Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





27 août 2013

Projet de conversion du Jean Bart en cuirassé lance-missiles

© Inconnu. Représentation d'artiste d'un Kentucky lance-missiles, projet assez similaire à ceux de la Royale.


Le regretté Alain Guillerm glissait rapidement dans l’un de ses ouvrages – La Marine de Guerre moderne – 1915-2015 - qu’il avait été dommage que la Marine nationale n’ait pas eu les budgets nécessaires à la conversion du Jean Bart en cuirassé lance-missiles. 

12 août 2013

Les hydrocarbures non-conventionnels et les instrument de la puissance

http://www.danielbechennec.com/pages_mer/moteur/images/mer-moteur-02-cuirase-royal-navy.jpg 
© 2008 Daniel Bechennec - Tous Droits réservés. Cuirassé "DREADNOUGHT" Royal Navy (1906).
 
Le débat sur les gaz de schistes bat son plein en Europe (au moins) et il pose légitimement des questions. Surtout qu'il y a des questions d'une incroyable portée géopolitique à poser. C'est pourquoi il peut être intéressant de rappeler quelques faits à ce sujet, de manière très synthétique. Et d'enchaîner avec la question qui se pose à bien des stratèges, de chambre ou en activité : faut-il en être ?
 
Depuis que la décision a été prise aux Etats-Unis de lancer l'exploitation de ces ressources, un demi-million d'emplois aurait été créé. Ne pas oublier non plus le retour d'industries aux Etats-Unis, autrefois délocalisées : serait-ce à cause de ce phénomène que les exportations chinoises baissent structurellement ? Il faut dire que le coût du gaz aux Etats-Unis est plusieurs fois inférieurs à son prix d'achat en Europe ou en Asie : pour certaines industries, c'est Byzance. Mieux encore, Washington deviendrait auto-suffisant sur le plan énergétique vers 2035.
 
Ce qui reviendrait à souligner que si le pays prenait bel et bien cette voie de l'auto-suffisance alors les rapports politiques ne seraient plus les mêmes avec le Moyen-Orient. Cela serait un nouveau cap stratégique alors que les Etats-Unis poussent à des réformes sociales dans le Golfe. Sans compter que l'on reparle d'un possible changement d'alliance entre Washington et Téhéran, en défaveur de Riyad.
 
Mais le coût environnemental de cette industrie serait très lourd puisqu'il faudrait accepter que des zones, des territoires entiers soient suffisamment pollués pour ne plus permettre la consommation des ressources locales en eau douce ou la poursuite de l'exploitation agricole de ces terres. Ce n'est pas rien pour un pays comme la France où les réserves de gaz de schiste seraient dans le bassin parisien, bassin agricole par excellence.
 
En résumé, les Etats-Unis gagneraient de nouvelles libertés de manœuvre sur la scène internationale (n'est-ce pas le rôle de la stratégie ?) à la suite d'un choix stratégique tranché (ils ont accepté de choisir avec ses gains et ses risques).
 
http://s2.lemde.fr/image/2012/12/21/534x0/1809353_5_31e3_principaux-bassins-de-gaz-de-schiste-jaune-et_bb146e90374607221690256388339781.jpg 
© AIE. Principaux bassins de gaz de schiste (jaune) et de gaz de houille (vert) en Europe.
 
Autres exemples, c'est celui des gisements d'hydrocarbures non-conventionnels estimés, espérés en Europe. Il n'y a pas besoin d'être grand clerc pour se rendre compte que sur la période 2030-2050 la hiérarchie européenne pourrait être bousculée : Hongrie (!), Roumanie, Pologne et Etats Baltes sont plutôt bien pourvus, tout comme la France, l'Allemagne et l'Angleterre (mais aussi l'Ecosse...) et le Benelux.
 
Dès lors, il y aura une différence sur la scène internationale : ceux qui en seront et les autres. A l'heure qu'il est, personne ne parvient à se passer des énergies fossiles, et encore moins de la promesse d'une énergie peu coûteuse.
 
Ce n'est pas la première fois que les Etats sont confrontés à de véritables dilemmes face aux valeurs de leur société, à leurs orientations historiques face à la mer ou à leurs réticences face à certaines activités humaines.
Rapidement, on peut par exemple citer le cas de la mer. L'Europe se retrouve confrontée à l'explosion du commerce maritime, et surtout du commerce océanique. Même pour les grandes découvertes il fallait en être pour peser sur la scène internationale. L'idée fait son chemin en Europe (elle l'avait déjà fait pendant l'Antiquité en Grèce) que pour protéger le commerce maritime d'une nation il faut une marine. C'est donc pour cela que Richelieu déclare que pour "tenir son rang" la France doit être présente sur les mers : il lance donc le chantier d'une grande marine de guerre, violent changement impulsé depuis le haut !
 
La colonisation, à ses différentes époques, s'imposent aussi aux sociétés européennes, puis mondiales. Ce n'est pas un débat simple, et pour les nations qui ont l'ambition de compter sur la scène mondiale, il doit être abordé. En effet, depuis que l'Europe investit toutes les mers du globe il se mène une "guerre de positions" pour conquérir de nouveaux territoires pourvoyeurs en matières premières (mêmes humaines). C'est dans la droite lignée du développement des marines de guerre.
 
On pourrait également citer le rôle de l'art dans les instruments de la puissance puisque tout ces voyages européens et ces guerres de conquête s'accompagnent régulièrement de pillages pour garnir les maisons européennes. Quand ce ne sont pas les pays européens eux-mêmes qui se concurrencent artistiquement : rivalités franco-italiennes, classicisme français, utilisation de l'art baroque, etc... La conquête de l'influence, du prestige par l'art faisait, déjà, l'objet d'une guerre des cerveaux.
Mais il est aussi possible de citer la (première) guerre de l'or noir, au tout début du XXe siècle. La société Technip (qui vient de signer un contrat de plus d'un milliards d'euros au Brésil) est née de l'exploitation pétrolière française en Roumanie (où ses deux créateurs inventèrent l'étude des sols par utilisation d'un courant électrique). C'est en Irak que français, allemand et anglais mènent une guerre de position larvée pour les premiers gisements. Mais c'est en raison de la création du HMS Dreadnought (1906) et du choix de la turbine à vapeur Parson (alimentée en charbon et au pétrole) que Londres exploite les gisements d'Iran1.
 
Il y eu également l'aventure du nucléaire qui commencent par les premières recherches sur la radioactivité jusqu'à la course à la bombe qui commence bien plus tôt que le projet Manhattan aux Etats-Unis. De même, il est assez intéressant de relire que la Suède était candidate à la bombe, par exemple. Le nucléaire militaire est un instrument de puissance. Mais le nucléaire civil aussi puisqu'il est la promesse d'une énergie peu coûteuse et abondante. Le regain d'intérêt pour les réacteurs au thorium est la promesse d'une nouvelle indépendance pour certains Etats (dont l'Inde).
 
La course à l'Espace était beaucoup plus consensuelle mais tout aussi importante. Il fallait en être (la France troisième puissance spatiale de l'Histoire) pour bénéficier des avantages stratégiques considérables pour le développement des télécommunications, de l'observation de la Terre, l'exploration spatiale et l'arsenalisation de l'Espace (un jour).
 
Ces quelques exemples sont là pour rappeler que les sociétés humaines ont eu au cours des cinq derniers siècles à choisir s'il fallait ou non être de telle ou telle aventure. Le choix s'apparente souvent au prix à payer pour participer à "une guerre de positions" : impossible de compter si l'on n'a pas les matériaux pour le faire. C'est-à-dire qu'il faut au moins investir pour investiguer le nouveau secteur de développement afin de pouvoir apprécier de quoi on parle (de l'autonomie de décision ?).
 
Les ressources ou les instruments militaires permettent de développer un pays comme ils permettent de préserver ce qu'il est. Tout investissement présente des gains et des pertes : mettre quelques billets dans un projet implique de ne pas les mettre ailleurs, et pire, de dévaloriser une autre position. C'est sous cet angle que l'on peut aussi aborder la question des hydrocarbures non-conventionnels. Ils peuvent s'ajouter à la longue liste des instruments de puissance d'un Etat.
Enfin, remarquez que bien des instruments de puissance, si ce n'est la totalité, nécessite l'intervention directe de l'Etat pour les construire ou au moins encadrer leur exploitation et/ou assurer la sûreté des approvisionnements.
 

1 A ce propos, Joseph Henrotin apporte une correction sur la page Facebook d'AGS : "Attention les p'tits loups lorsque l'on dit "Mais c'est en raison de la création du HMS Dreadnought (1906) et du choix de la turbine à vapeur Parson (alimentée en charbon et au pétrole) que Londres exploite les gisements d'Iran". La première découverte iranienne, c'est Masjid I Suleiman, en 1908. Surtout, les discussions britanniques sur les choix de carburant interviennent après le Dreadnought".
 

10 août 2013

Loi de programmation militaire et Marine Nationale - Une flotte resserrée frappée de sénescence

http://www.meretmarine.com/objets/32552.jpg 
© DCNS. SNA de classe Suffren.
 
