essais et études (programme D2AD) de la DGA et de Thales avec le drone américain AH-6U qui se déroulent actuellement aux Etats-Unis, comme travaux préalables au programme SDAM.
La
Marine est donc particulièrement en pointe dans la matière des drones à
voilure tournante. La prochaine étape, ce sont les drones à voilure
fixe car les avantages (qui surpasseraient les inconvénients) accordés
aux drones MALE et UCAV imposent de réfléchir à leur utilisation par et
depuis des plateformes navales.
Dans cette optique, il y a deux ou trois grands avantages à extirper de la situation actuelle :
- il y a un système de drones MALE, le système Harfang, qui va être abandonné par son actuel utilisateur... si quelque chose d'autre -qu'une prolongation et modernisation de ce système- est obtenue. C'est un système école, il a vocation à le demeurer.
- Il y a les travaux de l'industriel Sagem en matière de drone MALE, le Patroller, dont les derniers développements pour dotés cet engin de capacités de surveillance maritime.
- La coopération franco-américaine en matière de drones, par exemple, semble excellente, et il y a les travaux en cours de réalisation sur le drone X-47B pour qu'ils puissent réussir à apponter et être catapulté depuis le porte-avions Theodore Roosevelt.
Il
ne serait pas illogique que le système Harfang puisse servir dans les
prochaines années à préparer l'un ou l'autre des deux systèmes de drones
pressentis pour devenir essentiels aux Armées (les MALE et UCAV).
Le programme SDAM (Système de Drone Aérien de la Marine)
est la déclinaison navale du programme mené plus ou moins conjointement
avec l'Armée de Terre (Système de Drone Tactique). A l'heure actuelle,
l'Armée de Terre priviligierait plutôt le développement d'un nouveau
drone tactique à voilure fixe pour remplacer les SDTI : l'heureux élu
serait le Watchkeeper de Thales. Ce drone serait acquis dans le
prolongement de l'acquisition anglaise, afin d'avoir quelques éléments
d'interopérabilités avec la British Army en vue de la création d'une force expéditionnaire franco-anglaise (traités du 2 novembre 2010).
Alors,
ne serait-il pas d'un grand bénéfice pour la Marine et l'Armée de Terre
que de coopérer sur une reprise commune du système Harfang ?
- l'Armée de Terre pourrait se rôder à l'utilisation d'un système MALE de la classe des 1 tonne en attendant de recevoir un jour ses nouveaux drones tactiques aux caractéristiques comparables (un poids de 4 à 500 kg de masse maximale au décollage et l'impérieuse nécessité de recourir à une piste en dur).
- La Marine nationale pourrait elle aussi se faire
la main sur un système de drones MALE, ce qui lui ouvre deux
possibilités de pratiques opérationnelles pour préparer l'avenir :
- tenter d'opérer le système Harfang depuis un BPC,
- tester l'intérêt d'un système de drones MALE pour la surveillance maritime avec le programme AVSIMAR dans le viseur.
- L'apprentissage de la mise en oeuvre de drones à voilure fixe depuis une plateforme navale bénéficierait aux programmes de drones MALE et d'UCAV.
Une
grande partie de ces suppositions repose sur les capacités intrinsèques
du vecteur du système Harfang à supporter un appontage. Si jamais cela
été possible, alors il y aurait un très grand intérêt opérationnel à
réussir à opérer le système Harfang depuis les BPC. Depuis que la
campagne Jeanne d'Arc prend place à bord d'un BPC chaque année, cela
s'accompagne presque systèmatiquement de l'embarquement d'un pion de
manoeuvrer aéroamphibie de l'Armée de Terre. Il s'agirait de déplacer ce
pion de manœuvre le long de l'arc de crises, zone où le BPC en mission
Jeanne d'Arc navigue désormais.
Donc, au final, confier le système de drones MALE Harfang à l'Aviation navale et l'Armée de Terre serait investir sur l'avenir, mais surtout, ce serait sur la période 2012-2020 permettre à la mission Jeanne d'Arc de disposer d'une capacité jugée essentielle aujourd'hui pour mener des opérations. La présence d'un drone MALE en accompagnement des soldats de l'Armée de Terre n'aurait-il pas été un avantage pour les opérations dans le Sahara, en Côte d'Ivoire, dans la Corne de l'Afrique ou pendant l'opération Harmattan ?
Donc, au final, confier le système de drones MALE Harfang à l'Aviation navale et l'Armée de Terre serait investir sur l'avenir, mais surtout, ce serait sur la période 2012-2020 permettre à la mission Jeanne d'Arc de disposer d'une capacité jugée essentielle aujourd'hui pour mener des opérations. La présence d'un drone MALE en accompagnement des soldats de l'Armée de Terre n'aurait-il pas été un avantage pour les opérations dans le Sahara, en Côte d'Ivoire, dans la Corne de l'Afrique ou pendant l'opération Harmattan ?
Le
système Harfang a peut être encore une décennie de services à rendre
avant de passer le relais, à l'horizon de l'année 2020, au système de
drones MALE durable qui doit alors entrer en service opérationnelle : le
fameux EuroMALE qui aura été attendu depuis 2010.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire