© Naval Group. Jean Lavalley, « A Cherbourg, le deuxième sous-marin Barracuda, le Duguay-Trouin, amarché ! », La Presse de la Manche, 26 novembre 2021. |
Le programme Sous-Marin d'Attaque Futur (SMAF) permettait d'appréhender l'ensemble des réflexions, de lancer les programmes d'études amont et les études préliminaires, dont une éventuelle coopération franco-britannique en liant le besoin français au programme Batch 2 Trafalgar Class (B2TC). Le lancement de l'étude de faisabilité par le ministre de la Défense, M. Alain Richard (4 juin 1997 – 6 mai 2002), en octobre 1998, signifiait la fin du programme SMAF (1990 - 1998) et l'avènement du programme Barracuda (1998 - 2029) devant porter l'entrée en phase de réalisation. L'admission au service actif du Barracuda n°1 a été successivement repoussée de 2007 à 2022. Les évolutions programmatiques en portent presque l'entière responsabilité.
C'est presque parallèlement au programme SMAF (1990 - 1998) qu'était réglé le sort final du programme SNA 72 : les Sous-marins Nucléaires d'Attaque (SNA) n°7 et n°8 de la classe Rubis sont retardés d'environ 18 mois selon les décisions prises dans le cadre de la Loi de Programmation Militaire (LPM) 1990 - 1993. Le SNA n°8 Diamant devait alors être admis au service actif en 1995. Leur construction se poursuivait jusqu'en 1992 mais, en mai de la même année, un Conseil de Défense présidé par le Président de la République, M. François Mitterrand (21 mai 1981 – 17 mai 1995), décidait l'abandon de la construction du SNA n°7 Turquoise. Le budget de 1992 avait d'ores et déjà fait une croix sur celle du SNA n°8 Diamant. Les SNLE n°5 et SNLE n°6 disparaissaient autour de cette période, la cible du programme étant ramenée à 4.
La conduite du programme SMAF s'étalait sous quatre lois de programmation militaire - c'est-à-dire les LPM (1990 - 1993), (1990 - 1994), (1995 - 2000) et (1997 - 2002). Elle consistait dans la conduite d'études préliminaires s'achevant par la rédaction de la fiche de caractéristiques militaires, permettant d'engager le début de la phase dite de « faisabilité » du programme SMAF (1990 - 1998) par le ministre de la Défense, M. Alain Richard (4 juin 1997 – 6 mai 2002), en octobre 1998, et donc l'avènement du programme Barracuda (1998 - 2029).
Le calendrier du programme SMAF quant à l'entrée en phase de réalisation était alors relativement ambitieux car il s'agissait d'ordonner le lancement de la phase de faisabilité dès 1998, tout en procédant simultanément à la commande du SMAF n°1. Il aurait alors été permis de pouvoir engager le remplacement du premier Sous-marin Nucléaire d'Attaque (SNA), issu du programme SNA 72, le Rubis (1983), dès l'année 2007 grâce à l'entrée en service du SMAF n°1. Les cinq autres unités auraient logiquement suivi jusqu'à l'horizon 2020.
Le remplacement du SNLE-NG n°1 aurait alors été engagé par le retrait du service actif du Triomphant (1997 – 2037 ?) dès 2025...
Dans la veine de la nouvelle stratégie militaire contenue dans le Livre blanc 1994, la LPM (1997 - 2002) résultait de la loi n° 96-589 du 2 juillet 1996 relative à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002 et elle a été votée par la majorité parlementaire soutenant le gouvernement dit « Juppé II » (7 novembre 1995 - 2 juin 1997). LPM (1997 - 2002) qui contenait, notamment, le « Modèle d'armée 2015 » et donc « Marine 2015 ».
Les travaux préparatoires à la LPM (1997 - 2002) recélaient toujours l'ambition d'engager rapidement le programme : la loi de finances 1997 visait le remplacement du Rubis (1983) à l'horizon 2010 grâce à l'admission au service actif du SMAF n°1. Mais le vote de la loi n° 96-589 du 2 juillet 1996, et donc de la LPM (1997 - 2002) voyait l'objectif de commande du SMAF n°1 glisser de trois années, soit de 1998 à 2001. Le programme exigeait alors un volume financier de 35 000 millions de francs (1997) - soit 7433 millions d'euros en données ajustées de l'inflation (2022) - qui doit atteindre un objectif de réduction des coûts de 20% (1997).
