L'avènement annoncé (1926) de la classe Deutschland (2 x III 280 mm) oblige à l'abandon du "croiseur de bataille" de 17 500 tonnes conçu pour encaisser le 203 mais démuni face au 280. En outre, le Conseil supérieur de la Marine décrète (décembre 1927) que les 175 000 tonnes de bâtiments de ligne (traité naval de Washington) seront consommés par fractions identiques : il n'y aura plus quatre croiseurs de bataille de 17 500 tonnes et trois 35 000 tonnes mais bien cinq 35 000 tonnes ou six 29 160 tonnes ou encore sept 25 000 tonnes. Autant pour conserver un 35 000 tonnes pouvant être mis rapidement sur cale - deux unités sont autorisés pour des mises en chantier en 1927 et 1929 - que pour concevoir une réponse aux Deutschland, la Marine nationale réfléchit à un croiseur de bataille de 37 000 tonnes.
Depuis la décision du Conseil supérieur de la Marine (décembre 1927) de consommer les 175 000 tonnes par fractions identiques, l'Amiral Violette demandait l'étude d'un cuirassé de 29 600 tonnes. John Jordan et Robert Dumas (French Battleships - 1922-1956 (Londres, Seaforth Publishing, 2009, 224 pages) révèlent l'existence de cette étude tout comme le fait que les documents la portant n'ont pas encore été versés aux archives consultables.
Depuis la décision du Conseil supérieur de la Marine (décembre 1927) de consommer les 175 000 tonnes par fractions identiques, l'Amiral Violette demandait l'étude d'un cuirassé de 29 600 tonnes. John Jordan et Robert Dumas (French Battleships - 1922-1956 (Londres, Seaforth Publishing, 2009, 224 pages) révèlent l'existence de cette étude tout comme le fait que les documents la portant n'ont pas encore été versés aux archives consultables.
C'est pourquoi les résultats de leurs recherches conduisent vers la marche suivante : le "croiseur de bataille de 37 000 tonnes" qui serait la première étude connue du cuirassé de 35 000 tonnes que le Conseil supérieur de la Marine souhaitait disposer depuis le traité naval de Washington (6 février 1922) afin d'être capable de saisir la moindre opportunité de moderniser le corps de bataille. En effet, Paris et Rome sont autorisées à mettre
sur cale deux bâtiments de ligne de 35 000 tonnes avant la fin des
vacances navales, soit pour la France une unité mise sur cale en 1927
pour une deuxième l'étant en 1929 (p. 17).
Nos deux chercheurs notent que le tonnage doit probablement s'entendre comme un déplacement
aux essais plutôt qu'un tonnage Washington puisque les plans ne porte
pas trace de l'abréviation habituellement utilisée en France pour
désigner un tel tonnage conventionnalisé. Il s'agirait donc d'un 32 à 33 000
tW (p. 22). La Marine nationale apprendra l'ensemble des procédés permettant d'interpréter le tonnage Washington par la série des sept "treaty cruisers", entre le Suffren et l'Algérie.
Ce projet est d'une certaine manière une version agrandie du croiseur Suffren.
John
Jordan et Robert Dumas dégagent trois variantes (p. 22) qui peuvent être
ramassées entre :
- un croiseur de bataille de 37 000 tonnes type A porte trois tourelles quadruples de 305 mm et se distingue entre des plans de mai 1927 (type A1 ?) et de mai/juillet 1928 (type A2 ?) ;
- un croiseur de bataille de 37 000 tonnes type B portant trois tourelles doubles de 406 mm.
Le croiseur de bataille de 37 000 tonnes type A (254,5 mètres par 30,5 au maître-bau, 33 nœuds, environ 180 000 CV) n'a plus pour cible principale les croiseurs de 10 000 tW mais bien les Deutschland de 10 000 tonnes portant du 280 mm. John Jordan et Robert Dumas supputaient une ceinture de 150 à 180 mm pour le bâtiment de ligne de 17 500 tonnes afin de parer à des obus de 203. Le croiseur de bataille de 37 000 tonnes a une ceinture de 220 à 280 mm. L'artillerie principale est toujours constituée autour du 305 mm de 55 calibres en non plus deux tourelles quadruples mais bien trois dont deux en chasse et une en retraite. Une artillerie secondaire constituée entièrement de tourelle fait son apparition pour la première fois et s'appuie sur trois tourelles quadritubes de 130 mm.
Le croiseur de bataille de 37 000 tonnes type B (235 mètres par 31 au maître-bau, 27 nœuds, environ 120 000 CV) se distingue par un château légèrement retravaillé, une artillerie principale avec la même disposition mais constituée de pièces de 406 mm en trois tourelles doubles avec non plus trois mais bien quatre tourelles quadritubes de 130 mm pour l'artillerie secondaire. Sinon, c'est toujours la configuration générale du Suffren pour les grandes lignes.
Remarquons que ce croiseur de bataille de 37 000 tonnes est un Suffren agrandi d'une certaine manière. Ce n'est pas le cuirassé de 40 000 tonnes, encore moins le croiseur de bataille de l'Amiral Durand-Veil (1914). Et il y a fort à parier qu'il soit en rupture avec le cuirassé de 29 160 qui aura peut être plus à voir avec un Lyon modernisé quand il sera connu.
Il est curieux que les types A et B soient réunis dans la même étude et donc considérés comme représentant le même projet. Le premier est bien le croiseur de bataille de 17 500 tonnes adapté à la menace constituée par les Deutschland. Le type B est autre chose.
Avec un tonnage Washington proche des 32 à 33 000 tW, il s'agirait de l'étude la plus proche de ce que la France conçoit comme étant un 35 000 tW : le tonnage unitaire maximum avec le calibre le plus fort autorisés. Mais le choix de trois tourelles doubles étonne à plus d'un titre. Dans le cadre d'un exercice contraint par les limites conventionnelles, par les infrastructures, l'étude aurait pu opter pour des tourelles triples, voire quadruples. Paris imaginait de telles tourelles pour les Normandie et Lyon afin de contrebalancer une coque toujours trop courtes en raison des limites imposées par les bassins. Mais pourquoi une disposition de l'artillerie en trois tourelles doubles alors que deux tourelles triples nécessiteraient moins de poids ?
Par ailleurs, le choix du 406 mm dénote une volonté, non plus d'affronter des croiseurs portant du 203 à du 280 mais bien des cuirassés. La perte de vitesse consentie (33 à 27 nœuds) est un indice que la cible principale est plus lente et potentiellement bien plus grosse. Ils sont de taille à affronter les cuirassés allemands et italiens avec un net avantage et en artillerie, et en vitesse. Le croiseur de bataille type B est trop lent pour donner la chasse aux croiseurs de 10 000 tW.
Le croiseur de bataille de 37 000 tonnes ne vise pas la même mission puisque le type A paraît taillé pour protéger le commerce des raiders adverses tandis que le type B vise à affronter les cuirassés des autres marines. Le premier est un croiseur de bataille, le deuxième est plutôt un cuirassé rapide. Sa ceinture n'est pas connue mais est peut-être renforcée pour parer les obus de 280 à 305 mm.
Aucun ne sera mis sur cale pour trois raisons : la première est que les infrastructures ne sont pas adaptées. Les bassins ne permettent pas la mise sur cale d'unités de 235 à 254,5 mètres. L'adaptation de ces infrastructures mettrait à mal le programme engagé en 1920 et confirmé en 1922, soit 330 000 tonnes de bâtiments de surface et 90 000 tonnes de submersible. Deuxièmement, le coût de deux 32 à 33 000 tW poserait les mêmes difficultés pour le programme engagé et précité. Troisièmement, la conférence de Londres s'annonce et les Britanniques veulent négocier un nouvel abaissement des limites des caractéristiques des bâtiments de ligne. L'action diplomatique française serait en porte-à-faux si Paris lançait des 35 000 tW déclenchant le renouvellement des corps de bataille alors qu'aucune autre nation ne menace encore les intérêts français - l'Italie n'a rien fait de cela en mettant sur cales des "treaty cruisers" bien conçus et les Deutschland entreront en service après la fin des vacances navales sans, encore une fois, violer les conventions internationales en apparence.
Le croiseur de bataille de 32 à 33 000 tW portant du 406 mm est l'un des bâtiments de ligne les plus ambitieux depuis 1914, de même que pour l'artillerie principale envisagée. Conjointement, les types A et B du croiseur de bataille de 37 000 tonnes auraient pu être mis sur cale si ordre avait été donné notent John Jordan et Robert Dumas, eu égard au nombre et au détail des plans (p. 27).
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