Chassé-croisé
entre deux formats de Marine pour débuter l'année : Marine 2015 est
chassée par Marine 2025. Occasion proposée de faire le bilan de la
précédente maquette. C'est également le moment symbolique retenu par
l'état-major de la Marine pour présenter ce projet (accessible à tous, d'un volume de neuf pages) sous la férule de son chef d'état-major, l'Amiral Bernard Rogel.
Première
chose à relever, l'EMM sait manifestement faire connaître ses
intentions. Le Major Général de la Marine (MGM) affiche les trois grands
défis à atteindre :
- appliquer la loi de programmation militaire, toute la loi de programmation militaire (premier défi désigné) ;
- les ambitions pour l'outil naval français à l'échéance de 2025 (deuxième défi identifié).
- Depuis le 20 décembre 2014, le document circule et est commenté. Application de l'un des trois défis : convaincre du besoin de Marine.
Deuxième
chose, si le patron de la Marine est à la barre, ce n'est pas non plus
un exercice de communication solitaire. Outre le CEMM, le VAE Arnaud de
Tarlé (Major Général de la Marine (MGM), le CA Benoît Lugan (officier
général "transformation), le VAE Christophe Prazuck (DPMM), les CV
Benoît Rouvière (chef du bureau cohérence organique) et François Rebour
(adjoint au délégué pour la défense et la sécurité). Le "vaisseau EMM"
présente donc son projet introduit par les mots de son commandant, le
CEMM.
Selon
le CEMM, Horizon Marine 2025 s'appuie sur quatre fondations : Agir,
Bâtir, Adapter et Etre marin. Manière habituelle de résumer les lignes
de force du projet en une devise de circonstance. Manière toute aussi
habile de souligner le rôle de chacun dans la construction de la Marine
de demain.
La
modernité du graphisme du document est la troisième chose remarquable.
Ce n'est pas la première fois que nous pouvons apercevoir cette maquette
graphique qui semble avoir été introduite par le Centre d'Etudes
Stratégiques de la Marine. Elle demeure toujours aussi agréable
visuellement (même si tous les goûts sont dans la nature). Elle offre
une certaine cohérence dans la mesure où elle habille les documents de
la Marine. Même, elle pourrait constituer une identité visuelle bien
française (par rapport à ce qui peut être aperçu, par exemple, dans les
marines anglo-saxonnes).
Penchons-nous
dès maintenant sur cette Marine 2025. Les ambitions du document ne sont
pas une découverte pour les curieux de la chose navale. Le chef
d'état-major de la Marine a pu aborder la Marine à l'horizon 2025 dans
ses interventions devant les commissions des deux chambres et dans des
interviews (ici en avril 2014).
Autre exemple, le CA Jean-Philippe Chaineau, sous-chef Plans/Programmes
(SC PL/PROG) expliquait les grandes lignes de cette maquette dans une
interview donnée à Cols Bleus (novembre 2014).
La
France est forte d'une marine unique dans le continent européen qui
s'appuie sur des capacités opérationnelles stratégiques de dissuasion
(centrée sur les 4 SNLE et la FANu), d'intervention (groupe aéronaval,
groupe amphibie), de protection (couverture mondiale, contre-terrorisme
maritime, guerre des mines, Action de l'Etat en Mer...) et de
connaissance et d'anticipation (la contribution des SNA, les escales des
navires avec la rencontre des élites locales, ...).
En
Europe, et bien que l'effort naval anglais se maintienne, la Royal Navy
ne ne dispose plus de certaines capacités comme la mise en oeuvre d'un
groupe aéronaval (en attendant la fin de la décennie) ou d'une
patrouille maritime (qui fait souvent défaut). Néanmoins, elle est en
phase de remontée en puissance qualitative mais aussi quantitative.
Au
niveau mondial, si la marine française peut se faire distancer en
tonnage par d'autres marines, surtout asiatiques, et que ces dernières
produisent un effort technologique important, la maîtrise de ces
capacités stratégiques la distingue encore. Ce qui la rapproche beaucoup
plus de première marine mondiale, l'US Navy, que des autres. La Marine
nationale est ainsi la deuxième marine du monde pour l'utilisation
politique de la Flotte (la diplomatie navale : produire des effets
politiques depuis la mer) selon Hervé Coutau-Bégarie.
