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Par 472 voix contre 117, la Chambre des communes du Parlement du Royaume-Uni s'est prononcée hier soir (un résultat annoncé à 22h15, heure locale) pour le renouvellement de la dissuasion océanique. Écartant une surprise stratégique de taille comme une sortie ou une demi-sortie du nucléaire militaire, le choix de Londres ne constitue pas une décision entière.
Une fois n'est pas coutume, le ministère de la Défense outre-Manche s'est donné la peine de communiquer régulièrement sur les SSBN (Sub-Surface Ballistic Nuclear) de Sa Majesté. Un dossier était régulièrement mis en avant via un tweet sponsorisé, ainsi que quelques autres documents. Preuve s'il en était de la position assumée et appuyée de la direction politique autant sous le ministère de David Cameron que celui de Theresa May.
Notons que dans cette information à destination des masses de Twitter, un focus particulier était proposé sur l'impact du programme en faveur de l'Écosse, à l'instar d'autres programmes navals.
C'était un vote très attendu depuis le résultat du référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Le coût financier n'est pas indolore, il était légitime de se demander si le programme Successor, ainsi que le périmètre budgétaire de la Défense, aurait pu servir de variable d'ajustement. Les SNLE seront bel et bien renouvelés à hauteur de quatre bateaux.
L'affaire est loin d'être terminée, malgré ce quasi plébiscite en faveur du nucléaire militaire comme pierre angulaire de la défense nationale d'Albion.
Premièrement, le "débat constitutionnel" agitant les îles britanniques est parti pour être relancé par les Écossais mais également les Irlandais de l'Ulster ainsi que les Anglais. Les premiers mettent en avant un référendum pour demeurer dans l'Union européenne et sont historiquement contre la base de Faslane où devait être concentrée l'ensemble de la sous-marinade britannique.
Deuxièmement, une partie de la classe politique britannique s'inquiète de la capacité de l'industrie navale à respecter les 30 milliards de livres allouées à ce programme. Le programme Astute a dépassé son devis initial d'au moins deux milliards de livres. C'était la conséquence d'une période trop longue sans tonnage de sous-marin à construire entre les Vanguard et les Astute. La septième SSN (Ship Submersible Nuclear) de cette classe devrait être mis en service en 2024 tandis que le premier Successor ne connaîtrait son élément qu'à partir de la décennie 2030.
Troisièmement, les vaisseaux noirs à propulsion nucléaire de la Royal Navy ne sont pas étranger à une série d'incidents nucléaires touchant, notamment et surtout, à leur réacteur nucléaire. Sans compter quelques incidents nautiques assez embarrassant. Aussi bien la crédibilité opérationnelle que la sûreté nucléaire seront jugés extrêmement sévèrement, en particulier s'il fallait conserver une base en Écosse ou la déplacer sur la côte Sud de l'Angleterre, par exemple.
Dans une perspective géostratégique plus large, c'est une certaine remontée en puissance qui servira le rang nucléaire britannique. L'acquisition de neuf P-8 Poseidon est signée ainsi que le renouvellement des quatre SNLE britanniques. Au Royaume-Uni comme en France, la dissuasion océanique absorbera une part significative des moyens de lutte anti-sous-marine (huit frégates ASM de chaque côté de l'English Channel, 15 Atlantique 2 et 9 Poseidon, 6 Suffren et 7 Astute).
Il n'est pas envisageable de mutualiser la conception, la production ou encore l'entretien des SNLE français et anglais, dans la mesure où ceux des britanniques sont indexés sur les normes américaines (le CMC, le Trident 2D5 life extension program et son successeur, etc). Notons que les Britanniques semblent assumer un coût financier pour des SSBN COTS plus conséquents que celui consenti par la France pour développer ses propres matériels.
Par contre, il peut toujours être intéressant de poser la question d'une mutualisation de la charge opérationnelle liée à la protection des SNLE de chacune des deux Royales. Le programme de chasseurs de mines gagnerait à aller à son terme dans le cadre d'une coopération étroite. Rappelons que les Chasseurs de Mines Triparties avait bénéficier d'une coopération trilatérale (Belgique, France et Hollande) jusque dans des modernisations successives communes. Les différents appels britanniques à la solidarité otannienne en matière d'avions de patrouille maritime et la confirmation de la coopération militaire franco-britannique constituent un creuset conséquent pour approfondir une mutualisation profitable aux deux parties.
Paris peut souffler face à ce choix britannique. Le nucléaire militaire en France fait face à des presses internes mais également externes. L'Allemagne ne cesse de rechercher la parité avec la France, et ne pouvant (presque) pas obtenir l'arme nucléaire (par un développement sur son sol), Berlin ne désespère pas de voir la France se désarmer sur ce plan. C'est pourquoi il est plus simple pour Paris de voir Londres conserver son rang nucléaire et l'OTAN ses armes nucléaires tactiques.
Entre parenthèses, observons que Londres comme Paris est dans une position assez attentiste par rapport aux défenses anti-missiles balistiques. Ces dernières peuvent, selon certains périmètres opérationnels, être présentées comme une alternative à la dissuasion. Le Royaume-Uni ne s'est pas engagé en faveur du SM-3, contrairement à des marines européennes ou asiatiques l'ayant ou voulant l'acquérir.
Et même si la France conservait, malgré les pressions internes et externes, le nucléaire militaire comme la clefs de voûte de sa Défense nationale, il n'est pas certain qu'elle consente à assumer les conséquences stratégiques d'un retrait de l'un (Londres) ou l'autre (l'OTAN) du jeu nucléaire européen. Paris demeure assez loin d'une hausse significative de son budget militaire s'il fallait croire les différentes déclarations à ce sujet.
Enfin, le programme SN3G (SNLE de 3e Génération) vogue bon gré, mal gré en France. Le large plébiscite à la dissuasion océanique ne manquera pas d'alimenter les débats français, même dans l'environnement de la dissuasion quant au nombre de frégates et de sous-marins, ou encore vis-à-vis des capacités industrielles car les entreprises françaises risquent la dislocation, en particulier en cas d'un nouveau succès après l'Australie, en particulier en Norvège.
P.S. : Depuis 2013, cette illustration de ce à quoi pourrait ressembler les Successor est diffusé par BAE System. Pourquoi donc, en France, aussi bien la FTI que le SN3G sont des bateaux invisibles ?!
Bon résumé, toutefois le missile SM-3 est une munition destinée au système AEGIS dont la royal navy n'est pas équipé. Faire le choix de l'acquisition de 6 destroyer PAAMS pour rétropédaller 5 ans après en les convertissant en destroyer AEGIS (en admettant que ce soit possible)aurait pour le moins été curieux.
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