La Defensie Materieel Organisatie (DMO ou Direction de l’organisation du matériel (ministère hollandais de la Défense) faisait une présentation à des officiers de la Marine royale (Koninklijke Marine) hollandaise ce mercredi 18 décembre. À cette occasion, et selon la photographie publiée sur le compte YoungbyCZSK (Instagram), aujourd'hui retirée (Jaime Karremann, « Nieuw beeld vervangers M-fregatten lekt uit », Marineschepen, 18 décembre 2019), l'actuel avant-projet devant assurer la succession des M-fregat belgo-hollandaises fut dévoilé. Les choix se sont affinés depuis le précédent avant-projet présenté à l'automne 2018.
Dans le continuité des différentes coopérations navales mises en œuvre par Amsterdam et Bruxelles, les deux pays signaient un mémorandum d'entente le 30 novembre 2016 avec pour ambition de joindre leurs efforts quant au remplacement de leurs chasseurs mines (6 + 6) et de leurs frégates multi-missions (2 + 2). Il échoit à la Belgique la responsabilité de diriger le programme de remplacement des bâtiments du programme de chasseurs de mines tripartites et aux Pays-Bas le programme des nouvelles frégates multi-missions. Le cadre de coopération est une nouvelle fois sanctionnée par un mémorandum d'entente signé le 8 juin 2018.
Le White Paper 2018 (Pays-Bas) donnait le calendrier de tous les programmes d'armement hollandais en son appendice IV. Le « Replacement of multipurpose frigate » porte l'objectif d'assurer le renouvellement des frégates multi-missions de la classe Karel Doorman dont la mission principale est la lutte anti-sous-marine. Les premières études menées aux Pays-Bas au profit du remplacement des fregat-M débutaient dès 2013.
La classe Karel Doorman ou fregat-M comprennait huit frégates entrées en service entre 1991 et 1995. Demeurent sous les couleurs hollandaises uniquement les frégates Van Speijk (1995 - ?) et Van Amstel (1993 - ?). Les Karel Doorman (1991 – 2006) et Willem van der Zaan (1991 – 2007) furent cédées à la Composante Marine (Belgique) en 2007 et 2008 où elles servent respectivement sous les noms de Leopold I (2007 – ?) et Louise-Marie (2008 – ?). Les quatre autres bâtiments furent cédés aux marines chilienne (2) et portugaise (2).
Le Replacement of multipurpose frigate pourvu d'une enveloppe financière 1000 à 2500 millions d'euros est administré par la Defensie Materieel Organisatie (DMO ou Direction de l’organisation du matériel (ministère hollandais de la Défense). La finalité du programme est que les deux nouvelles frégates soient admises au servie actif au sein de la Koninklijke Marine en 2024 tandis que la première frégate belge sera livrée à la Composante Marine en 2027.
Le programme Replacement of multipurpose frigate, est menée dans le cadre des procédures légales gouvernant les marchés publics hollandais de plus de 25 millions d’euros. Une lettre A (« quoi » et « pourquoi » du besoin) fut envoyée en 2018 à la société de construction navale Damen en 2018, sans que celle-ci ne soit mise en concurrence, à la différence, à tout hasard, du programme de remplacement des quatre sous-marins de la classe Walrus.
L'avant-projet de la DMO dévoilé en 2016 présentait l'architecture d'une frégate multi-missions dont la mission première est la lutte anti-sous-marine (sonars de coque et remorqué) des plus classiques. Seule la longue baie dénotait.
Il est attendu que la lettre B, précisant toutes les caractéristiques militaires attendues et demandant « comment » le besoin sera satisfait, devrait parvenir à Damen dès 2020. Ce serait fatalement pour les Pays-Bas accuser une année de retard par rapport au calendrier du White Paper 2018 qui visait à ce que cette lettre ait été envoyée dès 2019.
Il devrait s'ensuivre la lettre C car s’agissant d’un besoin nouveau reposant sur une plateforme entièrement nouvelle, la procédure légale prévoit un suivi particulier du projet. La lettre D, c'est-à-dire la signature formelle du contrat, était attendue pour l'année 2020 mais tenir le calendrier du White Paper 2018 ne peut que souffrir du premier retard.
La responsabilité du développement de l'avant-projet incombe à la DMO. Au moins trois avant-projets (2016 – 2019) dévoilant l'évolution des choix furent présentés et le moins qu'il est possible de dire que la silhouette de la frégate s'affine. Le dernier avant-projet dévoilé le 18 décembre est baptisé RMF-22D (rev 3). La coque est longue de 134 mètres pour un maître-bau (plus grande largeur) de 17,1 mètres. Le tirant d'eau est de 7 mètres. Le déplacement à pleine charge prévu est de 5475 tonnes et est même calculé pour 5700 tonnes en fin de vie.
La silhouette générale de la frégate évolue assez peu d'un avant-projet à l'autre entre 2016 et 2019. L'architecture pour une frégate est de plus classiques avec un armement presque entièrement concentré sur l'avant, une « citadelle » occupant presque les deux-tiers de la longueur de la coque et une plateforme hélicoptères finissant cette dernière. Les superstructures se composent d'une mâture portant l'essentiel et les principaux senseurs aériens tandis que certains sont déportés sur la cheminée, placée à l'arrière. La citadelle est percée sur les deux bords, entre les deux superstructures, par deux larges baies possédant probablement chacune des bossoirs.
Les évolutions les plus significatives depuis 2016 touchent les superstructures et surtout les mâts. Les lignes générales se sont affinées et sont mêmes mieux travaillées. Les deux précédents avant-projets proposaient presque une version caricaturale d'une mâture unique portant des radars à faces planes.
Les baies latérales du premier avant-projet, d'apparences assez longues, se divisent aussi depuis le deuxième avant-projet entre une longue ouverture rectangulaire cachée par une bâche et une deuxième de plus petites dimensions et de formes carrées. Celles de forme carré sont désormais placées en deuxième position en 2019 et non plus en première comme en 2016.
À la manière des Type 31, ces grandes dimensions apparentes des baies semblent prévues pour opérer de grandes embarcations semi-rigides (8, 11 mètres ?) mais aussi des drones (USV, UUV/AUV). Il ne semble pas exister ou il n'aurait pas encore été dévoilé une capacité à accueillir des conteneurs et donc des modules missions permettant de mettre en œuvre, par exemple, un système de guerre des mines.
Autre évolution de la silhouette : il semble acquis depuis le deuxième avant-projet que le sonar de coque sera intégré dans l'étrave et non plus d'un sonar de coque placé dans un dôme.
Les choix opérationnels, par ailleurs des plus intéressants, concernent l'artillerie navale. En 2016, une pièce d'artillerie navale placée sur la plage, manifestement un 76mm Super Rapid d'OTO-Melara, était dominée par une pièce de plus petit calibre télé-opérée, probablement de 20 ou 30 mm. L'ensemble permettait de couvrir le secteur avant le long d'un arc de plus de 180°, le plus gros calibre permettant d'assurer la lutte anti-surface et les deux pièces la défense anti-aérienne à courte et très courte portée.
En 2018, cette disposition de l'artillerie s'est largement étoffée puisqu'une troisième pièce d'artillerie navale est disposée au-dessus du hangar aéronautique, au pied de la cheminée. En outre, deux canons de 76mm Sovraponte (tourelle non-pénétrante avec deux magasins de 38 obus chacun) d'OTO-Melara trônaient respectivement sur la plage avant et au-dessus du hangar.
En 2019 cette disposition de l'artillerie est conservée mais le choix des pièces a évolué. La plage avant accueille toujours un 76mm Sovraponte d'OTO-Melara mais le roof qui la domine supporte dorénavant un canon Millennium 35mm d'Oerlikon. Et le hangar aéronautique est surmontée d'un d'un deuxième Millennium 35mm.
Il domine quant à lui un C-RAM ou RAM Mk 31 Guided Missile Weapon System (GMWS), système de défense anti-aérienne et anti-missiles rapprochée composé d’un lanceur – le Mk-144 Guided Missile Launcher (GML) – et de 21 RIM-116 Rolling Airframe Missile (RAM). Ces missiles ont une allonge d’environ 9 km pour une vitesse supérieure à Mach 2. La défense anti-aérienne à courte et très courte portée en trois ans repose dorénavant sur trois pièces d'artillerie et un C-RAM permettant non seulement de couvrir les secteurs avant et arrière, mais également de croiser les tirs sur les secteurs bâbord et tribord.
Le renforcement de l'arc arrière témoigne peut être de la faculté de certains missiles anti-navires à préférer certains secteurs du bord à d'autres.
Il est donc notable et très intéressant que la défense anti-aérienne à courte et très courte portée en trois ans repose dorénavant sur trois pièces d'artillerie et un C-RAM permettant non seulement de couvrir les secteurs avant et arrière mais également de croiser les tirs sur les secteurs bâbord et tribord. Le renforcement de l'arc arrière témoigne peut être de la faculté de certains missiles anti-navires à préférer certains secteurs du bord à d'autres.
Le système de lancement vertical ne présente pas, à première vue, d'évolution notable quant à l'architecture des avant-projets. Par contre, s'il s'agit toujours d'intégrer deux lanceurs octuples (16 silos), probablement des Mk 41, il est appréciable que l'avant-projet de 2019, contrairement aux deux précédents, dégagent ostensiblement de l'espace entre le roof et ces deux lanceurs. Invitation à penser qu'il existerait dorénavant une réserve prévue permettant d'installer deux lanceurs supplémentaires, portant l'ensemble à quatre, soit 32 silos.
Le choix du missile anti-aérien pour ces frégates est déjà fait au profit des RIM-162 Evolved Sea Sparrow Missile (ESSM) Block 2. L'intérêt est qu'ils peuvent être ensilotés par quatre (« quad-pack ») et donc permettre une dotation de 64 missiles pour seulement 16 silos.
La lutte anti-surface respecte ne déroge pas aux habitudes européennes d'accueillir huit missiles anti-navires en deux lanceurs quadruples à l'arrière de la mâture principale. Le choix de la munition n'aurait pas encore été arrêté.
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