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Programme X-37B
Plusieurs
journaux et blogs se sont fait l'écho de l'essai réussi du X-37B. Pour
peu qu'on suive assez bien les derniers prototypes de la série "X" (voir
presque toute la série "X") les Etats-Unis explorent depuis longtemps
le vol à grande vitesse et à très haute altitude (sans limite
atmosphérique ?). L'un des objectifs étant de développer un aéronef
pouvant aller dans l'espace et en revenir. Zone Militaire en avait fait une bonne synthèse pour le lancement de l'engin le 23 avril 2010 :
"
Dès la fin des années 1950, l’US Air Force a cherché à développer un
avion pouvant aller dans l’espace. Ainsi, elle avait lancé le projet
X-20 Dyna-Soar afin de pouvoir mener des missions de reconnaissances, de
bombardement mais aussi de sabotage de satellites en orbite.
Finalement, et devant les problèmes techniques et le coût financier (660
millions de dollars de l’époque), le programme avait fini par être
abandonné.
Plus
tard, l’armée de l’Air américaine et la Nasa ont confié à Boeing, via sa
division Phantom Works, le soin de concevoir une navette spatiale
automatique. L’engin, appelé X40A Space Maneuver Vehicle, effectue un
premier vol d’essai en 1998, après avoir été lancé depuis un hélicoptère
Chinook.
Sur la
base du X40A, Boeing Phantom Works a par la suite développé le X-37, qui
est une navette aux dimensions plus réduites que le précédent
prototype, pour le compte de la Nasa en premier lieu, puis pour celui de
la Defense Advanced Research Project (Darpa), l’agence de recherche du
Pentagone. "
Avec
le X-37B il est question d'un aéronef lancé depuis une fusée Atlas V.
Arrêtons nous pour simplement prendre conscience du coût fabuleux de
l'expérience. L'appareil est donc lancé et mis en orbite, chose faites
le 23 avril 2010. C'est là que le blog Lignes de Défense nous apprend que l'aéronef a effectué une mission de 223 jour dans l'espace :
"
Une mini-navette spatiale américaine automatique a conclu vendredi une
mission militaire secrète de 224 jours en se posant sur une piste en
Californie. Le « véhicule orbital test » (OTV 1), ou X-37B, a atterri
sur la base aérienne de Vandenberg, devenant le premier vaisseau spatial
automatique américain à se poser de lui-même sur une piste. "
Accesoirement,
nous aurions pu effectivement préciser que le X-37B est un drone.
Officiellement le drone sert bien sûr à préparer les futures navettes
spatiales. Le programme est notamment sous contrôle du Pentagone comme
le précise Lignes de Défense :
"
Ce projet, lancé par la Nasa à la fin des années 1990 puis adopté par
l'armée, serait destiné à tester des technologies pour une nouvelle
génération de navettes spatiales. Le Pentagone n'a rien dévoilé des
objectifs de la mission ou des équipements susceptibles d'avoir été
emportés. Il s'agissait selon un porte-parole d'un « vol pour tester le
véhicule ». "
Mais
pourquoi donc le programme était-il alors passé sous le contrôle du
programme comme s'en étonne l'auteur de Lignes de Défense ? En raison de
ce qu'a rappelé Zone Militaire : les Etats-Unis cherche à acquérir la
capacité à produire des aéronefs pouvant aller dans l'espace sans
lanceur et en revenir.
Dissuasion spatiale
La
question se pose. Nous ne parlons pas d'un protype "jetable" juste bon à
établir des records. Non, nous parlons d'un appareil réutilisable et
dont le lancement est très coûteux (une fusée Atlas V). De plus, la
première mission a duré 223 jours : deux tiers d'une année pour un seul
appareils. Nous ne savons pas ce que l'appareil a pu réaliser comme
"missions" lors de sa "satellisation".
Par
contre, nous pouvons aisément imaginer ce que représenterai comme effet
dissuasif le fait de savoir qu'un drone orbital armé de missiles
pouvant détruire les moyens spatiaux de tout Etat hostile aux
Etats-Unis. La chose est-elle hors de portée techlogiquement ? Le X-37B
peut déjà aller dans l'espace et réaliser une mission de 223 jours (une
mission de SNLE français dure 70 jours à titre comparatif) alors, la
mise au point d'armes pour détruire des satellites ne serait pas un cap
technologique très difficile à passer.
Cette
éventuelle dissuasion spatiale présuppose la maîtrise du milieux
terrestre, et plus particulièrement du milieux aéroterrestre. Le
sous-lieutenant Maris-Madelaine Marçais qui avait écrit pour l'Alliance
Géostratégique un article
sur les stratégies pour l'espace ("L'espace : quelle stratégie pour un
nouveau milieu) avait justifié alors le choix de Dolman de compter la
région terrestre comme région spatiale :
"
Conscient des critiques que ce choix pourrait susciter, Dolman se
justifie en déclarant que cette région est fondamentale dans la
modélisation stratégique de l’espace extra-atmosphérique car elle
constitue un passage obligatoire pour les activités spatiales en
incarnant quelque part « la région côtière de l’espace
extra-atmosphérique » . En effet, tout objet spatial traverse
l’atmosphère, que ce soit pour rentrer dans l’espace ou pour en sortir.
L’auteur la définit donc comme une région « de transit » entre
géopolitique et astropolitique. En ce sens, c’est en une sorte de région
hybride, concernée à la fois par la topographie classique et par la
nouvelle géographie spatiale. L’astropolitique correspondrait ainsi à
une géopolitique spatio-terrestre avec l’identification de points
névralgiques (« astrostratégiques ») terrestres. "
Cette
justification présuppose donc que l'US Air Force ait la maîtrise
nécessaire pour que cette région permette aux Etats-Unis de l'utiliser.
Cela implique que l'armée de l'air américaine maîtrise certains points
névralgiques terrestres pour permettre une "astrostratégie".
Nous parlons bien d'une dissuasion spatiale inscrite dans la région circumterrestre tel que décrite par Dolman.
Il n'est pas nécessaire d'aller au delà à l'heure actuelle (à moins de
poursuivre quelques missions scientifiques isolées). La position permet
d'être hors d'atteinte d'un tir anti-missiles en théorie. A moins de
monter qu'il est possible de détecter et viser un objet satellisé de
cette taille et type. C'est la question de la discrétion et de la survie
de la plate-forme de dissuasion. C'est une autre manière de montrer que
l'on applique bien le concept de dissuasion. Entre abattre un vieux
satellite hors service et détruire une cible pouvant -peut être- se
dérouter et être prévenu des mesures dont elle fait l'objet, ce n'est
peut être pas la même capacité. C'est, en exagérant, la même nuance
entre chasser un vieux Roméo soviétique à l'heure actuelle et chercher
un SNLE dans les profondeurs des océans. Ce ne sont pas les mêmes
moyens.
Dissuasion spatiale et intérêt du bouclier anti-missiles
Depuis
un essai chinois anti-satellites, on a redécouvert qu'une telle
capacité n'était pas hors d'atteinte pour d'autres Etats que les
Etats-Unis. Quel éventuel intérêt pour Washingtown de pouvoir abattre
des satellites depuis l'espace même ? La Chine a une capacité
strictement défensive. Et tout pays suivant son chemin ne pourra pas
faire autrement qu'être sur la défense. Pourtant, l'éventuelle capacité
étasunienne est porteuse :
- Le premier intérêt d'un X-37B armé c'est qu'il pourraît effectuer les destructions de manière discrète. Ce serait le même genre que les opérations sous-marines : loin des caméras, sans explication facilement justifiable, il se passera des choses dans l'espace.
- Le second intérêt est justement le bouclier anti-missiles. La capacité chinoise, reproductible, repose sur le fait de lancer un missile depuis le sol terrestre. Hors, pour un tel tir reposant sur des vecteurs -actuels- assez sommaire, un bouclier ant-missiles pourrait l'intercepter. Les Etats-Unis, avec l'OTAN, la Russie, la Chine, l'Inde et Israël développe des boucliers anti-missiles. Ce sont des mesures strictements défensives pouvant conduire selon le succès de chaque système à une neutralisation mutuelle des capacités de mise en orbite ou de tire anti-satellites. Cette situation révèle l'intérêt fondamental du drone orbital : loin de toutes menaces défensives. Les Etats-Unis auront donc la possibilité de détruire systèmes de communication, de positionnement par satellite (Gallileo, Glonass, etc...) et de renseignement.
- Troisième intérêt. Nous ne faisons que constater l'avance technologique des Etats-Unis dans le domaine spatial. Si le X-37B peut porter des armes anti-satellites "à courte portée" et détruire des engins orbitaux alors les Etats-Unis auront une maîtrise absolue du milieux spatiale. A moins de découvrir un moyen de détruire le X-37B depuis la Terre, le problème existe ou existera si le potentiel du X-37B se confirme. L'intérêt de le confirmer est de mettre en oeuvre cette dissuasion spatiale, une sorte d'Hiroshima spatial, les morts en moins.
Conclusion
Les
Etats-Unis accumulent les programmes spatiaux ou paraspatiaux. Ils
finissent bien par acquérir quelques technoloigies et capacités pour
aller et venir dans l'espace. Une fois qu'il est possible de lancer un
drone dans l'espace et de l'y maintenir pendant une durée longue, la
question de l'armement ne peut que se poser. Notamment dans le cadre
d'un renouveau de la concurrence spatiale et l'arrivée d'acteurs ayant
le potentiel de à moyen et long terme de concurrencer Washingtown :
l'Inde et la Chine qui affichent toutes les deux des ambitions
spatiales. Les deux géants de plus d'un miliards d'habitants finiront
bien par pouvoir financer leurs ambitions de façon régulière et de plus
en plus volumineuse. Les Etats-Unis ne sont pas distancés pour autant et
ce concept de dissuasion spatiale n'est peut être pas une création de
notre part. A ce titre, nous aimerions bien savoir de quoi il retourne
du "projet Aurora". Depuis des années il est dit que ce serait un
aéronefs satellisable en service aux Etats-Unis. Nous ne sommes pas à
l'abri de découvrir de nouveaux black projects. L'activité en prototypes
est certes importante et publique. Mais tout n'est pas à montrer.
Enfin,
nous n'annonçons pas non plus une éventuelle maîtrise spatiale
"absolue" pour les Etats-Unis de manière définitive. La dissuasion est
un concept défensif avec capacité offensive. Cela ne retardera pas
l'Inde et la Chine de contester la supprématie américaine supposée dans
l'espace. Mais ce sera un lourd argument pour permettre à Washingtown
d'influencer les montées en puissances indiennes et chinoises.
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