Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





31 août 2013

Fin du monde en Syrie

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Thibault Leroy nous propose un papier sur la situation actuelle en Syrie. 
 
Interviendront-ils ? N’interviendront-ils pas ? Avec qui ? Pour quoi ? On spécule, c’est médiatique, sur la décision des Occidentaux d’intervenir en Syrie à la suite de l’utilisation de gaz Sarin, le 21 août. Les cabinets américains et européens, incapables de s’entendre avec les Russes et de faire avancer le dossier au Conseil de sécurité, ont opté en parallèle pour un discours beaucoup plus menaçant, laissant craindre ces derniers jours une intervention rapide et ciblée.
 
Le conflit en Syrie est à plusieurs échelles. D’un point de vue local, il met aux prises les forces gouvernementales de Bachar al-Assad à un patchwork de forces « insurgées » : combattants de l’Armée Syrienne Libre, Front Al-Nosra qui regroupe des combattants islamistes, Kurdes. La militarisation de l’opposition, le peu d’informations sur l’emprise réelle du Conseil national syrien, le poids des Syriens de l’extérieur et l’accroissement des réfugiés – ils sont 700 000 au seul Liban – sont autant d’éléments qui encouragent la dynamique centrifuge de la guerre civile syrienne. Même la disparition d’al-Assad demain ne répondrait pas au défi politique posé à l’opposition, le jeu de la révolution n’étant pas à somme nulle. A l’échelle régionale, la déstabilisation du Proche-Orient dessine un tableau en arcs électriques : la plaie demeure ouverte en Irak, toujours victime d’attentats meurtriers ; l’élection de Rohani en Iran n’a pas envoyé de signes tangibles d’un renoncement à son programme nucléaire ; surtout, le Hezbollah intervient aux côtés de Damas dans la guerre civile, tandis que les Israéliens et les Turcs ont vigoureusement réagi aux retombées sur leurs frontières de tirs perdus. Si l’incendie menace de se propager, la balkanisation du Levant est en tout cas à un stade avancé. L’instabilité régionale suffit à dissuader les Etats-majors d’une intervention précipitée, d’autant plus si elle est orchestrée par un axe Occidental loin d’être désiré et lui-même refroidi par ses expériences délicates, en Irak, en Afghanistan et même en Libye.
 
De quelle légitimité peuvent-ils en effet bénéficier ? Les Britanniques se sont appuyés sur l’article VII de la charte de l’ONU lors de la réunion du Conseil de sécurité. Il prévoit, en des termes imprécis, la possibilité d’une intervention de la communauté internationale si un Etat se révèle incapable de protéger sa population civile, et a fortiori s’il se montre coupable de crimes envers elle. Les vetos russe et chinois, prévisibles, ont bloqué l’initiative. Pékin et Moscou s’attachent-ils à de quelconques avantages stratégiques dans la région, négociés avec l’équipe au pouvoir à Damas ? Ou ne s’agit-il pas plutôt, pour eux, de ne pas laisser passer une nouvelle Libye ? Les deux grands émergents peuvent craindre que les Occidentaux aient des buts de guerre cachés en Syrie, et ne souhaitent pas une nouvelle fois les laisser gendarmer le monde selon leurs intérêts.
 
L’ordre des choses aurait voulu que l’issue de la crise syrienne se décide entre diplomates, et la clef se trouvait sans doute à Moscou bien plus qu’à Homs. Ce serait avec un cahier des charges politiques vide que les frégates américaines auraient frappé la Syrie. Sans frein, sans fin, les armées occidentales n’auraient-elles pas été entraînées, une nouvelle fois et malgré elles, dans une violente escalade ? L’issue incertaine n’est certainement pas celle des combats, dont la supériorité mécanique américaine décidera facilement, mais celle de la sortie politique, imprécisée par les gouvernements. Le conflit Syrien ressemble étrangement aux conflits post-guerre froide, du Golfe à la Yougoslavie. Ils nous ont montré qu’on ne décide pas arbitrairement de l’avenir politique d’une nation. La subtile organisation des sociétés n’obéit pas aux lois physiques de la guerre, mais à une chimie instable et dangereuse. Les interventions occidentales des vingt dernières années, policières et justifiées par la morale – mais quelle morale ? –ont été pensées comme un devoir de conscience, mais vécues sur le terrain comme des ingérences contre-productives. Il faut se garder de l’impéritie d’un bellicisme angélique. Il faut accepter une complexité inédite. Le nouvel ordre international ressemble bien à cette « a-polarité » dont l’a qualifié le ministre Laurent Fabius, bien plus qu’une multipolarité organisée entre quelques puissants. L’ancien monde tarde à mourir, le nouveau tarde à paraître : de cette formule de Gramsci, interrogeons-nous sur la Syrie, qui pourrait être le départ d’un nouvel état du monde.
 