La décision du Président de la République, M. Jacques Chirac (17 mai 1995 – 16 mai 2007), de procéder à la dissolution de l'Assemblée nationale (21 avril 1997) voyait la tenue d'élections législatives avancées (25 mai et 1er juin 1997) et un changement de majorité, obligeant le gouvernement « Juppé II » à démissionner le 2 juin 1997 et au nouveau gouvernement (2 juin 1997 au 6 mai 2002) dirigé par le Premier ministre, M. Lionel Jospin, de nommer un nouveau ministre de la Défense, M. Alain Richard (4 juin 1997 – 6 mai 2002) et d'engager une « revue des programmes » dès 1998.
Pour le programme Barracuda, il en ressortait une commande de la première unité repoussée de 1998 à 2001. Le nouveau calendrier programmatique consistait dans la passation des premiers marchés de matériels en 2001, voire 2002. Et ce, dans l'optique de permettre un début de construction en 2003-2004. Il en aurait alors résulté une présentation aux essais officiels devant alors être effectuée en 2008 pour une admission au service actif en 2010. La cadence de production aurait été d'un bateau tous les 18 à 24 mois. Le devis financier, selon la décision prise par la DGA, devait atteindre un objectif de réduction porté à 30%. Le coût total du programme était de 5400 millions d'euros en 2002, soit 7077 millions d'euros en données ajustées de l'inflation (2022).
L'enjeu opérationnel est alors d'engager le remplacement des SNA du programme SNA 72 et constituant la classe Rubis (6) à l'horizon 2010 et d'achever le renouvellement à l'horizon 2020 ; ceci permettant d'observer un service opérationnel de 25 ans pour les Rubis (1983), Saphir (1984), Casabianca (1987), Émeraude (1988), Améthyste (1992), Perle (1993).
Toujours dans le cadre de la LPM (1997 - 2002), la loi de finances 2001 actait un nouveau calendrier puisque la commande du Barracuda n°1 était repoussée de 2001 à 2005. La livraison était alors visée pour l'année 2012, ce qui pouvait se comprendre comme une admission au service actif repoussée à 2013 ou 2014. Il était aussi décidé que la cadence de production des six bateaux était finalement arrêtée à 24 mois. Le glissement calendaire pouvait augurer d'un renouvellement complet des SNA en 2022, avec l'entrée en service en sixième bateau.
Le deuxième mandat, et premier quinquennat, du Président de la République, M. Jacques Chirac (17 mai 1995 – 16 mai 2007), s'appuyait toujours sur les conclusions du Livre blanc de 1994 dont découlait une nouvelle loi de programmation militaire, la LPM (2003 - 2008). C'est dans son cadre, et plus particulièrement en 2005, selon l'avis sur le projet de loi de finances pour 2006 par le député Philippe Vitel, l'admission au service actif de la première unité est bien confirmée comme étant repoussée de 2012 à 2014, laissant deviner que la sixième unité ne le serait qu'en 2024. Le devis financier du programme Barracuda est alors indiqué comme valant 5400 millions d'euros (2005), soit 6665 millions d'euros en données ajustées de l'inflation (2022).
La commande de la première unité n'intervenait qu'en 2006, et non pas en 2005. Il y avait eu crainte que celle-ci ne soit décalée. Mais à l'occasion des travaux de la « Variation Annuelle du Référentiel » (VAR), ajustant les équilibres entre autorisations d'engagement et crédits de paiement, s'étalant entre décembre 2005 et s'achevant par un rapport du 15 avril 2006, il était décidé par la ministre de la Défense, Mme Michèle Alliot-Marie (7 mai 2002 – 15 mai 2007), un certain également du chantier puisque la livraison du Barracuda n°1 était repoussée de 2014 à 2016.
Mais l'élection de Nicolas Sarkozy (16 mai 2007 – 15 mai 2012) voyait la mise en chantier du Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale 2008 qui fut traduit par la LPM (2009 - 2014). L'une des craintes de la Marine nationale fut que le programme Barracuda subisse une réduction de sa cible de six à seulement quatre unités. Au contraire, ce fut l'un des très rares à être sanctuarisé.
La découpe de la première tôle de la tête-de-série du programme Barracuda était effectuée au mois de décembre 2007. Le calendrier industriel contenait alors comme jalons que les premiers équipements arment les tronçons de la coque dès janvier 2012. La chaufferie nucléaire devait être intégrée à la tranche idoine en mai 2013. Et la coque résistante devait pouvoir être fermée au printemps 2014. Les essais constructeurs seraient alors intervenus en 2016, avec une livraison espérée fin 2016, voire début 2017. Les Suffren (2017), Duguay-Trouin (2019), Dupetit-Thouars (2021), Duquesne (2023), Tourville (2025) et De Grasse (2027) remplaçant nombre pour nombre les Rubis (6). Le devis financier était alors indiqué à 7890 millions d'euros (2007), soit 9429 millions d'euros en données ajustées de l'inflation (2022).
