© Inconnu. USS Albany (CG-10) firing two RIM-8 Talos missiles (fore and aft) and a RIM-24 Tartar missile (port amidships) simultaneously. January 1963. |
La
défense aérienne de la Flotte est un exercice très exigeant : plus les
engins, les missiles vont vite et loin, plus la défense doit être
réactive, à longue portée et centralisée. Elle a subi une grande
évolution au sortir de la seconde guerre mondiale quand les engins
allemands (et les ingénieurs qui les ont développé) ont atterri dans les
laboratoires des alliés. Les américains prirent une longueur d'avance
dans le développement des engins, mais les autres nations n'étaient pas
en reste.
En
ce qui concerne particulièrement la Flotte, si l'artillerie
traditionnelle a perdu de sa superbe, elle a été complété par des engins
ayant des caractéristiques très différentes. Les senseurs sont
également très importants, et la suite radar a mettre en oeuvre depuis
un navire est complexe car la défense aérienne nécessite :
- un radar de veille air,
- un radar d'illumination,
- un radar de poursuite.
Cette défense aérienne navale correspond à plusieurs bulles de protection :
- SATCP - Surface-Air Très Courte Portée (0 - 10 km)
: c'est la première -et dernière !- barrière de défense d'une unité
navale. Elle repose soit sur des missiles à très courte portée, comme le
Mistral embarqué dans, par exemple, les affûts SADRAL, ou des
mitrailleuses à grande cadence de tir (les systèmes, mis en service ou
non, sont plus nombreux que ce que l'on peut imaginer de prime abord).
Mais il convient de ne pas oublier le rôle des pièces d'artilleries de
57, 76 et 100mm pour dresser un "mur d'acier" devant un assaillant. A
notez que les missiles SATCP sont, en règle général, très manoeuvrants
et rapides.
Cette bulle de défense représente quelques kilomètres de portée (0 à 6 km, environ). Elle peut bénéficier de l'apport des informations tactiques, via des liaisons de données, de la part d'autres unités, ce qui est particulièrement utile quand le navire est démuni de senseurs. Cependant, elle demeure la barrière élémentaire de n'importe quelle unité navale. Il est nécessaire d'avoir un radar de veille aérienne afin de percevoir la menace. Voir un radar de conduite de tir et de poursuite... ce qui est peut être rarement nécessaire pour des systèmes SATCP (sauf les mitrailleuses) qui sont souvent manoeuvrés à la force du matelot (affût double Mistral, en particulier). - SACP - Surface-Air Courte Portée (0 - 20 km)
: la bulle de protection est plus élaborée : d'une part, sa portée
avoisinne la vingtaine de kilomètres, et d'autre part, les systèmes
radars (de vieille, de poursuite et de ciblage) sont plus élaborés.
Encore une fois, l'apport d'informations tactiques de la part d'autres
unités est plus qu'utile. Dans la Royale, il s'agit avant tout du
Crotale (l'affût contient le radar de poursuite). L'Aster 15 est à
cheval entre cette catégorie et la suivante, par exemple.
- SAMP - Surface-Air Moyenne Portée (0 - 60 km) :
la barrière de protection est réhaussée dans la gamme des 30-60 km. La
taille de cette bulle, qui est d'un cran bien supérieur aux deux
précédentes, exige une suite radar bien plus élaborée. C'est surtout
pour la puissance des engins de la suite radar qui fait la différence :
il faut bien entendu disposer d'un radar de veille surface adaptée, ce
qui veut dire qu'il voit bien au-delà de la portée des armes, mais il
faut également un radar d'illumination qui cible l'assaillant pour le
temps que la bordée arrive à son niveau. Le RIM-24 Tartar (60 km) en
service dans la Marine nationale -depuis la refonte de quatre escorteurs
T47- et encore à ce jour, sur les deux frégates Jean Bart et Cassard,
entre dans cette catégorie par le haut, tandis que le Masurca était dans
la partie basse de cette catégorie (30 km), tout comme le très récent
Aster 15 qui équipe notamment le Charles de Gaulle.
- SALP - Surface-Air Longue Portée (0 - 300 km) : a priori,
ce sigle est peut être une invention de l'auteur de ces lignes. L'Aster
30 constitue le bas de la fourchette dans ce domaine avec une portée
officielle de 100km contre aéronefs. Dans l'US Navy, le RIM-8
Talos (le défunt Masalca français aurait pu lui répondre), dans sa
dernière version, affichée une portée de 300km... (contre 160 km pour la
configuration initiale).
Dans une autre mesure, les aéronefs embarqués participent à cet échelon de la défense aérienne de la Flotte. L'articulation est assez complexe à ce niveau puisqu'il faut, à la surface de la mer, des radars de veille aérienne de longue portée (comme le fameux S1850 de Thales, ou SMART-L) et des radars d'illumination d'une portée supérieure aux armes (l'Herakles, l'APAR, etc...). Les aéronefs embarqués, à voilures fixes ou tournantes, permettent d'éclairer une zone particulière de l'évolution de l'escadre. Un E-2 Hawkeye peut, par exemple, éclairer une zone de 500km de rayon... ce qui donne autant de temps à la défense de se préparer en engageant la menace en avant (aéronefs et missiles SALP) ou de préparer la défense en profondeur (les autres systèmes).
La fusion des données et le commandement centralisé de la zone d'influence aérienne de l'escadre nécessite des systèmes de commadnement et d'armes exigeants. - SATLP - Surface-Air Très Longue Portée (0 - 250 km d'altitude) : quelque part, c'est un peu le nouvel échelon de défense aérienne de la Flotte. Les précédents existaient, au moins dans l'US Navy,
depuis les années 50. L'acronyme est encore une fois l'invention de
l'auteur, mais il ne désigne pas tellement un accroissement de la portée
des armes sur le plan horizontal... que vertical. La majeure partie des
missiles ne dépasse pas un plafond de 20km. C'est la défense
anti-missile balistique de la Flotte qui va modifier un peu ce plafond :
- le premier échelon est l'interception bas endo-atmosphérique, soit la DAMB de théâtre qui nécessite surtout une suite radar et des missiles à l'autodirecteur adaptés (Aster NT). L'Armée de l'Air est la seule en France à maîtriser cette capacité opérationnelle avec le Mamba (SAMP/T).
- Le second échelon est l'interception dans le haut endo-atmosphérique (30-70km). C'est l'objectif affiché par l'Aster block 2, et la seconde salve du THAAD.
- Le troisième échelon serait l'interception
exo-atmosphérique : la frontière exo-atmosphérique se situerait, dans la
DAMB/ABM, aux alentours des 120 km d'altitude, domaine où agissent les
SM-3 et THAAD (capacité pour ce dernier de tirer un missile de
rattrapage pour retenter l'interception de la cible, dans le haut
endo-atmosphérique). L'Exoguard d'Astrium viserait ce milieu
d'interception.
La
défense aérienne de la Flotte est donc une structure complexe, en
multiples couches. Toutes les marines ne visent pas cette protection
multicouche, ce qui est naturelle car elles n'ont ni les mêmes
ambitions, ni les mêmes stratégies... ni les mêmes ressources.
En France, bien des voix poussent à ce que le nouvel échelon soit intégré -et pas uniquement sur les mers- mais à des degrés divers... Pour information, la refonte DAMB de théâtre des Forbin et Chevalier Paul coûteraient, selon le Sénat, quelques 300 millions d'euros. Pour aller plus loin, la somme s'éleverait à environ 2 milliards d'euros : soit le coût d'un porte-avions, ou d'un programme BATSIMAR adapté aux ambitions du discours politiques.
En France, bien des voix poussent à ce que le nouvel échelon soit intégré -et pas uniquement sur les mers- mais à des degrés divers... Pour information, la refonte DAMB de théâtre des Forbin et Chevalier Paul coûteraient, selon le Sénat, quelques 300 millions d'euros. Pour aller plus loin, la somme s'éleverait à environ 2 milliards d'euros : soit le coût d'un porte-avions, ou d'un programme BATSIMAR adapté aux ambitions du discours politiques.
Si
les armes et senseurs nécessaires à la défense aérienne à moyenne
portée dépassent la mer dans le cadre de la guerre littorale, il
convient de relever :
- que la défense aérienne à longue portée a un rayonnement politique inégalé (voir l'impact diplomatique de l'envoi du HMS Dauntless (ou le Daring dans le Golf), destroyer Type 45 (PAAMS ou Sea Viper en anglais) aux Malouines -alors que la frégate Type 22 HMS Montrose avait laissé de marbre).
- Mais la défense aérienne antimissile balistique a un rayonnement politique planétaire certain car la suite radar est couplée à des systèmes spatiaux et terrestres de détection avancée, ce qui offre une surveillance de zone massive. De même, la possibilité d'intercepter aussi bien des missiles balistiques (interception potentielle ne veut pas dire efficacité automatique) que des satellites permet à un systèmes d'unités et d'armes de faire peser une menace sur un adversaire qui dépasse la mer. Quelque part, ne serait-ce pas une nouvelle impulsion à l'intrusion de la Mer dans la Terre depuis le porte-avions ?
La
frégate de défense aérienne est une unité nouvelle (si l'auteur a bien
compris) : elle a été voulue en France depuis le début des années 90.
Les unités précédentes se contentaient de gérer leurs couches (ce qui se
résumait à deux couches, en règle générale), et d'intercepter les
menaces qui se présentent au navire. La nouveauté de la frégate de
défense aérienne, qui se différencie du navire anti-aérien, est qu'elle
peut, par son système d'armes, gérer les différentes plateformes qu'elle
a sous sa responsabilité. Elle centralise les informations tactiques,
et coordonne la lutte anti-aérienne. Elle peut autant utiliser ses armes
que celles des autres navires. C'est-à-dire qu'il n'est plus nécessaire
que le porteur des armes disposent des senseurs nécessaires à leur mise
en oeuvre.
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