 
 Thibault Leroy, doctorant en Histoire, Université Paris 1.

29 août 2013

Les six porte-avions de l'étude du 20 juin 1945

© Inconnu. 1941, localisation non-précisée (les Antilles ?).


L'étude du 20 juin 1945 proposait par la Marine nationale exposait la vue de l'état-major quant à la reconstruction de la Flotte pour l'après-guerre. Les six porte-avions (d'escorte) demandés dans ce cadre peuvent apparaître comme hors de propos avec les contingences d'une France libérée et à reconstruire. Le détail des l'étude présente plutôt un état-major de la Marine très pragmatique.

27 août 2013

Projet de conversion du Jean Bart en cuirassé lance-missiles

© Inconnu. Représentation d'artiste d'un Kentucky lance-missiles, projet assez similaire à ceux de la Royale.


Le regretté Alain Guillerm glissait rapidement dans l’un de ses ouvrages – La Marine de Guerre moderne – 1915-2015 - qu’il avait été dommage que la Marine nationale n’ait pas eu les budgets nécessaires à la conversion du Jean Bart en cuirassé lance-missiles. 

12 août 2013

Les hydrocarbures non-conventionnels et les instrument de la puissance

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© 2008 Daniel Bechennec - Tous Droits réservés. Cuirassé "DREADNOUGHT" Royal Navy (1906).
 
Le débat sur les gaz de schistes bat son plein en Europe (au moins) et il pose légitimement des questions. Surtout qu'il y a des questions d'une incroyable portée géopolitique à poser. C'est pourquoi il peut être intéressant de rappeler quelques faits à ce sujet, de manière très synthétique. Et d'enchaîner avec la question qui se pose à bien des stratèges, de chambre ou en activité : faut-il en être ?
 
Depuis que la décision a été prise aux Etats-Unis de lancer l'exploitation de ces ressources, un demi-million d'emplois aurait été créé. Ne pas oublier non plus le retour d'industries aux Etats-Unis, autrefois délocalisées : serait-ce à cause de ce phénomène que les exportations chinoises baissent structurellement ? Il faut dire que le coût du gaz aux Etats-Unis est plusieurs fois inférieurs à son prix d'achat en Europe ou en Asie : pour certaines industries, c'est Byzance. Mieux encore, Washington deviendrait auto-suffisant sur le plan énergétique vers 2035.
 
Ce qui reviendrait à souligner que si le pays prenait bel et bien cette voie de l'auto-suffisance alors les rapports politiques ne seraient plus les mêmes avec le Moyen-Orient. Cela serait un nouveau cap stratégique alors que les Etats-Unis poussent à des réformes sociales dans le Golfe. Sans compter que l'on reparle d'un possible changement d'alliance entre Washington et Téhéran, en défaveur de Riyad.
 
Mais le coût environnemental de cette industrie serait très lourd puisqu'il faudrait accepter que des zones, des territoires entiers soient suffisamment pollués pour ne plus permettre la consommation des ressources locales en eau douce ou la poursuite de l'exploitation agricole de ces terres. Ce n'est pas rien pour un pays comme la France où les réserves de gaz de schiste seraient dans le bassin parisien, bassin agricole par excellence.
 
