C'est
l'argument "anti-porte-avions" vieux comme son apparition : le pont
plat serait un système d'armes au rendement inefficace. Il faudrait
constamment l'escorter par des navires dédiés aux menaces sous-marines
et aériennes, voire d'autres puisqu'il faut bien traiter les mines, par
exemple. Pire, la composition du groupe aérien embarqué du mastodonte
implique son adaptation aux menaces les plus en pointes dans sa zone
d'intervention. A écouter l'accusation, le groupe aéronaval n'existerait
que pour se protéger.
Du temps de la marine à voile - c'est-à-dire l'ère précédent la vapeur - il n'y avait pas un grand intérêt opérationnel lors d'une bataille d'escorter les vaisseaux à deux ou trois ponts (de 50 à 130 canons). Ils se suffisaient à eux-mêmes. Les menaces n'étaient que de surface, à l'exemple du brûlot. Pourquoi, alors, des frégates ? Les faiblesses du vaisseau de ligne l'expliquent : la cathédrale flottante est lente et peu manœuvrable.
Tout l'inverse d'une frégate agile et rapide. Elle avait
un rôle primordial dans les missions de reconnaissance et de
surveillance. Il y avait une dialectique entre le corps de bataille -
les vaisseaux de ligne devant former la ligne à la demande - et les
frégates. Par exemple, pendant les blocus de l'arsenal de Brest par la Royal Navy
les amiraux anglais employaient beaucoup de frégates pour surveiller
une éventuelle sortie de la flotte française tandis que le corps de
bataille était alors au large.
Arrive alors le terrible XIXe siècle et l'apparition de la propulsion à vapeur. Le navire de ligne n'a pas disparu. Mais il a évolué avec l'embarquement des canons à chargement par la culasse, les obus explosifs et cette nouvelle propulsion permettant de s'affranchir, progressivement puis définitivement, du vent. Il s'agit là d'une révolution historique presque totale dans la stratégie navale. Cette dernière devenant "totale" avec la propulsion nucléaire. Le vaisseau de ligne devient cuirassé.
La frégate aussi se cuirasse, et c'est même une fierté nationale en France avec la frégate Gloire. Mais la grande révolution vient du torpilleur. Doté de la propulsion à vapeur, il n'est plus dépendant du vent. Avec la torpille, il peut atteindre un navire sous la ligne de flottaison, c'est-à-dire prétendre à le toucher mortellement. Cette combinaison (nouvelle propulsion, nouvelle arme) rend impossible le blocus à tenir à la sortie du port. Et surtout, la hiérarchie navale est bouleversée par un navire de faible valeur qui peut, théoriquement, détruire les fières unités de la ligne de file.
Désormais,
il faut compter avec les torpilleurs. Les cuirassés se dotent d'une
double batterie : la principale contre grandes unités, la secondaire
contre les torpilleurs. Réponse technique qui se complète d'une
réinvention de l'escorte navale en Angleterre. Dans le cadre de son
combat séculaire face à la France révolutionnaire et napoléonienne, le
système maritime anglais par le blocus est mis en difficulté. Pour
contrer le torpilleur, la réponse va être radicale : les anglais lancent
les célèbres destroyer, les français les contre-torpilleurs en guise de réponse.
Entre temps, les frégates, par le prisme de la vapeur, évoluent considérablement, non plus par le bas, mais aussi par le haut. Elles deviennent croiseur. Au temps de la marine à voile, elles avaient pour vocation de croiser (to cruise). La propulsion à vapeur a l'inconvénient de réduire l'endurance des navires à une quantité limitée matérialisée par les soutes à combustibles. A la servitude du vent il faut désormais compter avec la nécessité de "charbonner". Pour éclairer et accompagner le corps de bataille, l'autonomie est une caractéristique majeure. Un cuirassé est gros par définition, donc il a de plus grosses réserves que celles d'un destroyer ou d'un contre-torpilleur. Ces derniers ne peuvent suivre toutes les évolutions des navires de ligne dans les croisières. Combien de cuirassés ont pu regretter d'avoir été surpris sans leur escorte ? C'est toute la raison d'être du croiseur.
Entre temps, les frégates, par le prisme de la vapeur, évoluent considérablement, non plus par le bas, mais aussi par le haut. Elles deviennent croiseur. Au temps de la marine à voile, elles avaient pour vocation de croiser (to cruise). La propulsion à vapeur a l'inconvénient de réduire l'endurance des navires à une quantité limitée matérialisée par les soutes à combustibles. A la servitude du vent il faut désormais compter avec la nécessité de "charbonner". Pour éclairer et accompagner le corps de bataille, l'autonomie est une caractéristique majeure. Un cuirassé est gros par définition, donc il a de plus grosses réserves que celles d'un destroyer ou d'un contre-torpilleur. Ces derniers ne peuvent suivre toutes les évolutions des navires de ligne dans les croisières. Combien de cuirassés ont pu regretter d'avoir été surpris sans leur escorte ? C'est toute la raison d'être du croiseur.
Toute une révolution navale débattue, ce qui n'empêchera pas, par exemple, le cuirassé austro-hongrois Sven Istvan d'être mortellement surpris (10 juin 1918) par des vedettes italiennes ayant percé son écran de protection.
L'autre
chose terrible offerte par le XIXe siècle est le submersible. S'il faut
attendre les types XXI allemands pour avoir le véritable sous-marins
modernes, les submersibles débutent leur carrière dès la guerre de
Sécession à l'image du CSS Hunley. Les exploits de l'U-9
pendant la Premier Guerre mondiale et la montée en puissance de la
guerre sous-marine lors de la bataille de l'Atlantique obligent une
nouvelle fois à repenser l'escorte navale. Pour se prémunir du danger
sous-marin, les grenades ASM furent inventées, tout comme le fameux ASDIC (dont le professeur Langevin est l'un des créateurs).
