© Inconnu. Représentation d'un Leclerc avec une tourelle équipée du canon de 140mm. |
La guerre menée par la coalition arabe au Yemen voyait l'engagement de jusqu'à 70 chars Leclerc émiratis. Elle provoque, dans l'une de ses conséquences, un engouement nouveau, inattendu pour le char français. Ce serait l'occasion, surtout, d'échanger une modernisation contre une potentielle réouverture de la chaîne de production afin de tirer autant les leçons des échecs commerciaux du passé que de s'offrir une nouvelle ambition stratégique, exigée par l'ambition de ce que nous nommons "notre rang".
L'Arabie Saoudite s'intéresse à l'acquisition de nouveaux chars de
combat. Les 300 et quelques M1A2 Abrams ne donneraient pas entièrement satisfaction. Au demeurant, s'ils sont positionnés sur les frontières Sud du royaume saoudien, ils ne sont pas entrés en territoire yéménite, contrairement à ceux des forces armées des EAU. C'est tout sauf la première fois que Ryad souhaite acquérir un nouveau lot de chars "modernes" pour compléter ses montures américaines. Dès 2002, nous retrouvons trace d'un espoir français pour un contrat saoudien pour 150 chars Leclerc (2,3 milliards d'euros, à l'époque). Période où le Rafale était également candidat face à l'Eurofighter qui l'emportait en 2007. Et c'est l'Allemagne qui semblait avoir réussi à remporter le marché saoudien, avec des discussions menées de 2010 à 2014. Mais l'affaire n'était pas conclue.
C'est presque un serpent de mer qu'il nous faut considérer. Les chaînes de production du Leclerc, comme du Léopard 2 (Allemagne et Espagne), seraient toutes arrêtées. Mais Ryad persisterait, le Leclerc serait opposée aux productions allemande, coréenne et turque pour un marché d'un volume de 200 chars de combat. Paris donnerait quelques gages à son offre commerciale en évoquant la possibilité d'un prêt de Leclerc français aux forces armées saoudiennes le temps du redémarrage de la chaîne de production.
Premièrement, la France doit tirer les leçons des échecs commerciaux passés. Notre politique de défense se construit sur un défit de capitaux nationaux, compensé par des coopérations internationales et la recherche de débouchés à l'exportation pour nos systèmes d'arme. Ce fragile déséquilibre - ou déficit d'investissement - ne fonctionne qu'avec un minimum de réussite. Les contraintes engendrées par un fonctionnement minimum de la chaîne industrielle autour du Rafale illustre la difficulté, dans l'exercice des finances publiques actuelles, à un retour à une entière responsabilité nationale de nos ambitions stratégiques.
La première et seule vente du Leclerc était l'échec que nous savons. Faute à une maîtrise élémentaire de la rédaction de contrats ou bien à une organisation politico-économique déficiente (produisant le même résultat), le contrat émirati était un gouffre financier. Les autres approches françaises pour vendre des Leclerc neufs échouaient. Il s'agit peut-être là d'invoquer un armement mal-adapté au contexte stratégique de la sortie du conflit Est-Ouest (1947-2011). Mais aussi à une offre surabondante de chars étrangers, vendus d'occasions, mis à jour technologiquement avant livraison. C'est le cas typique du Leopard 2. Mais quand la France s'essayait à vendre ses propres surplus de Leclerc, elle ne parvenait pas à les placer en Colombie, ni au Qatar. Ce dernier pays, comme l'Arabie Saoudite, souhaite, manifestement, n'acquérir que du matériel neuf.
Mais aussi du matériel actuellement en service dans les forces armées nationales du pays vendeur. En matière de chars, les AMX-32 et -40, bien qu'étant des évolutions très intéressantes de l'AMX-30, un temps considéré comme une éventuelle alternative au projet de remplacement de l'AMX-30, ne rencontraient aucun succès à l'exportation, faute d'une commande et surtout d'un engagement national. C'est toute l'histoire du Mirage 4000 : comparaison n'est pas raison, le parallèle est pourtant saisissant.
N'oublions pas l'indispensable "souplesse" financière. Une chose qui nous aurait coûté, en partie, le contrat Rafale au Maroc.
Deuxièmement, c'est une occasion inespérée de renverser une tendance historique en matière de blindés en Europe et dans le monde. Évoquer un redémarrage de la chaîne de production est une manière pragmatique de tirer les leçons des échecs commerciaux passés. C'est aussi une opportunité formidable de saisir une occasion pour réinsérer la France dans le concert des nations productrices de char de combat. La France est l'une de ses terres de naissance. Mais le char français tend à disparaître en 1940, comme beaucoup d'autres compétences étatiques. La Guerre froide voit un redressement de la compétence française.