En résumé, les Etats-Unis gagneraient de nouvelles libertés de manœuvre sur la scène internationale (n'est-ce pas le rôle de la stratégie ?) à la suite d'un choix stratégique tranché (ils ont accepté de choisir avec ses gains et ses risques).
 
http://s2.lemde.fr/image/2012/12/21/534x0/1809353_5_31e3_principaux-bassins-de-gaz-de-schiste-jaune-et_bb146e90374607221690256388339781.jpg 
© AIE. Principaux bassins de gaz de schiste (jaune) et de gaz de houille (vert) en Europe.
 
Autres exemples, c'est celui des gisements d'hydrocarbures non-conventionnels estimés, espérés en Europe. Il n'y a pas besoin d'être grand clerc pour se rendre compte que sur la période 2030-2050 la hiérarchie européenne pourrait être bousculée : Hongrie (!), Roumanie, Pologne et Etats Baltes sont plutôt bien pourvus, tout comme la France, l'Allemagne et l'Angleterre (mais aussi l'Ecosse...) et le Benelux.
 
Dès lors, il y aura une différence sur la scène internationale : ceux qui en seront et les autres. A l'heure qu'il est, personne ne parvient à se passer des énergies fossiles, et encore moins de la promesse d'une énergie peu coûteuse.
 
Ce n'est pas la première fois que les Etats sont confrontés à de véritables dilemmes face aux valeurs de leur société, à leurs orientations historiques face à la mer ou à leurs réticences face à certaines activités humaines.
Rapidement, on peut par exemple citer le cas de la mer. L'Europe se retrouve confrontée à l'explosion du commerce maritime, et surtout du commerce océanique. Même pour les grandes découvertes il fallait en être pour peser sur la scène internationale. L'idée fait son chemin en Europe (elle l'avait déjà fait pendant l'Antiquité en Grèce) que pour protéger le commerce maritime d'une nation il faut une marine. C'est donc pour cela que Richelieu déclare que pour "tenir son rang" la France doit être présente sur les mers : il lance donc le chantier d'une grande marine de guerre, violent changement impulsé depuis le haut !
 
La colonisation, à ses différentes époques, s'imposent aussi aux sociétés européennes, puis mondiales. Ce n'est pas un débat simple, et pour les nations qui ont l'ambition de compter sur la scène mondiale, il doit être abordé. En effet, depuis que l'Europe investit toutes les mers du globe il se mène une "guerre de positions" pour conquérir de nouveaux territoires pourvoyeurs en matières premières (mêmes humaines). C'est dans la droite lignée du développement des marines de guerre.
 
On pourrait également citer le rôle de l'art dans les instruments de la puissance puisque tout ces voyages européens et ces guerres de conquête s'accompagnent régulièrement de pillages pour garnir les maisons européennes. Quand ce ne sont pas les pays européens eux-mêmes qui se concurrencent artistiquement : rivalités franco-italiennes, classicisme français, utilisation de l'art baroque, etc... La conquête de l'influence, du prestige par l'art faisait, déjà, l'objet d'une guerre des cerveaux.
Mais il est aussi possible de citer la (première) guerre de l'or noir, au tout début du XXe siècle. La société Technip (qui vient de signer un contrat de plus d'un milliards d'euros au Brésil) est née de l'exploitation pétrolière française en Roumanie (où ses deux créateurs inventèrent l'étude des sols par utilisation d'un courant électrique). C'est en Irak que français, allemand et anglais mènent une guerre de position larvée pour les premiers gisements. Mais c'est en raison de la création du HMS Dreadnought (1906) et du choix de la turbine à vapeur Parson (alimentée en charbon et au pétrole) que Londres exploite les gisements d'Iran1.
 
Il y eu également l'aventure du nucléaire qui commencent par les premières recherches sur la radioactivité jusqu'à la course à la bombe qui commence bien plus tôt que le projet Manhattan aux Etats-Unis. De même, il est assez intéressant de relire que la Suède était candidate à la bombe, par exemple. Le nucléaire militaire est un instrument de puissance. Mais le nucléaire civil aussi puisqu'il est la promesse d'une énergie peu coûteuse et abondante. Le regain d'intérêt pour les réacteurs au thorium est la promesse d'une nouvelle indépendance pour certains Etats (dont l'Inde).
 
