![]() |
| © SAAB - Lancement sous-marin HMS Halland, 13 février 2025. |
Le Projekt A30 continuera la modernisation de la Första ubåtsflottiljen (1. ubflj). N'exerçant pas l'option portant construction d'un troisième A26 (classe Blekinge), un nouveau type de sous-marins a été mis à l'étude et pourrait être « plus petits et capables d'emporter davantage de torpilles et d'armes » selon Paula WALLENBURG, commandant la Sveriges ubåtsflotta. C'est donc la recherche d'un meilleur « E/K » (systemeffekt (E) / och kostnad (K) ou « efficacité du système (E) / coût (K) ») : répétition du schéma A11B/A14 des années 1960. Serait-ce la renaissance de l' « éternel » sous-marin de 1 500 tonnes dont il aurait fallu plutôt assister à la disparition, malgré le HDS-1500 (HD HHI) contractualisé par le Pérou : grâce à une nouvelle densité tactique pouvant s'inspirer du Type 212NFS, dans une phase historique de décroissance de la loi de l'augmentation immuable du tonnage unitaire.
En préambule aux quelques développements proposés, nous nous permettons de renvoyer le lecteur à l'article publié par Mats NORDIN (« Svensk ubåtsdesignutveckling från A11 tillA26 », Sveriges marina akademi, Nr 3 2017, pp. 210-231) et qui nous a été aimablement signalé et procuré par le chercheur Finlandais Robin HÄGGBLOM que nous remercions, une fois encore. Ses réflexions quant à l'avenir de la construction sous-marine suédoise sont des plus stimulantes (« Solving Sweden’s Submarine Woes », Corporal Frisk, 22 octobre 2025).
Le programme A26 formellement lancé en 2015, après la « renationalisation » de Kockums par SAAB (2014), bénéficiait d'un devis financier de 921,78 millions d'euros (2014) permettant la construction de deux unités, assorties d'une troisième en option.
La modestie de la dépense a très probablement faciliter son acceptation par les différentes forces politiques suédoises. En coûts globaux du programme, cela reviendrait à un « coût unitaire programmatique » de l'ordre de 460,89 millions d'euros le sous-marin type A26 de 2 100 tonnes de déplacement en plongée.
Mais il s'agissait d'un montage financier car reposant sur un « pari à l'exportation », comprenant manifestement des ventes successives à Singapour (A26 battu par le Type 218SG (tKMS) en 2013-17) et en Pologne (sélection d'un soumissionnaire intervenu seulement le 26 novembre 2025, au lieu de l'année 2015) et des RMV / MLU supplémentaires de sous-marins type A17 au bénéfice des marines de Pologne et de Suède. Le devis programmatique ne comprenait qu'une fraction des coûts réels du programme car n'intégrant pas la remise en état du chantier naval de Karlskrona, ni même la formation des personnels aux compétences perdues, probablement pas plus l’entièreté des études à consentir pour le développement du sous-marin et des capacités annexes.
Robin HÄGGBLOM résume la figure temporelle et financière du programme ainsi :
« In short, time from contract in 2015 to first delivery has gone from seven to 16 years (2022 to 2031, +128%)! At the same time, the budget has gone from 11.2 Bn SEK (8.4 Bn SEK in 2014 levels) to 25 Bn SEK (+123%), or from 1.0 Bn EUR to 2.3 Bn EUR (adjusted to 2025 levels) ».
L'affaire n'est pas infamante, une fois le calcul initial déduit et les difficultés rappelées, le résultat étant là : la Suède est redevenu un pays construction de sous-marins et exportateur de sous-marins. N'exerçant pas l'option portant construction d'un troisième A26 (classe Blekinge), un nouveau type de sous-marins a été mis à l'étude : le Projekt A30.
Il nous faut ne pas succomber à une nouvelle lecture littérale (la première étant le devis programmatique initiale faussée) des déclarations de positionnement des acteurs. Le sous-marin A26 est jugé onéreux en raison de la dérive des coûts mais ce coût intrinsèque est manifestement dans l'épure de dépenses consenties pour mettre à l'étude et faire mettre sur cale des sous-marins à déplacement et caractéristiques opérationnelles équivalentes.
Le Projekt A30 devant compléter les deux unités de la classe A26 pourrait être « plus petits et capables d'emporter davantage de torpilles et d'armes » selon Paula WALLENBURG, commandant la Sveriges ubåtsflotta. Nous aurions là le ferment du nouveau positionnement politique des principaux acteurs politiques, à savoir la Svenska Marinen, la Försvarets MaterielVerk (FMV) et SAAB : l'A26 a un déplacement trop important, des dimensions trop grandes et emporte trop peu d'armes. Peut être car ses différentes capacités opérationnelles augmentent densité tactique de la plateforme, au détriment de sa capacité première de chasseurs de sous-marins ?