Pascal Ramounet, qui a déjé écrit sur le Fauteuil et proposé à l'occasion un nouveau format pour l'Armée de Terre, nous livre un premier jet de ses réflexions sur la nouvelle LPM.
Certains considèrent que le projet de LPM proposé par le ministre de la défense réussit à éviter le pire en préservant les fondamentaux de la défense nationale.
 
Il m’est d’avis que tel n’est pas le cas. La nouvelle LPM poursuit une longue descente aux enfers et assène un nouveau coup de poignard à l’industrie de la défense à l’heure du redressement productif proclamé.
 
Le choix entre le nombre et la qualité qui a fait récemment débat dans le presse spécialisée, trouve ici un épilogue sans appel: Il n’y aura ni le nombre ni la qualité.
 
Je me limiterai dans ce blog à quelques exemples relatifs à la Marine nationale, considérée pourtant comme l’arme la moins touchée par les mesures d’économies budgétaires annoncées.
 
Il s’agit de trois programmes majeurs dont le calendrier est de nouveau étiré au delà du point de rupture.
 
Le programme FREMM qui devait à son origine concerner 17 frégates, format réduit à 11 unités par le livre blanc de 2008, se voit de nouveau amputer, pour atteindre à l’horizon 2019, 8 unités livrées, dont deux anti-aériennes.
 
Bien sur l’acquisition des 3 derniers bâtiments est évoquée, avec quelque réserve, pour l’après 2019……… Au rythme de construction d’une unité tous les 14 mois, la livraison très hypothétique du dernier bâtiment serait repoussée à 2025  (cf dossier de Mer et Marine).
 
Dans la réalité, cela veut dire, que le format de 11 frégates multimissions (FMM) modernes est de la poudre aux yeux.
 
De 2013 à 2020, le format réel de la Marine Nationale sera dans la meilleure des hypothèses, de 7 frégates ASM, dont 1 agée de plus de 30 ans.
 
Nous serons ainsi passés de 17 exemplaires jugés nécessaires à 7 exemplaires jugés suffisants.
 
Si l’on tient compte d’un taux de disponibilité compris entre 60 et 70%, la Marine nationale ne sera en mesure de mobiliser que 4 frégates ASM dans la période 2013 - 2020.
 

situation 2013 situation 2020
Nom
Mise en service
Age en 2013 en années Nom Mise en service Age en 2020 en années
D 641 DUPLEIX 1981 32 D 646 LATOUCHE TREVILLE 1990 30
D 642 MONTCALM 1982 31 D 6... AQUITAINE 2013 7
D 643 JEAN DE VIENNE 1984 29 D 6... NORMANDIE 2014 6
D 644 PRIMAUGUET 1986 27 D 6... PROVENCE 2016? 4
D 645 LA MOTTE PICQUET 1988 25 D 6... LANGUEDOC 2018? 2
D 646 LATOUCHE TREVILLE 1990 23 D 6... AUVERGNE 2019? 1
D 6... AQUITAINE 2013 0 D6….ALSACE 2020? 0
 
On se doit d’observer, que la responsabilité de cette situation ne peut être imputée au ministre de la défense actuel qui doit gérer, comme il peut, un héritage particulièrement lourd. L’application stricte du projet de LPM permettra au moins de rajeunir considérablement une flotte actuellement en décrépitude.
 
Le programme de SNA de la classe BARRACUDA est encore plus caricatural.

Si la mise en service du premier de série, le SUFFREN, est maintenue en 2017, la livraison de son sistership a été repoussée d’un an. Elle n’interviendra qu’en 2020, ce qui nous donne le tableau suivant :
 

situation 2013 situation 2020
Nom Mise en service Age en 2013 en années Nom Mise en service Age en 2020 en années
S 601 RUBIS 1983 30 S602 SAPHIR 1984 36
S602 SAPHIR 1984 29 S603 CASABIANCA 1987 33
S603 CASABIANCA 1987 26 S604 EMERAUDE 1988 32
S604 EMERAUDE 1988 22 S605 AMETHYSTE 1992 31
S605 AMETHYSTE 1992 21 S606 PERLE 1993 30
S606 PERLE 1993 20 S... SUFFREN 2017 3
 
En 2020, 5 des 6 SNA auront plus de 30 ans !

La comparaison avec la grande Bretagne, dont la politique de défense est pourtant décriée, est saisissante : Il est prévu, en 2020, que 6 des 7 SNA de nouvelle génération auront été livrés.
 
Le troisième exemple concerne les vaillants Atlantique 2
 
La Marine nationale dispose de 27 Atlantique 2 (ATL2) livrés de 1989 à 1997, qui sont donc âgés de 16 à 24 ans.
Selon la LPM, 15 d'entre eux sont destinés à être rénovés (radar, système électro-optique, moyens d'écoute, dont des bouées acoustiques numériques...) et 4 seront versés, en l'état à la surveillance maritime.

