Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





27 mars 2025

US Navy : au-delà de GIUK, toujours plus haut, toujours plus fort


     L' « ère TRUMP » signifierait la volonté de faire advenir un « nouvel hémisphère occidental » aux limites repoussées au-delà du cercle polaire arctique : d'où les projets d'annexion des Canada et Groenland. Il en résulterait de nouvelles routes maritimes, permettant d'en abandonner d'autres ayant porté historiquement l'Empire britannique puis les États-Unis d'Amérique. Enfin, la parité stratégique avec la Fédération de Russie serait déniée, en grimpant plusieurs barreaux de l'échelle d'Herman KAHN (Thinking about the unthinkable, New York, Horizon press, 1962 (1959), 254 pages) : en confinant la Flotte du Nord à la Mer de Barents, avec une prétention dont l'intensité dépasse celles de la Maritime Strategy (1986).

    La Maritime Strategy (1986) sanctionnait plusieurs évolutions stratégiques dont l'invasion de l'Afghanistan par Moscou (24 décembre 1979 – 15 février 1989) et la chute du Shah d'Iran (16 janvier 1979), élevant les risques de conflits régionaux et mondiaux avec l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS), mettant fin, de facto, à la perception d'une détente et d'une parité stratégique entre les États-Unis d'Amérique et l'URSS.

Le renouvellement du tonnage de l'US Navy, hérité pour partie du reliquat de la Deuxième Guerre mondiale et des premières constructions d'après-guerre, s'était évaporé dans la guerre du Viêt-Nam (1ier novembre 1955 – 30 avril 1975).

Et ce, alors même que les manœuvres Okean (1970, 1975, 1977, 1983 et 1985), conduites sous la férule de l'Amiral de la Flotte de l'Union soviétique Sergueï GORCHKOV, démontraient l'aptitude de la Marine soviétique à ne pas être rien d'autre qu'une « marine à un coup » mais bel et bien capable de soutenir des opérations continues sur les points faibles des Occidentaux, en particulier dans l'Océan Indien et jusqu'à l'entrée dans l'Océan Atlantique Sud, menaçant les routes du pétrole et les risques de découplage de l'Europe du continent nord-américain, soulevant l'impossibilité de renforcer l'OTAN.

Relevons qu'une édition 2024 des manœuvres Okean s'est tenue entre les mois de juillet de septembre.

L'une des principales évolutions stratégiques nous intéressant, était l'avènement de nouveaux Sous-marins Nucléaires Lanceurs d'Engins (SNLE) soviétiques recevant des vecteurs et des armes permettant des portées permettant d'atteindre « CONUS » (CONtiguous United States) depuis des postes de tir dès la Mer de Barents, d'où l'érection de « bastions » pouvant les protéger d'intrusions soutenues de sous-marins et de bâtiments de surface étranger, renforçant la crédibilité des capacités de deuxième frappe de la Flotte du Nord.

     Le puissant renouvellement naval voulu par le Président Ronald W. REAGAN (20 janvier 1981 – 20 janvier 1989) portait, déjà, en réalité ses fruits et culmina dès 1987 par 587 ships et même à 592 en 1992. La Maritime Strategy (1986) sanctionnait l'œuvre de la « 600-ships Navy » et déclarait publiquement les buts, complétant ceux de « Star Wars » : la fin de la parité stratégique d'avec l'URSS, par la prétention à attaquer et détruire les SNLE soviétiques jusque dans leurs bastions.

Dans cette perspective sous-marine, les Ships Submersibles Nuclear (SSN ou Sous-marins Nucléaires d'Attaque (SNA) constituaient alors une proportion de 16,66% dans l'objectif programmatique de la « 600-ships Navy », soit 100 SSN, qui fut pratiquement atteint également en 1987, avec 98 SSN.

     Il y a tout lieu d'essayer de regarder si cet objectif sectoriel de la « 600-ships Navy » du Président Ronald W. REAGAN se retrouve dans les objectifs déclarés du Président Donald J. TRUMP (20 janvier 2017 – 20 janvier 2021 ; 20 janvier 2025 - ...).

Dans un premier temps, la « 308-ships » du Président Barak OBAMA (20 janvier 2009 – 20 janvier 2017) était, certes, comptable de la moitié de l'ambition du Président Ronald W. REAGAN mais entretenait la même ambition pour les SSN, en visant 48 unités : soit 15,58% du total à atteindre dès 2021. Il y avait donc reprise de l'héritage reaganien, sans remise en cause des choix de structures de forces.

Dans un deuxième temps, l'idée d'une « 350-ships Navy » a été exposée, au plus tard, dès 2012 par Mitt ROMNEY, alors candidat du Grand Old Party (GOP) face au Président Barak OBAMA, à l'occasion d'un débat les opposant. Le Président sortant soutenait que l'US Navy pouvait soutenir les missions lui incombant, même si son format chutait jusqu'à 285 ships. Son opposant arguait qu'il était nécessaire de relever l'effort naval jusqu'à un niveau à définir, entre 313 et 350 ships.

Remarquons alors la « 355-ships Navy » du candidat Donald J. TRUMP, présentée en décembre 2015, devait être le format atteint dès 2030. Nous étions sur des rationalités programmatiques comparables à la « 308-ships » du Président Barak OBAMA, en termes de calendrier. S'agissait-il d'aller aussi vite, plus loin que Mitt ROMNEY et Barak OBAMA ? Donald J. TRUMP se distinguait alors, déjà, par le choix d'une structure navale devant comporter 66 SSN, soit 18,59% du total, devant être atteint... en 2050. L'objectif général sera transposé dans une loi en 2017 et demeurera le cadre des ambitions navales, bien que ses « métriques » évolueront sans cesse à la marge.

     Pour tenter de transposer ce qui précède aux enjeux de la Maritime Strategy (1986) et d'un éventuel avatar actuel par les intentions de l' « ère TRUMP », une évolution remarquable du rapport de forces est à relever :

L'année 1987 voyait l'US Navy culminait à 587 ships dont 98 SSN. Une partie de ces derniers devait donner la « chasse » à jusqu'à 61 SNLE soviétiques, dont quatorze Izd. 667BDR Kalmar (indicatif OTAN / NATO « Delta III »), de quatre Izd. 667BDRM Delfin (indicatif OTAN / NATO « Delta IV ») et de six Izd. 941 Akula (indicatif OTAN / NATO « Typhoon ») dont les portées des vecteurs sont compatibles avec des tirs depuis les bastions.

L'année 2025 voit une US Navy est forte de 296 ships dont 53 SSN. ne partie de ces derniers devraient donner la « chasse » à jusqu'à 14 SNLE russes qui désormais permettent tous des tirs depuis les bastions.

Si le nombre de SSN américains a été divisé, à peu de choses près, par deux, celui des SNLE russes l'a été par quatre, dans l'absolu, et par 1,7 en ce qui concerne les bateaux aptes à tirer depuis les bastions. Il serait alors tentant de conclure que le nombre de SSN disponibles à la tâche de destruction des SNLE russes serait plus important : dans l'absolu, le rapport était de 1,6 en 1987 et serait alors de 3,7 en 2025.

Cela serait convainquant s'il était possible de faire fi de nouvelles missions, notamment à l'encontre de la Marine populaire de Libération et de lourdes problématiques de disponibilité technique opérationnelle des bateaux américains.

     À ces considérations programmatiques, il convient de relever une nouvelle géographie navale au-delà du cercle polaire arctique car les données opérationnelles ne se posent plus selon les mêmes termes des années 1970-80.

Pour contrer une sortie de la Flotte du Nord, et plus particulièrement celles de ses sous-marins, la ligne « GIUK » ou même « G – I – UK » (Groenland – Iceland – Ukinted Kingdom) a été regardée comme la « ligne à défendre » face à la Marine soviétique dès les années 1950. Les premières expérimentations puis le déploiement du SOSUS suivirent durant la même décennie et le système de surveillance océanique ainsi conçu fut régulièrement entretenu et perfectionné. Le franchissement de la ligne « GIUK » par l'un ou les autres des protagonistes comportait son lot de significations stratégiques.

L'opération soviétique Atrina (mars – mai 1987) voyait les SNA K-244, K-225, K-298, K-299 et K-524 (Izd. 671RTM Shchuka (indicatif OTAN / NATO « Victor III »)) réussirent à franchir la ligne « GIUK » sans être repérés, grâce à une navigation serrée par contournement du Groenland. Il y a toujours débat quant à l' « héritage » politique de l'opération, les Russes affirmant leur brillante réussite, les Américains soutenant avoir réussi à pister quatre des cinq bateaux.

L'année 2019 voyait une importante sortie (octobre – décembre 2019) de 10 sous-marins russes dans l'Océan Atlantique dont 08 à propulsion nucléaire, soit, environ, 20% du format russe en sous-marins d'attaque. L’Amiral James FOGGO, commandant l’U.S. Naval Forces Europe and Africa, déclarait à des journalistes, le 18 décembre 2019 que cela avait était « l'une des années les plus occupées dont je me souvienne, et je fais cela depuis 1983 ».

L'US Navy modifiait alors son approche de la question sous-marine russe devant le Congrès, en 2020 car l'enjeu ne lui semblait finalement plus être celui de l'activité opérationnelle, dans l'absolu, de la force sous-marine russe et plus particulièrement celle de ses sous-marins d'attaque à propulsion navale nucléaire. Mais il s'agissait d'essayer d'attirer l'attention du Politique sur l'avènement de nouveaux sous-marins d'attaque Izd. 885 Yassen puis Izd. 885M Yassen-M (indicatif OTAN / NATO « Severodvinsk »), pouvant être classifiés comme « SSGN » (Ships Submersibles Guided missiles Nuclear). Ces bateaux se signalent par des progrès significatifs en matière de discrétion acoustique.

Plus précisément, l'enjeu modifiant la spatialité des rapports de force consistait alors dans le projet « Kalibr-M ». Dérivé du missile de croisière, il aurait une portée de l'ordre des 4 500 km. Et selon l'US Navy, dès 2020 : il s'agissait d'attirer l'attention qu'avec pareille portée, les principaux ports européens seraient à portée, sans même que les sous-marins d'attaque russes essaient de franchir la ligne « GIUK ».

     Il semblerait qu'une évolution ait été décidée et traduite sur le plan opérationnel par l'US Navy, en lien avec les pays membres de l'OTAN, dont la Norvège et le Danemark au premier chef.

La ligne « GIUK » parait avoir vocation à ne pas seulement servir à la surveillance des mouvements entrants et sortants mais, et désormais, à être véritablement une ligne d'arrêt et même d'appuis logistiques pour des départs en patrouille. En témoigne les escales à Tórshavn, dans les îles Féroé (Danemark), des SSGN-729 USS Georgia, en août 2022, et SSN-791 USS Delware, le 26 juin 2023.

L'Islande « facilite » désormais, depuis une annonce de Þórdís Kolbrún R. GYLFADÓTTIR, Ministre des Affaires étrangères islandais, du 18 avril 2023, des mouillages pour des « Briefs Service Stop » (BSP) dans ses eaux territoriales de sous-marins à propulsion navale nucléaire américains. Le SSN-751 USS San Juan inaugurait le nouvelle facilité diplomatique dès le 26 avril 2023.

La ligne « GIUK » parait devoir être dépassée et même surpassée avec potentiellement l'érection d'une ligne d'arrêt plus au Nord, devant servir à accroître le temps de présence effective des SSN américains en Mer de Barents et corollairement de restreindre le vase d'expansion de la Flotte du Nord au même espace. Il y a eu des reprises de vols de Boeing P-8A Poseidon depuis l'île de Jan Mayen (Norvège) après une série de travaux de l'US Air Force débutés dès 2020 et même des tentatives d'atterrir au Svalbard, en 2024, alors même que le statut juridique de l'archipel l'interdit, d'où le refus de la Norvège.

La présence des SSN et SSGN américains s'est largement densifiée aux alentours de Tromsø : notamment à Tønsnes. L'autorité norvégienne de sûreté nucléaire a relevé que le nombre de visites de sous-marins à propulsion navale nucléaire (américains mais aussi britanniques et français) à augmenter depuis un rythme moyen des années 2010 de 10 à 15 chaque année à entre 30 et 40 depuis les années 2020.

À moyen terme, Olavsvern servira de nouveau à ces escales. Après une fermeture, en 2009, et une tentative avortée de vente, le base sous-marine creusée dans la roche a été reprise par la société Wilhelmsen Group via la filiale WilNor Governmental Services Ltd afin, in fine, d'en faire un site exclusivement militaire à disposition des pays membres de l'OTAN.

     Un lien de corrélation n'est pas un lien de causalité, certes mais il est remarquable que la première prétention de Donald J. TRUMP à acquérir le Groenland ait été publiquement énoncée dès 2019. Toujours en 2025, non seulement le projet politique est devenue une constante, son importance justifierait même une « annexion », et pas seulement pour des considérations économiques liées aux richesses du sous-sol. Mais aussi au nom de la Sécurité nationale car « c'est une île dont nous avons besoin d'un point de vue défensif et offensif » selon Donald J. TRUMP, à l'occasion d'un entretien donné à Vince COGLIANESE (26 mars 2025).

     Il semble donc se dessiner une nouvelle ligne passant par le Groenland, les archipels du Svalbard ou de Jan Mayen jusqu'à Tromsø, sur les côtes septentrionales de la Norvège. La Flotte du Nord est poussée à se retrancher dans son bastion de la Mer de Barrents et même repoussée sous les glaces. Serait-ce là la raison d'être du projet de sous-marin stratégique (Ракетный подводный крейсер стратегического назначения (РПКСН) / Raketnyy podvodnyy kreyser strategicheskogo naznacheniya (RPKSN) – équivalent russe des Sous-marins Nucléaires Lanceurs d’Engins (SNLE ou SSBN) à propulsion nucléaire de cinquième génération dénommé Арктур / Arktur, conçu par le bureau d’études TsKB MT Rubin pour opérer dans les « eaux froides » et présenté au salon Army-2022 (15 – 21 août 2022) depuis le stand de la Marine russe ? Bien que non retenu, il dénotait une intéressante inclinaison stratégique.

 

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