Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





08 avril 2025

Royal Navy : le nouveau HMS 𝘙𝘦𝘥𝘰𝘶𝘵𝘢𝘣𝘭𝘦

© BAE Systems.

      La cérémonie de mise sur cale du Sous-marin Nucléaire Lanceur d'Engins (S.N.L.E. ou Ship, Submersible, Ballistic, Nuclear powered (S.S.B.N.)) HMS Dreadnought, le 20 mars 2025 n'était pas seulement le reflet de celle intervenu le 04 juin 2022, au bénéfice du futur SSBN-826 USS District of Columbia. Les deux nouvelles classes, Dreadnought (04) et Columbia (12), partageant le Common Missile Compartment (CMC) et les UGM-133A Trident 2D5 LE (Life Extension) puis UGM-133A Trident 2D5 LE2 (Life Extension 2). La cérémonie dissimulait une porosité britannique aux débats américains qui se fit jour quand il fut indirectement mais publiquement assumé qu'il pouvait y avoir débat quant à la nécessité de commander un cinquième S.N.L.E., afin de renforcer la Continuous At Sea Deterrent (C.A.S.D.).

      Les décisions initiales devant présider au renouvellement de la Continuous At Sea Deterrent (C.A.S.D.) furent prises selon un paradigme de maintien de la force nucléaire britannique, au prix – voire même à la condition de sa réduction : d'une part, à sa seule composante océanique depuis la dissolution de la composante aéroportée (1993-98) ; d'autre part, toujours dans une perspective de réduction continue du potentiel nucléaire du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord.

      Tony BLAIR, Prime minister (02 mai 1997 – 27 juin 2007), prononçait, le 04 décembre 2006, un « Parliamentary statement on Trident » devant la House of Commons. « With your permission, Mr Speaker, I shall make a statement about the government's decision to maintain the United Kingdom's independent nuclear deterrent », en concédant de nouvelles réductions :

  Le nombre de têtes nucléaires britanniques opérationnelles (ou déployées). « We have decided, on expert advice, that we can reduce our stockpile of operationally available warheads to no more than 160, which represents a further 20 per cent reduction. » Par la 1998 Strategic Defence Review, Londres avait acté 48 têtes dans chacun des lots de missiles des quatre S.N.L.E., soit un total théorique de 192 têtes nucléaires déployées. Les conséquences du « Parliamentary statement on Trident » (04 décembre 2006) furent confirmées et transposées dans la 2010 Strategic Defence and Security Review (19 octobre 2010), actant que l'arsenal viendrait du niveau précédemment autorisé d'environ 225 têtes nucléaires (dont 192 déployées (soit 85,33% du nombre total) à seulement 180 (pour 160 déployées (soit 88,88% du nombre total)) au cours des années 2020 : soit 40 têtes dans chacun des lots de missiles des quatre S.N.L.E.

  Le nombre de S.N.L.E. « devrait » être de seulement trois et non plus de quatre. « We will investigate whether, with a new design, we can maintain continuous patrol with a fleet of only three submarines.  A decision on this will be made once we know more about the submarines' detailed design. » Hypothèse de réduction de la composante longuement étudiée mais finalement repoussée, le 18 juillet 2016 : la House of Commons votait très largement en faveur du renouvèlement de la composante océanique, par 472 voix « pour » - dont 140 issues de l'opposition du Labour - et 117 « contre », sur la base d'un format à quatre SNLE.

Malgré ces deux manifestations (04 décembre 2006) d'une volonté politique de réduire, une nouvelle fois, le potentiel nucléaire du Royaume-Uni, le vote devant la House of Commons du 14 mars 2007 se révéla difficile : 248 voix pour, malgré la défection de 98 « member of parliament » du Labour et passa grâce au soutien des Torries.

      Revirement stratégique et nouvelle trajectoire du paradigme nucléaire britannique : après l'allocution prononcée devant la House of Commons par Boris JOHNSON, Prime minister (24 juillet 2019 - 06 septembre 2022), était publié la Global Britain in a Competitive Age:the Integrated Review of Security, Defence, Development and Foreign Policy (2021, 114 pages). Au terme de nombreuses justifications, Londres déclarait vouloir revenir sur la décision, entérinée par la 2010 Strategic Defence and Security Review, de réduire l'arsenal à 180 têtes nucléaires dont 120 déployées. « UK will move to an overall nuclear weapon stockpile of no more than 260 warheads » (p. 76).