Parmi les 15 ATL2 destinés à être rénovés, 4 le seront avant 2020, en l'occurrence entre 2018 et 2019.
 
Ici encore, cela veut dire, dans l’hypothèse d’un taux de disponibilité de 70% (à vérifier) que dans la réalité, la MN ne sera capable de mettre en œuvre de façon simultanée, que 3 avions modernes de lutte anti-sous marine en 2020.
 
Les avions de patrouille maritime sont pourtant cruciaux pour la protection des approches maritimes et portuaires du pays, du groupe aéronaval et en premier lieu de la Force océanique stratégique (FOST)
 
Les récents conflits lybiens et maliens ont démontré que leur utilité s’exerce bien au delà des océans. Leur autonomie, leur moyens optroniques et de communication leur permettent d’assurer des missions de missions de surveillance, de renseignement, de détection de cibles et même de bombardement (cf opération SERVAL) au profit des forces terrestres.
 
La surveillance maritime sera dotée pour sa part, outre 4 ATL 2 non rénovés, de 8 Falcon 50, dont 4 équipés de chaine SAR. Les 5 GARDIAN ( Falcon 200) actuellement affectés Outre-mer seront retirés du service en 2015, frappés par une obsolescence avancée (32 ans). Le programme AVSIMAR destiné à les remplacer est repoussé aux calendes grecques.
 
Outre la raréfaction dangereuse des avions de patrouille et de surveillance maritime ce qui frappe, à la lecture de la LPM, est l’absence de gestion globale, c'est-à-dire interarmées et au-delà, interministérielle, de la problématique de la surveillance aérienne, considérée au sens large (reconnaissance, surveillance, identification et désignation….)
 
Chacun dans son coin, avec ses moyens. La MN avec ses ATL2 et ses FALCON, l’armée de l’air avec ses drones MALE US annoncés, l’armée de terre avec ses drones tactiques également annoncés (vraisemblablement des WATCHHKEPPER qui décollent d’une piste en dur ….) et ses 3 ISR de nature inconnue…et les services de la douane qui ont commandé 8 magnifiques Beechcraft King Air 350ER dotés d’un panel complet de capteurs et systèmes de missions (Ocean Master de Thalès, Star Safire III, SlAR Therma, AIS, liaison de données tactiques...).
 
A quand une organisation unifiée de ces moyens disparates ?
 
Au final, ces quelques exemples, qui pourraient être élargis, notamment aux moyens de lutte contre les mines, négligés, et aux navires de patrouille maritime complètement oubliés, alors que la lutte contre les trafics illicites est l’un des défis majeur à relever, donnent une image beaucoup moins réjouissante de la future MN que n’en donne la présentation trompeusement optimiste du projet de LPM.
 
Des corrections s’imposent, messieurs les députés et sénateurs.
Il conviendrait à minima, de
  1. maintenir en 2019, la mise en service du Duguay-Trouin, deuxième SNA de la classe BARRACUDA ;
  2. doubler le nombre d’ATL2 rénovés, soit 8 au lieu de 4 ;
  3. renouveler la flotte de patrouilleurs hauturiers (classe ADROIT amélioré), à raison de 12 unités, soit un bâtiment livré tous les 6 mois.
 
 
Pascal RAMOUNET

09 août 2013

"Puget et la Marine - Utopie ou modèle ?" de Jean Peter

http://2.bp.blogspot.com/_WbbcTdk89xo/TOjj8Zdil8I/AAAAAAAABaQ/tTG5uo2YiPQ/s400/Pierre%2BPuget%2B-%2BAutoportrait%2B%25281668%2529.jpg
© Musée Granet, Aix-en-Provence. Pierre Puget, Autoportrait, huile sur toile, 1668.

L'ouvrage, Puget et la Marine - Utopie ou modèle ? (éditions Economica, 54 pages, 68F), de Jean Peter peut attirer tout ceux qui se passionnent sur le rapport entre le "Beau" et les vaisseaux de guerre.
Ce n'est pas un sujet nouveau pour ce blog. Il a été tenté de questionner quels sont les ressorts de l'esthétique de la puissance sur mer. A titre de rappel, il y avait eu cette présentation de la modélisation numérique d'un 74 canons.
Rien de plus éclairant que ce petit livre qui retrace la carrière d'un grand artiste au service de l'esthétisme dans la Marine. Il était ingénieur, architecte, urbaniste, dessinateur, peintre, décorateur, marinistemais aussi concepteur d'arsenal. Puget passa trois fois par la ville de Toulon : de 1643 à 1647, puis de 1655 à 1660 pour des travaux dans la ville. Mais l'artiste a surtout œuvré de 1668 à 1679 ou 1680.

