Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





02 décembre 2016

Les évènements d’Athènes de décembre 1916

© Archives privées - DR. Le vice-amiral Lacaze en 1917.
L'Amiral Benoit Chomel de Jarnieu, en plus de nous avoir offert un entretien, nous fait l'honneur de commettre ce billet. Ne ménageant pas ses efforts au service de la stratégie navale théorique, il réédite (La cambuse des introuvables) des ouvrages fondateurs du genre comme, par exemple,  Le grand état major naval (Raoul Castex, 1909) ou Les enseignements maritimes de la guerre anti-germanique (René Davenuy, 1919).

Cent ans exactement depuis le massacre de marins français dans les rues d’Athènes ! Au-delà des drames individuels, l’évènement allait ouvrir une crise politico-militaire majeure dans la Marine tout autant que dans le gouvernement. Certes, on est bien loin des hécatombes vécues par les armées sur tous les fronts dans cette Grande guerre mais le guet-apens dans lequel tombèrent les marins français fut vécu comme une double trahison : trahison de la Grèce envers ses engagements, trahison du gouvernement français envers l’Armée navale.

Souvenons-nous : lors de ces journées du 1 et 2 décembre 1916, un corps de débarquement de l’armée navale française tombe dans un guet-apens sanglant sur la colline du Zappéion à Athènes. Ce qui, au départ, ne devait être qu’une démonstration convenue entre les Parties en présence tourne au cauchemar : cinquante-quatre marins y laissent la vie, cent-trente-quatre sont blessés sans que pour autant la France n’ait pour autant fait valoir ses vues.

La France, et ses Alliés, tentaient depuis des mois, avec difficulté, de faire ranger la Grèce à leurs côtés dans le conflit mais Constantin, roi de Grèce et beau-frère du Kaiser, conforté par une partie de son opinion publique, tergiversait malgré son premier ministre Vénizélos pro-Alliés. Il fallait exercer une pression sur le gouvernement grec et, dès août 1916, le commandant en chef de l’armée navale, le vice-amiral Dartige du Fournet, reçut ordre d’exiger du pouvoir grec le contrôle des communications postales et télégraphiques, le contrôle de la police ; des chemins de fer et du port du Pirée ; la fermeture des postes de T.S.F ; la cession de la flotte légère ; le désarmement des cuirassés ; l’expulsion des ministres de puissances ennemies. Pour un commandant en chef embarqué, ne disposant d’aucun appui à terre, de tels ordres étaient, convenons-le, inapplicables !

Le commandant en chef, d’accord avec le gouvernement français, songea alors à une démonstration effectuée par les compagnies de débarquement de l’escadre combinée et ayant pour but d’exercer une pression sur le gouvernement grec. Hélas, les détachements mis à terre furent attaqués par des forces bien supérieures, embusquées.

Le drame était consommé.

Il fallait des responsables. Le commandant en chef fut relevé de son commandement séance tenante, sans avoir pu s’expliquer.

Le procédé est expéditif mais somme toute assez classique. Ce qui l’est moins, est le lynchage médiatique qui accompagna cette mesure : le bruit se répandit, tant à Paris que dans toute la Flotte que l’amiral Dartige du Fournet avait capitulé sans combattre, qu’il menait en outre une vie dissolue à Athènes, qu’il s’était désintéressé du sort de ses marins morts ou blessés …

En fait, la crise couvait depuis des mois et elle ne pouvait déboucher que sur un drame.

Elle trouve sa source dans l’organisation du commandement mis en place. Plus personne ne savait qui commandait et dans quel domaine : le Ministre de la marine, l’amiral Lacaze, donnait à la fois les ordres du gouvernement au commandant en chef sur place mais, simultanément, actionnait directement l’attaché naval à Athènes, le capitaine de frégate de Roquefeuil, lequel n’avait déjà que trop tendance à mener sa propre guerre sans en référer à quiconque. Voici ce qu’en dit l’amiral Dartige du Fournet dans ses mémoires :

« A côté des diplomates, doublant leur action d’une action occulte, je trouvais … [le] service de renseignement français. Sa responsabilité est engagée dans toutes les complications que nous allons voir se produire… cet officier [l’attaché naval, Roquefeuil] jouait à Athènes le rôle d’une éminence grise devenue rapidement toute puissante grâce à ses relations personnelles étroites avec le contre-amiral ministre de la marine Le service des renseignements nous fournissait presque tous les jours des renseignements sur les sous-marins ennemis. Jamais un seul de ses avis n’a été reconnu exact ; la plupart étaient visiblement absurdes. A l’occasion du transport serbe, le service de renseignements se laissa berner comme d’ordinaire par les aventuriers à sa solde …

« … En somme, le commandant en chef, comme le ministre de France (l’ambassadeur), était surveillé par un capitaine de frégate irresponsable et à peu près tout puissant.

« … j’étais en présence des bas-fonds d’où devaient sortir les pasquinades, les légendes stupides qui se sont répandues en France. … D’après des on-dit de policiers marron, le commandant en chef aurait fait venir une Française au Pirée. Il se montrait avec des Grecques… d’autres racontars étaient plus venimeux ; tous sont mensongers. »

Ce sont d’ailleurs ces racontars et la rumeur qui les propageait qui mit, en 1917, une nouvelle fois le feu aux poudres. Le discrédit porté à la personnalité saine et jusque-là incontestée de l’amiral Dartige du Fournet scandalisa l’amiral Daveluy, son chef d’état-major, qui, imprudemment sans doute, se mit à rédiger un réquisitoire virulent contre le ministre et contre Roquefeuil, accusant le premier de laisser s’accréditer des légendes qui étaient infamantes pour la marine, bien qu’il les sût fausses.

L’affaire prit alors une dimension publique avec des affrontements sans merci entre les protagonistes : Dartige et Daveluy d’un côté ; Lacaze et Roquefeuil de l’autre. Tous y laisseront des plumes avec de blessures morales qui resteront vivaces.

Pour en savoir davantage, le lecteur aura l’embarras du choix, tant cette histoire fut commentée. J’ai tenté d’en donner une relation honnête dans un ouvrage paru en 2014 : Daveluy, ou c’est le plus têtu qui gagne.1



1 Disponible avec d’ailleurs d’autres ouvrages sur le site « La cambuse des introuvables » (cambuse.e-monsite.com).

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