Le Royaume-Uni est la première puissance nucléaire du Traité sur la Non-Prolifération des armes nucléaires (TNP) a augmenté - officiellement - le nombre de têtes nucléaires. Le 25 février 2020, le gouvernement de Sa Gracieuse Majesté publiait une déclaration par laquelle il faisait savoir que les têtes nucléaires seraient remplacées, parallèlement au développement de la tête nucléaire américaine W93, en reprenant une partie de ses composants, et que celle-ci s'intégrerait dans la dans la future coque aérodynamique américaine Mk7. Ce sera la première tête nucléaire conçue au Royaume-Uni depuis trente ans et l'Holbrook, l'adaptation britannique de la W76 mod. 1.

      Un bref regard rétrospectif permet de mesure l'ampleur du revirement et donc le franc relèvement de l'arsenal nucléaire britannique. Son nombre de têtes nucléaires était de 240 en stock, lors de l'énoncé (08 juillet 1998) des résultats de la 1998 Strategic Defence Review. Niveau remontant même brièvement à 280 têtes dès 2000 pour s'établir ainsi jusqu'en 2005 avant de rester à un plateau à 225 têtes nucléaires jusqu'en 2013. Cette évolution pouvant s'expliquer par plusieurs facteurs conjoncturels dont le temps nécessaire au démantèlement de têtes plus anciennes – comme par exemple les Chevaline (A3TK) –, ainsi que l'entrée en production de la Holbrook (équivalente à la W76-1) dès 1988, avec une cible programmatique peut être plus élevée que le nombre effectivement déployé. Le nombre total de têtes avait déjà chuté à 215 en 2016.

      Le nombre absolu de nuclear warheads ayant été déverrouillé, dans le sens d'un relèvement : il est à remarquer que l'absorption opérationnelle d'une volonté politique britannique de disposer d'un volume supérieur de têtes nucléaires déployées ne suppose nullement un nombre augmenté de S.N.L.E.

  Pour rappel, le 12 mars 1982 que le gouvernement TATCHER déclarait que Londres rejoignait le programme Trident par l'acquisition de 65 missiles Mer-Sol Balistiques Stratégiques (M.S.B.S. ou Submarine-Launched Ballistic Missiles (S.L.B.M.). Chacun des quatre futurs S.N.L.E. classe Vanguard devait recevoir 128 têtes nucléaires : soit 08 têtes sur chacun des 16 x UGM-133A Trident II. Le HMS Vanguard était admis au service actif le 14 août 1993.

  Mais Malcolm RIFKIND, Secretary of State for Defence (10 avril 1992 - 05 juillet 1995) prononçait le « ‘Tactical Trident’ speech » (ou « UK Defence Strategy; a Continuing Role for Nuclear Weapons? » dans le texte) devant le Centre for Defence Studies, le 16 novembre 1993. Il affirmait notamment que les Vanguard (4) n'embarqueraient finalement que 96 têtes nucléaires (soit 06 têtes sur chacun des 16 x M.S.B.S.).

  Le paradigme nucléaire britannique, en sa période de limitations et réductions de ses composantes nucléaires, avait entériné une réduction à une salve de 48 nuclear warheads sur chaque S.S.B.N., soit 04 têtes sur désormais 12 S.L.B.M., par la 1998 Strategic Defence Review.

  La 2010 Strategic Defence and Security Review escomptait réduire la salve de chaque S.N.L.E. à seulement 40 têtes nucléaires disposées sur 08 missiles, soit 05 têtes par M.S.B.S., enregistrant paradoxalement une augmentation du nombre de têtes par missile, porté de 04 à 05.

  Autrement dit, un « overall nuclear weapon stockpile of no more than 260 warheads » (Global Britain in a Competitive Age:the Integrated Review of Security, Defence, Development and Foreign Policy, 2021, p. 76) pourrait augurer un nombre d'environ 180 à 220 têtes nucléaires déployées, s'il fallait extrapoler les nombres et pourcentages précédemment cités pour les Strategic Defence Review de 1998 et 2010.

