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© Marine (ACORAM). « La
frégate lance-engins F 60 Suffren », Marine, avril 1962. |
La reconstruction des forces légères (1952
– 1959) de la Marine nationale, sous la IVe République, par les programmes des escorteurs
d'escadre (T47 (12), T53 (5), T56 1), escorteurs
rapides (E50 (4), E52 (11), E52B (3) et escorteurs côtiers
(classes Le Fougueux (3), L’Adroit (11), devait bénéficier – dans
la continuité de l'effort naval consenti – par une série de
croiseurs-escorteurs devant succéder aux huit croiseurs survivants de l'entre-deux-guerres
et probablement les De Grasse (1956 - 1973) et Colbert
(1959 - 1991). Le statut naval de 1955 disposait d’un programme de six « croiseurs-escorteurs »
qui deviendront les deux « Frégates Lance-Engins » (FLE)
classe Suffren (2). Et, dès 1957, se profilait une série complémentaire,
ou bien se substituant partiellement à la cible de la précédente, de « croiseurs-escorteurs
à propulsion atomique ». Ce projet aurait survécu jusqu'en 1975 :
malgré son absence de citation dans le Plan bleu (29 février 1972).
La Marine nationale, au sortir de la
Deuxième Guerre mondiale (1er septembre 1939 - 2 septembre 1945), héritait d'un
ensemble disparate de bâtiments d'avant-guerre survivants, auxquels s’ajoutait
les cessions dues par les vaincus : soit environ 400 000 tonnes de
bâtiments de combat et de soutien ; à comparer aux près de 800 000 tonnes
existants avant le déclenchement de la guerre.
La « servitude technologique »
(Amiral Raoul Castex, Théories stratégiques) imposait, à la
Marine nationale, de relever quatre défis techniques majeurs, afin de demeurer
une force navale de 1ier rang, sous peine dans le cas contraire
d'être déclassée vis-à-vis des autres marines. L’outil naval, pour demeurer
cohérent avec les objectifs diplomatiques de la Reconstruction, devait donc s’emparer
des voies techniques suivantes : les radars, pour lesquels la France avait pris
beaucoup de retard dans l'entre-deux-guerres ; les « engins »
(missiles), l'arme atomique et la propulsion nucléaire navale. Le cas
particulier de l'arme atomique ouvre la voie à une nouvelle bataille
institutionnelle entre les trois armées. L'Armée de l'air bénéficie du deuxième
poste du budgétaire de la Défense nationale depuis 1949, reléguant la Marine
nationale à la troisième place.
Les contingences de l'après-guerre obligèrent
à un aménagement des priorités. En l'espèce, entre 1944 et 1961, c’est-à-dire
entre la reprise en main du territoire national et la reconstitution d’une « ligne
de bataille » (entrée en service du porte-avions Clemenceau (1961
– 1997), les priorités de la programmation vont aller à un « phasage »
de l'effort, en trois temps :
- reconstruction des
bases navales et arsenaux et acquisition d'une capacité aéronavale,
- reconstruction des forces
légères dans le cadre de l’Alliance atlantique et de l'OTAN,
- introduction des engins
et de la propulsion navale atomique par des croiseurs.
La création de l'Alliance
atlantique (traité de l'Atlantique Nord, 4 aril 1949) et de l’OTAN, participait
à la structuration de la programmation navale française : l’effort se
portait sur les forces légères. Les torpilleurs, contre-torpilleurs et
submersibles, hérités de la dernière flotte de la IIIe République, façonnée
dans l’entre-deux-guerres par la figure tutélaire de Georges Leygues (16
novembre 1917 - 2 septembre 1933), ne sont plus en nombre suffisants et considérés
comme modernes. Ces unités sont peu à peu remplacées (1952 - 1959) par les
programmes des escorteurs d'escadre de 2500 tonnes (T47
(12), T53 (5), T56 1) – ultime évolution des contre-torpilleurs
classe Mogador (CV (H) Max Moulin) – , escorteurs rapides de 1500
tonnes (E50 (4), E52 (11), E52B (3) et escorteurs côtiers de
600 tonnes (classes Le Fougueux (3), L’Adroit (11).
|
Classe
Duguay-Trouin
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Classe
Suffren
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Classe
Duquesne
|
Croiseur mouilleur de mines
|
Classe
La
Galissonnière
|
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Duguay-Trouin
(1926 – 1952)
|
Suffren
1930 – 1947)
|
Duquesne
(1928 - 1948)
Tourville
(1928 - 1947)
|
Émile-Bertin
(1935 – 1959)
|
Montcalm
(1937 – 1957)
Georges Leygues
(1937 – 1959)
Gloire
(1937 – 1955)
|
Caractéristiques nautiques
|
Longueur
|
181,3 m
|
194 m
|
191 m
|
177 m
|
179 m
|
Largeur
|
17,5 m
|
19,1 m
|
19 m
|
15,9 m
|
17,5 m
|
Tirant d’eau
|
6,3 m
|
6,3 m
|
6,3 m
|
5,4 m
|
5,3 m
|
Tonnage lège
|
7500 t
|
10 160
t
|
10 160
t
|
5890 t
|
7600 t
|
Tonnage pleine charge
|
9500 t
|
12 780
t
|
12 200
t
|
8480 t
|
9120 t
|
Vitesse (nœuds)
|
33
|
32
|
33,75
|
40,2
|
32
|
Propulsion (CV)
|
102 000
|
100 000
|
120 000
|
102 000
|
84 000
|
Autonomie (mn)
|
3000 à 15
nœuds
|
4500 à 15
nœuds
|
4500 à 15
nœuds
|
6000 à 15
nœuds
|
6800 à 14
nœuds
|
Caractéristiques opérationnelles
|
Anti-sous-marin
|
/
|
/
|
/
|
200
mines
|
/
|
Anti-surface
|
4 x II 155 mm
3 x IV TLT
|
4 x II 203 mm
2 x III TLT
|
4 x II 203 mm
2 x III TLT
|
9 x III 152
mm
2 x III TLT
|
9 x III 152
mm
2 x II TLT
|
Anti-aérien
|
4 x 75
mm
|
8 x 90 mm
8 x 37 mm
12 x 13,2 mm
|
8 x 75 mm
8 x 37 mm
4 x II 13,2 mm
|
1 x II 90 mm
2 x I 90 mm
4 x II 37 mm
4 x II 13,2 mm
|
4 x II 90 mm
6 x IV 40 mm
|
L'ossature de la Flotte étant en voie de reconstitution
puisque les programmes précités d’escorteurs bénéficiaient d’une phase d’industrialisation
tournant à plein, l’effort naval pouvait alors engageait la troisième priorité
au prisme des exigences de la « servitude technologique » : l’introduction
des engins, de la propulsion navale atomique – grâce à des « croiseurs »
plus tard rebaptisés « frégates » – et de l’armement nucléaire.
La lutte anti-sous-marine, au prisme des
tactiques opérationnelles hérités de la Deuxième Guerre mondiale, s’appuyant
sur les évolutions de l’ASDIC (Anti-Submarine Detection Investigation
Committee) et de l’intégration de ces antennes aux sous-marins eux-mêmes, les
nombreuses recherches consenties pour les torpilles, les nombreuses avancées en
matière de construction sous-marine offraient une nouvelle dynamique, au prisme
d’une nouvelle menace – la large expansion de la Flotte rouge (URSS) et en
particulier de sa flotte sous-marine – , obligeant à maintenir l’effort naval.
Le 2 août 1951 était commandé
le futur SSN-571 USS Nautilus (1955 – 1980). La quille était
posée le 14 juin 1952 et le bateau lancé le 21 janvier 1954. Son admission au
service actif, le 17 janvier 1955, s’illustrait par l’émission radio d’un
compte-rendu mythique dans l’histoire navale, à 11h00 : « underway
on nuclear power ». Révolution navale totale qui parachèvait
l'apparition de la propulsion à vapeur, dépendant jusque-là des énergies
fossiles : la propulsion navale nucléaire n'a plus comme limite que la
résistance de l'équipage.
L’apparition des jets rendait
obsolète la lutte anti-aérienne aux seuls canons, malgré les nombreux efforts –
même après la fin du dernier conflit – pour intégrer les conduites de tir radar
à de nouveaux modèles de tourelles automatiques et asservies à ces dernières. L'Operation
Bumblebee ou Bumblebee Project (1942 – 1965) lançait la
famille de missiles des trois « T » : SAM-N-6/RIM-8 Talos, SAM-N-7 Terrier/RIM-2Terrier, et RIM-24 Tartar, auxquels
viendront s’ajouter plus tard les Typhoon et SAM-N-8 Typhon LR/RIM-50A et
SAM-N-9 Typhon MR/RIM-55A, bien qu’ils n’appartiennent pas formellement aux trois
« T ».
Le BB-41 USS Mississippi
(1917 – 1956) fut reconstruit au chantier naval de Norfolk, entre novembre 1945
et avril 1948, remplaçant, le BB-32 USS Wyoming (1912 – 1947), en
avril 1947, en tant que « navire-école anti-aérien » mais également dans
la force de développement opérationnel, effectuant des tests de tir et aidant à
évaluer de nouveaux systèmes d'armes. Dès le 9 août 1952, les travaux quant à l’installation
de deux rampes doubles pour missiles anti-aériens SAM-N-7 Terrier, par
enlèvement de la tourelle n°4 (tourelle arrière triple de 14-inch/50-caliber
gun), furent achevés, au chantier naval de Norfolk : devenant l’EAG-128
USS Mississippi (1917 – 1956). Les premiers tirs d’essai du SAM-N-7
Terrier (nouvelle nomenclature en 1963 : RIM-2 Terrier) étaient effectués
dès 1953. Et le vénérable cuirassé quittait le service en 1957.
Le 1er novembre 1955,
le croiseur CA-69 USS Boston (1943 – 1970) devenait le premier bâtiment
de combat, au monde, à bénéficier de l’intégration à son armement d’ « engins »,
lui valant alors d'être classé « CAG-1 ». La tourelle arrière de
203mm était remplacée par une rampe double SAM-N-7 Terrier (48
km). 11 autres croiseurs « canons » seront convertis de la même
manière entre 1955 et 1962.
15 octobre 1956, était
commandé le premier bâtiment de surface à propulsion atomique : le futur
CLGN-160 USS Long Beach (1961 – 1995). La quille était posée le 2
décembre 1957 et la coque lancée le 14 juillet 1959. L’admission au service actif
fût prononcée le 9 septembre 1961.
Son armement anti-aérien se composait, à son
entrée en service :
- 1 x système RIM-8 Talos
(3 × Mk 7, 1 × Mk 12 GMLS, 8 × AN/SPG-49 radar) composée d’une rampe double (40
missiles (~150 km)) disposée à l’arrière ;
- 2 x systèmes RIM-2
Terrier (4 × AN/SPG-55), composés de deux rampes doubles bénéficiant chacune de
120 missiles (48 km) en magasins, disposés à l’avant.
Armement
anti-sous-marin reposait :
- 1 x système RUR-5 ASROC
(Anti-Submarine ROCket).
Le CLGN-160 USS Long
Beach (1961 – 1995) fut suivi par les :
- DLGN-25 Bainbridge
(1962 – 1996), seul croiseur à propulsion atomique de classe Leahy (9) et
constituant une sous-classe à part entière ;
- DLGN-35 Truxton
(1967 – 1995), seul croiseur à propulsion atomique de la classe Belknap (9) et
constituant une sous-classe à part entière ;
- DLGN-36 California
(1974 – 1999) et DLGN-37 South Carolina (1975 –
1999), deux croiseurs à propulsion atomique de classe California (2) ;
- CGN-38 USS Virginia
(1976 - 1994), CGN-39 USS Texas (1977 - 1993), CGN-40 USS Mississippi
(1978 - 1997), CGN-41 USS 1997Arkansas (1980 - 1998) de classe Virginia
(4) dont la cinquième unité devait préfigurer un croiseur AEGIS à propulsion
nucléaire (CGN-42).