Le livre se décompose donc autour des trois grands domaines dans lesquels l'artiste travailla la matière navale :
  • Puget, décorateur de vaisseaux,
  • Puget, concepteur d'arsenal,
  • Utopies ou modèles d'arsenal ?
Il fut donc un décorateur de vaisseaux. Jean Peter s'attache à nous décrire son travail, à des degrés divers, sur des vaisseaux comme le Dauphin-Royal, un des Royal-Louis, le Monarque, l'Ile de France ou encore le Paris. L'artiste, aux multiples talents, réalise de grandes oeuvres d'art puisque "la gloire du Roi consiste en ce point à surpasser toutes les autres nations qui se sont le plus appliquées à la Marine" (page 7).

Son œuvre sera contrariée puisque Puget officie alors que Colbert réduit les dépenses dans l'onrnement des vaisseaux (moins d'ornements, et plus de vaisseaux à cette époque). L'auteur nous raconte la lutte entre l'artiste, qui veux atteindre le Beau, et Colbert, qui veut des vaisseaux aux belles qualités guerrières et nautiques. Le Beau à atteindre n'est plus le même. Dès lors, ce sera un long chemin de croix pour ces scultures, entre autres ordres de réductions des ornements, celui donné par Colbert en 1669 pour réduire les ornements sur les vaisseaux de 50 canons jusqu'à la disparition des figures de proue, ultime héritage de la décoration navale au début du XXe siècle.

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/e/e6/Pierre_Puget_-_Great_Vessel_of_War_-_WGA18476.jpg/800px-Pierre_Puget_-_Great_Vessel_of_War_-_WGA18476.jpg
© Wikipédia. Tableau de Pierre Puget.

Aujourd'hui, une assemblée de missiles sur un pont, non-ensilotée, fait office d'esthétique de la puissance navale (et cela impressionne fort bien). A regarder certains navires (comme les frégates F100 espagnoles : à tout hasard, vraiment), on dirait que la représentation de l'Etat sur mer a disparu face à une représentation de systèmes d'armes et de budgets. S'il n'y a pas un seul Beau, est-ce une raison suffisante pour ne pas tenter d'en atteindre un seul ?

Puget comme concepteur d'arsenal avait déjà été traité dans un autre ouvrage de Jean peter, Vauban et Toulon.  Mais il aurait été bien dommage d'écarter ce passage du livre consacré à l'artiste et ses travaux pour la Marine.

Il a présenté des projets pour Marseille, mais surtout pour Toulon. Pour cette dernière ville, il y a eu plusieurs projets tant à l'Ouest qu'à l'Est de la ville ou sur la mer de 1669 à 1671. Ils se distinguent les uns des autres, outre par leur implantation géographique, par leurs capacités à accueillir dans une darse "x" vaisseaux (de 9 à 20) et à pouvoir les construire, puis les entretenir.  C'est-à-dire que le nombre de navires dimensionnent directement la taille des darses et des magasins pour armer et désarmer.

L'esthétique semble primer dans les projets du Puget, ce qui est dans la droite ligne de ses travaux précédents. Ainsi, à l'instar de la décoration des vaisseaux, il ne cherche pas à atteindre le "beau fonctionnel" : c'est-à-dire un arsenal suffisamment bien conçu pour construire et entretenir une flotte. Jean Peter explique ainsi que ce sont plutôt les règles géométriques qui régissaient les projets d'arsenal de Puget plutôt que la finalité de ceux-ci : la Flotte.

http://www.netmarine.net/forces/operatio/toulon/photo08m.jpg
© Net-Marine.

Les projets de Puget relèvent très certainement d'une utopie et l'on pourrait presque s'arrêter là. A quoi bon la décoration navale alors qu'aucun auteur de tactique ou de stratégie navale ne semble s'être intéressé (jusqu'à très récemment) à la diplomatie navale et à l'impact de l'esthétique des vaisseaux sur mer ? Néanmoins, les projets d'arsenal pointent la recherche esthétique de l'artiste. C'est un truisme de le dire. Mais il s'en dégage une recherche de la Grandeur. Là où les arsenaux de Venise ou d'Amsterdam étaient grands pour leur efficacité commerciale, Puget, comme d'autres alors en France, cherche à bâtir la Grandeur, presque à partir de rien.

Il serait ruineux de fixer de nouveaux caps à la politique navale française par une recherche de la Grandeur. Mais il ne serait pas non plus inintéressant de regarder les arsenaux et "les nouveaux arsenaux" d'aujourd'huir pour constater que la recherche esthétique a quelque peu disparu. Il ne serait pas ruineux de rechercher à atteindre le Beau ou des beaux. Au contraire, apès avoir cherché à atteindre l'esthétique de l'Art pendant le Grand siècle, il serait peut être temps de chercher à atteindre l'esthétique fonctionnel.

Comment est-ce que la recherche d'un "Beau" impacterait la construction d'un vaisseau ? Qu'est-ce que serait un "bel arsenal" aujourd'hui ?

08 août 2013

La mer du Japon est-elle trop étroite pour le porte-avions ?

© Inconnu.



La mise à l'eau du premier destroyer porte-hélicoptères 22DDH japonais (le jour de la commémoration du largage d'une bombe atomique sur Hiroshima), l'Izumo, a été l'occasion de nombreux échanges. Par exemple, certains portèrent sur la montée en gamme (navale) du Japon (classes 16 et 22 DDH) avec Si Vis Pacem et EGEA.


05 avril 2013

Tigre de papier ou COMOCO - Vers une Armée de Terre expéditionnaire


http://infos.fncv.com/public/2013/mali-caesar-canon-artillerie-france.jpg
© Inconnu. Un CAESAR au Mali.

Pascal Ramounet nous offre un billet de sa plume pour nous présenter sa réflexion sur le devenir de l'Armée de Terre dans le contexte actuel.


La première remarque que suscite l’observation de l’armée de terre est la disproportion entre ses effectifs, ses équipements, et sa capacité à les mobiliser en un temps donné.
Il suffit que quelques hommes soient envoyés ici et là sur des opérations extérieures, pour que l’asphyxie soit proche.
A quoi donc sert-il d’être doté de 4000 VAB, 630 VBCI, 250 chars LECELRC, quand l’usage de quelques uns épuise les capacités de nos armées.
Le débat sur la réduction du format de l’armée de terre est dépassé. La réalité l’a tué.
La vraie question est de savoir quel est le format cohérent permis par la capacité budgétaire de la France.
  1. Une absence manifeste de cohérence
L’adjectif cohérent prend toute son importance, quand à côté de 3500 VAB, 2000 camions logistiques 8X8 Astra, 630 VBCI, nous ne disposons que de 4 drones HARFANG mis à rude épreuve par la campagne Afghane, de 2 NH90 (!!!) destinés à remplacer les valeureux mais antiques hélicoptère PUMA à bout de potentiel, de 37 hélicoptères de combat TIGRE, 7 ans après leur première mise en service ….
Le comble est atteint avec le parc de chars LECLERC :
  • plus de 450 commandés par l’AT,
  • 250 « en service »,
  • 29 véritablement disponibles (parc d’alerte et de gestion…..) …..au sein de 4 ( ! ) régiments de chars de combat
Le 15 octobre 2008, lors de son audition par la commission de la défense de l’assemblée nationale le général IRASTORZA (CEMAT de l’époque) «  Statistiquement, le char LECLERC…tombe en panne au bout de 36 heures de fonctionnement ….. L’armée de terre dispose pour 140 chars LECLERC opérationnels (le chiffre tombé depuis à 42) d’un crédit de fonctionnement moteur de 2 h par semaine » 
Les exemples pourraient être multipliés.
L’armée française serait-elle un tigre de papier ?
L’impression est que le format et la configuration de l’AT sont davantage le résultat de l’affrontement de groupes de pressions, que le fruit d’une réflexion cohérente.
Le lobby militaro-industriel, est souvent dénoncé. La pression des chapelles internes à l’AT devrait également l’être. Ainsi l’acquisition récente de 13 LRU, dont les perspectives d’emplois sont plus que marginales laisse perplexe.
Une armée compacte, mobile, disponible, bien articulée et bien entrainée, formant un ensemble cohérent a-t-elle d’avantage de valeur militaire qu’une armée de papier, issue de la juxtaposition de choix hétérogènes dictés par l’influence des uns et des autres.
http://infos.fncv.com/public/2013/.qatar-char-leclerc-camouflage-sable_m.jpg
© Inconnu. Char Leclerc à l'exercice Gulf Falcon au Quatar.
II – Le principe COMOCO
« Dans un contexte où l’engagement en haute intensité est peu probable et où les intérêts vitaux de la France sont préservés par la dissuasion, il faut accepter que la vocation première de l’armée de terre soit désormais d’être la défense des intérêts de la France au plus vite, au plus loin et au moindre coût »Michel GOYA (DSI HS 27)
« Le rôle des forces terrestres et la nature de leurs opérations dimensionnantes, devrait donc demeurer de nature expéditionnaire, mais avec des temporalités différentes……. C’est sur la capacité à affirmer une supériorité opérative claire que résideront les clés du succès ». Benoît BIHAN (DSI HS 27)
Quelques constats s’imposent :
1/ La France n’a plus d‘ennemi à ses frontières terrestres ;
2/ Le défense militaire de ses intérêts s’opère en conséquence au -delà de ses frontières : espace littoral et aérien, espace terrestre extra hexagonal ;
3/ Son armée de terre doit en conséquence être configurée dans un objectif de projection, dont la poursuite dépend essentiellement de deux paramètres  liés : La masse à projeter, la capacité de projection.
4/ Son réseau d’alliances diplomatiques exclut la situation où la France aurait à subir seule une attaque militaire majeure de ses intérêts.
Ces préalables dessinent les contours d’une armée de terre capable de conduire seule et avec succès hors de frontières hexagonales des combats du fort au faible ou de participer à une action militaire multinationale.
Trois caractéristiques fortes :
  • La Cohérence
  • La Mobilité,
  • La Compacité
Il s’agit d’une armée de terre COMOCO (cohérente, mobile, compacte).
1/ Cohérente
Cela a déjà été dit, l’armée de terre ne doit pas être conçue par sédimentation de décisions successives. Son format, son organisation, ses équipements doivent être déterminés dans leur ensemble dans un même temps.
Le choix ne doit pas se faire, à coût budgétaire équivalent, entre 4 hélicoptères TIGRE ou 3 drones MALE ou 10 VBCI, mais en considérant le rapport indispensable entre nombre de drones, d’hélicoptères de combat et des véhicules de combat d’infanterie pour mener une action efficace, dans un cadre d’emploi de référence.
La cohérence en matière d'équipement se traduit par l'absence de maillon faible qui serait de nature à fragiliser l'ensemble du dispositif. Un maillon faible c'est l'absence ou l'insuffisance d'équipement nécessaire à la cohérence de l'ensemble (exemple des drones) ou un équipement manifestement obsolète qui ruine l’efficacité permise par la qualité des autres équipements.
2/ Mobile
La mobilité opérative d’une force appelée à intervenir hors de son territoire dépend des capacités de projection disponibles. Celles de la France se limitent à deux vecteurs principaux : 3 BPC pour la voie maritime, 50 hypothétiques A 400 M, à l’avenir, pour la voie aérienne.
Cette capacité est structurante. Elle doit commander le format, l’organisation et les équipements de la future AT.
La capacité de projection aérienne, en particulier, devrait imposer le gabarit des véhicules blindés appelés dans le cadre du programme SCORPION à remplacer les AMX 10 RC, les SAGAIES et les VAB.
Un A 400 M peut transporter dans une soute de moins de 18 m de long une charge de 30t sur 4500kms.
*On entend souvent que le VBRM, futur remplaçant des VAB, prendrait la forme d’un véhicule blindé à roues de la classe des 20t. C’est une hérésie, quand l’AT dispose d’un nombre suffisant de VBCI de 28t. Au côté d’un EBRC de moins de 30t qui pourrait pour des raisons d’économie et de logistique être issu du VBCI (train roulant et appareil propulsif) les nécessités d’une projection d’urgence appellent des véhicules de la classe des 10 t, comme le CRAB et le PVP XL de PANHARD. Ainsi ,3 A 400M pourraient transporter à 4500 km, un module de 2 CRAB, 4 PVP XL et 3 VBL
3/ Compacte
La compacité résulte naturellement des scénarios d’emploi de l’AT (intervention asymétrique limitée et contribution à une force multinationale), de la capacité de projection, et, en toutes hypothèses, des contraintes budgétaires de la France.
En matière militaire, le nombre est une qualité essentielle. Pour des raisons de coût, les armées occidentales ne peuvent associer le nombre et la qualité des équipements. Renoncer à des équipements performants, c'est-à-dire à une forme de supériorité à priori sur l'adversaire, c'est accepter la possibilité de pertes humaines nombreuses. Les sociétés occidentales, qui refusent l'idée de la mort, ne peuvent faire ce choix. L'occident, pour des raisons financières et socioculturelles est condamné à choisir la course technologique comme palliatif à des effectifs décroissants.
http://idata.over-blog.com/4/22/09/08/France/Armee-de-Terre/VBCI/VBCI-couv-tim-dossier-equipement.jpg© Inconnu.
III - Proposition d’organisation
Peu de moyens budgétaires et des moyens de projection limités signifient d’évidence une armée de terre au format de nouveau réduit.
Les conditions d’emploi envisagées conduisent à classifier les forces en fonction de leur capacité de projection, et en corollaire de leur puissance et de leur capacité à durer dans la zone de conflit.
Le recours systématique  au GTIA lors des récentes OPEX, montre que l’organisation traditionnelle est devenue surannée.
Les contraintes de projection et la variabilité des conflits soutiennent le principe d’une armée modulaire, étant admis que cette modularité ne doit pas affecter la cohésion.
Il est proposé pour résoudre ce paradoxe apparent un dispositif mixte :
  • Une force d’engagement d’urgence constituée des forces spéciales de l’AT ;
  • une force de projection rapide, privilégiant la mobilité opérative et la cohésion sur le couple puissance-protection, qui serait organisée autour d’un ensemble de modules autonomes formant des ensembles organiques, car appelés le plus souvent à opérer de conserve ;
  • une force de décision, plus puissante mais moins mobile au niveau opératif, composée de modules autonomes, appelés à renforcer la force de projection rapide, sans lien organique entre eux.

