© ECPAD. Le 9 mai 1994, dans le port de Brest, le porte-avions à propulsion nucléaire “Charles de Gaulle” est inauguré 
    en présence de M. François Mitterrand, président de la République, 
M. Edouard Balladur, Premier Ministre, et M. François Léotard, ministre 
de la Défense.
  
La décision historique est tombée dans la plus grande indifférence !
 Monsieur le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, annonçait que le Charles de Gaulle allait être refondu pour 1,3 milliards d'euros
    (2016-2018). 
  
    Cette indifférence est révélatrice à plus d'un titre !
  
    Premièrement, c'est une décision majeure sur le plan historique. 
Lors de l'élaboration de la loi de programmation militaire actuelle, et 
les fameuses trajectoires X, Y et Z, il avait été
    question, selon les bruits de coursives, de retirer du service le 
porte-avions. Il y a un monde entre remettre en doute l'outil majeur de 
la puissance aéronavale et confirmer cette dernière.
    
  
    Pourquoi est-ce donc une décision majeure sur le plan historique ? 
Le temps naval est un temps long, même si cela n'est pas toujours 
compris. La question du second porte-avions a été ouverte en
    1990 quand le R92 Richelieu n'était pas commandé. En 2013 (23 ans 
plus tard) le gouvernement prend la décision majeure de confirmer le R91
 Charles de Gaulle avec cette refonte à mi-vie. Le
    prochain rendez-vous est la période 2025-2030  où il faudra débattre
 de l'intérêt de remplacer le Charles de Gaulle et de l'accompagner d'un
 sistership puisque c'est le minimum pour
    disposer de l'outil.
  
    Notons que c'est la énième décision gouvernementale depuis 2004 qui 
confirme la volonté de l'Etat de maintenir la capacité à concevoir, 
construire et mettre en oeuvre des porte-avions, depuis la
    décision du président Chirac de travailler avec les anglais (et les 
coûts afférents !) jusqu'à cette décision de refondre l'unique 
porte-avions.
  
    Les refontes de navires, et en particulier les refontes à mi-vie, ne
 sont pas monnaie courante dans l'Histoire. Ce sont des opérations très 
lourdes et qui nécessitent des investissements
    équivalent à plus ou moins la moitié de la valeur du bateau. Par 
exemple, Coutau-Bégarie nous décrivait l'exemple américain à travers les
    refontes SLEP (Sea Life Extension Program) "destiné à prolonger la durée de vie de ces porte-avions d’une quinzaine d’années [alors qu'ils avaient été conçu
    pour 30 ans de service] au prix de 28 mois de travaux pour un 
coût qui atteint maintenant environ près d’un milliard de dollars par 
unité. Le SLEP comporte la révision complète de la coque,
    des machines..., la modernisation de l’équipement électronique et la
 refonte des installations aéro".
  
Le coût de production du Charles de Gaulle, incluant les études, les
    premières pièces de rechanges et celles de grande prévoyance était de 3 milliards d'euros (contre 2 pour le R92 Richelieu).
  
Il s'agit bel et bien de pérenniser le porte-avions pour qu'il demeure un outil opérationnel de premier plan dans le monde pour la seconde partie de son existence opérationnelle.
    Le volume financier impressionne et confirme donc le caractère 
historique de la décision. 1,3 milliards d'euros ! C'est une somme 
gigantesque et pour la remettre en perspective il suffit de citer
    le coût de la première IPER du Charles de Gaulle, intervenue après sept années
    d'activités opérationnelles : 0,3 milliards d'euros...
  
    Nous ne devrions qu'être stupéfait par l'incroyable situation que nous vivons :
  
- les anti-porte-avions français sont vent debout contre la commande d'un second porte-avons qui coûtait 2 milliards d'euros dans les années 90 et 2,5 milliards d'euros HT aujourd'hui,
- et personne ne s'offusque que l'outil soit confirmé et lourdement modernisé pour 1,3 milliards d'euros.
    C'est une situation ubuesque.
  
    Qu'est-ce qu'un 1,3 milliards d'euros ? A 200 millions près, c'est le coût du porte-aéronefs Cavour (qui jauge presque autant que les porte-avions Foch et Clemenceau pour 1,5 milliards).
  
    Le second porte-avions c'est l'équivalent de trois Rafale par année fiscale sur sept années.
  
    La refonte du porte-avions Charles de Gaulle ce sera 1,3 milliards d'euros étalés sur deux années de 2016 à 2018.
  
    L'effort financier n'est rigoureusement pas le même... et l'hystérie anti-porte-avions ne s'est même pas manifestée !
  
    Nous sommes donc dans l'obligation, sans nier la nécessiter de 
réaliser l'IPER du Charles de Gaulle, de poser la question suivante : ne
 serait-il pas plus judicieux sur le plan stratégique de
    lancer la construction du second porte-avions grâce à la ligne de 
crédit prévue pour 1 milliard d'euros (moins les 0,3 milliards de 
l'IPER) ?
  
    La situation est proprement incroyable si nous la rapportons aux 
"discussions" qui ont eu lieu sur l'avenir de la puissance aéronavale 
française de 2008 à 2013.
  
    Pour en revenir à la refonte, nous ne pouvons que nous ne demander 
ce qu'il y aura dans ce milliards supplémentaire par rapport à une IPER 
classique du porte-avions.
  
    Premièrement, Mer et Marine avait supposé que le Charles de Gaulle 
verrait le remplacement de ses radars car la suite actuelle tend vers 
l'obsolescence. Il y a deux solutions possibles :
  
- une remise à niveau via un Herakles amélioré (le même que sur les FREMM ASM),
- une solution ambitieuse avec un radar à surfaces planes qui pourrait être le même que celui de la FREMM-ER.
    Cette dernière pourrait préfigurer ce que seront les deux FREDA qui seront livrés en 2018
    et 2019 puisque le ministre de la Défense a choisi que ces deux 
frégates, initialement prévues pour la LPM suivante, soient contenues 
dans l'actuelle LPM.
  
    Solution qui serait soutenue par l'export puisque la demande irait 
pour des frégates de défense aérienne avec radar à surfaces planes 
pouvant s'intégrer dans une défense anti-missile
    balistique. 
  
    Deuxièmement, il n'y a pas beaucoup d'informations qui sont tombées 
quand aux modernisations qui seront effectuées. C'est pourquoi nous nous
 devons de les imaginer :
  
- le déplacement de l'ilot à l'arrière du pont d'envol,
- l'installation de catapultes électromagnétiques (et pourquoi pas atteindre la capacité catapo et le doublement des catapultes à cette occasion),
- une défense aérienne à très courte portée par laser (à l'instar du CVN 78),
- la modernisation des installations aéronautiques pour l'accueil de drones,
- la robotisation du bord pour faciliter les flux logistiques,
- l'utilisation de peintures au silicone pour la carène,
- l'installation de dispositif de supercavitation pour améliorer la propulsion,
- une automatisation accrue du navire (permettant de diminuer l'équipage du bateau de 1300 à 900 personnes et permettre de le doubler à terme),
- la remotorisation du navire par des moteurs supraconducteurs,
- l'installation de pods en lieu et place des lignes d'arbres,
- l'utilisation de l'espace libéré pour améliorer la puissance propulsive,
- l'autre utilisation de l'espace libéré pour améliorer les capacités d'emport de carburant et de munitions (et donc réduire le besoin logistique).
    L'enveloppe de la refonte aurait pu être dépassée par tant de 
projets. Néanmoins, bien des suggestions ci-dessous relèvent directement
 d'une partie des 34 plans industriels présentés par le gouvernement.
  
    Cette refonte à mi-vie n'a pas fini de faire parler d'elle.
  

 
 


