Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





03 janvier 2013

Vers un renouveau des moyens amphibies ? -1/2


Lycéen intéressé depuis toujours par les questions militaires, Frost a eu un jour l’occasion de commenter un article du Marquis de Seignelay (Le Fauteuil de Colbert) sur la logistique navale ; ce billet en deux parties est le développement de sa réflexion à partir de cette idée.

Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, les Alliés débarquaient sur les plages de Normandie. La flotte qui permit de réaliser ce qui fut et est toujours considéré comme la plus grande opération amphibie de tous les temps comportait 6939 navires, dont 4126 navires de transport et 1600 navires de soutien.

Si aujourd’hui les grands débarquements de ce type ne sont plus à l’ordre du jour, la composante amphibie d’une marine est toujours considérée comme un important vecteur de force, à l’image du groupe aéronaval. De ce point de vue-là, la France dispose de capacités confortables avec les BPC Mistral, Tonnerre et Dixmude et dans une moindre mesure le TCD Siroco. Je dis dans une moindre mesure, car si ses capacités d’emport en véhicules sont supérieures (il embarque près d’une centaine de véhicules dont une vingtaine de chars lourds contre près de soixante véhicules et treize AMX-Leclerc pour le Mistral et ses sister-ships) et ce malgré un tonnage inférieur de moitié, le Mistral est bien mieux pourvu au niveau aéronautique (capacité d’accueil de 16 hélicoptères et 6 spots de décollage, contre 4 spots et un hangar pour 4 hélicoptères sur le Siroco), ainsi que pour les fonctions de commandement et de centre de soins.

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© Ministère de la Défense. Le PC du Mistral.

Cependant, on peut s’interroger sur la pertinence pour la Marine Nationale d’avoir un 4e BPC (le Livre Blanc de 2008 dit la chose suivante: « En outre, elle [la Marine] renforcera ses moyens de déploiement naval et d’action amphibie à l’occasion du renouvellement des bâtiments, en se dotant de quatre bâtiments de projection et de commandement »). Pourquoi donc ? Plusieurs raisons à cela : • un 4e BPC n’apporterait aucun avantage significatif au niveau de la projection. Par exemple, est-il utile de disposer de 4 centres de commandement, gâchant ainsi 850 mètres carrés qui seraient mieux employés à transporter plus de troupes ou plus de matériels ?

• les installations aéronautiques paraissent elles aussi un peu surdimensionnées, en regard du nombre d’appareils de L’ALAT. Si 3 BPC étaient utilisés au maximum de leurs capacités aéronautiques, ils monopoliseraient plus du tiers du parc de NH-90 et plus du quart du parc de Tigres (si l’on excepte les éventuelles réductions de commandes ou mises sous cocon)

• toujours dans cette optique de comparaison avec un TCD, les deux navires ont la même capacité d’emport de troupes (de 450 à 500 hommes), même si le Siroco est moitié moins volumineux. Ne vaudrait donc-t-il pas mieux réduire un peu certaines capacités propres au BPC, pour concevoir un navire plus polyvalent (en fait la fusion des TCD et des BPC) ?

Un autre format possible

C’est bien la pensée de Benoist Bihan, rédacteur de la revue Histoire et Stratégie, qui, dans le DSI hors-série sur la maritimisation, disait : « la densification des capacités amphibies [...]: une structure à 3 BPC plus 3 « BPC moins » délaissant Hôpital et PC pour une capacité d’emport en troupes et matériels supplémentaire, destinés à opérer en binôme avec les premiers, serait à terme sans doute plus performante qu’une structure à 4 BPC ».

Il s’agit de sacrifier les capacités n’ayant pas besoin d’être doubles au sein d’une même escadre (Poste de Commandement et Hôpital) ou celles qui, au vu de la situation de l’armée de Terre, paraissent inutiles (l’emport en hélicoptères), au profit d’autres capacités plus ou moins abandonnées avec le retrait des TCD (une plus forte quantité de véhicules et de troupes qui, pour l’instant, demeurent assez nombreux dans la Grande Muette).

Cependant cette proposition n’est à mon sens pas exempte de défauts : par exemple, le dernier DSI insiste lourdement sur la réduction des effectifs de l’armée de terre. Il faudrait donc peut-être réduire le volume de troupes embarquées au profit d’un meilleur soutien pour ces dernières (échanger de l’espace pour du temps, soit réduire les effectifs pour les amener à durer dans le temps). Ce sera l’objet d’un prochain point.

La proposition de Benoist Bihan basée sur 3 BPC-moins ou encore 3 TCD NG (Nouvelle Génération) opérant en binôme avec les 3 BPC classiques permettrait donc de former 3 groupes amphibies. Cette proposition est intéressante car elle rassemble de grandes unités amphibies qui se soutiennent mutuellement (on retrouve bien ici la sempiternelle expression «le tout est plus que la somme des parties»).

Trop de porte-hélicoptères et pas assez de bâtiments de débarquement ?

Si l’on compare nos capacités avec celles d’autres pays européens :
• la Grande-Bretagne dispose d’un LPH (Porte-Hélicoptère d’Assaut) l’HMS Ocean, qui serait l’équivalent de nos BPC, et de 5 LPD (Transport de Chalands de Débarquement) 2 classe Albion et 3 classe Bay, tous plus grands que leurs équivalents français de classe Foudre ;
• l’Italie a, en plus de son navire amiral le Cavour (LHA : Porte Hélicoptère d’Assaut apte à la mise en œuvre d’appareils STOVL), 3 LST (Bâtiments de Débarquement de Chars) moitié moins grands que le Siroco ;
• l’Espagne possède elle aussi un LHA : le Juan Carlos et 2 Transport de Chalands de Débarquement de taille similaire aux LPD français.

On voit donc bien que le «tout LHD» n’a été adopté par aucun pays européen. C’est une chose logique, car la doctrine classique en matière de guerre amphibie est d’avoir un navire doté d’un pont plat (porte-avion, LHA, ou LHD) qui soit apte à la mise en œuvre d’aéronefs ou d’hélicoptères de combat. Son rôle est de soutenir le débarquement, en étant à la fois PC, hôpital et appui-feu.

Les autres bâtiments (l’escorte mise à part) sont des LPD, des LSD ou des LST. Ils sont les clefs de voûte de l’opération, en concentrant hommes et matériels. La structure française apparaît donc déséquilibrée. La presse spécialisée ne s’y trompe pas : DSI soulignait récemment que « LSD et LPD sont les compléments indispensables aux porte-hélicoptères amphibies, une leçon que plusieurs marines européennes négligent ».

Avons-nous donc raison seuls contre tous ?

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© Global Security.
Expeditionary Strike Group 3
, une des Marine Expeditionary Unit.

L’exemple en la matière est américain, ci-dessus un Marine Expeditionary Unit (Groupe amphibie américain) typique : un LHD classe Wasp, un LSD classe Harpers Ferry et un LPD classe Austin. Les Américains disposent d’un outil efficace et bien rodé. Certes, il y a une différence notable au niveau du budget et les LHD sont sans doute le meilleur compromis pour une marine ne pouvant se payer qu’un type de bâtiment. Ils permettent à la France d’être un des pays les plus capables en termes de capacités amphibies, un peu comme l’aéronavale où les Français restent parmi les meilleurs au monde (en fait deuxièmes derrière l’US Navy). Toutefois, l’absence de LPD/LST déséquilibre les capacités de projection françaises.

Un possible recoupement avec la flotte logistique ?

Un groupe amphibie a des besoins logistiques et est donc traditionnellement constitué de bâtiments d’escorte, du ou des navires principaux mais aussi de navires de soutien. Les seuls navires de soutien encore utilisés par la Marine Nationale de nos jours sont les pétroliers ravitailleurs de classe Durance, mis en service entre 1980 et 1990. Leur remplacement est actuellement engagé et le favori pour ce programme est le concept BRAVE de DCNS. D’après le site Mer et Marine, « les futurs navires français doivent non seulement remplacer le PR et les BCR, mais également compenser le désarmement, en 2009, du bâtiment de soutien mobile Loire et du bâtiment atelier Jules Verne. Le nouveau BL devra donc être à même de disposer de locaux aptes à effectuer des réparations.»

Mais de nombreux autres bâtiments de soutien étaient encore usités il y a peu par la Marine :
Le Rhin, le Rhône, la Rance, la Garonne et la Loire précédemment citée. Ces cinq navires forment les Bâtiments de Soutien Mobile (BSM).

C’est donc bien une perte de capacité car les 4 BRAVE devront remplacer les 4 pétroliers ravitailleurs classe Durance (5 construits mais le plus ancien cédé à la marine chilienne), le Bâtiment-Atelier Jules Verne et les 5 BSM. La France n’aura donc plus d’ateliers hauturiers dédiés (les Américains en ont même pour leurs SSGN). Certes les BRAVE seront polyvalents, auront une meilleure disponibilité et seront plus gros, ce qui permettra de loger plus de personnels et d’équipements, mais il n‘auront sûrement pas le don d’ubiquité (on parle quand même de remplacer 11 navires par 4).

Si on se base sur une disponibilité de 66%, on a en permanence à la mer 2 BPC ; 2,6 BRAVE ; 0,6 PA et 0,6 TCD. Soit à peu près 2,5 navires de soutien pour 3 groupes (amphibies ou aéronavals) potentiels. Et ce sans compter que, parfois, les BCR (Bâtiments de Commandement et de Ravitaillement) sont utilisés seuls (la Marne était la participation française avec la frégate Aconit à l’opération européenne Atalante). On peut bien sûr regrouper des navires (2 BPC ou 1 TCD et 1 BPC par exemple), mais ce n’est pas la solution optimale en matière de souplesse d’utilisation.

Par contre, s’il était possible de regrouper les fonctions de navire atelier, de navire ravitailleur et de TCD auxiliaire en un seul bâtiment, il fournirait un soutien très appréciable au groupe amphibie de par ses capacités logistiques, tout en étant un multiplicateur de force au niveau de la projection. Dans une configuration en solitaire, ses ateliers et entrepôts permettraient à un ou deux SGTIA de durer à la mer, les moyens de débarquement/aéroportés permettant d’apporter les consommables nécessaires à la mission (soutenir deux SGTIA prépositionnés dans le Golfe de Guinée dans le cadre de la mission Corymbe, par exemple).

La Marine garderait des ravitailleurs «classiques» (comme le BRAVE) pour le soutien du ou des GAN et commanderait des bâtiments logistiques/de projection destinés à opérer en binôme avec les 3 BPC.

Enfin, la construction rapide de ces trois ou quatre navires, de surcroît reprenant la base éprouvée du BPC, pourrait sans doute raisonnablement se faire avec les fonds prévus pour le BPC 4 et un ou deux BRAVE (avec donc des économies d’échelle à la clef).

La question de l’escorte

Les BPC sont traditionnellement accompagnés d’une frégate, souvent de classe Georges Leygues.

Or le nouveau groupe amphibie comprend deux vecteurs de force. Vu l’absence totale d’autoprotection des BPC, leur construction aux normes civiles et la quantité de matériels coûteux qu’ils transportent, on peut supposer qu’une seule frégate ne suffira pas à la protection de tout le groupe.

Il est de notoriété publique que le nombre et l’équipement des frégates de la Marine Nationale sont insuffisantes au vu des missions qui leurs sont allouées. Le format prévu pour 2020 consiste en effet en :
– deux frégates de défense aérienne classe Horizon
– deux frégates anti-aériennes de classe Cassard, remplacées plus tard par deux FREDA
– neuf frégates de lutte anti-sous-marine de classe Tourville et Georges Leygues remplacées progressivement par les FREMM ASM.
– cinq frégates furtives de classe La Fayette.

Tous ces bâtiments doivent assurer des missions aussi diverses et nombreuses que la protection de la FOST, des groupes aéronavals, amphibies et de guerre des mines, la patrouille dans la ZEE ou encore la représentation à l’étranger et ce, sans compter les périodes d’entretien et de modernisation. Si le programme NCF comprend un volet sous-marin classique, on pourra peut-être se permettre de ne plus baser que trois frégates (donc deux en permanence) ASM à Brest. Il en faut 4 pour la protection des GAN, il nous en reste donc deux.

De plus, si les futurs PA2 et 3 sont équipés d’Aster 15 comme le CDG, les deux Horizons pourraient suffire pour les groupes aéronavals. Il resterait là aussi deux FREDA. L’idéal serait peut-être de commander une frégate ASM et une FREDA supplémentaires pour pouvoir en poster une par groupe amphibie. Si, en plus, les FREDA sont aptes à la lutte antibalistique, on pourrait distinguer deux échelons de protection : le premier en temps de paix avec seulement la frégate ASM (les FREDA sont alors utilisées en tant que piquet antibalistique dans le cadre du bouclier anti-missiles européen) ; le second en temps de guerre, où cette dernière vient renforcer le groupe amphibie en lui procurant une protection antiaérienne supplémentaire.

http://alliancegeostrategique.org/wp-content/uploads/2013/01/FREMM_ER.jpgLa FREMM ER – crédits : DCNS.

Le cas du TCD Siroco

Celui-ci serai plutôt basé à Djibouti où, après quelques transformations, il serait utilisé en Bâtiment-Base de la Flotte de l’Océan Indien, avec pourquoi pas, entre une et trois frégates La Fayette pour servir d’escorte. Les quelques transformations seraient par exemple une réduction du radier, l’installation de réservoirs de carburant et de portiques de ravitaillement pour donner des capacités additionnelles de support logistique. Il y aurait également, parmi les transformations, l’installation d’un Poste de Commandement identique à celui des BPC à l’exemple de l’USS Ponce.


3 ou 4 exemplaires de ce navire, associés aux 3 BPC, permettraient de former autant de groupes amphibies autonomes sur le plan logistique.
Avec les deux pétroliers-ravitailleurs classiques type BRAVE, ils permettraient de remplacer les 4 pétroliers-ravitailleurs classe Durance, le 4e BPC et le Bâtiment-Atelier Jules Verne.
(partie 1/2 – à suivre)

Le Fauteuil de Colbert tient à remercier Frost de nous faire part de sa réflexion et est bien content de le voir publier ici, mais surtout sur le portail de  l'Alliance Géostratégique. Mais également, je remercie vivement Clarisse, la présidente d'AGS, pour l'aide apportée pour la publication du billet, qu'elle soit remerciée encore une fois.

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