  Plusieurs figures opérationnelles sont, certes, possibles mais l'une d'elles est attrayante, car cohérente avec le tableau précédemment dépeint : des salves de 60 têtes nucléaires, réparties à raison de 05 sur 12 M.S.B.S. Pareille figure permettant d'être exploitée rapidement, autant sur les Vanguard que les futurs Dreadnought. En vertu des négociations américano-britanniques de 1980-82, Londres disposerait – toujours ? – de l'accès et de la possibilité d'emploi opérationnel de 65 x UGM-133A Trident 2D5. Faudrait-il retrancher de ce nombre les tirs de qualification ? En tous les cas, ce serait théoriquement suffisant pour assurer un retour à 12 x S.L.B.M.

  Aussi, le programme UGM-133A Trident 2D5 LE2 (Life Extension 2) – devant entrer en service sur la période 2039-42 - pourrait être l'occasion de nouveaux avenants aux dispositions du 1963 Polaris Sales Agreement. Le niveau de l'arsenal britannique dévoilé en 2021 laisse entrevoir la possibilité d'aller jusqu'à un minimum de 72 têtes nucléaires à l'horizon 2040, à raison de 06 têtes sur 12 x M.S.B.S.

      Le papier de l' « Advantage Cell » du Council on Geostrategy’s Strategic Advantage Cell dessinait une nouvelle perspectivement au revirement stratégique scellé en 2021. Il est à remarquer deux choses :

  La première est que cette « Cell » est « sponsored » par Lockheed Martin qui, jusqu'en juin 2021, contrôlait l'Atomic Establishment Weapon via AWE Management en possédant 51%.

  La deuxième consiste dans le fait que l' « Advantage Cell », selon la présentation inscrite au papier qui nous intéresse est « the first of its kind in the United Kingdom (UK). It was established to explore how Britain can induce ‘strategic advantage’ – a concept first introduced in the Integrated Review of 2021 » (p. 1).

Ceci et cela nous renvoyant directement au revirement stratégique nucléaire de 2021, consistant dans le relèvement du nombre de têtes nucléaires britanniques.

      William FREER et Dr. Emma SALISBURY proposait notamment dans leur papier « A more lethal Royal Navy: Sharpening Britain’s naval power » (13 mai 2024, 43 pages) de :

« Procure at least one additional Dreadnought class boat to insure against delays in the design phase of the AUKUS programme. This fifth vessel can be operated as a conventionally armed nuclear powered attack submarine (SSGN) designed to carry a large payload of strike missiles. This would both amplify Britain’s conventionally armed submarine force (and act as cover to the SSBN fleet should one of those boats face issues) ».

  William FREER et Dr. Emma SALISBURY, p. 17.

Le propos était savamment pesé au trébuchet et est à lire en débutant par la fin de la proposition. Il s'agit, avant toute chose, de proposer d'augmenter la cible du programme Successor - Dreadnought class de quatre à cinq unités. L'intérêt de la chose étant que ce bateau serve en guise de réserve stratégique.

  L'idée, présentée comme « principale », du Ship Submersible Guided missile Nuclear (S.S.G.N.) peut paraître trompeuse. La Continuous At Sea Deterrent (C.A.S.D.) est une mission « principale » car elle suppose la production d'un résultat opérationnel ininterrompu. Aspect de la mission gouvernant tout le reste. La possibilité d'employer un cinquième S.N.L.E. de classe Vanguard en tant que S.S.G.N. ne peut être qu'un déploiement ponctuel et « accessoire », en guise de renforcer des moyens conventionnels dans une crise ne justifiant pas de la mise en branle des derniers étages du feu nucléaire britannique.

Le propos est précis sur le plan matériel car la mission ponctuelle obligerait à une adaptation matérielle des Tubes Lance-Missiles (T.L.M.) réversible. Et ce même propos écarte des modifications plus profondes, se limitant à troquer des vecteurs nucléaires pour des missiles conventionnels.

