La
défense anti-missile balistique fait des vagues depuis le sommet de
l'OTAN à Prague en 2002. Avant d'évoquer les pendants navals de ces
nouveaux systèmes, il m'a semblé intéressant de revisiter les
"fondations du temple" (comme le disait l'Amiral Castex à propos de la
stratégie navale) avant de construire un édifice. C'est-à-dire qu'il va
être intéressant de commencer par rassembler quelques caractéristiques
de base sur ces engins avant d'évoquer leur utilisation ou les moyens de
les contrer.
L'auteur
de ce blog ne prétend pas dégager lui même ces caractéristiques de base
des engins. C'est grâce à la communication de l'ingénieur en chef des
études et techniques d'armement Emmanuel Nourdin (DGA/SASF; architecte
de capacité) au séminaire "Défense antimissile balistique et contribution navale : quels enjeux ?" (7 juin 2010) que je vais pouvoir en extraire les bases recherchées.
Un missile balistique
L'engin balistique est un projectile dont le vol, en dehors de sa phase propulsée, est soumis aux lois de la balistique.
La trajectoire du missile balistique se découpe en trois phases :
- une phase propulsée dans l'atmosphère,
- une phase balistique, essentiellement dans l'espace,
- et la phase terminale de rentrée dans l'atmosphère.
La
première phase est primordiale puisqu'elle détermine grandement la
précision finale de l'engin. Il est possible de corriger la trajectoire
du missile en phase terminale. Cela a même tendance à devenir
obligatoire au furt et à mesure de l'allongement de la portée. Durant
toute cette partiel du vol, le projectile est encore soumis aux forces
aérodynamiques.
La seconde phase,
essentiellement balistique et hors -atmosphère, est régie par les lois
de Keppler, ce qui rend l'engin parfaitement prédictible.
La
phase terminale consiste pour l'engin à se diriger sur la cible, s'il
est monocorps et qu'il ne lâche pas de sa charge (cas de certains
missile balistique à courte portée). Sinon, dans la grande majorité des
cas, c'est la partie du vol où l'engin lâche ses charges.
Trois types de trajectoire balistiques
Il existe trois types de trajectoire connues pour les missiles balistiques :
- la trajectoire dite à énergie minimale ;
- la trajectoire tendue : trajectoire dont l'altitude à l'apogée est moindre ;
- la trajectoires plongeante ou "loftée" : trajectoire dont l'altitude atteinte à l'apogée est plus élevée.
La
trajectoire à énergie minimale est celle qui donne la portée maximale
au missile.L'apogée de la trajectoire est égale à environ un quart de la
portée du missile pour ce type de trajectoire.
La
trajectoire tendue possède la caractéristique la l'altitude maximale
atteinte par l'engin est moindre. La contrepartie à cette altitude
moindre est de permettre un temps de vol plus court, ce qui peut
permettre de "stresser" la défense.
La
dernière trajectoire, celle plongeante, est celle qui atteint
l'altitude la plus élevée des trois. Cette caractéristique a le défaut
d'offrir une plus grande détectabilité, mais offre aussi une plus grande
vitesse terminale du corps de rentrée.
Vitesse de l'engin
L'ingénieur cite un exemple très parlant : "on
peut retenir que la vitesse de rentrée est sensiblement la même que la
vitesse en fin de la propulsion : pour un missile de 3000 km de portée
ces vitesses sont d'environ 4500 m/s".
La
question de la vitesse de l'engin est centrale puisque, par exemple,
l'Exoguard d'Astrium devait avoir une vitesse maximale de 5000 m/s :
est-ce assez pour aller à la rencontre d'un engin qui est tiré "plus ou
moins" de l'intercepteur ? De manière plus généralement, l'augmentation
de la vitesse entraîne des exigences techniques pour les engins et leurs
intercepteurs. Surtout, plus la vitesse est élevée, moins la défense a
de temps pour réagir, voir pour réfléchir.