Il existe un précédent historique tellement identique que cela en est saisissant. Par les documents de planification des dépenses militaires Marinplan-60 et plan ÖB-62, il était prévu la construction de dix sous-marins du Projekt A11, lancé en 1951. Programme conçu à l'origine comme un saut technologique par rapport à l'état de l'art. Il a exploré pratiquement tous les principaux systèmes de propulsion permettant d'augmenter l'autonomie en plongée et imposant donc de nouvelles voies technologiques que le système alliant moteurs diesel-électriques et batterie plomb-acide :
propulsion indépendante de l'air atmosphérique grâce à un comburant mélangeant alcool et oxygène liquide dans un réacteur conçu par Motala verkstad et Kockums (A11C) ;
propulsion indépendante de l'air atmosphérique grâce à un moteur Stirling (A11S) ;
propulsion indépendante de l'air atmosphérique grâce à une pile à combustible à hydrogène (A11FC) ;
propulsion atomique par un réacteur Westinghouse (A11A Neptun) dont l'intérêt résidait dans sa combinaison avec le programme suédois d'armements nucléaires.
Le seul intérêt de citer toutes les voies explorées réside dans la tentative de démonstration que la Suède essayait bel et bien de réussir un bon technologique. Finalement, le Projekt A11 est reformulé sur de nouvelles bases, retenant une classique propulsion diesel-électrique (A11B). Cinq unités furent construites (1966-69).
Présentant un déplacement en plongée de 1 210 tonnes, pour une coque longue de 50,5 mètres et d'un diamètre de 06,1 mètres, la classe Sjöormen figurait comme l'une des plus modernes des sous-marins classiques avec une coque hydrodynamique en forme de goûte d'eau (« teardrop » du AGSS-569 USS Albacore) et un appareil à gouverner en croix de Saint André (ou « Kryssroder » en Suédois).
Le Projekt A11B entretenait quatre tube lance-torpilles de 533 mm à la proue (huit torpilles lourdes dont quatre sur racks), auxquels s'ajoutaient deux autres de 400 mm à la poupe (quatre légères dont deux sur racks). L' « E/K » (systemeffekt (E) / och kostnad (K) ou « efficacité du système (E) / coût (K) ») a été jugé trop bas sur le plan opérationnel.
Le Projekt A14 a été mis à l'étude dès 1963, devant permettre la conception d'un sous-marin de plus petites dimensions que l'A11B (classe Sjöormen) « qui était perçu comme grand par rapport à A12, et être équipé de plus de tubes et d'armes, ainsi qu'une plus grande automatisation et un ordinateur central pour réduire l'équipage » (« Svensk ubåtsdesignutveckling från A11 till A26 », Sveriges marina akademi, Nr 3 2017, p. 216). Et l' « E/K » devait pouvoir être relevé en maximisant la valeur militaire des futurs bateaux. Naissait ainsi la classe Näcken, pour laquelle trois unités furent construites (1973-81).
Présentant un déplacement en plongée de 1 030 tonnes, pour une coque longue de 49,5 mètres et d'un diamètre de 05,7 mètres, la classe Näcken sera paradoxalement la première à recevoir un moteur Stirling lors de refontes pour deux des trois bateaux. Le Projekt A14 entretenait six tube lance-torpilles de 533 mm à la proue (onze à douze torpilles lourdes dont cinq sur racks), auxquels s'ajoutaient deux autres de 400 mm à la poupe (quatre légères dont deux sur racks).
L' « E/K » a été amélioré de la classe Sjöormen à la classe Näcken grâce à nombre de tubes lance-torpilles de 533 mm porté de quatre à six, permettant d'augmenter la salve de six à huit torpilles légères et lourdes confondues et le nombre total de torpilles embarquées passant de douze à quinze ou seize, selon le modèle. Remarquons que la réduction la taille de l'A14 par rapport à l'A11B est obtenu avec une réduction significatives du déplacement en plongée, certes, mais des réductions des longueur et diamètre de coque qui sont presque anecdotiques, sauf peut être pour l'abaissement du diamètre de coque.
Dans cette perspective historique, il nous semble donc logique d'apprécier le propos de Paula WALLENBURG, commandant la Sveriges ubåtsflotta, comme unique indication quant à la direction prise pour le Projekt A30. Les deux sous-marins du type A26 ont un déplacement en plongée de 2 100 tonnes, pour une coque longue de 66,1 mètres et d'un diamètre de 06,75 mètres, entretenant quatre tube lance-torpilles de 533 mm, deux autres de 400 mm et un Multi-mission Portal (MMP, 06 x 01,5 mètres) à la proue. L' « E/K » serait donc regardé comme opérationnellement insuffisant.
Notre hypothèse nous conduit à investiguer une répétition du schéma historique A11B-A14 où l'A26 serait le sous-marin du « bon technologique » tandis que le Projekt A30 permettrait une phase historique de décroissance de la loi immuable de l'augmentation unitaire du tonnage.
Le Type 212NFS a peut-être été le préfigurateur de cette dynamique par l'accroissement de la « productivité tactique » dans des dimensions quasi-inchangés car l'Italie était invitée à rejoindre le Type 212CD de dimensions et déplacement autrement supérieurs mais Rome a préféré demeurer dans les limites du Type 212.