La Marine nationale a été lourdement
influencée par la programmation navale et les choix technologiques des
États-Unis d’Amérique, et plus particulièrement de l’US Navy puisque fut lancé,
dès 1954, le programme d’un sous-marin à propulsion atomique – Q244
-, des avant-projets de bâtiments de surface à propulsion nucléaire perdurant
jusque dans les années 1980 et un ensemble de programme d’engins (MARURCA,
MASURCA, MASALCA, MALAFACE et MALAFON).
En ce qui concernait
les croiseurs, les avatars de cette catégorie de bâtiments de combat sont, en
1945, les huit croiseurs ayant survécu au dernier conflit mondial, vis-à-vis des
dix-huit lancés et en service en 1940. Ils rendaient alors encore de fiers
services, bien qu’ils étaient en voie d’obsolescence avancée face aux premières
unités pourvues d' « engins » et donc définissant le « moderne »,
instiguant un nouveau nivèlement de la hiérarchie navale. Dans le cadre de la troisième
priorité énoncée, la Marine nationale étudiait les avant-projets de plusieurs
bâtiments de surface, catégorisés comme « croiseurs » dans le cadre
de la « Force opérationnelle atomique » :
MM. Philippe Quérel (Vers une marine
atomique - La marine française (1945 - 1958)) et Patrick Boureille (La
marine française et le fait nucléaire (1945 - 1972)) narrent dans leurs
travaux de thèse la naissance du sous-marin atomique français. Le Statut naval
de 1955 définissait la demande d'un tonnage global de 540 000 tonnes de
bâtiments de guerre qui se répartit comme suit :
- 450 000 tonnes de
bâtiments de combat,
- 20 000 tonnes de
bâtiments amphibies,
- 70 000 tonnes de
bâtiments auxiliaires.
La Marine souhaitait se dégager du rôle
qui lui était alors progressivement assigné : c'est-à-dire réduite à se
disperser lors des premières frappes atomiques puis à se concentrer sur la
protection des convois traversant l'océan Atlantique et des débarquements. Au
contraire, elle souhaite tirer tout le parti des tranches navales à venir de la
deuxième phase du statut naval afin de repositionner une partie de ses futures
capacités opérationnelles sur un appoint naval à la future force de
représailles. Ce besoin est étalé en trois deux phases :
- La première (360 000
tonnes) devait atteindre les objectifs définis en termes de tranches navales en
1963.
- La deuxième phase (180
000 tonnes) serait atteinte, quant à elle, en 1970.
En ce sens, l'Amiral Nomy - chef d'état-major
de la Marine (26 octobre 1951 - 1er juillet 1960) - rédigeait un rapport, en
date du 20 octobre 1956, à l'attention du ministre de la Défense nationale et
des forces armées, M. Maurice Bourgès-Maunoury, portant demande d'inflexion du
Statut naval de 1955 (Patrick Boureille (La marine française et le fait
nucléaire (1945 - 1972), thèse, annexes, p. ).
Il vantait les mérites
de la propulsion atomique comme démultiplicateur de la valeur militaire des
navires de surface et sous-marin. L'atome confère une autonomie presque
illimitée qui accroît sans commune mesure les mobilités tactique et
stratégique. Il demande une vitesse d'ensemble de 40 nœuds et que les navires
soient équipés de la même tranche réacteur (puissance de 60 000 CV). Il y
aurait eu à bord autant de tranches que nécessaire pour atteindre la puissance
désirée.
Il ne s'agissait ni plus ni moins que de
constituer une force navale dotée d'engins atomiques, similaire par sa
structure et ses bâtiments, à un « strike group » américain. La
vitesse visée devait permettre de marcher à la même vitesse que les futurs
bâtiments de l'US Navy et donc permettre à la France de peser dans l'Alliance
atlantique et donc au sein des travaux discutés à l’OTAN grâce à cette capacité
navale nouvelle.