  Il y a un lien de corrélation suggéré avec les actuelles difficultés de la classe Vanguard : c'est-à-dire l'augmentation de la durée des patrouilles. Certaines ayant été constatées comme s'étendant sur, environ, 160 à 200 jours contre une moyenne grossière de 70 à 90 jours dans les autres marines entretenant des S.N.L.E.

  Il y a possiblement un propos implicite qui, selon l'auteur de ces lignes, serait de suggérer de constituer une réserve au sens militaire du terme : non pas comme palliatif à la possible défaillance d'une organisation devant produire la disponibilité technique opérationnelle et le cinquième bateau constituerait alors un « volant de gestion ».

  Mais comment ne pas y lire la possibilité de maintenir le volume de la salve nucléaire britannique exigée par le contrat opérationnel à son niveau maximal le temps d'une crise, malgré une perte ou une incapacité imputée à des causes extérieures. Ou encore, de s'ouvrir la possibilité même de pouvoir augmenter le volume de la salve dessinée en 2021 par une capacité à entretenir deux S.N.L.E. simultanément en patrouille, le temps d'une crise. L'exemple français de l'année 2022 peut avoir été éclairant, à cet égard, de l'autre côté de la Manche.

      L'idée d'une modulation de la réserve stratégique de la force nucléaire britannique est cohérente avec le nombre de têtes nucléaires entretenues là-bas, car celui-ci suppose bel et bien une réserve puisque toutes les têtes possédées ne sont pas déployées.

      Par ailleurs, ces considérations ne sont pas sans rappelées celles en vigueur aux États-Unis. Les retards concédés dans le lancement de la classe Columbia devraient se traduire par le placement en réserve de cinq Ohio à partir de 2029, dont trois bénéficieraient d'un chantier de Pre-Inactivation Restricted Availabilities (PIRA) devant leur permettre de revenir en ligne, avec un potentiel opérationnel de cinq années. Ce « volant de gestion » devant permettre de maintenir dix bateaux opérationnels.

En outre, le prochain désarmement des Ohio refondus S.S.G.N. à partir de 2027 s'est accompagné de débats et d'ouverture des possibles pour les remplacer par des Columbia modifiés pour servir en guise de S.S.G.N. Mais il s'est avéré qu'il paraissait surtout intéressant de s'ouvrir la possibilité d'aller au-delà de la cible de douze S.N.L.E. du type Columbia, en fonction du résultat des discussions américano-russe quant au sort de l'expiration de New Start, le 05 février 2026. L'idée depuis se résume à faire remarquer, par exemple lors des débats budgétaires, la possibilité existante de tout simplement commander d'autres S.N.L.E. du type Columbia.

      In fine, la proposition, pas tout à fait innocente, d'un cinquième S.N.L.E. serait une première depuis l'abandon de la commande du fifth SSBN Resolution-class, le 29 janvier 1965. L'utilité politico-stratégique de ce dernier était de pouvoir entretenir en patrouille deux bateaux au plus près des postes de tir et permettre une force nucléaire indépendante, au regard des objectifs opérationnels à atteindre, alors qu'une force à quatre bateaux justifiait d'une coopération.

      Le Ship's Name Comittee, se réunissant en juin 1964, considéra pour le 5th S.S.B.N. le nom de baptême de... HMS Redoutable (Peter HENNESY et James JINKS, The Silent Deep - The Royal Navy Submarine Service since 1945, Londres, Penguin UK, 2016, pp. 743-744), par cohérence avec les noms retenus pour les quatre unités précédentes. Finalement, cassant quelque peu les conventions usuelles, le comité recommanda celui de HMS Royal Sovereign (et non pas de HMS Ramillies, ce qui est incorrect selon nos deux auteurs dans leur note de bas de page n°369) à l'Admiralty Board qui l'approuva le 26 juin 1964. La Reine en fit de même le 30 juin 1964. Et la construction fut abandonnée le 29 janvier 1965.

 

      L'idée du cinquième bateau, versée au débat, signifierait la possibilité d'aller au-delà du niveau de l'arsenal nucléaire britannique considéré, voire même concédé en 2021.

 

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