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Les
armes à énergie dirigée promettent quelques applications pratiques très
intéressantes en matière de combat naval. Nous tentons de présenter une remise en perspective du combat naval où la
question posée est : couler le navire adverse est-il l’objectif ? La
tentative de réponse oscille entre le « il a fallu attendre que ce soit
possible techniquement » et le « politiquement ce n’est pas forcément
souhaitable ». Bien entendu, une perspective aussi sommaire ne peut
qu’être insatisfaisante.
Mais partant du principe qu’un exemple récent comme celui de la Guerre des Malouines, avec le torpillage du croiseur Belgrano,
montre que la destruction d’un fleuron adverse, s’il est synonyme de
victoire, peut aussi attirer la sympathie pour l’équipage perdu, même de
la part de l’opinion publique du pays auteur du coup heureux. Si
diplomatiquement la réussite technique de la destruction est difficile à
manier, sur le plan politique, et surtout sur le plan de la montée aux
extrêmes, celle décrite par Clausewitz, il convient de voir qu’il manque
un état entre l’affrontement paramilitaire et la destruction d’un
navire. En effet, une telle destruction n’appelle que vengeance bien
souvent afin de laver l’affront national. Alors que dans les temps
anciens, d’avant les obus explosifs et les trajectoires à tir
plongeante, il était possible de mettre hors de combat avant toute
chose. C’est là que les armes à énergie dirigée permettent d’espérer de
retrouver cet état où les armes cinétiques et non-cinétiques permettent
de désarmer un navire, plus que de le détruire.
Poursuivre le renouvellement de la Flotte
C’est bien pourquoi, dans la suite fictive qui va suivre, la frégate Gloire
est née de l’aboutissement de ce genre de réflexions. La Marine
nationale était coincée entre une difficile période budgétaire qui
débutait officiellement en 2007 (si ce n’est depuis les années 60 du XXe
siècle, en réalité). D’une part, le tonnage de la Flotte et son nombre
de plateformes ne cessait de diminuer, de l’autre, il fallait bien
rester dans la course (de fond) dans le développement et l’intégration
des technologies prometteuses pour l’art militaire.
D’un
côté le développement de la flotte de surface s’appuyait sur
l’achèvement du programme FREMM, et son extension était encore en
discussion. Il avait été question d’adopter la solution préconisée par
l’Amiral Nomy dès les années 60 : le croiseur polyvalent. C’est pourquoi, à l’instar des destroyers Arleigh Burke américains, les FREMM avaient été construites dès la cinquième unité comme navires d’escorte totalement polyvalents.
Les précédents navires ont été refondus pour les porter au standard du
cinquième. Ainsi, elles possèdent toutes un système d’armes apte à
lutter dans les trois milieux (sous la surface, sur la surface – et sur
terre – et au-dessus de la surface).
De
l’autre côté, alors que les FREMM AVT avaient été abandonnées dès 2008,
un programme devait permettre le remplacement des frégates La Fayette.
Il ne s’agissait plus de construire des FREMM. Cependant, face à la
difficile période budgétaire, et malgré la mise en valeur de la Marine
nationale depuis la popularisation du concept de « Maritimisation » et
et de celui « d’Archipel France », l’état-major de la Marine avait
préféré choisir de poursuivre la série FREMM afin de serrer les coûts de
construction et de mise en œuvre au maximum.
C’est pourquoi un consensus s’est dégagé autour de la construction d’un navire d’essais et d’expérimentations. L’idée était de ne pas abandonner le développement de technologies navales qui n’étaient pas mises à l’écart dans les marines rivales, sans pour autant handicaper le renouvellement de la Flotte. La solution retenue surprit, puisqu’il s’agissait de marier une flotte homogène à une « flotte » d’échantillons (par référence à la flotte d’échantillons de la fin du XIXe et du début du XXe siècle).
C’est pourquoi un consensus s’est dégagé autour de la construction d’un navire d’essais et d’expérimentations. L’idée était de ne pas abandonner le développement de technologies navales qui n’étaient pas mises à l’écart dans les marines rivales, sans pour autant handicaper le renouvellement de la Flotte. La solution retenue surprit, puisqu’il s’agissait de marier une flotte homogène à une « flotte » d’échantillons (par référence à la flotte d’échantillons de la fin du XIXe et du début du XXe siècle).