Portées des missiles balistiques et catégories
La distinction est classique, sans être unique, mais elle garde, toutefois, toute sa pertinence :
- 150 à 1000 kilomètres de portée : les missiles de courte portée ou Short Range Ballistic Missile (SRBM) ;
- 1000 à 3000 kilomètres : les missiles de moyenne portée ou Medium Range Ballistic Missile (MRBM) ;
- 3000 à 5500 kilomètres de portée : les missiles balistiques de portée intermédiaire ou Intermediate Range Balistic Missile (IRBM) ;
- 5500 à 12 000 kilomètres de portée : les missiles intercontinentaux ou InterContinental Ballistic Missile (ICBM).
A
voir que d'autres classifications évoquent d'autres paliers pour les
changements de catégorie. Ainsi, les SRBM ne dépasseraient pas les 150
ou 200 kilomètres de portée (DSI HS, "Artillerie : quel avenir pour le
"Dieu de la Guerre" ?, page 80).
Quel ergol ?
Il y a deux types de propulsion pour les missiles, balistiques ou non, les roquettes et les lanceurs spatiaux :
- la propulsion liquide,
- la propulsion solide.
Le
premier type de propulsion possède deux grands avantages. Le premier
est que c'est une technologie assez facilement maîtrisable. Deuxième
grand avantage, et il reste déterminant aujourd'hui pour les lanceurs
spatiaux et certains missiles balistiques : une impulsion spécifique
(l'énergie embarquée) plus importante que celle développée par le
combustible de la propulsion solide.
Les
deux défauts des ergols liquides sont que les engins doivent être
remplies avant le lancement, ce qui sur le champ de bataille, est bien
contraignant. En outre, ce sont des produits dangereux et corrosifs : ce
qui explique le remplissage peu avant le lancement.
La
propulsion solide est une technologie plus difficile à atteindre, ce
qui explique que tout les Etats désirants développer des missiles
balistiques en passent d'abord par les ergosls liquides.
Synthèse
Je reproduis ci-dessous le tableau de la communication de l'ingénieur :
Portée (km) | Vitesse en fin de propulsion (m/s) | Apogée pour trajectoire Emin (km) | Temps de vol pour trajectoire Emin (s) |
120 | 1230 | 35 | 189 |
300 | 1550 | 90 | 320 |
600 | 2280 | 200 | 475 |
1000 | 2720 | 250 | 580 |
1300 | 3200 | 310 | 660 |
2000 | 4000 | 450 | 810 |
2500 | 4400 | 600 | 930 |
3000 | 4750 | 700 | 1010 |
4500 | 5600 | 940 | 1220 |
6000 | 6000 | 1050 | 1450 |
10 000 | 7000 | 1250 | 2000 |
Il
apparaît dès lors, et de façon évidente, que passé une certaine portée
(300 km) il devient nécessaire, obligatoire de possèder et mettre en
oeuvre des moyens de surveillance de l'Espace pour suivre l'engin
pendant sa phase balistique, au moins.
Ce sont des moyens coûteux, qui ne sont pas à la portée de tout les Etats, et c'est ce qui donne l'avantage à l'offensive ! Il est plus rentable de posséder des missiles balistiques que de savoir les contrer puisque cela oblige à la puissance qui tenterait de s'en prémunir de lourds investissements -ces derniers se faisant, souvent, au détriment des forces conventionnelles.
En outre, cela veut dire que passé une certaine distance, un pays peut être attaqué par un autre sans que ses moyens traditionnels de renseignement puissent l'avertir du ou des lancements de missiles balistiques. Il doit être possible d'opérer un système de surveillance quand un pays est suspecté de se préparer à de tels lancements. Mais l'attaque surprise peut l'être totalement dans certains cas.
Ce sont des moyens coûteux, qui ne sont pas à la portée de tout les Etats, et c'est ce qui donne l'avantage à l'offensive ! Il est plus rentable de posséder des missiles balistiques que de savoir les contrer puisque cela oblige à la puissance qui tenterait de s'en prémunir de lourds investissements -ces derniers se faisant, souvent, au détriment des forces conventionnelles.
En outre, cela veut dire que passé une certaine distance, un pays peut être attaqué par un autre sans que ses moyens traditionnels de renseignement puissent l'avertir du ou des lancements de missiles balistiques. Il doit être possible d'opérer un système de surveillance quand un pays est suspecté de se préparer à de tels lancements. Mais l'attaque surprise peut l'être totalement dans certains cas.
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