Territoire oublié d'Europe d'environ 150 000 habitants seulement, sa
petitesse (18323 km²) pouvant pousser à croire que c'est un artefact
(ou l'origine d'une célèbre chanson britannique). Au
contraire, c'est l'héritage d'une riche histoire, celle de turcs
chrétiens ayant une filiation avec les peuplades mongoles qui dominèrent
un temps l'Europe, de l'Est en particulier.
Peuple turcophone donc, creuset des tribus Oghouzes qui immigraient
vers l'Ouest de l'Europe entre les X et XIIe siècle ap. J.-C.
Ils ont été christianisés au cours du XIXe siècle à partir d'un
échange de territoires entre les empires russe et ottoman en 1812
(l'Empire russe obtenant la Bessarabie).
Le chemin de l'indépendance de la Gagaouzie débute dès le XXe
siècle. Ainsi, et dès 1906, la République de Komrat est proclamée, sa
durée de vie ne dépasse pas les 15 jours. Puis, en 1917 les
députés Gagaouzes votent l'indépendance de la Moldavie et leur
rattachement à la Roumanie. Rétrospectivement, c'est assez ironique avec
la configuration de la fin du XXe siècle. Enfin, en 1940 la
Moldavie est annexée à l'URSS. Sous administration soviétique, les
revendications gagaouzes sont gêlées.
Le cheminement de l'accession à l'indépendance des Gagaouzes débute,
comme beaucoup de choses en Europe de l'Est, par l'invitation du
président Boris Eltsine à prendre autant de libertés que
possible. Ou plutôt, la célèbre formule eltsienne ne sera là que
pour sanctionner un mouvement largement entamé. Les revendications
nationalistes gagaouzes se font jour dès les années 1980. En
1990, les Gagaouzes se révoltent lors de la chute de l'empire
soviétique. En août 1990 la République de Gagaouzie est autoproclamée.
Le leader indépendantiste Sepan Topal est élu à la présidence
du Soviet suprême le 31 octobre 1990.
© Wikipédia.
La Moldavie ne peut que trouver une solution avec cette turbulente
république. Chose pressante puisque les évènements gagaouzes sont
simultanées à ceux de Transdniestrie... La souveraineté et
l'intégrité territoriale de la Moldavie se fera au prix d'une
certaine souplesse. Après trois années de conflit, en 1994, la région
autonome de Gagaouzie est créée entraînant l’officialisation du
gagaouze comme langue de cette région autonome. Les gagaouzes gèrent
aussi leur politique éducative désormais.
Les Gagaouzes parlent une langue altaïque qui est relativement
différente de la langue turque. Cela n'empêche pas la Turquie
d'entretenir des liens culturels fort avec ce territoire. Depuis la
dissolution de l'URSS, Ankara conserve des liens par les créations
d'un centre culturel turc et d'une bibliothèque en République de
Gagaouzie.
Le partage des population s'est fait relativement pacifiquement.
Toutes les localités comprenant plus de 50% de Gagaouzes ont été
intégrées. Dans les autres au peuplement plus métissés des
référendums furent organisés.
Les relations avec les autorités centrales restent encore
aujourd'hui très tendues. Par exemple, en janvier 2014, la région
autonome de Gagaouzie annonçait son intention de consulter ses
administrés par référendum. Ce serait une réaction à l'agenda
pro-européen du gouvernement moldave. Il trahirait la volonté de s'unir à
terme à la Roumanie. Les résultats du référendum du 2
février 2014, qui a atteint un taux de participation de plus de 70%
(présence d'observateurs bulgares, polonais et ukrainiens, entre
autres), ont été connu le 3 février : 98,4% des électeurs ont
voté pour l’intégration de la Gagaouzie à l’Union douanière (Russie,
la Biélorussie et le Kazakhstan) et 98,9% à avoir voté en faveur du
droit de la Gagaouzie à déclarer son indépendance, si la
Moldavie devait perdre ou abandonner sa propre souveraineté.
Enfin, il reste la question de l'accès à la mer. Sans cela, il y a
de quoi s'interroger sur la crédibilité et la profondeur de la volonté
d'engagement dans la communauté économique russe. C'est
bien en raison de la proximité de la mer Noire et de l'importance de
la crise de Crimée de 2014 qui pousse à imaginer que Moscou a quelques
gains territoriaux à négocier pour offrir cet accès à
la mer.
© Inconnu.
Le drapeau non-officiel des Gagaouzes de tous pays est très
original. Il détonne dans le concert européen des drapeaux. Il est à ne
pas confondre avec l'emblême de la maison Stark de la fiction
"Games of Throne" (George R. R. Martin). Ainsi qu'il est dit dans
l'ouvrage précité (et très bien expliqué à la page 116), ce drapeau est
constitué d'une tête de loup rouge (mémoire de l'empire
Couman du XIe siècle, peuple turcophone originaire des bords de la
Volga ayant émigré en Europe dont les Gagaouzes sont des descendants)
dans un cercle blanc, sur fond bleu azur, ce qui détonne
en Europe où le Lyon est roi (et le coq l'exception culturelle). Ce
bleu clair est la couleur traditionnelle des Turcs et des Mongols.
Le drapeau officiel est des plus classiques.
Bibliographie :
Atlas des Nations sans Etat en Europe - Peuples minoritaires en quête de reconnaissance, dirigé par BODLORE-PENLAEZ Mikael, éditions Yoran Embanner, Fouesnant, 2010.
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