Le navire d’essais et d’expérimentations
Le
premier échantillon combinait les propositions de recherche de
l’industriel, DCNS, avec les choix capacitaires à développer et retenus
par l’état-major. Les bases de travail connues du grand public étaient
les navire-concepts Swordship et Advansea. Il s’agissait autant d’explorer la direction du navire « invisible »
sur les plans électromagnétique, infrarouge et visuel que d’aborder les
technologies électromagnétiques et la gestion de l’énergie associée.
Le
navire d’essais et d’expérimentations avait pour objectif donc de
résoudre la quadrature du cercle naval de la France. Si les financements
étaient problématiques, cela n’empêcha pas de trouver une certaine
solidarité budgétaire. Le navire projeté était source de promesses pour
le redressement de la compétitivité française en matière de
développement de technologies de pointe. Ainsi, un navire gourmand en
énergie nécessitait de lancer des recherches en matière de stockage
d’énergie, et ses installations gourmandes mais aux besoins épisodiques
exigaient une capacité à maîtriser les flux électriques et leur
stockage. Autant de choses qui pouvaient intéresser l’industrie
automobile alors que la voiture électrique se lançait, et le secteur de
la production d’électricité alors qu’il faudrait à l’avenir non plus
piloter un réseau de centrales nucléaires, mais bien piloter un réseau
de production d’électricité aux sources et aux périodes de fabrication
très diverses. Le développement de moteurs à aimants à supraconducteur
ne laissait personne indifférent non plus, puisque les gains de poids et
d’espace espérés étaient synonymes de gains sur les concurrents des
entreprises françaises. Un financement interministériel fut donc trouvé.
Pour bien faire, le futur vaisseau devait être baptisé « Gloire
», en l’honneur du navire conçu par Dupuy de Lôme et qui tirait les
leçons de l’apparition des obus explosifs en cuirassant les navires et
en leur offrant une propulsion à vapeur comme moyen de propulsion
principale, et bientôt unique.
La direction prise par le projet devait aboutir au développement de diverses technologies et à leur intégration :
- furtivité « intégrale » du navire,
- moteur à aimants supraconducteurs,
- anon électromagnétique,
- auto-défense par laser,
- armes à impulsion électromagnétique,
- logiciel intégrant le pilotage de la production et de la circulation de l’énergie du bord.
Le
navire fut mis en chantier à la fin de l’année 2013. Le projet mené par
la France ne manqua pas de susciter la curiosité des nations navales
rivales. Les États-Unis restaient sur leur faim avec le développement et
la construction des trois destroyers (ou cuirassés) de la classe Zumwalt.
Ils atteignaient des standards intéressants et de référence en matière
de furtivité et dans le développement et l’utilisation d’un logiciel de
gestion de l’énergie (SITREP). Mais la philosophie du concept n’était
pas allée assez loin, puisque le navire tenait plus du croiseur Ticonderoga ou de l’Arleigh Burke amélioré. Au prix de l’exercice, la chose n’était pas convaincante.
Les
ambitions à Paris, non-encore officielles, semblaient toutes autres
puisque, derrière l’exercice technologique, à l’instar de ce qui avait
été fait aux États-Unis, il était question de miser sur la capacité à
approcher un groupe naval, à l’isoler et à le capturer.
La cuirasse
La
construction du navire laissait présager quelques ambitions : en effet,
le tonnage atteignait près de 15 000 tonnes à pleine charge pour 199
mètres de longueur. Un tel volume laissait songeur dans les pays
étrangers alors que le vaisseau français n’ambitionnait pas d’emporter
autant d’armes qu’un Zumwalt : là où ce dernier emporte 80
missiles et deux pièces de 155mm, le navire français ne visait que 48
missiles et une pièce de 155 mm électromagnétique. La différence entre
les deux devis de poids ne sera révélée que bien plus tard : le volume
gagné grâce aux dernières technologies (comme le moteur à aimants
supraconducteurs) et le grand tonnage du bateau servirent à intégrer… de
vieilles technologies. Il était apparu que les vieux appareils
électriques de l’ère analogique, voire même avant, avaient de bonnes
capacités à supporter les brusques changements de tensions, notamment
ceux provoqués par une arme à impulsion électromagnétique. Chose
pratique quand l’on ambitionne de se servir de telles armes, mais qui
nécessite de grands volumes et du poids, là où le numérique les avait
économisés.
La
résilience commençait secrètement à s’exprimer dès l’architecture
électrique du navire. Plus généralement, les formes de la coque ont été
étudiées pour accrocher le moins possible un radar adverse. La coque est
un ensemble formé par un revêtement au silicone ayant une durée de vie
longue pour réduire les frottements dus à l’avancement avec l’eau. Le
gain de consommation d’énergie est appréciable. Mais derrière ce
revêtement se cache une couche anéchoïque qui recouvre aussi bien la
coque que les superstructures pour absorber les ondes radars.
L’imbrication des deux matériaux a été particulièrement ardue mais le
problème finit par être résolu vers la troisième année de construction
(2017).
Mais
derrière cette coque à protection passive contre les agressions de
l’environnement naturel et de la sphère électromagnétique, il y a le
développement d’un nouveau type de blindage. Il a été bien inspiré des
Américains : la construction du CVN-78 Gerald R. Ford renferme un blindage électromagnétique : « Il
s’agit d’une cuirasse électromagnétique, surnommé DAPS (Dynamic Armor
Protection System). Le principe est de munir un navire d’un blindage
creux dans lequel circule une énorme charge électromagnétique. Le jet de
plasma issu de l’impact d’un projectile à charge creuse perçant la
paroi externe du blindage est alors neutralisé par le champ
électromagnétique, garantissant ainsi l’intégrité de la paroi intérieur
du blindage. Le DARPA US a lancé ce programme en 2003 » (in Le
Marin, hors-série « Navires militaires » d’octobre 2012, page 39).
C’était en somme, la réinvention du blindage réactif présent sur les
chars, à la sauce électromagnétique.
Si la frégate Gloire
est conçue pour tenter d’être invisible et pour être résiliente aux
coups de l’adversaire, elle a tout de même été aussi conçue pour en
porter. C’est pourquoi les travaux de l’institut franco-allemand Saint
Louis aboutirent, sous l’impulsion des crédits gouvernementaux, à la
construction d’un prototype de canon électromagnétique. L’ensemble fut
intégré à bord du navire en 2018.
Les
avancées ne s’arrêtèrent pas là puisque pour une telle arme, il fallait
bien lui concevoir des obus. Outre le panel de munitions classiques, le
développement d’un obus bien particulier fut longtemps tenu secret :
une arme à impulsion électromagnétique. L’effet de la charge est aisé à
réaliser par l’explosion d’une charge nucléaire. Chose difficile à
manier, s’il en est. C’est pourquoi bien des pays prirent la direction
de développer des générateurs d’impulsion à ondes électromagnétiques
compacts à compression de flux magnétique. L’explosif de l’obus sert à
produire une impulsion électromagnétique large spectre de grande
puissance. Ce développement ne fut pas sans heurts, puisqu’il fallait
concilier de faire partir un obus depuis un canon électromagnétique avec
l’utilisation d’une charge électronique. C’est-à-dire que le tir ne
devait pas endommager la charge interne. Tout un système de protections
internes et d’activations des moyens de fonctionnement de la charge par
retardement fut inventé.
Cette
arme phare se combinait avec le développement d’une installation fixe à
l’objectif similaire (créations d’effets IEM) mais utilisant cette
fois-ci des micro-ondes de grande puissance.
L’avantage
de la première arme est sa portée qui lui est donnée par le canon et la
trajectoire de l’obus, mais son inconvénient est la non-directivité des
effets. C’est tout l’avantage de la seconde arme, mais à la portée
moindre.
L’artillerie était complétée par un canon italien de 76mm à tir rapide et des canons téléopérés de 20mm.
Une
application particulière de l’obus IEM a été développée. Elle est
conçue pour être intégré dans un véhicule spatial. Celui-ci atteint ce
milieu via un missile Exoguard d’EADS Astrium.
Officiellement, Paris a lancé ce programme d’études amont pour soutenir
sa filière de vecteurs spatiaux (les missiles balistiques) et plus
largement les capacités européennes en la matière. Officieusement, la
dernière version de la fusée Ariane V (« mid life extension »)
et le développement d’Ariane VI étaient amplement suffisants. Un tel
missile permettait aussi à la France de négocier sa place dans le
dispositif de défense antimissile balistique de l’OTAN. Mais
officieusement, rien n’empêchait de donner une utilité opérationnelle à
un lot de missiles construits pour « essais » alors que les deux
premiers tirs « d’essais » montrèrent que le premier lot de 16 missiles
construits étaient bons pour le service officieux associé. La France se
dotait ainsi secrètement d’une capacité de mise hors service de
satellite. L’important tonnage de la frégate permettaient d’inclure ces
16 missiles « au diamètre plus important que celui des autres
munitions ». Aucun essai officiel n’est venu qualifier cette capacité.
Comme le disait Guilhèm Penent (De la Terre à la Lune),
la mise hors service de satellites par armes nucléaires (et effet IEM)
est plus que problématique. Ce serait plus simple avec une arme comme
« l’Exoguard IEM ».
Enfin,
la dernière innovation empruntée au CVN-78 : la défense à courte portée
par canons laser. Ce système est le descendant d’un programme, le « Navy’s Maritime Laser Demonstration
». La précision du tir laser et la grande répétition, espérée, des
tirs, doit permettre d’intercepter aussi bien des petites embarcations
que des missiles assaillants grâce à une munition insensible aux
contre-mesures. Ce système ne sera véritablement qualifié qu’en 2021 au
bout d’une longue série d’essais.
Ce
cuirassé des temps modernes a un concept d’emploi bien particulier : il
doit s’approcher d’un groupe naval adverse (repéré par divers moyens à
la disposition de la France) sans attirer l’attention, grâce à ses
différentes capacités à être discret, si ce n’est (presque) invisible.
La Gloire doit, quand elle est à portée de ses armes, entamer
alors la phase la plus critique du combat. Elle doit utiliser à plein
ses armes selon le principe de la liaison des armes sur mer de Castex.
Si le navire utilisait ses armes antisatellites, alors c’est pour être
quasi certain que le tir serait détecté par une quelconque nation
capable d’avertir le pays détenteur des navires visés.
C’est pourquoi la Gloire
doit pendant un laps de temps assez court utiliser ses obus pour isoler
le groupe naval adverse et tenter de le mettre hors d’état de nuire.
Une première salve a ce rôle. Si la pièce de 155mm naval n’est pas
connue pour sa grande cadence de tir (8 à 10 coups par minute), elle est
« améliorée » grâce à l’utilisation de la technique de tir en salve
(MRSI) : le premier obus de la salve atteint la cible en même temps que
le dernier grâce à un savant calcul des trajectoires (ce qui induit des
limites en matière de portée). Une seconde doit alors être lancée pour
faire « sauter » tous les systèmes qui auraient survécu à la première
salve. Pendant ce temps, si le groupe naval adverse s’appuie sur un
centre de gravité spatial, alors celui-ci est visé par une salve
d’Exoguard qui décollera dans l’embarras de la cible, sans être aperçu.
Simultanément, la frégate s’approche et ses armes à micro-ondes dirigent
leur flux vers les cibles. La dernière manœuvre va consister à
tournoyer autour de la cible pour viser ses moyens de propulsion. La
doctrine prévoit que, au final, le groupe naval adverse et rendu
impuissant puisse être remorqué vers un endroit sûr pour être
définitivement capturé.
Pour aller plus loin :
- « Les armes à énergie dirigée – mythe ou réalité ?« , Bernard Fontaine, aux éditions l’Harmattan (2012) in la collection « Défense Stratégie & Relations Internationales ».
- Le « dossier électromagnétisme » de l’Alliance Géostratégique.
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