© Véronique
Guillermard. Les deux A400M de l'Armée de l'air sur la base aérienne d'Orléans.
Il y a déjà plus d’une semaine, le "super typhon" Haiyan
touchait les Philippines, avant d’atteindre, avec une
puissance moindre, le Vietnam puis la Chine. Faisons l'économie de
la contextualisation car la presse a massivement investi le sujet, tant
il n'existe aucune autre affaire (sauf, depuis hier
soir, la défaite de l'équipe de France de football en Ukraine,
grande cause nationale qui vaut bien une course aux reportages).
De la réaction française à cette catastrophe qui a lieu à quelques milliers de kilomètres d’un bout de terre français, il n’y aura que peu d’échos. Normal. Il y a bien peu de choses à dire sur la diplomatie humanitaire française. Ou plutôt si. Il y a une grande question à poser : existe-t-il encore une diplomatie humanitaire en France ? Définie comme une diplomatie mobilisatrice autour de causes humanitaires, elle vise à faciliter l’accès aux victimes, faire accepter les différents acteurs de l’aide, coordonner l’aide, etc.
Suite au typhon (qui a eu lieu la semaine dernière, rappelons-le), la Sécurité civile aurait envoyé seize (16) sapeurs-pompiers de l’UIISC1 de Nogent-le-Rotrou sur place via un avion-cargo affrété pour l’occasion, en attendant l’arrivée de 40 autres pompiers en début de semaine prochaine. C'est impressionnant… Récemment, sur Twitter, sur le compte @Tsahal_IDF, nous pouvions apercevoir la photographie de cinq (5) membres des forces armées israéliennes ayant contribué à un miracle au milieu de ce maelstrom de drames et de catastrophes.
© Inconnu. La Royal Air Force envoie au moins un C-17 et 30
millions d'euros d'aides. Le HMS Daring a été déplacé de Singapour aux Philippines.
Il
est tellement vrai que, en matière de communication opérationnelle à
destination des audiences nationales ET
internationales, nous avons grandement progressé en France sur
l'accompagnement de l'action des forces armées dans la sphère médiatique
depuis 1940…
Petite question en passant, est-ce que les membres de la Sécurité civile ont remarqué qu'ils participaient au continuum de la Défense et de la Sécurité ? Deux livres blancs semblent l'affirmer en cinq années. Il ne serait pas étonnant qu'ils soient sous commandement militaire pendant une telle opération dans le cadre d'une diplomatie humanitaire unifiée. C'est assez has been de partir chacun dans son coin.
Nous aurions pu nous attendre à ce que le porte-hélicoptères Jeanne d'Arc prête assistance comme lors du Tsunami en
Indonésie en décembre 2004. L’opération Beryx (cf. un retour d’expérience)
mobilisait à
l’époque 70 personnels de la Sécurité civile, l’équipage d’une
frégate, 12 hélicoptères de transport ou de reconnaissance, 2 appareils
de transport tactique Transall, 1.400 militaires environ,
etc. Ah oui, où avons-nous la tête, la Jeanne a été retirée du
service en juin 2010 et non remplacée. A vrai dire, il semblerait qu'il
n'y ait pas de navires militaires français dans le coin. Pas
de chance. Par
contre, il y a
une escadre américaine (porte-avions, bâtiments amphibies,
navires-hopitaux, etc.), des points d’appui en action (Guam, Japon,
etc.), etc. L’incarnation du pivot vers l’Asie, en
somme. Même les Anglais ont envoyé le HMS Daring depuis Singapour, un C130, un C-17, etc.
©
JA COOPMANN - Film : JB 29 aout 2007. Arrivée de l'Antonov An-225
"Myria" chargé de matériel pour
la reconstruction de la Martinique, après le cyclone DEAN. Les
pilotes Russes ont impressionnés les Français par leur témérité et leur
professionnalisme pour faire atterrir l'avion de transport
le plus lourd du monde... De l'art de la diplomatie aérienne ?
Nous sommes surpris par la faible ampleur des moyens aériens qui ont été mobilisés : la France possède deux appareils de
transport stratégique A400M. Ah, grand malheur, ils ne sont pas encore opérationnels. Ils le sont suffisamment pour que les frères-jumeaux d'Airbus Military (les A400M d'essais) puissent transporter des cendres (j'insiste,
et en plein vol, attention) ou le Président de la République,
mais pas pour convoyer 30 tonnes de médicaments avec une cocarde
tricolore de quatre mètres par trois posée sur la carlingue,
n’ayant pas atteint le standard machin chose. A noter que pendant
l'opération Baliste en 2006 au large du Liban, le BPC (Bâtiment de
projection et de commandement) Mistral n'avait pas encore été
déclaré opérationnel, bien qu’employé à faire des norias pour
évacuer des ressortissants vers Chypre. C'est un bien bel investissement
que cet A400M, dommage que le Livre blanc de 2013 limite
arbitrairement son rayon d'action à 5.000 km... Heureusement, les
caractéristiques demandées au programme A400M n'exigeaient pas un avion
de transport intercontinental (qui nous manquait, comme
par exemple en Afrique, ainsi témoignait le colonel Spartacus dans
l'ouvrage qu'il avait rédigé sur l'opération Manta).
De plus, il est si bien connu que dans un rayon de 5000km autour de Paris, nous atteignons les limites de la Terre.
Celle-ci étant plate, fatalement, nous tombons après en avoir atteint les limites.
©
Inconnu. Un des A400M d'Airbus Military en plein largage de cendres
volcaniques. "Vérité au Nord des pyrenees, mensonge au delà" : en
France, les A400M ne sont pas assez opérationnels pour transporter de l'aide humanitaire.
Certains représentants de la France avait pu constater lors du dialogue de Shangri-La, forum annuel international sur la
sécurité, à l'été 2013 à Singapour que certains pays-riverains de la France en Asie du Sud-Est se moquaient (un peu ? beaucoup ?) de
l'affirmation martelée avec force : "La France est une puissance de l’Asie-Pacifique". Notre réponse au typhon peut-elle leur donner tort ? Aux ambitions (élevés)
exprimées dans le Livre blanc, qui a fait le choix
de ne pas négliger l’Asie et le Pacifique, manquent-ils les moyens permettant de les concrétiser ?
©
Wikipédia. Rome a envoyé un avion de transport C-130 : l'Italie est donc plus asiatique que la France ?
Heureusement, aujourd'hui, la perspective a été renversée... Un BPC a débarqué des moyens au plus près des victimes. L'armée de Terre a réussi le tour de force extraordinaire de convoyer une demi-douzaine d'hélicoptères de manœuvre en état de marche sur ce navire. L'aide humanitaire française a été convoyée par les deux A400M qui ont donné de leur précieux temps d’essais en vol pour montrer qu'ils servaient à quelque chose. Depuis nos îles du Pacifique, des appareils Transall sont sur place et participent au transport des personnes qui sont accueillis dans notre hôpital de campagne. Sur place, l'ambassadeur de France, accompagné d'un officier général et d'un haut-responsable de la Sécurité civile, coordonne l'arrivée de l'aide française et le travail des associations. La communication sur l'évènement est assurée via un compte Twitter dédié (émettant en Français, Anglais et Filipino), avec un hastag pour l’opération.
Nos
partenaires notent avec intérêt notre présence dans la zone en ces
heures difficiles. La continuité de l’opération leur
paraît évidente avec notre habituelle diplomatie militaire
d’échanges bilatéraux, de coopération structurelle et opérationnelle par
la formation des forces armées locales, avec nos escales dans
les ports de la région faisant partie de notre diplomatie navale, avec les passages sur certains aéroports de
la région lors de transits depuis la Métropole ou d’exercices, incarnations de notre diplomatie aérienne,
avec les partenariats lors de
prospections pour des contrats d’armement, etc. Tous s’accordent à
dire, « oui, vraiment, la France est bien une puissance de
l’Asie-Pacifique ». Fiction d'une occasion (en
partie) manquée ou réalité de demain ?
Article écrit à 4 mains et 2 claviers avec Mars attaque.
Les propos tenus ne représentent que l’opinion de leurs auteurs et n’engagent pas les institutions ou sociétés pour qui ils ont été ou sont employés...
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