Le Type 212A est long de 55,9 mètres entre perpendiculaires pour 1830 tonnes de déplacement en plongée. Les Type 212NFS bénéficieront de l'allongement de la coque de 55,9 à 57,2 mètres des Type 213 / Type 212B ou encore Type 212A batch 2 allemands. La coque du Type 212NFS atteindra un minimum de 57,3 mètres, soit un allongement de 1,3 mètres de la coque hydrodynamique entre perpendiculaires. Et dans le même temps, la coque résistante (~ 40 mètres) serait allongée de 1,5 mètres grâce à la « refonte » de l'avant du sous-marin, augmentant le volume interne de la coque résistante d'environ 48 m3.
Le probable suppression des puits des périscopes de veille et d'attaque en remplaçant ces derniers par des mâts optroniques supprimera des volumes existants. Par ailleurs, le volume allouée à la batterie est donnée pour être inchangée mais recevra une batterie de technologie lithium-ion et de type LiFePO4 (Lithium Fer Phosphate), décuplant l'autonomie en plongée.
Cela conduit à imaginer une nouvelle répartition des volumes avec un déplacement du poste de commandement navigation opérations vers le pont de la soute à armes tactiques où il bénéficiera d'une plus grande largeur pouvant conduire à réduire la longueur. Les postes d'équipage sur le pont supérieur pourraient ainsi bénéficier d'une superficie supplémentaire. L'espace à la verticale du schnorchel serait optimisée dans l'optique d'augmenter le volume alloué à la pile à combustible. Et un sas pour nageurs de combat devrait être installé, à l'arrière du massif, permettant de servir directement le pont où se situera le rack accueillant le propulseur sous-marin.
Le Projekt A30 pourrait alors faire l'objet d'une décroissance tactique, par la réduction de ses missions, permettant de simplifier le nombre de tâches à exécuter à bord et donc réduire, non pas l'équipage, mais le nombre de logements nécessaires et les espaces de vie annexes, visant ultimement un équipage de l'ordre des 15 à 20 sous-mariniers.
Il se dessine un futur A30 débarrassé des missions au service des forces spéciales car l'intuition conduit à se demander si ce ne sont pas justement les A26 qui conserveront l'accomplissement de ces missions, débarrassant le futur sous-marin du MMP et des installations dévolues aux nageurs de combat. L'A30 augmenterait sa productivité tactique mais en consentant à devenir une plateforme sous-marine spécialisée, dans les lutte anti-surface et anti-sous-marine, allant ultimement jusqu'à poser la question d'accomplir simultanément les deux missions.
Cela simplifiera l'architecture de la partie avant, facilitant d'autant l'augmentation du nombre de tubes lance-torpilles et donc du nombre d'armes tactiques. Néanmoins, le paradigme en la matière a changé : l'accumulation de munitions différentes et dorénavant de drones oblige à un accroissement significatif de la place disponible afin de préserver le nombre d'armes tactiques contre buts sous-marins, de surface ou bien de la capacité à mouiller des mines, sans altérer les hypothèses opérationnelles et salves afférentes.
Autrement dit, s'il fallait conserver une salve d'environ huit à dix torpilles lourdes, tout en ambitionnant de conserver une capacité de torpilles légères, voire les capacités à lancer des armements anti-aériens et des drones alors le volume disponible devra permettre d'entreposer l'équivalent d'une vingtaine de torpilles lourdes. Dans cette esquisse, les tubes lance-torpilles de 400 mm deviennent paradoxalement encombrant.
Il sera particulièrement intéressant d'observer l'arrangement de la propulsion, ainsi que son agencement. Est-ce que le montage d'un Stirling Mk3/4, associé à des moteurs diesel-électriques et une batterie de type lithium-ion sera conservé ? Une certaine audace pourrait être de débarquer les moteurs diesel et donc de se fier au seul module AIP. Une autre serait de conserver le tout mais d'en réduire le nombre d'éléments. L'actuel arrangement oblige une certaine longueur de coque, faire autrement permettrait une réduction de la longueur de coque et donc du poids significative, de l'ordre d'une petite centaine de tonnes.
Il en ressortirait une sorte de renaissance de l' « éternel » sous-marin de 1 500 tonnes dont il aurait fallu plutôt assister à la disparition, en raison de la loi de l'augmentation immuable du tonnage unitaire des bâtiments de combat et bateaux sous-marins, voyant s'installer le sous-marin hauturier type autour d'un déplacement en plongée de l'ordre des 2 000 tonnes. Et cela continue d'augmenter, par exemple avec les Type 212CD (~2 600 tonnes en plongée), le HDS-2300 (HD HHI) ou encore le fort développement des sous-marins dits « océaniques » (3 à 4 000 tonnes), devant une norme de plus en plus dominante et du basculement vers les sous-marins à propulsion nucléaire. Malgré le HDS-1500 (HD HHI) contractualisé par le Pérou semblant être un fait marginal alors que toutes les propositions de sous-marins dits « côtiers », allant de 400 à 1 100 tonnes ne trouvaient pas preneur ces trente dernières années.
Dans cette perspective, SAAB installerait une nouvelle proposition industrielle, pouvant ingénieusement s'adresser aux marines devant participer à la résolution d'un dilemme de sécurité où le nombre de sous-marins est l'un des éléments de dissuasion conventionnelle.


Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire