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Un rapide tour d'horizon sur la genèse de l'actuelle Flotte, avant de tenter de brosser mécaniquement le portrait de la suivante, tentera de montrer combien une marine est l'expression d'une course sur trente ans. Raison pour laquelle un statut ou plan naval est indispensable pour mesurer l'impact du décalage ou de l'abandon d'une capacité sur le plan d'ensemble. Les outils financiers sont inadaptés à ce sain exercice de projection dans le temps car les lois de programmation militaires ne dépassent pas les à six ans.
La Flotte du premier tiers du XXIe siècle
Le prologue à la construction de la première flotte du XXIe siècle est le lancement de la classe La Fayette (12 unités prévues, 5 construites) pendant la décennie 1990. Elle s'accompagne de la mise sur cale des frégates de surveillance (10 prévues, 6 construites), livrées sur la même période. Elles sont l'ancêtre des patrouilleurs hauturiers ou Offshore Patrol Vessel (O.P.V.).
Le changement de génération des SNLE est entamé à la fin des années 1980 et matérialisé en 1997 par l'admission au service actif du Triomphant. Trois unités suivront : les Téméraire, Vigilant et Terrible. Ils remplacent peu à peu, au fur et à mesure des retraits du service actif, livraisons et mises à niveau M51 les six SNLE de la classe Le Redoutable (1997 - 2010).
La mise en service du porte-avions Charles
de Gaulle (2001) et de son sistership (R92 Richelieu) devait constituer l'apothéose du renouvellement de la flotte de surface. Cependant, l'unique porte-avions souffrira des affres d'être tête de série au chantier arrêté à de nombreuses reprises.
Le groupe amphibie progresse depuis la mise en service du couple BPC/EDA-R. Les Mistral (2005) et Tonnerre (2007) sont suivis du Dixmude (2012). Cette composante présente l'originalité d'avoir été au centre d'un conflit entre le tempo de la Marine et celui du gouvernement. La première ne voulant remplacer que les TCD de classe Ouragan, arrivés en bout de course, le second voulant soutenir les Chantiers de l'Atlantique via la commande d'une troisième unité dans le plan de relance qui accélère le remplacement des Foudre et Sirocco (prévu vers 2020 à l'origine). Le livre blanc de 2013 réduit le nombre d'unités amphibies à 3 bateaux contre 4 initialement.
La protection
aérienne de la flotte se régénère par moitié. La première l'est par le programme Horizon (première décennie des années 2000). Il s'arrête après deux unités sur les quatre prévues. Elles remplacent les Suffren et Duquesne. Les Cassard et Jean Bart seront remplacés par les FREDA en 2021 et 2022.
Les capacités de lutte sous la mer suivent avec le lancement du programme FREMM (2002). Après la longue période des choix (2007-2015), la série ne dépassera pas les 8 unités pour les besoins nationaux (dont les 2 FREDA).
Elles seront complétés par les 5 FTI (au moins 2 unités ASM), en remplacement des La Fayette.
Elles seront complétés par les 5 FTI (au moins 2 unités ASM), en remplacement des La Fayette.
Le renouvellement des SNA devrait débuter en 2017 par le retrait du service du Rubis et s'achever en 2027 ou 2029 par la livraison du sixième Suffren.
Le cycle de construction de cette flotte devrait s'achever par les lancements des unités des programmes B2M, BSAH, B3M/PLV, B4M, FLOTLOG et BATSIMAR.
La Flotte du deuxième tiers du XXIe siècle
La question du deuxième porte-avions devrait resurgir. L'État a décidé
de procédé, plus qu'à une seconde IPER, à une refonte à mi-vie du Charles de Gaulle
(2017). Ce statu quo n'est pas une reculade. La question de la
permanence de l'outil aéronaval risque fort d'être reposée à l'occasion
de la succession (PA3) du porte-avions Charles de Gaulle dont il
est possible d'espérer plus de trente années de service (2031), si ce
n'est 40 (2041). Il n'est pas inenvisageable, "si les conditions
économiques et financières" le permettent, d'envisager le lancement du PA2 après 2020 ou 2025. Celui-ci serait alors la base d'une version
améliorée pour la succession du PA1. A moins que ce type de navire
soit abandonné.
Les SN3G, troisième génération de SNLE, est le grand discret de l'actualisation de la loi de programmation militaire. Les étapes dans sa conception sont peu nombreuses et peu mises en avant. DCNS travaille déjà sur le lancement de la classe. Mécaniquement, Le Triomphant devrait être renouvelée à partir de 2027. Il y a fort à parier que la durée de son service soit étendu d'au moins cinq années : 2032 (jusqu'à 2042 ou 2045 pour la quatrième unité ?).
En supposant une durée de service de plus de trente ans, le remplacement des moyens amphibies devrait se produire sur la même période que celui du porte-avions (2035 - 2042).
Les frégates (classes Forbin et Aquitaine, programmes FREDA et FTI) seront renouvelées sur la période allant environ de 2040 à 2052 en se basant sur une durée minimale de service de trente ans.
La succession des SNA, des moyens de l'Action de l'État en Mer ainsi que ceux des flottes auxiliaires et logistiques, dans la majorité des cas, se produira sur une période postérieure à 2040, voire 2050.
Un plan naval ?
Brosser ainsi le portrait de la future flotte, en remplacement de celle qui est lancée, ne manque pas de soulever, en dépit de la fragilité de l'exercice et de la non-prise en compte de la multitude de paramètres, des inquiétudes.
La première est l'éternel bosse budgétaire qui se construit de l'accumulation de grands programmes structurants sur une courte période. Conjonctions des forces qui dépasse les capacités de financements d'une loi de programmation militaire, rarement extensible.
La première est l'éternel bosse budgétaire qui se construit de l'accumulation de grands programmes structurants sur une courte période. Conjonctions des forces qui dépasse les capacités de financements d'une loi de programmation militaire, rarement extensible.
A priori, si le porte-avions devrait être remplacée en 2041, alors la bosse se construirait par l'adjonction du remplacement des SNLE et des frégates sur une seule décennie, soit environ deux lois de programmation militaire.
La seconde est que le lissage des périodes de renouvellement est l'évidence même pour ne pas déséquilibrer l'économie générale des lois de programmation et des lois de finances.
La troisième est que l'aménagement du calendrier naval ne se conjugue pas avec des outils financiers adéquats. Le Parlement, pour se pencher sur les dépenses militaires navales, devrait pouvoir mesurer les conséquences du déplacement d'une capacité navale d'une loi de programmation militaire à l'autre et pouvoir mesurer le nécessaire effort pour soutenir un outil naval aux ambitions demandées.
La quatrième est l'invisibilité des coûts opérationnels (entraînement, soutien, logistiques, vieillissement des unités, modernisation, etc), non-étalées sur trente ans. Contrairement aux marines anglo-saxonnes où les coûts globaux (construction, utilisation, déconstruction) d'un programme sont calculés sur une trentaine d'années et versés dans la sphère publique.
Flotte programmée
Du livre blanc découle une "flotte contractuelle" qui oriente sur cinq
années l'effort naval. La "flotte réelle" traduit l'écart entre le contrat opérationnel et les besoins
opérationnels suites aux crises. Mais il nous manque la flotte programmée, issue d'un statut ou plan naval. Il est extrêmement difficile pour un ou une parlementaire, ministre, présidente d'avoir une vision globale sur trente ans de l'effort naval français. Et pourtant, il faut bien noter le décalage entre l'orientation donnée par tel gouvernement pour soutenir telle politique étrangère et la nécessaire cohérence de l'outil naval qui ne s'improvise pas mais ne peut que s'établir sur trente ans car c'est le temps long de son berceau industriel. Il nous manque une flotte pensée à l'échelon du temps stratégique. Sans cela, les chevauchements malheureux de programmes à renouveler sur la même période ou les coûts d'une standardisation des bateaux trop peu poussée ne peuvent apparaître clairement et marquer les esprits dans la durée.
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