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Les
actions « non-cinétiques » sont des actions
immatérielles entreprises en direction de l'environnement de
l'action. Elles visent à l'aménager au mieux en fonction de nos
objectifs, en influençant la configuration physique et humaine du
terrain. Les embargos illustrent particulièrement bien une action
non-cinétique à l'image de l’ensemble des opérations et mesures
prises à l’encontre des flux humains, financiers et matériels du
réseau « Al-Qaida ».
Nous
allons proposer les moyens d'agir sur les facteurs dynamiques de
l'environnement. A l'instar de Coutau-Bégarie1,
nous entendons par facteurs dynamiques les éléments sensibles à
l'action immédiate de l'homme. Ils se regroupent en deux
catégories : les facteurs offensifs
et défensifs.
a)
Facteurs offensifs
Le
professeur en recense cinq : les ressources,
les voies et infrastructures de communication
et les bases
et la maîtrise de
l'information que nous osons ajouter à la
liste originelle.
Les ressources
Les ressources
L'action
résolu doit viser les ressources
propres et capacités de financement du groupe armé non-étatique.
Il peut bénéficier de ressources du sol et du sous-sol qu'il aura
acquis en contrôlant un espace transformé en territoire. Tout comme
il peut être le récipiendaire d'un certain nombre de flux matériels
et financiers alimentant ses instruments au service de son action.
Les
voies et infrastructures de communication
La
première problématique est consubstantielle à la seconde. Pour
compartimenter l'adversaire et lui retirer toute ou partie de sa
liberté de manœuvre, voire à accroître la sienne, il faut
s'occuper de la question des voies et
infrastructures de communication.
Les
réseaux facilitent la pénétration d'un espace et permettent, par
l'entremise de sa réticulation, le passage de l'espace hostile au
milieu exploitable. Nous avons là une opposition entre armées
classiques et
modernes, donc
motorisées. Les premières, bien commandées, pouvaient franchir
jusqu'à 360 km (la poursuite d'Afranius par Jules César (100 A.V.
J.-C. - 44 A.V. J.-C.) depuis leur point de départ en dix jours2.
Les secondes peuvent progresser 13 à 20 km par jour - voire 25 à 40
km dans l'exploitation – depuis leur base de départ. Au-delà du
seuil des 360 km de César – seulement rejoint par Pierre Dupont de
l'Étang (1765-1840) – la vitesse d'une armée motorisée tombe aux
environs de 6 à 15 km-jour3.
Voici illustré le principe de l'élongation logistique maximale
proposée par le colonel Maurice Suire.
Bases
Cette
dialectique entre l'espace et les forces permet d'illustrer
l'importance des bases.
Elles offrent à une force son rendement maximum tant que
l'élongation n'atteint pas sa limite historique. Nous pouvons en
distinguer de trois types en reprenant la typologie du professeur
Coutau-Bégarie4.
La première considère les bases selon leur importance, d'une base
principale à une base secondaire, souvent simple point d'appui. La
seconde les classifie selon leur implantation : base de départ,
base-relais et bases avancées. La troisième touche à leur
implantation, donc à leur distinction entre bases terrestre, navale
et aérienne.
Il
s'agira pour l'autorité politique combattante de préparer son
dispositif avant ou pendant la phase active des opérations. Pour un
État se débattant à l'intérieur de ses frontières, la
répartition des bases, ainsi qu'une partie des infrastructures
civiles, devra répondre à l'état des menaces potentielles.
L'État
intervenant à l'extérieur de ses frontières devra définir ses
besoins en base au regard de ses ambitions diplomatico-stratégiques.
Il pourra être receveur de bases militaires étrangères et devra
alors composer éventuellement avec ses voisins. Tout comme il
pourrait être amené à déployer des bases à l'étranger. Auquel
cas il sera confronté à deux situations. Premièrement, sa
diplomatie pourra les lui obtenir immédiatement pour un usage
permanent. Cette base pourrait alors être constituée de forces
prépositionnées ou seulement de leur matériel. Deuxièmement,
cette même diplomatie négociera des accès à des facilités au
besoin.
En
cas d'échec dans la disposition des bases nécessaires à l'action
dès le temps de paix, la stratégie ne pourra compter que sur
elle-même, la géostratégie étant avant toute chose une lutte pour
les bases. Par exemple, « la guerre du
Pacifique a été une bataille pour les bases . »5
La
maîtrise de l'information
La
maîtrise de l'information est aussi une voie pour maîtriser
l'environnement de l'espace opérationnel. Elle se divise en deux
actions complémentaires : La maîtrise des vecteurs
d'information et la maîtrise du contenu de l'information.
La maîtrise des vecteurs d'information est la résultante de « toutes les mesures actives et passives destinées à préserver l'environnement informationnel civil, économique et militaire »6. Cette action repose sur les moyens de conduite et de gestion, mais aussi les moyens permettant de maintenir les liens entre la population et la conduite politique du pays. Action qui comprend deux volets opérationnels : la capacité à employer en permanence ces vecteurs avec un minimum de restrictions et celle d'en prévenir la neutralisation (résilience aux agressions, agression des vecteurs adverses etc.)7.
La
maîtrise du contenu de l'information se matérialise par la
capacité à gérer l'adéquation de l'information en fonction des
objectifs des forces engagées. Elle suppose la maîtrise préalable
des vecteurs d'information, et la garantie d'une communication
offrant un minimum de distorsions dues à la technique. Elle comprend
trois volets : la maîtrise des données
(dans ou contre les réseaux) pour assurer le fonctionnement
normal de la société ; la maîtrise du savoir pour
acquérir une supériorité donc l'avantage dans l'action et
la maîtrise de l'influence pour
maintenir le lien entre l'État et les différents acteurs de
la société, tout en « coupant » le mouvement
asymétrique des espaces dans lesquels il agit8.
b)
Facteurs défensifs
Nous
distinguons une série de trois types d'obstacles - les obstacles
naturels, les obstacles
politiques et les obstacles
militaires –
qu'il faut savoir exploiter ou contourner à son avantage.
Les
obstacles naturels
fondent le choix des groupes humains dans le site devant voir
s'édifier une cité. Ils trouvent dans certaines places des
caractéristiques naturelles fortes (confluence de fleuves, de
routes, disposant d'une valeur défensive, etc.). Les siècles
passant, ce sont très souvent les conflits et les guerres qui
permettent de redécouvrir la valeur de certains sites, quand il faut
les défendre ou les assiéger.
Par
extension, il semble plus qu'important de distinguer l'espace
conflictuel selon ses caractéristiques naturels. Espace bien souvent
compartimenté entre littoral et plaines, plaines et zones urbaines.
Surtout, les forêts, les zones marécageuses, les montagnes et les
zones urbaines sont favorables à la défensive grâce à la
protection et l'opacité qu'elles offrent. Les derniers développement
en matière de capteurs électro-optiques ne semblent pas encore
capable de percer le brouillard de la guerre, particulièrement épais
en ces lieux.
Les
obstacles militaires
(de la « castramétation » (art des camps) et de la
« poliorcétique » (l'art des sièges) correspondent aux
fortifications. Au VIe millénaire A.V. - J.C., la ville de
Jéricho améliorait les qualités défensives de son site par un
rempart. Depuis, l'histoire militaire retient l'existence de deux
types de fortifications : permanentes et et de campagne.
Les
premières sont érigées dès le temps de paix autour de points
stratégiques, de forts et places fortes, ou de lignes stratégiques.
Les
secondes correspondent aux fortifications temporaires construites au
gré de la marché des forces, pour assurer la sûreté d'un lieu le
temps d'une étape (cas des troupes romaines, passées maîtresse
dans l'art d'ériger un camp le soir). Ou bien pour soutenir une
posture défensive à l'aide d'une ou plusieurs lignes d'arrêt
(exemples des lignes Hindenburg (1917) ou le dispositif du saillant
de Koursk (1943).
Le
colonel Maurice Suire développe même la question de la sûreté
stratégique14.
Celle-ci est constituée par la totalité des facteurs qui doivent
permettre la liberté de conception et d'exécution dans la manœuvre
principale. Cet ensemble de forces morales, militaires et
diplomatiques permettent de neutraliser les menaces secondaires pour
concentrer l'essentiel des forces à l'opération capitale. Plus
pratiquement, c'est l'exemple de 1796 quand Bonaparte laisse au
Piémont – qu'il a battu – une garnison à Turin pour protéger
un commissaire révolutionnaire. Celui-ci joue des passions
populaires pour éviter que le Piémont ne bouge. Pendant ce temps,
le général de l'armée d'Italie peut poursuivre les Autrichiens
sans que sa sûreté stratégique ne soit compromise.
Les
obstacles politiques
relèvent de deux cas bien particulier :
Premièrement,
c'est la potentielle violation de certaines normes juridiques jugées
fondamentales par toute ou partie des acteurs. C'est l'exemple de
l'entrée en Belgique des armées allemandes en 1914 qui déclenche
l'entrée en guerre du Royaume-Uni. Les conséquences juridiques
d'actions cinétiques peuvent conduire à modifier le rapport de
force dans un sens comme dans l'autre (exemple de la guerre
sous-marine à outrance en 1917 et de l'entrée en guerre des
États-Unis).
Deuxièmement,
c'est le problème des neutres. Depuis le deuxième conflit mondial,
le droit international permet à des États de soutenir ouvertement
des mouvements de guérilla ou guerre guerre révolutionnaire, sans
aucune considération pour les lois de neutralité. « La
géostratégie doit prendre en compte l'existence de tels États à
proximité des foyers d'instabilité, car l'expérience suggère que
les mouvements sans base arrière n'ont guère de chances de durer,
comme l'ont montré les échecs des guérillas communistes aux
Philippines et en Malaisie. »15
Ajoutons
qu'il n'est point possible d'envisager de vaincre sans pouvoir
maîtriser les flux à destination de l'adversaire. Si le « bastion »
du ou des groupes visés peut être un territoire contigu à l'espace
conflictuel, il peut aussi être très éloigné sur le globe et
bénéficier des échanges maritimes pour se joindre. Auquel cas une
forte présence en mer sera indispensable.
Ces
deux catégories supposent une « stratégie juridique »
préalable afin de peser sur l'environnement et de le garder
favorable à son action. Stratégie juridique qui comprend également
la manière d'appliquer ou de ne pas appliquer la politique pénal à
l'égard des groupes armés en cause. Une loi d'amnistie peut-être
un bon moyen pour signifier la fin du temps des hostilités ou bien
dégarnir la force de combat de l'adversaire (exemple de la loi
d'amnistie de 1999 en Algérie).
1
COUTAU-BEGARIE Hervé, Traité de stratégie,
Paris, Economica, 2011 (1er édition), p. 725.
2LE
PRINCE X.-B., Les comptes de la cuisinière – Influence de la
logistique sur l'art de la guerre, Paris, éditions
Berger-Levrault, 1958, p. 83.
3Ibid.,
p. 84.
4
COUTAU-BEGARIE Hervé, Traité de stratégie,
Paris, Economica, 2011 (1er édition), p. 731.
5Cité
dans Capitaine de vaisseau Lepotier, « Rôle stratégique des
bases », p. 499 dans COUTAU-BEGARIE Hervé,
Traité de stratégie,
Paris, Economica, 2011 (1er édition), p. 733.
6
BAUD Jacques, La guerre asymétrique ou la défaite du
vainqueur, Monaco, éditions du Rocher, 2003, p. 189.
7
BAUD Jacques, La guerre asymétrique ou la défaite du
vainqueur, Monaco, éditions du Rocher, 2003, pp. 189-190.
8
BAUD Jacques, La guerre asymétrique ou la défaite du vainqueur,
Monaco, éditions du Rocher, 2003, pp. 189-190.
9 LE
PRINCE X.-B., Les comptes de la cuisinière – Influence de la
logistique sur l'art de la guerre, Paris, éditions
Berger-Levrault, 1958, pp. 11-12.
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