Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





16 juin 2018

Yemen : intervention du groupe de guerre des mines ?

© Marine nationale. La Loire ravitaillant le Verseau. "La France déploie son groupe de guerre des mines en océan Indien".
La France se serait engagée à apporter une aide "technique" afin de déminer le port d'Hodeïda, d'une importance vitale aussi bien pour les parties prenantes à la guerre civile que pour la population du Yemen. Les exigences d'une telle intervention pourraient amener à la constitution d'un groupe de guerre des mines d'une certaine ampleur.

Le front diplomatique a peu évolué depuis la constitution de la coalition et le passage à l'action des troupes dont elle a le bénéfice, en 2015. La crise sévissant dans la péninsule arabique avec, d'un côté, l'Arabie saoudite et ses alliés et, de l'autre, le Qatar conduit à l'éviction de ce dernier de la coalition emmenée par Ryad en juin 2017. Le Maroc en ferait de même depuis le début de l'année 2018 sur fond de rivalité avec l'Algérie : Rabat soutenant l'Arabie saoudite quand Alger défendrait plutôt l'Iran et critiquerait l'intervention de la coalition. Plutôt qu'un mécontentement marocain, il s'agirait plutôt de rechercher une montée des tensions dans le Sahara occidental. Bien des signes montrent que le soutien algérien ne faiblirait pas.

Dans le Sud du Yemen - à moins que ce ne soit le Yemen du Sud -, les passions se déchaînent pour le contrôle des trois ports : Hodeïda, Moka et Aden, le tout sur un axe de près de 200 km. Aden est reprise à la coalition par une bataille de trois jours (28 - 31 2015) alors qu'elle était dans son giron depuis 2015. La dynamique initiée alors enchaînait avec la prise du port de Moka le 23 janvier 2017, toujours aux mains des troupes emmenées par l'Arabie saoudite. Reste alors l'emprise portuaire d'Hodeïda, l'offensive est lancée depuis mai 2018. Une partie de l'aéroport de la ville est prise. Encore une fois, pour les Houthis, c'est l'accès à la mer et aux infrastructures portuaires qui est en jeu. 

Si les troupes gouvernementales - 21 000 soldats ? - appuyées par la coalition semblent être en mesure de reprendre totalement l'aéroport, il n'en va pas de même pour le port. L'assaut n'aurait tout simplement pas encore été lancé. Le port est d'une importance capitale puisqu'il est réputée être la porte d'entrée de quatre-cinquième des biens de première nécessité pour tout le Yemen. La population de 22 millions d'habitants a besoin d'aide humanitaire selon l'ONU, dont huit millions au seuil de la famine. 70% de l'aide humanitaire transite par ce port tandis que l'ONU n'a pas arrêté ses opérations. Mais le ravitaillement des forces houthis passerait par Hodeïda, notamment les missiles balistiques et anti-navires de facture iraniennes que Téhéran est accusé de fournir.

La ville portuaire de 600 000 habitants, environ, ne peut qu'attendre la fin de la bataille. Il est donc très probable que la ville entière d'Hodeïda soit reprise, aéroport et port compris, par la coalition. Les Emirats Arabes Unis faisaient jouer leurs relations diplomatiques afin d'obtenir un ensemble de soutiens plus matériels que politiques dans l'assaut contre Hodeïda. Sa prise porterait un coup dur - décisif ? - aux rebelles tout en desserrant l'étau sur Ryad. Adressées à Washington (moyens de renseignement, de surveillance aérienne, de reconnaissance et de déminage) et Paris, c'est cette dernière capitale qui répond favorablement aux demandes émiraties. 

Paris se serait engagé à apporter une aide technique pour le déminage du port d'Hodeïda au lendemain de sa reprise par la coalition. Ses eaux sont réputés minées. Tout en rappelant que la France n'est pas partie prenante à la coalition arabe et ne mène aucune action militaire au Yemen, le Quai d'Orsay argue que Hodeïda est le port-clefs pour les importations yéménites et qu'une action de déminage aurait pour but de faciliter l’acheminement, en sécurité, de l’aide humanitaire. 

Sur le versant diplomatique de l'engagement français, il est difficile de distinguer cette intervention d'une simple action au bénéfice de la coalition arabe. Il est vrai que Paris s'investissait notamment dans l'opération Atalante pour permettre - notamment mais pas seulement - à l'aide humanitaire de continuer à arriver en Somalie via le Programme Alimentaire Mondial (PAM). Mais l'ensemble des positions diplomatiques françaises vis-à-vis tant du Yemen que de l'Iran depuis, au moins, 2014 est relativement clair et cohérente. 

Sur le versant militaire, et par voie de conséquence, l'affaire s'annonce relativement complexe :

Où commence et où s'arrête le déminage du port ? Un port est bien l'ensemble constitué des chenaux d'accès jusqu'à des infrastructures portuaires (quais, engins de levage et de manutention), voire un hinterland (entrepôts, etc). Il serait bien difficile de ne s'arrêter qu'à la partie strictement maritime.

Autre question, comment assurer la sécurité opérationnelle de l'opération française ? Eu égard à la position diplomatique française, vouloir se présenter comme non-partie prenante militaire au conflit n'enlève rien aux positions diplomatiques assumées. Et n'empêchera pas l'adversaire de la coalition de penser et d'agir en conséquence. Hodeïda est un intérêt vital pour les Houthis.

