Ce billet n'a qu'une seule vocation : tenter de briser l'idée que la
réduction du programme FREMM aurait occasionné une seule économie.
Nous peinons à trouver en quoi :
- la Marine nationale est "privilégiée" par l'actuel gouvernement,
- la maritimisation de l'Archipel France a été un choix stratégique.
Marine 2015 était-il plus coûteux ?
Premièrement, je vous propose de larges citations d'un article de Mer et Marine de 2007 au titre évocateur : "Supprimer des frégates : un non-sens économique et stratégique ?" . Depuis
2007, les dires de l'équipe de Mer et Marine ont été largement confirmés par les faits.
"Dans le cadre du modèle d'armée 2015, le nombre de frégates dont doit disposer la marine a été fixé à 26. Pour maintenir au début des années 2020 ce niveau d'équipement, obtenu depuis plusieurs années grâce à une réduction du format de la flotte, 17 frégates multi-missions, 2 frégates de défense aérienne du type Horizon et deux frégates antiaériennes dérivées des FREMM sont attendues. Elles complèteront les cinq frégates légères furtives du type La Fayette".
"Dans le cadre du modèle d'armée 2015, le nombre de frégates dont doit disposer la marine a été fixé à 26. Pour maintenir au début des années 2020 ce niveau d'équipement, obtenu depuis plusieurs années grâce à une réduction du format de la flotte, 17 frégates multi-missions, 2 frégates de défense aérienne du type Horizon et deux frégates antiaériennes dérivées des FREMM sont attendues. Elles complèteront les cinq frégates légères furtives du type La Fayette".
Un programme économique
"Grâce à l'effet de série et à une cadence de production très
élevée, une livraison tous les sept mois étant prévue, DCNS présente un
bâtiment bon marché. Développement et armement compris,
si les 17 unités sont construites, le coût unitaire moyen
des FREMM sera de 380 millions d'euros. Ce prix est, environ, 30% moins
élevé que celui des frégates construites dans les autres
chantiers européens. Il mérite par exemple d'être comparé
au programme allemand F125, qui prévoit une enveloppe de 2.5 à 3
milliards d'euros pour quatre bâtiments, soit 630 à 750
millions d'euros pièce, pour un navire au tonnage et aux équipements
similaires".
"En cas d'abandon partiel ou total des tranches
optionnelles, le ministère de la Défense se privera donc des effets
d'une longue classe répétitive, qui permettra de réduire la facture
des FREMM optionnelles de 25%. Dans le même temps, si une telle
décision est prise, l'Etat devra payer un surcoût à DCNS, comme spécifié
dans les clauses de dédit du contrat signé fin 2005. En
clair, il faudrait ajouter plusieurs dizaines de millions d'euros à
la facture des huit premiers bateaux".
"Enfin, on notera que dans le cadre des économies budgétaires souhaitées sur la prochaine loi de programmation militaire (2008 - 2013), amputer le programme FREMM ne serait d'aucun secours. La première tranche aboutira en effet à une livraison de la Frégate n°8 en 2015. Ce n'est donc qu'en toute fin de LPM, voire sur la LPM suivante, que la charge de la première tranche optionnelle aura des effets. La deuxième tranche conditionnelle devrait, quant à elle, être en partie imputée à la LPM 2018-2023, ce qui permet d'étaler les dépenses sur près de 20 ans".
"Autre sujet de préoccupation en cas de réduction du programme
FREMM, celui du budget de fonctionnement. Premier bâtiment de surface
français imaginé après la guerre froide, la frégate
multi-missions bénéficiera d'une automatisation très poussée,
permettant une réduction considérable de son équipage. Seuls 108 hommes
armeront chaque navire. A titre de comparaison, 298 marins
sont nécessaires pour une frégate du type F67, 240 pour une frégate
du type F70 et 89 pour un aviso. 40% du prix d'utilisation d'un
bateau étant constitué par l'équipage, une réduction
notable de la masse salariale est attendue avec l'entrée en flotte
des FREMM. Ainsi, seuls il faudra un peu plus de 1800 hommes pour armer
les 17 FREMM, contre près de 3100 pour les 18 frégates
et avisos devant être remplacés. La marine y gagnera donc
sur le coût de fonctionnement, d'autant que les futurs bâtiments
bénéficieront de modes de propulsion moins gourmands en
énergie. Le « plein » en carburant d'une frégate étant actuellement
estimé à plus de 15.000 dollars, il y aura, là encore, des économies à
faire".
"Tout comme le coût de fonctionnement, le poids de la
maintenance a, également, fait l'objet d'importantes études destinées à
réduire le budget nécessaire à l'entretien des FREMM.
Cette flotte bénéficiera d'un contrat de Maintien en
Condition Opérationnelle de six ans, soit le double des contrats de MCO
aujourd'hui gérés par DCNS. Le nombre plus important de
navires à traiter, la possession d'une série homogène et
l'allongement de la durée des contrats donneront aux industriels une
meilleure visibilité et une capacité accrue pour réduire le prix de
leurs prestations. Ces dernières devraient osciller autour
de 6 millions d'euros par an et par frégate. Ce budget est prévu pour
être inférieur au prix consenti pour les actuelles
frégates, bien que les navires soient plus gros et nettement mieux
armés. Grâce à une conception adaptée, le programme de maintenance sera
quant à lui allégé. Les FREMM ne nécessiteront un grand
carénage de six mois que tous les 10 ans, contre un arrêt technique
majeur de 4 mois tous les trois ans pour les F67 et F70. Les périodes
d'entretien courant seront elles-aussi diminuées, avec
seulement 2 à 3 mois d'Indisponibilité pour Entretien (IE) tous les
trois ans".