L'un des premiers
vecteurs nucléaires était alors le missile de croisière Regulus I (500
nautiques de portée). Il embarquait sur 4 croiseurs, 10 porte-avions
(occasionnellement, en réalité) et 5 sous-marins. En France, il semblait alors
possible de disposer à l'échéance de la réalisation de cette partie du
programme naval d'un missile balistique d'environ 3000 km de portée.
Cette force opérationnelle atomique telle
que conçue en 1956 devait comprendre les bâtiments suivants (le vocabulaire est
du CEMM) :
- 2 sous-marins
stratégiques (Q244, une deuxième unité) ;
- 4 sous-marins tactiques
d'accompagnement ;
- 2 « Capital-Ships
» :
- soit deux porte-avions stratégiques (2 x 30 000t ; 4 réacteurs chaque),
- soit deux croiseurs lance-engins de destruction massive (2 x 15 à 20 000t ; 2
réacteurs chaque) ;
- 6 croiseurs escorteurs
(6 x 5 ou 6000t ; 1 réacteurs chaque) ;
- 2
bâtiment-ravitailleurs (2 x 10 000t).
Dans cette perspective, l'Amiral Nomy
proposait de modifier la programmation au sujet de la deuxième phase du plan
naval, devant être achevée en 1970 : sur les 180 000 tonnes, 120 000
serviraient à la constitution de la « force opérationnelle atomique » tandis
que 60 000 seraient constituées de bâtiments de soutien.
Le CEMM propose alors
deux périodes triennales (1961 - 1963 ; 1964 - 1966) par lesquelles seront
commandés, au sein de chacune : un porte-avions ou croiseur lance-engins, trois
croiseurs escorteurs, deux sous-marins atomiques et un bâtiment base atomique.
Cette programmation
semble avoir été adaptée par un document du 7 novembre 1958 qui établissait
deux plans quinquennaux (1959 - 1964 ; 1965 - 1969) qui devaient très
probablement achever les 180 000 tonnes pendantes du Statut naval de 1955. Et
il s'agissait peut-être de s'adapter à la future Loi de programme à la période
quinquennale dont il était peut-être d'ores et déjà question dans les
coursives, en 1958.
Les six croiseurs escorteurs lance-engins
visaient peut-être le remplacement des croiseurs survivants de l'entre-deux-guerres
(8), voire celui croiseurs anti-aériens De Grasse
(1956 - 1973) et Colbert (1959 - 1991). L'Amiral Nomy affirmait
qu'il fallait « les construire plus gros et plus cher » – par rapport
aux escorteurs – car il était jugé plus productif d'avoir des escorteurs
polyvalents et hauturiers, pourvus de plusieurs types d'engins pour autant de
domaines de luttes.
Un avant-projet de « croiseur
léger d'Union Française » était arrêté en 1956. Le déplacement lège atteignait
5 000 tonnes. Dès 1957, le croiseur léger d'Union Française devenait « croiseur-escorteur » :
c’était la conséquence directe du rapport, en date du 20 octobre 1956, de
l'Amiral Nomy car ce dernier précisait que ce « croiseur-escorteur doit faire la soudure avec des
bâtiments à propulsion nucléaire qui doivent apparaître vers 1970 » (Jean
Moulin, Les frégates Suffren et Duquesne, Rennes, Marines éditions,
1998, p. 11).
Le
4 novembre 1959 : l’avant-projet évoluait de nouveau puisque le futur
croiseur bénéficiait d’un déplacement lège porté à 5 700 tonnes. L’avant-projet
de « croiseur C60 » figé en 1960 reprend l'essentiel de
ses caractéristiques.
La série de six croiseurs
escorteurs initialement visée fut ramenée à cinq croiseurs C60. La
loi-programme (1960 – 1965) du 6 décembre 1960 réduisait encore la cible, de
cinq à seulement trois croiseurs C60. Et, finalement, en 1964 :
l'enveloppe budgétaire met en balance la troisième « Frégate
Lance-Engins » (FLE) classe Suffren (2) et 42 Vought F-8E
(FN) Crusader. Le Président De Gaulle consulta son fils d'Amiral qui lui
conseilla de trancher en faveur des intercepteurs plutôt que de maintenir la
série C60 à trois bâtiments.
|
CAA
|
Croiseur léger
d’Union française
|
Croiseur-escorteur
|
Croiseur ?
|
Croiseur C60
|
|
Colbert (1959 – 1991)
|
1956
|
1957
|
1959
|
Suffren (1969 – 2001)
Duquesne (1970 – 2007)
|
Caractéristiques nautiques
|
Longueur
|
180,5 m
|
?
|
?
|
?
|
158 m
|
Largeur
|
20,3 m
|
?
|
?
|
?
|
15,6 m
|
Tirant d’eau
|
5,8 m
|
?
|
?
|
?
|
7,2 m
|
Tonnage lège
|
8636 t
|
?
|
5000 t
|
5700 t
|
5700 t
|
Tonnage pleine charge
|
11 093
t
|
?
|
6400 ?
|
7300 ?
|
7380 t
|
Vitesse (nœuds)
|
33,7
|
?
|
?
|
?
|
34
|
Propulsion (CV)
|
86 000
|
?
|
?
|
?
|
72 500
|
Autonomie (mn)
|
4000 à 25
nœuds
|
?
|
?
|
?
|
5130 à 18
nœuds
|
Caractéristiques opérationnelles
|
Anti-sous-marin
|
/
|
?
|
1 x LOFAR
1 x mortier
305 mm
|
?
|
DUBV-23D-1
DUBV-43B
1 x système
MALAFON
4 x CLT
|
Anti-surface
|
/
|
?
|
3 x 100
mm
1 x système
MALAFACE
|
?
|
2 x 100
mm
4 x MM38 Exocet
|
Anti-aérien
|
8 x 127 mm
10 x 57 mm
|
?
|
1 x système
MASALCA
2 x systèmes
MASURCA
|
?
|
1 x système MASURCA
|
Le croiseur-escorteur, devenu croiseur C60, n’était donc qu’une
série de « transition » devant préparer l’introduction de la
propulsion navale nucléaire sur bâtiment de surface, en débutant par « le
prototype d'un nouvel escorteur si possible à propulsion atomique » dont l’entrée
en phase de réalisation devait être consentie durant la période 1965 – 1969, c’est-à-dire
durant le deuxième plan quinquennal – nouveau paradigme des lois-programmes -, repoussant
légèrement l’achèvement du Statut naval de 1955, révisé par un
rapport de l’Amiral Nomy, en date du 20 octobre 1956, à l'attention du ministre
de la Défense nationale et des forces armées, M. Maurice Bourgès-Maunoury.
Aucune caractéristique
détaillée n'a pu être trouvée – à la date d’écriture de ces lignes – quant aux
qualités nautiques et caractéristiques opérationnelles envisagées pour ce projet
de nouvel escorteur « si possible à propulsion atomique ». Toutefois,
il est possible de dessiner à grands traits une hypothèse de ce à quoi il
aurait pu ressembler.
Il s’agit de considérer que la « Force opérationnelle atomique »
reprend une grande partie des choix de l’US Navy, et c’est pourquoi pour cet
escorteur à propulsion atomique, le CLGN-160 Long Beach a
pu être logiquement une source d’inspirations. Et dans cette perspective, il aurait
logiquement hérité des choix arrêtés quant aux avant-projets exposés
(ci-dessus) et ceux à venir durant les années 1960 (croiseurs C60 et C67).
L’escorteur à propulsion atomique aurait pu avoir une coque allongée,
élargie et approfondie, mais faisant l'économie des soutes à combustible !, afin
de pouvoir intégrer une chaufferie nucléaire, c’est-à-dire la filière du
Prototype A Terre (PAT) – conçue et destinée aux SNLE classe Le Redoutable
(6) – puisque c’était la seule à disposition dans la période considérée.
En ce qui concerne l’armement, le programme MASALCA (1953 – 1958) – envisagé
pour le croiseur-escorteur (1957) – n’avait jamais été conçu pour
aboutir à un système opérationnel. Aurait-il été demandé d’intégrer deux systèmes
MASURCA, ainsi qu’une suite radar analogue à celle des « Frégates
Lance-Engins » (FLE) classe Suffren (2) ? Cela
aurait été cohérent avec l’architecture de force visée pour la « Force
opérationnelle atomique », ainsi que pour la constitution de la force
aéronavale.
L'absence de hangar aéronautique sur les C60 et C67 aurait
probablement été corrigée sur pareil avant-projet. Cela aurait induit quelques
contraintes architecturales quant à la disposition de l’armement, à savoir
concentrer l’artillerie et les systèmes anti-aériens à l’avant ou bien
concilier un hangar plus en avant, afin de libérer l’arrière du bateau au
profit, d’au moins, un système MASURCA.
|
Croiseur-escorteur
|
Croiseur C60
|
Escorteur à
propulsion atomique
|
CLGN-160
|
|
1957
|
Suffren (1969 – 2001)
Duquesne (1970 –
2007)
|
6 bâtiments ?
|
USS Long Beach
(1961 – 1995)
|
Caractéristiques nautiques
|
Longueur
|
?
|
158 m
|
~ 190 m
?
|
219,9 m
|
Largeur
|
?
|
15,6 m
|
~ 20 m
?
|
21,8 m
|
Tirant
d’eau
|
?
|
7,2 m
|
~ 9 m ?
|
9,3 m
|
Tonnage
lège
|
5000 t
|
5700 t
|
~ 8000 t
?
|
15 000
?
|
Tonnage pleine
charge
|
6400 ?
|
7380 t
|
~ 10 160
?
|
17 500
t
|
Vitesse
(nœuds)
|
?
|
34
|
30 ?
|
30
|
Propulsion
(CV)
|
?
|
72 500
|
80 000
? 1 x réacteur PAT ?
|
80 000 2
x réacteur C1W
|
Autonomie
(mn)
|
?
|
5130 à 18
nœuds
|
∞
|
∞
|
Caractéristiques opérationnelles
|
Anti-sous-marin
|
1 x LOFAR
1 x mortier
305 mm
|
DUBV-23D-1
DUBV-43B
1 x système
MALAFON
4 x CLT
|
DUBV-23D-1
DUBV-43B
1 x système
MALAFON
4 x CLT
|
1 x système
ASROC
2 x III
TLT
|
Anti-surface
|
3 x 100
mm
1 x système
MALAFACE
|
2 x 100
mm
4 x MM38 Exocet
|
2 x 100
mm ?
6 – 8 x MM38 Exocet ?
|
2 x 127 mm
8 x RGM-74 Harpoon
|
Anti-aérien
|
1 x système
MASALCA
2 x systèmes MASURCA
|
1 x système
MASURCA
|
2 x système
MASURCA ?
|
1 x systèmes Talos
2 x systèmes Terrier
|
L'escorteur à propulsion atomique semble avoir
un des avant-projets de bâtiments de surface à propulsion nucléaire, en mettant
de côté les PH75 et PA75 issus du « Plan bleu », énoncé par le décret
du 29 février 1972. Et dans cette perspective, la corvette nucléaire C75 semble
être l’ultime avatar connu d’un escorteur mu par l’énergie d’une chaufferie
nucléaire.
Les croiseurs devinrent « frégates ». Le 6
juin 1988, l'Amiral Bernard Louzeau, alors chef d’état-major de la Marine (30
janvier 1987 - 19 novembre 1990) reclassait les bâtiments de la flotte de
surface :
- déplacement de moins de 3000 tonnes, il s'agissait
désormais de « patrouilleurs » et d'avisos ;
- déplacement de plus de 8000 tonnes il s’agissait
désormais de croiseurs et de porte-aéronefs.