Elle culmine avec le Leclerc. Mais il ne faudrait pas oublier qu'elle était voué à la disparition dans les choix initiaux. Une des alternatives au char français était un achat sur étagère : le M1A1 Abrams. L'autre était une coopération franco-allemande : c'était le char Napoléon, à 80% allemand. Paris assume ses ambitions et lance le Leclerc, char franco-français.
Les Allemands possédaient une avance technologique et commerciale qui les incitaient à conserver leur place de choix. La France regagnait la sienne grâce au char Leclerc dans le prolongement des réussites engrangées par les AMX-13 et -30. La position française dans le cadre du mariage entre Nexter et KMW, bien qu'équivalente dans les chiffres, n'est pas forte en matière de char de combat. Le Léopard a connu un grand succès commercial et s'est continuellement mis à jour sur le plan technologique par incrémentation. Son concurrent français, ou frère, attend toujours une grande modernisation.
C'est pourquoi la réouverture de la chaîne de production est une chance historique pour reprendre une position de nation innovante en matière de chars de combat et rééquilibrer la balance avec l'Allemagne. Le Léopard 3 ou Léoclerc risque-t-il d'être franco-allemand à 50-50 ou bien à 20-80 comme dans les années 1980 ?
Troisièmement, la situation stratégique en Europe s'est considérablement modifiée depuis, au moins, l'année 2008. La composante blindée de certaines forces terrestres ouest-européenne, alors en plein désarmement, s'est maintenue ou est réapparue sous diverses formes. Elle s'est développée en Europe centrale et orientale. Comme certains pays comptent leur or, le nombre de chars de combat est à nouveau une donnée géopolitique cruciale.
Il devient difficile d'évoquer une défense européenne ou une défense de l'Europe, que ce soit dans les cadres otaniens, communautaires ou les deux liés, sans afficher un poids stratégique cohérent et puissant dans les forces aéroterrestres. C'est toujours le coalisé le plus engagé qui risque fort de diriger la coalition. Le débat militaire européen s'instaure entre deux puissances terrestres à rénover, français et allemande, et l'évolution de l'engagement américain sur le sol européen, alors que Washington est en plein basculement sur le Pacifique.
C'est pourquoi la énième opportunité saoudienne en matière de chars de combat doit, selon nous, s'accompagner d'une offre commerciale : intéressante financièrement et ambitieuse sur le plan technologique. La chaîne de production du Leclerc doit être, potentiellement, relancée pour, non seulement, 200 Leclerc saoudiens, les quelques pertes émiratis - s'il en exprimaient le besoin - mais aussi remplacer les 406 chars Leclerc livrés à la France par des neufs (240 + une réserve = ~300 ?).
Ce qui emporte trois conséquences heureuses pour les ambitions stratégiques françaises :
La commande française doit s'accompagner de la production d'unités expérimentales composées de chars Leclerc T140, AZUR, d' "AuF3", EPG et à tourelle inhabitée. Ils pourraient être rassemblés au sein d'une demi-brigade blindée explorant le combat urbain de moyenne et haute intensité mais aussi le combat classique en plaine. Ces quelques engins ne présenteront peut-être qu'une utilité opérationnelle très limitée. Là n'est pas l'enjeu.
Des stands commerciaux aux perceptions européennes, ils afficheront une puissance à l'état brute, servie par un outil tactique cohérent (les 9/10e des Leclerc en service). L'Armata russe trouvera sa réponse française. Le Léoclerc s'imposera plus facilement que le Léopard 3 germano-allemand.
Ce qu'il demeure des 406 Leclerc, issus des premières tranches de production, permettra d'effectuer la soudure avec les nouveaux. Ils constitueront une réserve stratégique. Avec 700 chars Leclerc en ligne, en parc et en réserve, la France affichera virtuellement un poids lourd stratégique.
L'occasion est inespérée pour lever la Garde nationale. Quoi de mieux qu'une division blindée de réserve pour motiver des réservistes ? Ils exigeront plus facilement le meilleur d'eux-mêmes en vue des missions assignées (protection défense, d'action sur le théâtre national) s'ils assuraient, entre autre, la garde de l'arme blindée cavalerie, avec répétitions annuelles.
Toutes ces raisons fondent selon nous l'opportunité inespérée d'affermir une offre commerciale pour sauvegarder notre rang industriel, en réajustant notre place en Europe en notre faveur. La modernisation des Leclerc bénéficie d'un budget de 330 millions d'euros. Pour tenter d'atteindre tous ces objectifs, ce budget ou son double ne serait que très peu de choses eu égard aux incroyables carences nationales constatées maintes et maintes fois.
C'est presque un serpent de mer qu'il nous faut considérer. Les chaînes de production du Leclerc, comme du Léopard 2 (Allemagne et Espagne), seraient toutes arrêtées. Mais Ryad persisterait, le Leclerc serait opposée aux productions allemande, coréenne et turque pour un marché d'un volume de 200 chars de combat. Paris donnerait quelques gages à son offre commerciale en évoquant la possibilité d'un prêt de Leclerc français aux forces armées saoudiennes le temps du redémarrage de la chaîne de production.
Premièrement, la France doit tirer les leçons des échecs commerciaux passés. Notre politique de défense se construit sur un défit de capitaux nationaux, compensé par des coopérations internationales et la recherche de débouchés à l'exportation pour nos systèmes d'arme. Ce fragile déséquilibre - ou déficit d'investissement - ne fonctionne qu'avec un minimum de réussite. Les contraintes engendrées par un fonctionnement minimum de la chaîne industrielle autour du Rafale illustre la difficulté, dans l'exercice des finances publiques actuelles, à un retour à une entière responsabilité nationale de nos ambitions stratégiques.
La première et seule vente du Leclerc était l'échec que nous savons. Faute à une maîtrise élémentaire de la rédaction de contrats ou bien à une organisation politico-économique déficiente (produisant le même résultat), le contrat émirati était un gouffre financier. Les autres approches françaises pour vendre des Leclerc neufs échouaient. Il s'agit peut-être là d'invoquer un armement mal-adapté au contexte stratégique de la sortie du conflit Est-Ouest (1947-2011). Mais aussi à une offre surabondante de chars étrangers, vendus d'occasions, mis à jour technologiquement avant livraison. C'est le cas typique du Leopard 2. Mais quand la France s'essayait à vendre ses propres surplus de Leclerc, elle ne parvenait pas à les placer en Colombie, ni au Qatar. Ce dernier pays, comme l'Arabie Saoudite, souhaite, manifestement, n'acquérir que du matériel neuf.
Mais aussi du matériel actuellement en service dans les forces armées nationales du pays vendeur. En matière de chars, les AMX-32 et -40, bien qu'étant des évolutions très intéressantes de l'AMX-30, un temps considéré comme une éventuelle alternative au projet de remplacement de l'AMX-30, ne rencontraient aucun succès à l'exportation, faute d'une commande et surtout d'un engagement national. C'est toute l'histoire du Mirage 4000 : comparaison n'est pas raison, le parallèle est pourtant saisissant.
N'oublions pas l'indispensable "souplesse" financière. Une chose qui nous aurait coûté, en partie, le contrat Rafale au Maroc.
Deuxièmement, c'est une occasion inespérée de renverser une tendance historique en matière de blindés en Europe et dans le monde. Évoquer un redémarrage de la chaîne de production est une manière pragmatique de tirer les leçons des échecs commerciaux passés. C'est aussi une opportunité formidable de saisir une occasion pour réinsérer la France dans le concert des nations productrices de char de combat. La France est l'une de ses terres de naissance. Mais le char français tend à disparaître en 1940, comme beaucoup d'autres compétences étatiques. La Guerre froide voit un redressement de la compétence française.
Elle culmine avec le Leclerc. Mais il ne faudrait pas oublier qu'elle était voué à la disparition dans les choix initiaux. Une des alternatives au char français était un achat sur étagère : le M1A1 Abrams. L'autre était une coopération franco-allemande : c'était le char Napoléon, à 80% allemand. Paris assume ses ambitions et lance le Leclerc, char franco-français.
Les Allemands possédaient une avance technologique et commerciale qui les incitaient à conserver leur place de choix. La France regagnait la sienne grâce au char Leclerc dans le prolongement des réussites engrangées par les AMX-13 et -30. La position française dans le cadre du mariage entre Nexter et KMW, bien qu'équivalente dans les chiffres, n'est pas forte en matière de char de combat. Le Léopard a connu un grand succès commercial et s'est continuellement mis à jour sur le plan technologique par incrémentation. Son concurrent français, ou frère, attend toujours une grande modernisation.
C'est pourquoi la réouverture de la chaîne de production est une chance historique pour reprendre une position de nation innovante en matière de chars de combat et rééquilibrer la balance avec l'Allemagne. Le Léopard 3 ou Léoclerc risque-t-il d'être franco-allemand à 50-50 ou bien à 20-80 comme dans les années 1980 ?
Troisièmement, la situation stratégique en Europe s'est considérablement modifiée depuis, au moins, l'année 2008. La composante blindée de certaines forces terrestres ouest-européenne, alors en plein désarmement, s'est maintenue ou est réapparue sous diverses formes. Elle s'est développée en Europe centrale et orientale. Comme certains pays comptent leur or, le nombre de chars de combat est à nouveau une donnée géopolitique cruciale.
