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© HD HHI. HDS-800. |
De nouvelles dynamiques, innervant la stratégie génétique1 des flottes sous-marines paraissaient polariser les débats entre : d'une part, l'avatar actuel du submersible diesel-électrique, appelé à devenir un sous-marin « pur » mais toujours dépourvu de « moteur unique » et, d'autre part, la nouvelle prolifération du sous-marin atomique depuis le précédent cycle (années 1950 - 1970). Le segment des sous-marins dits « côtiers » disparaissait, malgré la démocratisation du bateau sous-marin. Fallait-il en conclure à ce qu'elle soit définitive ? Certains exemples des derniers mois ouvrent la voie à une reconstruction de la polarisation du « marché » entre des submersibles « côtiers » et des « sous-marins purs » avec ou sans « moteur unique ».
Pour tenter d'expliciter notre propos, il nous faut tenter d'expliciter à grands traits pourquoi le sous-marin ou plus précisément le « submersible à propulsion mixte diesel-électrique » a respecté deux lois, à savoir la loi immuable d'augmentation du tonnage unitaire et celle de l'inflation navale et, a fortiori, navale. La reconstruction puis la modernisation des forces sous-marines par des unités nouvelle s'était stabilisée autour de bateaux déplaçant, environ, 1 200 à 1 800 tonnes en plongée.
Une succession d'évolutions techniques, provoquant une redéfinition des caractéristiques militaires demandées dans une fiche programme ou bien étant provoquée en réponse à cette redéfinition (exemple du Projekt A11 par ses variantes A11S et A11FC, en Suède) sont la source directe de l'atteinte puis du dépassement du seuil des 2 000 tonnes de déplacement en plongée :
La principale cause en est l'adoption d'un système de propulsion aérobie (Air Independant Propulsion (AIP) system), obligeant un allongement de la coque d'environ 05 à 10 mètres et d'ajouter un poids supplémentaire à celle-ci d'environ 100 à 300 tonnes.
L'adoption d'un ensemble de choix techniques, voire d'architectures (exemple des berceaux suspendus) facilitant la diminution du bruit rayonné et donc la réduction de la signature acoustique est probablement une cause, au moins, égale à la première car la quasi-totalité des dispositions prises consomment et du volume et donc du poids.
Le renforcement des caractéristiques opérationnelles n'est pas non plus étrangère car l'apparition de l'électronique jusqu'à la formalisation de systèmes de combat, avec l'ensemble des installations nécessaires (systèmes de refroidissement, baies informatiques et électriques, etc) et son incidence sur la propulsion et surtout l'usine électrique n'est pas, non pus étrangère. La multiplication des antennes sonar, des mâts et la recherche d'antennes toujours plus grandes est une cause sous-jacente. Une autre cause sous-jacente qui ne fait peut-être pas encore pleinement sentir la puissance des mutations à l'œuvre dans les proues est la diversification des armes tactiques.
Ne pas négliger, non plus, l'influence du renforcement des conditions de vie des sous-mariniers, devant servir dans des bateaux plongeant de plus en plus longtemps, au sein de missions sans cesse plus longue. Il ne s'agit plus seulement de semaines entre chaque escales mais, de plus en plus souvent, de mois entiers.
Les submersibles et sous-marins plongent de plus en plus profondément. La plupart reconnaissent pouvoir atteindre, voire dépasser les 300 à 350 mètres, loin des, environ, 70 mètres de la Seconde guerre mondiale. Cela a fatalement une incidence sur le devis poids de la coque résistante. Ajoutons une autre mutation, toujours en cours de démocratisation, et alourdissant également la coque : la diffusion sans cesse plus grande des revêtements par tuiles anéchoïques.
Ce sont-là quelques unes des raisons pouvant expliquer pourquoi l'archétype du sous-marin des années 1960 (1 200 à 1 800 tonnes de déplacement en plongée) a dérivé depuis les années 1980 pour atteindre des déplacements allant plutôt de 1 800 à environ 2 800 tonnes (exemple du Type 212CD. Il y a bien eu une augmentation du tonnage unitaire en prises directes avec l'évolution des caractéristiques opérationnelles demandées et l'apparition de nouvelles techniques, capacités industrielles à en satisfaire les plus exigeantes.
Il y a eu, dès lors, une transmutation. L'archétype du sous-marin des années 1960 demeurait le « submersible à propulsion mixte diesel-électrique ». Celui-ci ayant très peu évolution dans ses principes depuis leur formalisation par le Narval (1900 - 1909) de Maxime Laubeuf. Un tel bateau pouvait plonger sur batteries pendant, environ, deux jours, avant de devoir « marcher » au snorkel (invention hollandaise (1935) mieux popularisée par sa traduction allemande schnorchel : « tuba », en Français) afin de recharger les batteries. La capacité à plongée ne permettait qu'une navigation sous-marine épisodique ou plus durable mais restreinte à l'immersion périscopique.
Ce sont justement les mutations matérielles apparues dans les années 1980 qui permirent une redéfinition du sous-marin « pur » dont la propulsion lui permettait désormais une navigation en plongée de l'ordre des deux à trois semaines, en combinant l'autonomie des batteries à celle permise par le système aérobie (AIP). La refonte (1987 - 1988) du HMS Näcken est le point de départ d'un cycle culminant avec l'admission au service actif du SS-511 JS Ōryū, le 05 mars 2020, premier sous-marin pourvu d'une batterie li-ion. L'autonomie en plongée permise par ce nouveau type de batterie égale, voire dépasse les systèmes aérobies et la combinaison des deux permet théoriquement d'atteindre quatre à six semaines de navigation sous-marine sans avoir à franchir le dioptre et donc sans commettre d'indiscrétion.
Les batteries li-ion semblaient, depuis les années 2010, avoir vocation à être adoptées par toutes les forces sous-marines, au pro rata des chantiers de construction d'unités de facture neuve, voire de grand carénage. L'un des effets les plus intéressants a été la mise en concurrence des systèmes aérobies avec les batteries li-ion : si la combinaison des deux paraissait être une évolution « naturelle », il y eut pourtant des marines pour ne retenir que la batterie li-ion (exemple du programme de remplacement de la classe Walrus, aux Pays-Bas) ou bien continuer à se focaliser sur un système aérobie.
C'est peut-être le plein rendement de l'effet utile des batteries li-ion, dans leur redéfinition de la navigation sous-marine, qui a peut être été manqué. La plus grande densité d'énergie stockée dans une batterie de même volume permet, certes, de décupler le temps de navigation sous-marine, passant de deux jours à deux, voire trois semaines et peut-être même quatre semaines avant l'horizon 2040 (classe Orka, Koninklijke Marine). Une des rares contreparties résidait dans le renforcement la production d'électricité à bord, et donc l'augmentation de la puissance des moteur-diesels, afin de ne pas allonger le temps de marcher au schnorchel. Il en résultait également une usine électrique bâtie sur de nouvelles architectures électriques, les puissances atteignant de nouveaux ordres de grandeur.
Dans cette perspective, la construction des flottes sous-marines se serait uniquement polarisée autour de ce nouveau sous-marin « pur », s'installant entre 2 000 et 3 000 tonnes de déplacement en plongée et les nouveaux programmes de sous-marins à propulsion nucléaire (Brésil, Australie, Corée du Sud, etc).
Les sous-marins dits « océaniques » apparaissant alors comme une sorte d'objet transitoire dont les caractéristiques opérationnelles et donc les qualités nautiques sont portées au paroxysme de ce que permet l'état de l'art car soit le besoin stratégique identifié oblige à demander des caractéristiques d'un sous-marin nucléaire mais sans son réacteur (cas de la classe Attack (2014-21) mûe par des batteries li-ion, Royal Australian Navy), soit de pouvoir s'opposer à des sous-marins nucléaires, autrement que dans une cinématique de « mines dérivantes » (classe Orka). Une autre logique a été longtemps était suspectée, sans aboutir directement : les sous-marins dits « océaniques » devant permettre la mise en chantier d'un sous-marin nucléaire, grâce aux dimensions intrinsèques du devancier à propulsion classique.
Mais le plein effet utile de l'apparition des batteries li-ion n'a donc peut-être pas était atteint dans ses possibilités de redéfinition du « submersible à propulsion mixte diesel-électrique » des années 1960 afin d'en extirper un autre sous-marin « pur ». Il y a un puissant effet de levier pour simplifier l'architecture de la propulsion, en la réduisant au couple originel batteries alimentées par un ou plusieurs moteur-diesels. Et donc ne pas allonger ni alourdir le bateau avec un système aérobie. La propulsion simplifiée permettant une décroissance du tonnage unitaire jusqu'à installer la proposition aux environs des 1 500 tonnes. La transmutation est, tout de même, accomplie car le submersible n'est plus et le sous-marin pur est apparu.
C'est une manière d'interpréter la signature d'une lettre d'intention entre le Servicios Industriales de la Marina (SIMA) Perú et HD Hyundai Heavy, le 1ier novembre 2025, portant sur la construction sous licence du sous-marin HDS-1500 (HD HHI). L'acte concrétise la précédente signature d'un protocole d'accord (Memorandum of Understanding (MoU), en marge du sommet des ministres de l'APEC à Lima, le 14 novembre 2024 et d'un Memorandum of Agreement (MOA), à l'occasion du salon SITDEF 2025, le 24 avril 2025. Le cas péruvien apparaît comme particulier car inséré dans un paradigme de sécurité régionale dominée par les artefacts de la « Dreadnought race » ayant sévi dans les années 1900 - 1920. Le sous-marin militaire étant le nouveau maître-étalon des équilibres régionaux, le Pérou recherche un moyen de remplacer, nombre pour nombre, ses six bateaux (2 x Type 209/1100, 4 x Type 209/1200).
Ne pas suivre toute l'inflation navale mais en concédant à payer une fraction de celle-ci permettrait de concilier l'économie d'un programme entre l'objectif stratégique - le format de la flotte sous-marine à six unités - et une valeur militaire opposable aux tiers.
Toutefois, l'effet ultime de l'apparition des batteries de type li-ion n'aurait peut-être toujours pas été atteint car associée aux sous-marins dits « côtiers », elle donnerait une nouvelle valeur militaire à celui-ci. Le Portugal a ponctuellement - ou opportunément ? - éprouvé une indisponibilité de toute sa flotte sous-marine, composée de deux unités de classe Tridente (Type 209PN, faux-nez pour ne pas écrire Type 214/1800). Le NRP Arpão a rencontré une avarie sur un ou plusieurs sytèmes hydrauliques en mars 2025 tandis que le NRP Tridente était toujours en grand carénage jusqu'aux environs de l'été 2025. Ceci en parallèle d'une réflexion de la Marinha Portuguesa afin de compléter son format, avec deux options : une troisième unité de la classe Tridente ou bien l'acquisition de deux sous-marins de 800 ou 1 200 tonnes.
La seconde option l'emporterait : à l'occasion du salon naval MADEX 25 (28 - 31 mai 2025) s'étant tenu à Singapour, l’amiral Fernando PIRES, chef du commandement logistique de la marine portugaise, et Ju WON-HO, le responsable de la division « navires spéciaux » du groupe sud-coréen HD Hyundai Heavy Industries, ont signé un protocole d’accord en vue d’établir une coopération portant sur le développement de deux nouveaux « petits sous-marins ». Il pourrait s'agir de discussions portant sur le HDS-800. Le besoin stratégique identifié à Lisbonne et présenté comme tel est de pouvoir entretenir une capacité côtière de suivi des bâtiments et bateaux russes en navigation au large des côtes portugaises.
Une batterie li-ion, dispensant de système aérobie, permettrait de conserver une architecture générale fondée sur des principes simples. Et pouvant être source de bons résultats surprenants en matière de discrétion acoustique car moins de systèmes et d'installations, c'est autant d'auxiliaires en moins (SMX Andrasta puis Scorpène 1000 par Naval group). L'autonomie en plongée permise demeurant sans commune mesure avec les devanciers.
En ce sens, le sous-marin dit « côtier » deviendrait une nouvelle opportunité pour les marines ne pouvant s'offrir l'une ou l'autre voie d'accès au sous-marin « pur » car exigeant d'elles un budget d'acquisition valant une ou plusieurs années du budget militaire de leur État. En revanche, face à des dynamiques régionales obligeant à hausser le potentiel dissuasif des Armées nationales, le sous-marin côtier redeviendrait un moyen économique, permettant non seulement son acquisition qu'un coût de possession en rapport avec une réelle opérationnalisation. Et ce, sans obérer la possibilité de constituer une flottille, alliant nombre de plateformes et donc permanence de la capacité sous-marine.
Il s'agirait alors d'observer l'ouverture d'un espace permis par les possibilités des batteries type lithium - ion, parallèlement à l'inflation navale ayant renchérie le tonnage des « sous-marins purs » avec « moteur unique » (SNA, ~5 000 à 6 000 tonnes) ou sans (sous-marins hauturiers, 2 000 à 3 000 tonnes et océaniques, 3 à 4 000 tonnes). Les sous-marins dits « côtiers » étaient proposés par pratiquement tous les constructeurs de sous-marins, avec des propositions d'unités de 200, 400, 600 et 800 tonnes depuis les années 1980. Mais la démocratisation du sous-marin dans les années 1990 à 2010 reposait sur des États recherchant à satisfaire un besoin militaire, sans céder en prestige aux voisins régionaux. D'où l'adoption quasi-automatique de plateformes sous-marines d'environ 1 800 à 2 000 tonnes.
Ce sont les franchissement des seuils de 2 000 et 3 000 tonnes et les nouvelles dynamiques sécuritaires (Russie/Ukraine + Europe ; Chine / Asie du Sud-Est, Brésil - Argentine - Chili, etc) qui permettent la réapparition du des sous-marins dits « côtiers » (800 tonnes de déplacement en surface) car la pression stratégique et les limites budgétaires - malgré les hausses des dépenses concédées, en général - obligent à une accélération de la construction des capacités opérationnelles. Ce qui était vu, hier, comme une capacité transitoire, en l'absence d'une flotte sous-marine, ou spécialisée, par exemple dans la mise en œuvre de forces spéciales, est peut être regardé aujourd'hui comme un moyen abordable de bâtir une sous-marinade ou de la renforcer en moins de cinq années ; là où un projet d'acquisition de « sous-marins purs » exigerait dix années, en moyenne.
1 Lieutenant-colonel BECAM, « La manœuvre génétique », Forces aériennes françaises, n°152, 1959.6, pp. ?


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