© Command & Conquer Renegade |
De nombreux débats géopolitiques et géostratégiques agitent les esprits dans la rivalité entre la Terre et la Mer, notamment en matière de mobilité stratégique. Nous entendons la "mobilité" comme un terme bien plus compliqué qu'il n'y paraît, c'est pourquoi nous nous restreignons à évoquer la vélocité, ce qui nous semble plus précis et moins large.
Gilles Deleuze dans Milles plateaux distingue une "géoanalyse". S'inspirant d'un modèle géographique, le philosophe français propose un modèle binaire pour modéliser le monde : les espaces lisses (paragraphe 1) et striés (paragraphe 2). "Une autre polarisation à l'œuvre dans le dépouillement des logiques spatiales est celle, majeure, entre espaces lisses et espaces striés, entre espace nomade et espace sédentaire. De nature différente, ces espaces n'existent que par leurs relations réciproques de l'un à l'autre." (DOSSE François, Gilles Deleuze Félix Guattari – Biographie croisée, Paris, La Découverte, 2007, p. 306).
Car la compétition fait rage entre Terre et Mer pour déterminer lequel des deux permet la plus grande mobilité stratégique - au sens de se déplacer d'une région du globe à l'autre ou d'un théâtre à l'autre. Le transport maritime est souvent perçu comme plus rapide et plus libre de ses mouvements quand les effets de l'introduction du chemin de fer dans la projection de forces a diminué ces prétentions. Bien que le rail n'ait pas réussi à renverser les avantages procurés par le transport maritime.
Ce schéma antagoniste demeure structurant : les nombreuses routes maritimes qui suivent le Rimland pour déboucher, de ses deux façades, aux Amériques tandis que la Chine, par de multiples chantiers, et convergent avec la Russie, construit une sorte de "pont eurasiatique".
La vélocité stratégique s'apprécie dans deux grandes sphères stratégiques (voire Olivier Kempf, Introduction à la Cyberstratégie, Paris, Economica, 2012) que sont la Terre et la Mer. Plus précisément, nous préférons recourir au cadre d'étude qu'est la géostratégie pour tenter de comparer la célérité des unités militaires dans nos deux sphères. "On dirait alors que la géostratégie est une stratégie fondée sur l'exploitation systématique des possibilités offertes par les grands espaces en termes d'étendues, de forme, de topographie, de ressources de tous ordres." (Hervé Coutau-Bégarie, Traité de Stratégie, Paris, Economica, 1999 (Première édition).
Les réseaux facilitent la pénétration d'un espace et permettent, par l'entremise de sa réticulation, le passage de l'espace hostile au milieu exploitable. Nous avons là une opposition entre armées classiques et modernes, donc motorisées.
Les premières, bien commandées, pouvaient franchir jusqu'à 360 km (la poursuite d'Afranius par Jules César (100 A.V. J.-C. - 44 A.V. J.-C.) depuis leur point de départ en dix jours (LE PRINCE X.-B., Les comptes de la cuisinière – Influence de la logistique sur l'art de la guerre, Paris, éditions Berger-Levrault, 1958, p. 83.).
Les secondes peuvent progresser 13 à 20 km par jour - voire 25 à 40 km dans l'exploitation – depuis leur base de départ. Au-delà du seuil des 360 km de César – seulement rejoint par Pierre Dupont de l'Étang (1765-1840) – la vitesse d'une armée motorisée tombe aux environs de 6 à 15 km-jour (Ibid., p. 84.).
Voici illustré le principe de l'élongation logistique maximale proposée par le colonel Maurice Suire.
Nous pourrions ajouter à ces deux exemples le mouvement de bascule des unités allemandes du front de l'Ouest pour le front de l'Est à l'occasion de la bataille de Tannenberg (26 au 30 août 1914) qui, dit-on, aurait offert un répit aux forces françaises en raison du relâchement de l'étau sur le Nord de la France.
La finalité de l'action stratégique de la Mer est de porter un corps terrestre (Corbett) puis aéroterrestre (Castex) à Terre afin d'influencer le sort de la décision stratégique (Beaufre) qui ne peut s'obtenir qu'à Terre (Schmitt). Dans cette perspective, la vélocité maritime est présumée plus forte qu'à Terre.