"Les clefs de comparaison entre l'actuelle génération et les futurs navires sont donc, économiquement, probantes. Il convient, d'ailleurs, de noter qu'un étalement du programme FREMM,
parfois évoqué, ne ferait que prolonger le surcoût du maintien en service des vieilles frégates.
En dehors du report des bénéfices attendus sur FREMM en matière de
masse salariale et de
maintenance, prolonger l'activité des bâtiments en service
provoquerait inévitablement un accroissement des dépenses liées à leur
obsolescence. Remplacement d'équipements usés, maintien en état
de matériels vétustes, problèmes de stocks liés à l'arrêt de la
production de pièces trentenaires, obérant parfois certaines capacités
faute de rechanges disponibles... Passé un certain âge,
l'entretien d'un navire n'est pas sans conséquence budgétaire. Les
exemples sont légion dans le secteur naval comme dans l'aéronautique. Il
y a dix ans, faute d'avoir reçu à temps ses premiers
Rafale, la marine faisait encore voler son antique Crusader.
Totalement dépassé, l'avion nécessitait, pour chaque heure de vol,
plusieurs dizaines d'heures de maintenance. Ce que militaires et
industriels appellent de l'« acharnement thérapeutique » sur des
matériels hors d'âge finit, à la longue, par coûter beaucoup plus cher
au contribuable que l'acquisition d'équipements
neufs".
Un incroyable gâchi
Un second article de Mer et Marine, "FREMM : chronique d'un incroyable gâchi" (14 octobre 2013),
confirme malheureusement ce que le premier a pu avancer. Ce sont des extraits de cet article qui suivent.
"Pour la première fois, la semaine dernière, le
ministre français de la Défense a ouvertement envisagé la possibilité
d'un abandon des trois dernières frégates multi-missions
(FREMM) destinées à la Marine nationale".
"Pour l'heure, Jean-Yves Le Drian n'a pas tranché, renvoyant la décision à la fin de l'année 2016. Mais, d'ores et déjà, on peut estimer que les esprits sont préparés à cette éventualité, qui pour être honnête ne surprend personne. Toutefois, si depuis plusieurs mois il n’y a plus grand monde pour croire à la construction des FREMM 9 à 11, cette nouvelle amputation probable du programme laisse quand même un profond sentiment de gâchis".
"Comme il serait bien entendu ridicule de lancer un nouveau programme comprenant seulement deux unités, sauf à y intégrer le remplacement des six frégates de surveillance du type Floréal (mais la marine envisage plutôt, dans ce cas, des patrouilleurs hauturiers), l’idée fait donc son chemin d’abandonner les trois dernières FREMM pour les remplacer par des FTI, portant ainsi cette série à cinq unités".
"Il est d’ailleurs intéressant de noter que DCNS a déjà développé une frégate de taille intermédiaire, la FM400. Ce modèle de 4000 tonnes, lancé en 2008, était destiné à succéder aux La Fayette, différentes versions étant proposées suivant les besoins des marines (unités plus axées sur la défense aérienne, la lutte anti-sous-marine ou l’action vers la terre). Sauf que, trois ans plus tard, le groupe naval a mis la FM400 en sommeil, après s’être rendu compte auprès des prospects que l’intérêt pour un tel bâtiment n’était pas avéré. En effet, compte tenu du niveau d’équipements demandé, le prix de la FM400 était finalement très proche de celui de la FREMM, ne justifiant donc pas l’achat d’un bâtiment plus petit et aux capacités inférieures".
"Oui, ces frégates sont aujourd’hui plus chères que ce qui était annoncé lors du lancement du programme en 2005 (7 milliards d’euros pour 17 frégates). Mais à qui la faute ? A l’Etat, et d’abord à l’ancienne majorité, qui a décapité un superbe projet basé sur une très forte productivité. Celle-ci était conditionnée par une grande série (17 frégates) et une cadence de livraison particulièrement élevée (une tous les 7 mois), permettant à DCNS (qui a investi pour l’occasion des dizaines de millions d’euros dans la modernisation de son outil industriel lorientais) et ses sous-traitants d’optimiser au maximum les achats et la production".
"En supprimant six FREMM en 2008, l’Etat a obéré les gains de productivité escomptés et, mécaniquement, renchéri le coût du programme puisque l’effet de série est bien moindre. Sans même parler des pénalités prévues dans le contrat en cas d’annulation ou d’étalement, DCNS et ses fournisseurs ont été obligés de revoir la facture à la hausse, ce qui doit aussi avoir des répercussions sur les tarifs proposés à l’export, puisque l’amortissement du projet est moindre sur sa base nationale".
"Selon le chef d’Etat-major de la marine, auditionné au Sénat le 17 septembre, « l'ordre de grandeur est qu'en passant de 17 à 11, nous renchérissons le coût de la commande d'environ deux FREMM »".
"Au final, la France va réussir une nouvelle fois ce tour de force dont elle a le secret : payer plus pour avoir moins, et moins bien. Une gestion consternante que les magistrats de la Cour des comptes apprécieront sans doute, un jour, à sa juste valeur…"
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