La
grande étape de la transformation navale française est la mise en
service progressive du triptyque FREMM/NH90/MdCN au cours de l'année
2015. Les frégates Aquitaine et Normandie sont toujours en essais à la
mer, l'admission au service actif de l'Aquitaine est attendue d'ici peu.
Ce serait la Normandie qui devrait être la première frégate française à
tirer un missile de croisière. La Marine nationale deviendrait ainsi la
première marine européenne à mettre en oeuvre des missiles de croisière
depuis une unité de surface (la Royal Navy étant la première pour les
sous-marins). Le NH90 continue à entrer en service dans la Royale avec la treizième unité livrée (sur 27). Ce sont aussi les premiers retours sur les capacités des équipements du NH90 qui seront épiés : le radar ENR et ses capacités ASM font du NH90 un petit aéronef de patrouille maritime.
Par
la suite, la future Marine apparaît à travers les programmes qui vont
venir renforcer ou remplacer les capacités actuelles. La composante ASM
de la Marine nationale va être progressivement et fondamentalement
modernisée de l'année 2015 à l'année 2019 avec la mise en service des
FREMM aux SNA classe Suffren en passant par les NH90. La modernisation
des Atlantique 2 et le SLAMF qui devrait déboucher sur un programme dès 2016.
Le saut capacitaire que connaîtra l'aéronavale française n'apparaîtra qu'en fin de loi de programmation militaire quand le porte-avions Charles de Gaulle sortira d'une refonte à mi-vie de deux années de travaux.
Le porte-avions ne mettra alors en oeuvre que des Rafale M, soutenus
par des E-2C Hawkeye et des hélicoptères (NH90 ?). A cheval sur deux
LPM, la protection aérienne de la Flotte finira d'être modernisée avec
l'entrée en service au début de la prochaine LPM des deux FREDA en
remplacement des frégates Cassard et Jean Bart. Elles viendront
s'ajouter aux deux frégates Horizon Forbin et Chevalier Paul. La
rénovation des Atlantique 2 ne sera pas étrangère à un accroissement de
la puissance aéronavale de la Flotte. Tout comme l'entrée en service des
FREMM et le retrait progressif des frégates classe Georges Leygues
viendra compléter le dispositif.
L'avenir du programme FREMM ne cesse de faire des vagues. Il se dit que la Marine nationale souhaite plus que tout obtenir les 11 unités promises suite à l'arbitrage de 2008 (et la suppresion des 8 FREMM AVT). Reste à savoir comment s'articulera cette volonté avec le remplacement prochain des frégates LaFayette (programme FTI) et Floréal. Une articulation qui semble faire le fruit de discussions intenses alors que les Etats-Unis relancent (au propre comme au figuré) les destroyers Arleigh Flight IIA, préparent le Flight III, voire le Flight IV pour une série de destroyers qui dépasse les 70 unités construites depuis 1989. A la manière du Rafale en modernisation permanente, est-ce que la FREMM-R remplacera la FREMM ?
L'avenir du programme FREMM ne cesse de faire des vagues. Il se dit que la Marine nationale souhaite plus que tout obtenir les 11 unités promises suite à l'arbitrage de 2008 (et la suppresion des 8 FREMM AVT). Reste à savoir comment s'articulera cette volonté avec le remplacement prochain des frégates LaFayette (programme FTI) et Floréal. Une articulation qui semble faire le fruit de discussions intenses alors que les Etats-Unis relancent (au propre comme au figuré) les destroyers Arleigh Flight IIA, préparent le Flight III, voire le Flight IV pour une série de destroyers qui dépasse les 70 unités construites depuis 1989. A la manière du Rafale en modernisation permanente, est-ce que la FREMM-R remplacera la FREMM ?
Deux inconnus menacent la capacité hauturière de la Marine toutefois. D'une part, c'est la question du remplacement des pétrolier-ravitailleurs de classe Durance
qui n'interviendra (malheureusement) que pendant la prochaine LPM
(après 2019). D'autre part, la législation maritime internationale a
beaucoup évolué depuis la catastrophe du Prestige en 2002. Depuis la
modification de MARPOL en 2003, 2015 est l'année où les pétroliers
transportant plus de 5000t de pétrole ne peuvent plus le faire sans être
à double coque. Quel(s) risque(s) pour la logistique navale ?
Aussi, le renouvellement des moyens de l'Action de l'Etat en Mer débutera dès 2015 avec la mise en service en urgence des trois B2M (Bâtiments Multi-Missions) qui viennent palier l'impossibilité à lancer le programme BIS (Bâtiment d'Intervention et de Souveraineté) dans les temps. Tout comme l'entrée en service des deux Patrouilleurs Légers Guyanais à partir de 2017. Le programme BATSIMAR (BATiment de Souveraineté et d'Intervention MARitime) est repoussé à 2024 avec la livraison dès cette année de deux unités par tranche annuelle. Le programme viserait entre 12 et 18 unités. Le renouvellement des moyens de la Gendarmerie maritime (PCG) et des Douanes se poursuivra bien qu'ils ne relèvent pas tous du budget de la Marine nationale.
Aussi, le renouvellement des moyens de l'Action de l'Etat en Mer débutera dès 2015 avec la mise en service en urgence des trois B2M (Bâtiments Multi-Missions) qui viennent palier l'impossibilité à lancer le programme BIS (Bâtiment d'Intervention et de Souveraineté) dans les temps. Tout comme l'entrée en service des deux Patrouilleurs Légers Guyanais à partir de 2017. Le programme BATSIMAR (BATiment de Souveraineté et d'Intervention MARitime) est repoussé à 2024 avec la livraison dès cette année de deux unités par tranche annuelle. Le programme viserait entre 12 et 18 unités. Le renouvellement des moyens de la Gendarmerie maritime (PCG) et des Douanes se poursuivra bien qu'ils ne relèvent pas tous du budget de la Marine nationale.
© Cols Bleus. Très belle infographie qui avait mérité sa place dans Horizon Marine 2025.
Le
changement de génération de SNLE entamé en 1997 amorce un cycle de
modernisation navale. Depuis la mise en service du porte-avions Charles
de Gaulle et le début du renouvellement de la composante aéronavale, la
Marine nationale se transforme profondément. Le groupe amphibie s'est
renforcé depuis la mise en service du couple BPC/EDA-R. La protection
aérienne de la flotte et les capacités de lutte sous la mer suivent.
L'Action de l'Etat en Mer et la logistique navale sont les prochains
grands chantiers. La question de l'avenir du second porte-avions
pourraît clore la parenthèse de cette première marine du XXIe siècle.
Les SN3G, troisième génération de SNLE, est le point de départ de la
seconde Flotte de ce XXIe siècle...
Autre
chassé-croisé, l'amiral Bernard Rogel quitterait ses fonctions cette
été après 4 années comme chef d'état-major de la Marine et il serait le
dernier titulaire de ces responsabilités à les exercer depuis la rue
Royale. L'état-major de la Marine quittera les locaux après 226 années
de service en ces lieux pour rejoindre le site de Balard.
Aussi,
au regard de ce travail du temps long, c'est avec une pensée pour les
hommes et les femmes qui œuvrent à sa réalisation sur, sous et au-dessus
de toutes les mers du globe que je vous présente mes meilleurs voeux
pour l'année 2015 !
Je signale juste concernant les nouvelles torpilles F21 que seul 6 doivent être livrés cette années pour un cout de 43,8 millions d'euros. C'est pas donné... Voir page 11 de ce document :
RépondreSupprimerhttp://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/farandole/ressources/2016/pap/pdf/DBGPGMPGM146.pdf
Merci, c'est extrêmement aimable car, sans vous, je ne l'aurais pas vu ! La torpille, l'arme coûteuse oubliée !
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