L'escorte des cuirassés gagne encore en complexité. Le premier conflit mondial marque une rupture puisque l'escorte navale n'embrasse plus seulement des menaces de surface mais s'étend désormais à sous la mer. Et ce n'est pas fini.
L'escorte des cuirassés gagne encore en complexité. Le premier conflit mondial marque une rupture puisque l'escorte navale n'embrasse plus seulement des menaces de surface mais s'étend désormais à sous la mer. Et ce n'est pas fini.
Avant
le porte-avions, il y eu l'introduction de l'avion dans la guerre
navale. Son arrivée était imaginée par Clément Ader dès la fin du XIXe
siècle. La première action aéronavale d'envergure est due à un hydravion grec qui attaqua un cuirassé turque en 1913 pendant la guerre balkanique.
Inévitablement, l'escorteur anti-aérien finit par faire son apparition.
Mais il prend deux formes : la première est un développement timide de
l'artillerie anti-aérienne à bord des différents escorteurs. Cette
nécessité ne sera prise au sérieux que pendant la seconde guerre
mondiale, notamment pendant les années 1941 à 1942. Au fur et à mesure
que la guerre se déroule, les navires spécialisées se développent. La
seconde, c'est l'introduction du porte-aéronefs et du porte-avions dans
le corps de bataille dès l'extrême fin de la Grande guerre.
C'était
l'un des tout premiers rôles du porte-avions : accompagner le cuirassé
pour le protéger du danger aérien. Il n'est alors qu'un escorteur, de
plus, dans le corps de bataille. Il retrouve là le rôle de la frégate de
l'ancien temps : celui d'éclairer la flotte.
La deuxième guerre mondiale consacre, lors de la bataille de Midway (5-7 juin 1942), le porte-avions comme nouvelle pierre angulaire des flottes. Pour la première fois de l'histoire navale, deux escadres se combattent sans se voir, par groupes aériens interposés. La victoire américaine impose sur le plan opérationnel le porte-avions comme le principal vecteur de puissance.
A contrario, les escortes navales négligées se transformaient en désastres navales. Le cuirassé Bismark poursuivi par la Royal Navy suite à l'ordre de Churchill ("Sink the Bismark !") perd sa liberté de manoeuvre faute d'avoir pu contrer l'aviation embarquée anglaise. Les cuirassés Prince of Wales et Repulse sont coulés par l'aviation japonaise alors qu'ils évoluent sans escorte aérienne. Bien d'autres exemples abondent pour montrer qu'une escorte incomplète offre une prise à l'assaillant pour infiltrer l'escadre, l'atteindre voire la détruire !
La deuxième guerre mondiale consacre, lors de la bataille de Midway (5-7 juin 1942), le porte-avions comme nouvelle pierre angulaire des flottes. Pour la première fois de l'histoire navale, deux escadres se combattent sans se voir, par groupes aériens interposés. La victoire américaine impose sur le plan opérationnel le porte-avions comme le principal vecteur de puissance.
A contrario, les escortes navales négligées se transformaient en désastres navales. Le cuirassé Bismark poursuivi par la Royal Navy suite à l'ordre de Churchill ("Sink the Bismark !") perd sa liberté de manoeuvre faute d'avoir pu contrer l'aviation embarquée anglaise. Les cuirassés Prince of Wales et Repulse sont coulés par l'aviation japonaise alors qu'ils évoluent sans escorte aérienne. Bien d'autres exemples abondent pour montrer qu'une escorte incomplète offre une prise à l'assaillant pour infiltrer l'escadre, l'atteindre voire la détruire !
Nous
avons pu suivre assez rapidement les raisons d'être d'une escorte
navale (l'éclairage de la flotte) qui évolue avec l'émergence de
nouvelles menaces. Celles-ci obligeant la création de navires
spécialisés, suffisamment agiles et possédant l'armement adapté pour
contrer l'une ou l'autre de ces menaces. Du cuirassé au porte-avions,
les navires à haute valeur ajouté ne possèdent pas les qualités
manœuvrières suffisantes pour s'atteler à de telles besognes.
Néanmoins,
nous nous devons de noter que l'utilisation de la mer comme vecteur de
projection de puissance et de forces implique de maîtriser soit des
routes, soit un temps et un lieu les trois dimensions navales (sur, sous
et au-dessus de la mer). Les escorteurs navales sont consubstantielles à
l'utilisation de la mer. Il n'est donc pas surprenant que le groupe
aérien embarqué, ainsi que les aéronefs embarqués sur les autres
navires, évoluent en fonction des menaces potentielles. Ils renforcent
la capacité d'un groupe naval à obtenir la maîtrise de la mer en un
temps et un lieu ou bien à contrôler des routes de communications jugées
vitales.
L'éventuelle
suppression du porte-avions des flottes ne diminuerait en rien les
besoins d'escorteurs. Au contraire, et à titre d'exemple, quand le
second porte-avions est estimé à près de 2,5 milliards d'euros HT en
France, le programme FREMM (11 frégates) est estimé à près du triple,
soit plus de 7 milliards d'euros. Au regard des 4 à 5 missions navales
permanentes demandées à la Marine, il n'est pas certain que l'absence du
Charles de Gaulle implique une réduction du nombre de frégates et de
sous-marins.
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