La course à l'Espace était beaucoup plus consensuelle mais tout aussi importante. Il fallait en être (la France troisième puissance spatiale de l'Histoire) pour bénéficier des avantages stratégiques considérables pour le développement des télécommunications, de l'observation de la Terre, l'exploration spatiale et l'arsenalisation de l'Espace (un jour).
 
Ces quelques exemples sont là pour rappeler que les sociétés humaines ont eu au cours des cinq derniers siècles à choisir s'il fallait ou non être de telle ou telle aventure. Le choix s'apparente souvent au prix à payer pour participer à "une guerre de positions" : impossible de compter si l'on n'a pas les matériaux pour le faire. C'est-à-dire qu'il faut au moins investir pour investiguer le nouveau secteur de développement afin de pouvoir apprécier de quoi on parle (de l'autonomie de décision ?).
 
Les ressources ou les instruments militaires permettent de développer un pays comme ils permettent de préserver ce qu'il est. Tout investissement présente des gains et des pertes : mettre quelques billets dans un projet implique de ne pas les mettre ailleurs, et pire, de dévaloriser une autre position. C'est sous cet angle que l'on peut aussi aborder la question des hydrocarbures non-conventionnels. Ils peuvent s'ajouter à la longue liste des instruments de puissance d'un Etat.
Enfin, remarquez que bien des instruments de puissance, si ce n'est la totalité, nécessite l'intervention directe de l'Etat pour les construire ou au moins encadrer leur exploitation et/ou assurer la sûreté des approvisionnements.
 

1 A ce propos, Joseph Henrotin apporte une correction sur la page Facebook d'AGS : "Attention les p'tits loups lorsque l'on dit "Mais c'est en raison de la création du HMS Dreadnought (1906) et du choix de la turbine à vapeur Parson (alimentée en charbon et au pétrole) que Londres exploite les gisements d'Iran". La première découverte iranienne, c'est Masjid I Suleiman, en 1908. Surtout, les discussions britanniques sur les choix de carburant interviennent après le Dreadnought".
 

10 août 2013

Loi de programmation militaire et Marine Nationale - Une flotte resserrée frappée de sénescence

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© DCNS. SNA de classe Suffren.
 
Pascal Ramounet, qui a déjé écrit sur le Fauteuil et proposé à l'occasion un nouveau format pour l'Armée de Terre, nous livre un premier jet de ses réflexions sur la nouvelle LPM.
Certains considèrent que le projet de LPM proposé par le ministre de la défense réussit à éviter le pire en préservant les fondamentaux de la défense nationale.
 
Il m’est d’avis que tel n’est pas le cas. La nouvelle LPM poursuit une longue descente aux enfers et assène un nouveau coup de poignard à l’industrie de la défense à l’heure du redressement productif proclamé.
 
Le choix entre le nombre et la qualité qui a fait récemment débat dans le presse spécialisée, trouve ici un épilogue sans appel: Il n’y aura ni le nombre ni la qualité.
 
Je me limiterai dans ce blog à quelques exemples relatifs à la Marine nationale, considérée pourtant comme l’arme la moins touchée par les mesures d’économies budgétaires annoncées.
 
Il s’agit de trois programmes majeurs dont le calendrier est de nouveau étiré au delà du point de rupture.
 
Le programme FREMM qui devait à son origine concerner 17 frégates, format réduit à 11 unités par le livre blanc de 2008, se voit de nouveau amputer, pour atteindre à l’horizon 2019, 8 unités livrées, dont deux anti-aériennes.
 
Bien sur l’acquisition des 3 derniers bâtiments est évoquée, avec quelque réserve, pour l’après 2019……… Au rythme de construction d’une unité tous les 14 mois, la livraison très hypothétique du dernier bâtiment serait repoussée à 2025  (cf dossier de Mer et Marine).
 
Dans la réalité, cela veut dire, que le format de 11 frégates multimissions (FMM) modernes est de la poudre aux yeux.
 
De 2013 à 2020, le format réel de la Marine Nationale sera dans la meilleure des hypothèses, de 7 frégates ASM, dont 1 agée de plus de 30 ans.
 