Il devient difficile d'évoquer une défense européenne ou une défense de l'Europe, que ce soit dans les cadres otaniens, communautaires ou les deux liés, sans afficher un poids stratégique cohérent et puissant dans les forces aéroterrestres. C'est toujours le coalisé le plus engagé qui risque fort de diriger la coalition. Le débat militaire européen s'instaure entre deux puissances terrestres à rénover, français et allemande, et l'évolution de l'engagement américain sur le sol européen, alors que Washington est en plein basculement sur le Pacifique.
C'est pourquoi la énième opportunité saoudienne en matière de chars de combat doit, selon nous, s'accompagner d'une offre commerciale : intéressante financièrement et ambitieuse sur le plan technologique. La chaîne de production du Leclerc doit être, potentiellement, relancée pour, non seulement, 200 Leclerc saoudiens, les quelques pertes émiratis - s'il en exprimaient le besoin - mais aussi remplacer les 406 chars Leclerc livrés à la France par des neufs (240 + une réserve = ~300 ?).
Ce qui emporte trois conséquences heureuses pour les ambitions stratégiques françaises :
La commande française doit s'accompagner de la production d'unités expérimentales composées de chars Leclerc T140, AZUR, d' "AuF3", EPG et à tourelle inhabitée. Ils pourraient être rassemblés au sein d'une demi-brigade blindée explorant le combat urbain de moyenne et haute intensité mais aussi le combat classique en plaine. Ces quelques engins ne présenteront peut-être qu'une utilité opérationnelle très limitée. Là n'est pas l'enjeu.
Des stands commerciaux aux perceptions européennes, ils afficheront une puissance à l'état brute, servie par un outil tactique cohérent (les 9/10e des Leclerc en service). L'Armata russe trouvera sa réponse française. Le Léoclerc s'imposera plus facilement que le Léopard 3 germano-allemand.
Ce qu'il demeure des 406 Leclerc, issus des premières tranches de production, permettra d'effectuer la soudure avec les nouveaux. Ils constitueront une réserve stratégique. Avec 700 chars Leclerc en ligne, en parc et en réserve, la France affichera virtuellement un poids lourd stratégique.
L'occasion est inespérée pour lever la Garde nationale. Quoi de mieux qu'une division blindée de réserve pour motiver des réservistes ? Ils exigeront plus facilement le meilleur d'eux-mêmes en vue des missions assignées (protection défense, d'action sur le théâtre national) s'ils assuraient, entre autre, la garde de l'arme blindée cavalerie, avec répétitions annuelles.
Toutes ces raisons fondent selon nous l'opportunité inespérée d'affermir une offre commerciale pour sauvegarder notre rang industriel, en réajustant notre place en Europe en notre faveur. La modernisation des Leclerc bénéficie d'un budget de 330 millions d'euros. Pour tenter d'atteindre tous ces objectifs, ce budget ou son double ne serait que très peu de choses eu égard aux incroyables carences nationales constatées maintes et maintes fois.
"Avec 700 chars Leclerc en ligne, en parc et en réserve, la France affichera virtuellement un poids lourd stratégique."
RépondreSupprimerCette phrase est bizarre:
- Il y a déjà le "affichera" qui sous-entend que ce n'est pas une réalité mais un simple affichage.
- Il y a le "virtuellement" qui là pour le coup affirme que les 700 chars ce n'est pas du tangible.
- Enfin il y a le terme "Stratégique" qui ne veut rien dire. La stratégie ce n'est pas la somme des blindés ou quoi que ce soit d'autre. On ne devient pas stratégique à 500 chars ou 700 chars. On le devient si on possède un "système" d'action mondial, de ce point de vue ce serait 700 chars + les moyens logistique de les déployer partout dans le monde ainsi que les moyens aériens de la défendre.
Sinon très bon article.
Votre remarque est très juste. C'est en partant de ce vieux serpent de mer que j'ai creusé quelques idées pendant la fin de l'année 2015. Mais je ne sais pas sous quelle forme publier la chose. Mais oui, une quantité de char n'est qu'un moyen à intégrer dans le cadre d'un plan stratégique mu par une volonté politique en vue d'atteindre des objectifs...
RépondreSupprimerhttp://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/nexter-krauss-maffei-une-union-europeenne-dans-les-blindes-536539.html
RépondreSupprimerCette opération de fusion risque d'hypothéquer la réouverture de la chaîne au delà d'une éventuelle commande Saoudienne. D'autant que vu l'âge du Leclerc et du Léopard 2, les industriels et les armées souhaiteraient sans doute un successeur.
http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/nexter-krauss-maffei-une-union-europeenne-dans-les-blindes-536539.html
RépondreSupprimerCette opération risque hypothéquer toute réouverture de la chaîne au delà de l'éventuelle commande Saoudienne. D'autant que vu l'âge du Leclerc et son coût d'entretien les armées préféreront sans doute un successeur.