Mobilité opérativeCouple puissance- protectionDurabilité
Force d'engagement d'urgencemaximalefaiblefaible
Force de projection rapidefortemoyennemoyenne
Force polyvalente de renforcementfaibleforteforte
Forces de soutienfaible-forte


Un exemple de format possible :


  • Force d'urgence
3 REG opérations spéciales


  • Force de projection rapide
1 Brigade haute mobilité (montagne)
1 REG de chars légers (9 modules de 6 chars chenillés classe 30 t + une réserve de 6 chars, soit un total de 60 chars légers chenillés)
3 REG infanterie (3 fois 9 modules de 9 VHM infanterie – 1 VHM Dépannage – 1VHM trans/PC – 1 VHM Drones -1 VHM sanitaire- 2 VBL MILAN, soit 351 VHM)
1 REG artillerie (9 modules de 6 VHM Mortier 120 soit un total de 54 VHM mortier de 120, + 3 modules de 6 VHM JUMPER, soit un total de 18 VHM JUMPER)
1 REG soutien haute mobilité
1 Brigade parachutiste
4 REG infanterie parachutiste (4 fois 9 modules de 3 CRAB+ 13 PVP XL +3 VBL, soit 108 CRAB + 468 PVP XL + 108 VBL)
1 REG artillerie parachutiste (18 PVP XL Mortier 120 + 18 PVP XL JUMPER)
1REG soutien parachutiste



  • Force polyvalente de renforcement


1 REG de char de combat (9 modules de 6 LECLERC + une réserve de 6 chars, soit un total de 60 LECLERC + 9 modules de 2VBCI mortier de 120 mm sous tourelle+ 1 module de réserve, soit 20 VBCI mortier de 120)

2 REG de cavalerie blindée (2 fois 9 modules de 6 EPRC + une réserve de 6 EPRC, soit un total de 120 EPRC)

4 REG infanterie (4 fois 9 modules de 9 VBCI – 1 VBCI MPC – 1 VBCI Dépannage – 1 VBCI Drones -1 VBCI sanitaire-– 2 VBL, soit 468 VBCI)

2 REG artillerie (2 fois 9 modules de 6 CAESAR 155, soit 108 CAESAR 155 + 2 fois 3 modules de 6, soit 36 CAESAR FIRE SHADOW )

1 REG artillerie AA (MICA + C-RAM )


1 REG Renseignement (RADAR +DRONES)

1 Reg soutien

ALAT


La terminologie « régiments (REG)  » et « brigades » est utilisée par commodité de langage.
Un « régiment » serait formé de modules pouvant intervenir isolément. Cette autonomie, qui pourrait être comparée à celle des cellules dans un corps humain, présente l'avantage de permettre une continuité d'action en cas de perte d'un ou plusieurs modules. Elle permet également d'adapter la taille du "régiment" aux contraintes budgétaires, en ajustant le nombre de modules qui le constituent, sans ruiner la cohérence du dispositif.
Ainsi un module d’infanterie parachutiste pourrait être composé comme suit : 9 PVP XL infanterie (72 voltigeurs) – 3 CRAB 25 mm - 1 PVP XL trans/PC - 1 PVP XL Drones -1 PVP dépannage - 1 PVP XL soutien sanitaire-2 VBL MILAN -1 VBL MISTRAL. L’ensemble serait transportable par 5 A 400 M.
Un module d’artillerie parachutiste pourrait être composé comme suit : 6 PVP XL M 120 (ou JUMPER) – 3 VBL appui – 1 VBL MISTRAL – 1 PVP XL trans/PC – 1 PVP XL Drones . L’ensemble serait transportable par 4 A 400M.