Nous serons ainsi passés de 17 exemplaires jugés nécessaires à 7 exemplaires jugés suffisants.
 
Si l’on tient compte d’un taux de disponibilité compris entre 60 et 70%, la Marine nationale ne sera en mesure de mobiliser que 4 frégates ASM dans la période 2013 - 2020.
 

situation 2013 situation 2020
Nom
Mise en service
Age en 2013 en années Nom Mise en service Age en 2020 en années
D 641 DUPLEIX 1981 32 D 646 LATOUCHE TREVILLE 1990 30
D 642 MONTCALM 1982 31 D 6... AQUITAINE 2013 7
D 643 JEAN DE VIENNE 1984 29 D 6... NORMANDIE 2014 6
D 644 PRIMAUGUET 1986 27 D 6... PROVENCE 2016? 4
D 645 LA MOTTE PICQUET 1988 25 D 6... LANGUEDOC 2018? 2
D 646 LATOUCHE TREVILLE 1990 23 D 6... AUVERGNE 2019? 1
D 6... AQUITAINE 2013 0 D6….ALSACE 2020? 0
 
On se doit d’observer, que la responsabilité de cette situation ne peut être imputée au ministre de la défense actuel qui doit gérer, comme il peut, un héritage particulièrement lourd. L’application stricte du projet de LPM permettra au moins de rajeunir considérablement une flotte actuellement en décrépitude.
 
Le programme de SNA de la classe BARRACUDA est encore plus caricatural.

Si la mise en service du premier de série, le SUFFREN, est maintenue en 2017, la livraison de son sistership a été repoussée d’un an. Elle n’interviendra qu’en 2020, ce qui nous donne le tableau suivant :
 

situation 2013 situation 2020
Nom Mise en service Age en 2013 en années Nom Mise en service Age en 2020 en années
S 601 RUBIS 1983 30 S602 SAPHIR 1984 36
S602 SAPHIR 1984 29 S603 CASABIANCA 1987 33
S603 CASABIANCA 1987 26 S604 EMERAUDE 1988 32
S604 EMERAUDE 1988 22 S605 AMETHYSTE 1992 31
S605 AMETHYSTE 1992 21 S606 PERLE 1993 30
S606 PERLE 1993 20 S... SUFFREN 2017 3
 
En 2020, 5 des 6 SNA auront plus de 30 ans !

La comparaison avec la grande Bretagne, dont la politique de défense est pourtant décriée, est saisissante : Il est prévu, en 2020, que 6 des 7 SNA de nouvelle génération auront été livrés.
 
Le troisième exemple concerne les vaillants Atlantique 2
 
La Marine nationale dispose de 27 Atlantique 2 (ATL2) livrés de 1989 à 1997, qui sont donc âgés de 16 à 24 ans.
Selon la LPM, 15 d'entre eux sont destinés à être rénovés (radar, système électro-optique, moyens d'écoute, dont des bouées acoustiques numériques...) et 4 seront versés, en l'état à la surveillance maritime.

Parmi les 15 ATL2 destinés à être rénovés, 4 le seront avant 2020, en l'occurrence entre 2018 et 2019.
 
Ici encore, cela veut dire, dans l’hypothèse d’un taux de disponibilité de 70% (à vérifier) que dans la réalité, la MN ne sera capable de mettre en œuvre de façon simultanée, que 3 avions modernes de lutte anti-sous marine en 2020.
 
Les avions de patrouille maritime sont pourtant cruciaux pour la protection des approches maritimes et portuaires du pays, du groupe aéronaval et en premier lieu de la Force océanique stratégique (FOST)
 
Les récents conflits lybiens et maliens ont démontré que leur utilité s’exerce bien au delà des océans. Leur autonomie, leur moyens optroniques et de communication leur permettent d’assurer des missions de missions de surveillance, de renseignement, de détection de cibles et même de bombardement (cf opération SERVAL) au profit des forces terrestres.
 
La surveillance maritime sera dotée pour sa part, outre 4 ATL 2 non rénovés, de 8 Falcon 50, dont 4 équipés de chaine SAR. Les 5 GARDIAN ( Falcon 200) actuellement affectés Outre-mer seront retirés du service en 2015, frappés par une obsolescence avancée (32 ans). Le programme AVSIMAR destiné à les remplacer est repoussé aux calendes grecques.
 
Outre la raréfaction dangereuse des avions de patrouille et de surveillance maritime ce qui frappe, à la lecture de la LPM, est l’absence de gestion globale, c'est-à-dire interarmées et au-delà, interministérielle, de la problématique de la surveillance aérienne, considérée au sens large (reconnaissance, surveillance, identification et désignation….)
 
Chacun dans son coin, avec ses moyens. La MN avec ses ATL2 et ses FALCON, l’armée de l’air avec ses drones MALE US annoncés, l’armée de terre avec ses drones tactiques également annoncés (vraisemblablement des WATCHHKEPPER qui décollent d’une piste en dur ….) et ses 3 ISR de nature inconnue…et les services de la douane qui ont commandé 8 magnifiques Beechcraft King Air 350ER dotés d’un panel complet de capteurs et systèmes de missions (Ocean Master de Thalès, Star Safire III, SlAR Therma, AIS, liaison de données tactiques...).
 
A quand une organisation unifiée de ces moyens disparates ?
 
Au final, ces quelques exemples, qui pourraient être élargis, notamment aux moyens de lutte contre les mines, négligés, et aux navires de patrouille maritime complètement oubliés, alors que la lutte contre les trafics illicites est l’un des défis majeur à relever, donnent une image beaucoup moins réjouissante de la future MN que n’en donne la présentation trompeusement optimiste du projet de LPM.
 
Des corrections s’imposent, messieurs les députés et sénateurs.
Il conviendrait à minima, de
  1. maintenir en 2019, la mise en service du Duguay-Trouin, deuxième SNA de la classe BARRACUDA ;
  2. doubler le nombre d’ATL2 rénovés, soit 8 au lieu de 4 ;
  3. renouveler la flotte de patrouilleurs hauturiers (classe ADROIT amélioré), à raison de 12 unités, soit un bâtiment livré tous les 6 mois.
 
 
Pascal RAMOUNET

09 août 2013

"Puget et la Marine - Utopie ou modèle ?" de Jean Peter

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© Musée Granet, Aix-en-Provence. Pierre Puget, Autoportrait, huile sur toile, 1668.

L'ouvrage, Puget et la Marine - Utopie ou modèle ? (éditions Economica, 54 pages, 68F), de Jean Peter peut attirer tout ceux qui se passionnent sur le rapport entre le "Beau" et les vaisseaux de guerre.
Ce n'est pas un sujet nouveau pour ce blog. Il a été tenté de questionner quels sont les ressorts de l'esthétique de la puissance sur mer. A titre de rappel, il y avait eu cette présentation de la modélisation numérique d'un 74 canons.
Rien de plus éclairant que ce petit livre qui retrace la carrière d'un grand artiste au service de l'esthétisme dans la Marine. Il était ingénieur, architecte, urbaniste, dessinateur, peintre, décorateur, marinistemais aussi concepteur d'arsenal. Puget passa trois fois par la ville de Toulon : de 1643 à 1647, puis de 1655 à 1660 pour des travaux dans la ville. Mais l'artiste a surtout œuvré de 1668 à 1679 ou 1680.

Le livre se décompose donc autour des trois grands domaines dans lesquels l'artiste travailla la matière navale :
  • Puget, décorateur de vaisseaux,
  • Puget, concepteur d'arsenal,
  • Utopies ou modèles d'arsenal ?
Il fut donc un décorateur de vaisseaux. Jean Peter s'attache à nous décrire son travail, à des degrés divers, sur des vaisseaux comme le Dauphin-Royal, un des Royal-Louis, le Monarque, l'Ile de France ou encore le Paris. L'artiste, aux multiples talents, réalise de grandes oeuvres d'art puisque "la gloire du Roi consiste en ce point à surpasser toutes les autres nations qui se sont le plus appliquées à la Marine" (page 7).