Le minage est l'une des armes de la guerre civile yéménite. À la manière de ce qu'il avait pu être observé lors de l'opération Harmattan (19 mars 2011 - 31 octobre 2011), des mines artisanales sont disposées lors de l'abandon d'une place comportant son interface maritime. Cette manière de retraitée est de notoriété médiatique dans son application systématique par l'organisation État islamique en Irak et en Syrie. HRW dénonçait l'emploi de mines par la rébéllion houthie fin 2017.

Deux défis se dégagent dans l'édification d'une opération pour déminer le port d'Hodeïda : le temps et la création d'une zone de sécurité.

Entre mars et juillet 1991, 1240 mines irakiennes furent neutralisées, les accès aux port du Koweit dégagés. Les irakiens avaient fourni les plans de minage à la fin de la guerre, permettant d'agir contre 1157 mines. La durée des opérations est significative eu égard aux conditions (fournitures des plans, puissant déploiement de chasseurs de mines). Si comparaison n'est pas raison, la seule action française au Yemen réclamera à coup sûr du temps. 

Pour dégager ce temps, il s'agira de projeter le groupe de guerre des mines. Une barge submersible est louée ponctuellement depuis plusieurs années à cette fin et il n'y a pas de raison de changer de méthode afin d'économiser le potentiel des chasseurs de mines vieillissant. Par ailleurs, pour soutenir des opérations face à une côte partiellement hostile, il s'agira d'acter s'il est nécessaire de déployer un bâtiment logistique pour soutenir les bâtiments au plus près comme un BPC (Bâtiment de Projection et de Commandement) ou un BCR (Bâtiment de Commandement et de Ravitaillement) ; ou bien d'augmenter le nombre de chasseurs de mines qui se effectueront des rotations sur place depuis Djibouti. Mais les seuls chasseurs de mines seront peut-être trop exigus pour allier une capacité à durer sur zone et une capacité à régénérer les forces des marins.

Les actions de déminage semblent exiger la mobilisation de plusieurs capacités puisque aussi bien les eaux que les emprises terrestres du port d'Hodeïda pourraient être à dépolluer. La nature même des mines, sorte d'Engins Explosifs Sous-marins Improvisés (2ESI ?), pourrait obliger à plus de reconnaissance visuelle, voire humaine, que des mines de fabrication industrielle plus facilement reconnaissables. C'est pourquoi, outre les chasseurs de mines triparties, il est à se demander si même des BBPD (Bâtiments-Bases de Plongeurs Démineurs), voire des vedettes seront également à projeter pour serrer au plus près les eaux polluées en liaison directe avec les chasseurs de mines afin de blanchir les eaux. 

Par ailleurs, est-ce qu'il sera nécessaire de mobiliser un ou plusieurs régiments de l'Armée de Terre afin de participer à cette opération ? C'est très probable si l'engagement français s'étend à des actions de dépollution étendues au port entier : donc à terre. Les 13e et 31e régiments du Génie possèdent toutes les compétences pour neutraliser des EEI (Engins Explosifs Improvisés) dont une bonne partie serait constituée de mines anti-chars récupérées ailleurs. L'expérience engrangée au Mali sera alors très précieuse. Mais deux risques apparaissent : le premier est la tension sur les compétences pour fournir deux théâtres, même ponctuellement puisque cette opération au Yemen durera plusieurs semaines, au moins. Le deuxième est la protection des forces éventuellement engagées à terre : sous quel niveau de blindage ? Quel niveau de sécurisation ?

Si le Quai d'Orsay évoque une action "technique", dans les faits, il s'agira plutôt d'une opération militaire d'une ampleur assez significative qu'il s'agisse d'un périmètre d'action ne comprenant que la partie maritime du port ou le port entier. Pour permettre à l'ONU de soutenir ses opérations, la deuxième option est plus probable. Sur le plan militaire, il serait difficile de faire sans deux chasseurs de mines plus un BBPD et des vedettes de plongeurs démineurs. Les besoins logistiques pour durer à la mer et l'embarquement probable d'un ou plusieurs détachements du Génie plaident pour la mobilisation d'un BCR, voire d'un BPC : en particulier s'il faut débarquer à terre sans avoir accès à des quais... 

Enfin, la guerre civile yéménite s'est distinguée par l'emploi de missiles anti-navires et balistiques. La crédibilité des actions militaires en ce domaine influence les actions de la Marine et sa programmation militaire, comme en témoignait les propos de l'Amiral Rogel en 2015. Les passages des détroits de Bab el-Mandeb et d'Hormuz imposent la prise d'un certain nombre de sûretés. Il ne peut en aller autrement face au port d'Hodeïda, porte d'entrée du territoire des rebelles. Il serait très difficile de se passer d'une frégate de premier rang apte à intercepter missiles anti-navires et balistiques : donc une FREMM, voire une FDA.


1 commentaire:

  1. Une solution moins ambitieuse et peut être moins risquée pourrait être de simplement déployer un élément de GPD agissant depuis la terre d'autant que la configuration des lieux fait que les mines/EEI sont probablement concentrés dans le port lui-meme.

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