Du temps de la Marine à voiles, et malheureusement il ne nous est pas (encore) possible de trouver des données aussi précises que celles offertes par le colonel Maurice Suire, la célérité stratégique était toute relative. Les vitesses s'échelonnaient de 7 à 9 nœuds pour les deux à trois ponts de premier rang jusqu'à 12 ou 13 nœuds pour les frégates. Surtout, il ne nous faut pas oublier que la servitude majeure de la mobilité navale était le vent, il fallait donc qu'il soit favorable. Exprimée en nœuds, la vitesse moyenne des armées classiques (cf. supra) est d'environ 14 à 15 nœuds sur dix jours. En mer, le corps de bataille ne parvient pas à soutenir une telle vitesse. Il reprend l'avantage quand il dépasse cette distance comparative car les contraintes logistiques terrestres épuisent la vitesse moyenne.
C'est pourquoi il nous faut comparer la vitesse des armées classiques et modernes avec celles des marines modernes, c'est-à-dire depuis l'apparition de la propulsion à vapeur. Les vitesses des principales unités de combat se sont homogénéisées autour d'une sorte d'optimum tactique et stratégique sur une fourchette allant des 28 à 35 nœuds.
L'évolution radicale est que l'endurance acquise par la propulsion à vapeur (et ses filles) permet de soutenir des vitesses moyennes de l'ordre de 15 nœuds, voire de 20 nœuds et plus sur de courtes durées. Et ce, par période de 24h, c'est pourquoi il est souvent dit qu'un groupe aéronaval a une mobilité stratégique de 1000 kilomètres par jour. Ce qui surpasse les exploits de César et Pierre Dupont de l'Étang. Toutefois, relevons que le facteur limitant n'est plus la vitesse du corps de bataille mais celle de l'unité logistique et de ses rotations qui permet d'entretenir toute la force navale afin qu'elle continue à avancer.
Reste que la compétition entre nos deux sphères doit s'apprécier au regard d'une réédition de la capacité de bascule observée à la bataille de Tannenberg par rapport aux capacités de projection navale et aéronavale autour du Rimland.
Gilles Deleuze dans Milles plateaux distingue une "géoanalyse". S'inspirant d'un modèle géographique, le philosophe français propose un modèle binaire pour modéliser le monde : les espaces lisses (paragraphe 1) et striés (paragraphe 2). "Une autre polarisation à l'œuvre dans le dépouillement des logiques spatiales est celle, majeure, entre espaces lisses et espaces striés, entre espace nomade et espace sédentaire. De nature différente, ces espaces n'existent que par leurs relations réciproques de l'un à l'autre." (DOSSE François, Gilles Deleuze Félix Guattari – Biographie croisée, Paris, La Découverte, 2007, p. 306).
Car la compétition fait rage entre Terre et Mer pour déterminer lequel des deux permet la plus grande mobilité stratégique - au sens de se déplacer d'une région du globe à l'autre ou d'un théâtre à l'autre. Le transport maritime est souvent perçu comme plus rapide et plus libre de ses mouvements quand les effets de l'introduction du chemin de fer dans la projection de forces a diminué ces prétentions. Bien que le rail n'ait pas réussi à renverser les avantages procurés par le transport maritime.
Ce schéma antagoniste demeure structurant : les nombreuses routes maritimes qui suivent le Rimland pour déboucher, de ses deux façades, aux Amériques tandis que la Chine, par de multiples chantiers, et convergent avec la Russie, construit une sorte de "pont eurasiatique".
La vélocité stratégique s'apprécie dans deux grandes sphères stratégiques (voire Olivier Kempf, Introduction à la Cyberstratégie, Paris, Economica, 2012) que sont la Terre et la Mer. Plus précisément, nous préférons recourir au cadre d'étude qu'est la géostratégie pour tenter de comparer la célérité des unités militaires dans nos deux sphères. "On dirait alors que la géostratégie est une stratégie fondée sur l'exploitation systématique des possibilités offertes par les grands espaces en termes d'étendues, de forme, de topographie, de ressources de tous ordres." (Hervé Coutau-Bégarie, Traité de Stratégie, Paris, Economica, 1999 (Première édition).