Son œuvre sera contrariée puisque Puget officie alors que Colbert réduit les dépenses dans l'onrnement des vaisseaux (moins d'ornements, et plus de vaisseaux à cette époque). L'auteur nous raconte la lutte entre l'artiste, qui veux atteindre le Beau, et Colbert, qui veut des vaisseaux aux belles qualités guerrières et nautiques. Le Beau à atteindre n'est plus le même. Dès lors, ce sera un long chemin de croix pour ces scultures, entre autres ordres de réductions des ornements, celui donné par Colbert en 1669 pour réduire les ornements sur les vaisseaux de 50 canons jusqu'à la disparition des figures de proue, ultime héritage de la décoration navale au début du XXe siècle.

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© Wikipédia. Tableau de Pierre Puget.

Aujourd'hui, une assemblée de missiles sur un pont, non-ensilotée, fait office d'esthétique de la puissance navale (et cela impressionne fort bien). A regarder certains navires (comme les frégates F100 espagnoles : à tout hasard, vraiment), on dirait que la représentation de l'Etat sur mer a disparu face à une représentation de systèmes d'armes et de budgets. S'il n'y a pas un seul Beau, est-ce une raison suffisante pour ne pas tenter d'en atteindre un seul ?

Puget comme concepteur d'arsenal avait déjà été traité dans un autre ouvrage de Jean peter, Vauban et Toulon.  Mais il aurait été bien dommage d'écarter ce passage du livre consacré à l'artiste et ses travaux pour la Marine.

Il a présenté des projets pour Marseille, mais surtout pour Toulon. Pour cette dernière ville, il y a eu plusieurs projets tant à l'Ouest qu'à l'Est de la ville ou sur la mer de 1669 à 1671. Ils se distinguent les uns des autres, outre par leur implantation géographique, par leurs capacités à accueillir dans une darse "x" vaisseaux (de 9 à 20) et à pouvoir les construire, puis les entretenir.  C'est-à-dire que le nombre de navires dimensionnent directement la taille des darses et des magasins pour armer et désarmer.

L'esthétique semble primer dans les projets du Puget, ce qui est dans la droite ligne de ses travaux précédents. Ainsi, à l'instar de la décoration des vaisseaux, il ne cherche pas à atteindre le "beau fonctionnel" : c'est-à-dire un arsenal suffisamment bien conçu pour construire et entretenir une flotte. Jean Peter explique ainsi que ce sont plutôt les règles géométriques qui régissaient les projets d'arsenal de Puget plutôt que la finalité de ceux-ci : la Flotte.

http://www.netmarine.net/forces/operatio/toulon/photo08m.jpg
© Net-Marine.

Les projets de Puget relèvent très certainement d'une utopie et l'on pourrait presque s'arrêter là. A quoi bon la décoration navale alors qu'aucun auteur de tactique ou de stratégie navale ne semble s'être intéressé (jusqu'à très récemment) à la diplomatie navale et à l'impact de l'esthétique des vaisseaux sur mer ? Néanmoins, les projets d'arsenal pointent la recherche esthétique de l'artiste. C'est un truisme de le dire. Mais il s'en dégage une recherche de la Grandeur. Là où les arsenaux de Venise ou d'Amsterdam étaient grands pour leur efficacité commerciale, Puget, comme d'autres alors en France, cherche à bâtir la Grandeur, presque à partir de rien.

Il serait ruineux de fixer de nouveaux caps à la politique navale française par une recherche de la Grandeur. Mais il ne serait pas non plus inintéressant de regarder les arsenaux et "les nouveaux arsenaux" d'aujourd'huir pour constater que la recherche esthétique a quelque peu disparu. Il ne serait pas ruineux de rechercher à atteindre le Beau ou des beaux. Au contraire, apès avoir cherché à atteindre l'esthétique de l'Art pendant le Grand siècle, il serait peut être temps de chercher à atteindre l'esthétique fonctionnel.

Comment est-ce que la recherche d'un "Beau" impacterait la construction d'un vaisseau ? Qu'est-ce que serait un "bel arsenal" aujourd'hui ?