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La première mouture d'une participation navale à la constitution d'une force atomique nationale est proposée en 1956 et peut être considérée comme abandonnée en 1958 quand ses premiers vecteurs ne sont pas commandés ou admis au service actif (1958). Il s'agissait de dupliquer les projets de l'US Navy. La Marine nationale cherchait à préserver sa place dans le dispositif militaire français en assurant celle de la France dans l'Alliance atlantique. Cet épisode très court pour obtenir une composante océanique de la dissuasion nucléaire basculera rapidement des missiles de croisière vers les engins balistiques lancés depuis des SNLE (Sous-marin Nucléaires Lanceur d'Engins) en moins de cinq ans aux États-Unis quand les premières solutions opérationnelles envisagées ne soutiennent pas la comparaison face aux premiers SNLE.
MM. Philippe Quérel (Vers une marine atomique - La marine française (1945 - 1958)) et Patrick Boureille (La marine française et le fait nucléaire (1945 - 1972)) narrent dans leurs travaux de thèse la naissance du sous-marin atomique français. Le Statut naval de 1955 définit la demande d'un tonnage global de 540 000 tonnes de bâtiments de guerre qui se répartit comme suit :
Ce besoin est étalé en trois deux phases : la première (360 000 tonnes) doit atteindre les objectifs définis en terme de tranches navales en 1963. La deuxième phase (180 000 tonnes) serait atteinte, quant à elle, en 1970. La Marine souhaite se dégager du rôle vers lequel qui lui était alors progressivement assigné : c'est-à-dire réduite à se disperser lors des premières frappes atomiques puis à se concentrer sur la protection des convois traversant l'océan Atlantique et des débarquements. Au contraire, elle souhaite tirer tout le parti des tranches navales à venir de la deuxième phase du statut naval afin de repositionner une partie de ses futures capacités opérationnelles sur un appoint naval à la future force de représailles.
- 450 000 tonnes de bâtiments de combat,
- 20 000 tonnes de bâtiments amphibies,
- 70 000 tonnes de bâtiments auxiliaires.
En ce sens, l'Amiral Nomy - Chef d'État-Major de la Marine (CEMM ; 26 octobre 1951 - 1er juillet 1960) - rédige un rapport en date du 20 octobre 1956 à l'attention du ministre de la Défense nationale et des forces armées, M. Maurice Bourgès-Maunoury, d'une demande d'inflexion du Statut naval de 1955 (Patrick Boureille (La marine française et le fait nucléaire (1945 - 1972), thèse, annexes, p. ). Il vante les mérites de la propulsion atomique comme démultiplicateur de la valeur militaire des navires de surface et sous-marin. L'atome confère une autonomie presque illimitée qui accroît sans commune mesure les mobilités tactique et stratégique. Il demande une vitesse d'ensemble de 40 nœuds et que les navires soient équipées de la même tranche réacteur (puissance de 60 000 CV). Il y aurait eu à bord autant de tranches que nécessaire pour atteindre la puissance désirée.
Il ne s'agissait ni plus ni moins que de constituer une force navale
dotée d'engins atomiques, similaire de par sa structure et ses
bâtiments, à un "strike group" américain. La vitesse visée doit permettre de suivre l'US Navy et donc permettre à la France de peser dans l'OTAN
grâce à cette capacité navale. L'un des premiers vecteurs nucléaires était alors le missile de croisière Regulus I (500 nautiques de portée). Il embarque sur 4
croiseurs, 10 porte-avions (occasionnellement, en réalité) et 5
sous-marins. En France, il semble alors possible de disposer à
l'échéance de la réalisation de cette partie du programme naval d'un
missile balistique d'environ 3000 km de portée.
Cette force opérationnelle atomique telle que conçue en 1956 devait comprendre les bâtiments suivants (le vocabulaire est du CEMM) :
- 2 sous-marins stratégiques (Q244 plus une deuxième unité) ;
- 4 sous-marins tactiques d'accompagnement ;
- 2 "Capital-Ships" : soit deux porte-avions stratégiques (2 x 30 000t ; 4 réacteurs chaque), soit deux croiseurs lance-engins de destruction massive (2 x 15 à 20 000t ; 2 réacteurs chaque) ;
- 6 croiseurs escorteurs (6 x 5 ou 6000t ; 1 réacteurs chaque)
- 2 bâtiment-ravitailleurs (2 x 10 000t).
Dans cette perspective, l'Amiral Nomy
propose de modifier la programmation au sujet de la deuxième phase du
plan naval qui doit être achevée en 1970 : sur les 180 000 tonnes, 120
000 serviraient à la constitution de la "force opérationnelle atomique"
et 60 000 seraient constituées de bâtiments de soutien. Le CEMM propose
alors deux périodes triennales (1961 - 1963 et 1964 - 1966) dans
lesquelles seront commandés dans chacune : un porte-avions ou croiseur lance-engins, trois croiseurs escorteurs, deux sous-marins atomiques et un bâtiment base atomique. Cette programmation semble être adaptée par un document du 7
novembre 1958. Il établit deux plans
quinquennaux : le premier (1959 - 1964) et le second (1965 - 1969) qui
devaient très probablement achever les 180 000 tonnes pendantes du
Statut naval de 1955.
La thèse de Patrick Boureille (La marine française et le fait nucléaire (1945 - 1972)) explique globalement le programme du Q244. La filière nucléaire retenue (uranium naturel modéré à l'eau lourde) mena à une impasse. L'organisation politico-administrative ne réunissait pas tous les protagonistes de l'amont à l'aval du projet : au final, la hauteur du réacteur dépassait nettement le diamètre de la coque. Le deuxième sous-marin stratégique devait adopter une autre filière nucléaire à choisir entre un réacteur au plutonium (B) ou à l'uranium enrichi (C) et être mis en chantier en 1959. Les deux bateaux auraient emportés un engin de conception nationale puis de facture américaine dans une valise sèche sur le pont.
Aucun détail au sujet des sous-marins tactiques d'accompagnement ne semble les catégoriser comme sous-marins à propulsion navale nucléaire. La programmation (ci-dessus) déclare la construction d'un total de quatre sous-marins atomiques. Les deux premiers sont, par recoupements, les Q244 et QXXX (C). Mais qui sont les deux autres ? En outre, aucun des sous-marins classiques de l'époque ne dépasse 30 nœuds. Dans le cas français, aucun classique ne file jusqu'à 20 nœuds avant l'Agosta (1977 - 1997). La première expression officielle de la Marine du besoin d'un "sous-marin HP" (sous-marin haute performances : comprendre à propulsion nucléaire) n'est formulée qu'en 1964 par le Conseil Supérieur de la Marine (CSM).
Les porte-avions devaient arriver en Flotte assez rapidement avec les Clemenceau (22 novembre 1961 - 1er octobre 1997) et Foch (
Bien après cette Force opérationnelle atomique et dans l'attente des premiers SNLE pas espérés avant, la fin des années 1960 suite à l'échec du Q244, le projet d'embarquement de Regulus II est étudié en décembre 958, sept mois après l'abandon du PA58 Verdun (Hervé Coutau-Bégarie, Le problème du porte-avions, Paris, Economica, 1990, p. 80 ; plus précisément dans Jean Moulin, Les porte-avions Clemenceau et Foch, Paris, Marines éditions, 2006, p. 188).
Le croiseurs lance-engins de destruction massive ne bénéficie pas de précisions quant aux qualités nautiques et matérielles projetées. Formuler une hypothèse au sujet de son armement est malaisé car le tonnage projeté est similaire à celui du CGN-9 USS Long Beach (9 septembre 1961 - 1er mai 1995) qui déplaçait 17 500 tonnes. Il avait été envisagé qu'il porte des Regulus I puis des Polaris. En France, le missile MALAFACE dans sa version avec une turbo-réacteur Marboré (800 à 1000 km de portée) ne bénéficia pas d'un soutien suffisamment fort pour obtenir un engin opérationnel et l'achat de missiles Regulus II ne fut envisagé qu'en décembre 1958, le même mois où le programme est abandonné aux États-Unis.
Il est étonnant que dans un cadre budgétaire contraint conjugué à de nombreux défis techniques il n'ait pas été envisagé une solution transitoire. Par exemple, la conversion en cuirassé lance-engins des Richelieu et Jean Bart (achevé en 1955) aurait permis d'économiser la construction de deux navires neufs. L'hypothèse de l'adjonction d'une propulsion navale nucléaire après refonte fut pourtant posée au sujet du PA58. Lors de la réunion du CSM du 7 août 1957, il est question des caractéristiques du PA58. Le VAE Auboyneau souligne que les porte-avions de classe Forrestal marchent à 33 nœuds et que les futures unités à propulsion atomique soutiendraient 40 nœuds. Le secrétaire d'Etat à la Marine, M. Franck Armal, demandait s' "il [était] possible d'assurer une reconversion de la propulsion à vapeur à une propulsion atomique [du PA58] ?" L'IGGM Morel répond qu'une telle refonte à venir n'est pas envisageable dans la mesure où les installations des deux types de propulsion sont bien trop différentes.
L'Amiral Nomy espérait que le "2e plan, pour la période de 1965 à 1969, comporte... [...] la mise sur cale du "prototype d'un nouvel escorteur (si possible à propulsion atomique..." (Jean Moulin, es porte-avions Clemenceau et Foch, Marines éditions, 2006, p. 226). Cette mise sur cale assez tardive des croiseurs escorteurs peut se deviner facilement. Dans un premier temps, il était envisagé de disposer jusqu'à dix frégate lance-engins de classe Suffren. Elles auraient assuré la transition avec cette escorteur à propulsion atomique. La cible chuta rapidement à six puis trois et finalement seules les deux premières frégates furent effectivement commandées.
Dès 1958 un nouveau paradigme budgétaire apparaît. Il est symbolisé par l'incapacité de la Marine à obtenir la mise sur cale du PA58 puis du PA59 (troisième Clemenceau). L'espoir demeurait jusqu'en 1960. Le programme des frégates lance-engins tombera quand une place devra être faite dans le budget aux F-8 (FN) Crusader en 1964. Par la suite, le budget naval sera lourdement impacté par la constitution de la composante océanique de la dissuasion, malgré son abondement partiel par la section commune. Les croiseurs à propulsion nucléaire sont abandonnés, ils perdent une grande partie de leur raison d'être. Les SNA sont repoussés. Mais la dissuasion océanique et l'existence d'un groupe aéronaval permanent place la Marine nationale dans une situation où elle participe à la dissuasion nucléaire (premier monde) et aux capacités d'intervention nationale (troisième monde). Un nouveau plan naval sera formalisé en 1971 pour redresser la flotte de surface.
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