L'élection de François Hollande (15 mai 2012 – 14 mai 2017), comme nouveau Président de la République, voyait la rédaction d'un nouveau document stratégique : le Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale 2013, également transposé aux plans légal et budgétaire par la nouvelle LPM (2014 - 2019). Amendée exceptionnellement du fait des attentats de l'année 2015 par l' « actualisation ».
DCNS avait lancé des audits en 2014, notamment relatifs au chantier des Barracuda n°1, n°2 et n°3, qui avaient mis en exergue une augmentation des coûts à terminaison, et dont il sera fait état dans la présentation des comptes de la société en janvier 2015. Cela avait pour conséquence de reporter la livraison du Suffren de 2017 à 2019. Ce retard a été imputé à un problème de « qualité du travail ».
L'élection d'Emmanuel Macron (14 mai 2017) comme Président de la République se matérialisait pour la Défense par une première décision ordonnant d'actualiser le dernier livre blanc par la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale 2017 dont les conséquences touchèrent plutôt la flotte de surface - sanctionnant l'objectif de conserver la supériorité aéromaritime et lançant les réflexions et études afférentes : programme PANG/PA-Ng - tandis que le format de la sous-marinade n'était pas modifié.
Le programme Barracuda subissait un ultime retard déplaçait la livraison du Suffren de 2019 au deuxième trimestre 2020. L'admission au service actif, espérait en 2021, n'était pas intervenue, malgré un programme d'essais rondement mené tant par le constructeur que par la Marine nationale. Nonobstant un problème de fuite sur l'une des turbines, pouvant expliquer totalement ou partiellement ce dernier retard, l'admission au service actif devrait être prononcée en 2022.
Les « retards », en leur versant politique, jusqu'à l'entrée du
programme en phase de réalisation ne peuvent donc être imputés, en toute
logique, qu'aux décalages successifs du programme puisque la commande de la
première unité a été repoussée de 1998 à 2006, par quatre fois, entraînant la livraison ou admission au service actif de la tête-de-série de 2007 à 2017. Les retards, en leur versant industriel, engendraient le décalage de la livraison de 2017 à 2020 et de l'admission au service actif de 2021 à 2022.
L'entrée en phase de réalisation ne pouvait que rencontrer des difficultés inhérentes au versant « politique » puisque la découpe de la première tôle du Suffren fut effectuée en décembre 2007. Les décalages successifs entraînaient le « désacouplage » des programmes SNLE-NG et Barracuda car des compétences industrielles critiques, parfois même « orphelines », ne pouvaient se reposer sur le tuilage entre les deux programmes car il s'est écoulé de trop nombreuses années entre la construction du SNLE-NG n°4, c'est-à-dire Le Terrible (2000 - 2008), et le Suffren (2007 - 2020).
Les retards relevant du versant « industriel » ont pour origine les travaux les plus critiques devant être menés au profit du Suffren : ceux touchant à la chaufferie nucléaire, de l'extraction de puissance jusqu'à sa conversion en force mécanique par les organes de propulsion. Et c'est à ce sujet que l'écart est grand entre les mêmes travaux menés au profit des Terrible et Suffren puisque les difficultés du second ont été identifiés comme étant le résultat de compétences industrielles perdues.
Ces difficultés semblent avoir pesé très lourdement quant au choix de la propulsion nucléaire au profit du PA-Ng, au motif qu'il fallait absolument renouveler les compétences nécessaires à la conception des réacteurs de propulsion navale nucléaire dans l'optique de les entretenir jusqu'à la conception des successeurs des Suffren, au cours des années 2040.
Très heureux de retrouver vos articles Mr le Marquis, après une si longue absence. Contenus toujours aussi fouillés et documentés, malgré une orthographe toujours aussi perfectible, mais on vous le pardonne bien volontiers car votre connaissance encyclopédique l'emporte largement !
RépondreSupprimerMerci beaucoup pour cette charmante appréciation qui me touche. Et je suis bien d'accord avec vous que je ne peux faire l'économie de quelques relectures... C'est parti !
SupprimerBien navicalement,
La maintenance des Rubis est désormais un casse-tête avec cette décennie de retard.
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