Les réseaux facilitent la pénétration d'un espace et permettent, par l'entremise de sa réticulation, le passage de l'espace hostile au milieu exploitable. Nous avons là une opposition entre armées classiques et modernes, donc motorisées.
Les premières, bien commandées, pouvaient franchir jusqu'à 360 km (la poursuite d'Afranius par Jules César (100 A.V. J.-C. - 44 A.V. J.-C.) depuis leur point de départ en dix jours (LE PRINCE X.-B., Les comptes de la cuisinière – Influence de la logistique sur l'art de la guerre, Paris, éditions Berger-Levrault, 1958, p. 83.).
Les secondes peuvent progresser 13 à 20 km par jour - voire 25 à 40 km dans l'exploitation – depuis leur base de départ. Au-delà du seuil des 360 km de César – seulement rejoint par Pierre Dupont de l'Étang (1765-1840) – la vitesse d'une armée motorisée tombe aux environs de 6 à 15 km-jour (Ibid., p. 84.).
Voici illustré le principe de l'élongation logistique maximale proposée par le colonel Maurice Suire.
Nous pourrions ajouter à ces deux exemples le mouvement de bascule des unités allemandes du front de l'Ouest pour le front de l'Est à l'occasion de la bataille de Tannenberg (26 au 30 août 1914) qui, dit-on, aurait offert un répit aux forces françaises en raison du relâchement de l'étau sur le Nord de la France.
La finalité de l'action stratégique de la Mer est de porter un corps terrestre (Corbett) puis aéroterrestre (Castex) à Terre afin d'influencer le sort de la décision stratégique (Beaufre) qui ne peut s'obtenir qu'à Terre (Schmitt). Dans cette perspective, la vélocité maritime est présumée plus forte qu'à Terre.
Du temps de la Marine à voiles, et malheureusement il ne nous est pas (encore) possible de trouver des données aussi précises que celles offertes par le colonel Maurice Suire, la célérité stratégique était toute relative. Les vitesses s'échelonnaient de 7 à 9 nœuds pour les deux à trois ponts de premier rang jusqu'à 12 ou 13 nœuds pour les frégates. Surtout, il ne nous faut pas oublier que la servitude majeure de la mobilité navale était le vent, il fallait donc qu'il soit favorable. Exprimée en nœuds, la vitesse moyenne des armées classiques (cf. supra) est d'environ 14 à 15 nœuds sur dix jours. En mer, le corps de bataille ne parvient pas à soutenir une telle vitesse. Il reprend l'avantage quand il dépasse cette distance comparative car les contraintes logistiques terrestres épuisent la vitesse moyenne.
C'est pourquoi il nous faut comparer la vitesse des armées classiques et modernes avec celles des marines modernes, c'est-à-dire depuis l'apparition de la propulsion à vapeur. Les vitesses des principales unités de combat se sont homogénéisées autour d'une sorte d'optimum tactique et stratégique sur une fourchette allant des 28 à 35 nœuds.
L'évolution radicale est que l'endurance acquise par la propulsion à vapeur (et ses filles) permet de soutenir des vitesses moyennes de l'ordre de 15 nœuds, voire de 20 nœuds et plus sur de courtes durées. Et ce, par période de 24h, c'est pourquoi il est souvent dit qu'un groupe aéronaval a une mobilité stratégique de 1000 kilomètres par jour. Ce qui surpasse les exploits de César et Pierre Dupont de l'Étang. Toutefois, relevons que le facteur limitant n'est plus la vitesse du corps de bataille mais celle de l'unité logistique et de ses rotations qui permet d'entretenir toute la force navale afin qu'elle continue à avancer.
Reste que la compétition entre nos deux sphères doit s'apprécier au regard d'une réédition de la capacité de bascule observée à la bataille de Tannenberg par rapport aux capacités de projection navale et aéronavale autour du Rimland.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire