Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





26 mars 2025

US Navy : ère révolue, rétrécissement des aires ?


     Le nouveau « match » devant opposer la United States Navy (USN) au 47ième Président des États-Unis, Donald J. TRUMP, pourrait s'établir sur des bases nouvelles, contrairement à la prestation précédente à l'aller (2015 – 2020) où le débat concernait l'architecture navale des numerous fleets. Il s'agirait dorénavant d'un débat sur la nature même de la puissance navale américaine : une US Navy, première marine militaire mondiale, demeurant sans égale et sur laquelle repose des prérogatives particulières en faisant la garante de l'Océan ou bien une Marine américaine déresponsabilisée et donc « normalisée », laissant vacante bien des mers.

     Jeffrey GOLDBERG (« The Trump Administration Accidentally Texted Me Its War Plans », The Atlantic, 24 mars 2025) a été inclu, manifestement par erreur, dans une conversation, lancée depuis le 11 mars 2025, dans le logiciel de messagerie instantanée et chiffrée Signal et normalement réservée aux membres du groupe « Houthi PC small group ». L'auteur raconte avoir pu suivre le déroulé de l'opération militaire du 15 mars 2025, avec présentation des phases, cibles et munitions employées pour chacune d'elles et de pouvoir lire les échanges entre une partie des membres du gouvernement.

En outre, Jeffrey GOLDBERG y découvre ses membres qui seraient – de manière présumée car toutes les identités ne seraient pas encore prouvées – JD VANCE (Vice-Président des États-Unis d'Amérique), Mike WALTZ (Conseiller à la Sécurité nationale) et son « chief of staff » Brian McCORMAK, Marco RUBIO (Secrétaire d'État des États-Unis d'Amérique), Pete HEGSETH (Secrétaire à la Défense), Tulsi GABBARD (8th Director of National Intelligence), Scott BESSENT (Secrétaire au Trésor) et Stephen MILLER (adjoint au chef de cabinet – équivalent d'un « Premier ministre » - de la White House).

Autrement dit, il s'agissait d'une conversation entre les principaux responsables civils de la Défense nationale du Gouvernement des États-Unis d'Amérique. La direction militaire est absente, ce qui souligne le caractère remarquable de la discussion car elle se tenait entre des acteurs politiques dont le principal caractère ayant présidé à leur nomination est une fidélité sans faille à Donald J. TRUMP dont la principale garantie est une dévotion publique à sa personne.

     Dans cette perspective, il n'est pas intéressant de rechercher l'avis de la direction militaire de la Défense nationale des États-Unis d'Amérique car le premier sujet pour les différents état-majors réside dans la capacité à conserver une certaine autonomie politique, dans les limites dévolues à leurs fonctions depuis les institutions créées depuis 1947 mais aussi dans le cadre de la loyauté due au pouvoir politique, face à une nouvelle direction politique désirant déployer un « spoil system » permettant de supprimer la moindre résistance dans l'application des décisions prises par le Président des États-Unis d'Amérique.

     Et l'affaire qui nous intéresse tient moins dans ce qui a été regardé comme le principal dans le papier de Jeffrey GOLDBERG mais plutôt dans ce qui n'a pas été remarqué car apparaissant comme, au mieux, accessoire à celle-ci. JD Vance, Vice-President of the United States of America, souligne dans le cadre de cette discussion que l'intervention serait une erreur. En effet, il souligne que le trafic maritime affecté par les actions militaires des Houthils en Mer Rouge et devant emprunter le canal de Suez concerne 3% du commerce maritime des États-Unis, contre 40% pour celui de l'Europe. Et il défend l'incohérence de Donald J. TRUMP vis-à-vis de l'Europe, ce qui pourrait lui-être reprochée à cet égard. Mike WALTZ dit que les départements d'État et à la Défense compilent les coûts de cette intervention et établissent la manière de les présenter aux Européens. Par ailleurs, Pete HEGSETH prétend que les États-Unis sont les seuls à pouvoir agir de la sorte dans pareille situation.

     Là est peut-être le principal de l'affaire, révélée par le papier de Jeffrey GOLDBERG : il y aurait une nouvelle compréhension de ce qu'est la puissance américaine qui ne serait plus comptable de responsabilités particulières, afin de porter et surtout de supporter les institutions internationales créées depuis 1944. Plus précisément, en extrapolant ce qui précède quant au rôle naval des États-Unis d'Amérique, nous aurions assisté à une volonté d'aboutir à un changement de nature de ce qu'est la United States Navy :

Washington n'emploierait plus les différents outils à sa disposition, dont celui de la Marine américaine, pour défendre la liberté de navigation sur les mers et donc commerce maritime, ainsi que toutes les extensions données à ces concepts depuis l'émergence discursive des « Global commons » (Cyberespace, espace électro-magnétique, espace extra-atmosphérique et espaces aériens internationaux).

Dans le cas en l'espèce, l'intervention de la United States Navy reposait sur plusieurs bases politiques, fondant la légitimité de l'instrument et du but recherché. La prééminence de la Marine des États-Unis d'Amérique sur toutes les autres de la planète se légitimait par sa prétention à faire respecter la liberté de navigation, au bénéfice de tous, face à différentes menaces, allant de la piraterie jusqu'à des groupes armés non-étatiques dans le cadre de conflits périphériques ou bien aux prétentions révisionnistes d'un « peer competitor » tel que la République populaire de Chine.

     Il y a là un renversement des « valeurs » car il est entendu par JD VANCE, ce que ne conteste pas les autres protagonistes, que cette intervention navale doit être désormais comptable des intérêts nationaux de sécurité et de prospérité des États-Unis d'Amérique. La première conséquence est donc une ségrégation de la Mer ou de l'Océan entre ce qui relève de ces intérêts directs de ceux des autres. Il n'y aurait plus pour l'actuel gouvernement américain d'unicité de la Mer dont serait directement comptable l'US Navy de l'ordre public y régnant. Il y aurait désormais un ensemble d'espaces recouvrant les intérêts des uns et des autres pouvant se chevaucher au bénéfice des uns ou bien entraîner la contestation, dans un jeu à sommes nulles.

Ce serait aboutir à une « normalisation » de la puissance navale américaine dont l'US Navy ne serait plus qu'une marine parmi tant d'autres. L'ancienne garante du Droit de la Mer, demeurant sur une position tellement extra-ordinaire que Washington n'est même pas lié à la Convention des Nations unies sur le Droit de la Mer, laisserait vacante ses prérogatives exorbitantes du rôle commun des marines militaires. Ou bien consacrerait, une nouvelle fois, le Droit du plus fort en Mer et de qui s'y ralliera, normalisant ou permettant à la United States Navy de jouer selon les mêmes règles que la Marine de l'Armée populaire de Libération.

En l'espèce, il est également remarquable que cela signifierait, par extension, un potentiel désintérêt de l'actuel gouvernement de Donald J. TRUMP pour l'artère maritime empruntant quatre « choke points » que sont le détroit de Gibraltar, le détroit de Sicile, le canal de Suez et le détroit de Bab el-Mandeb. L'activité de la Vième flotte pourrait s'en ressentir, voire même être réduite drastiquement à tout ce qui concerne la défense anti-missile balistique du territoire nord-américain.

     Aussi, il est remarquable de relever le découplage formidable assez irrationnel entre les raisons de cette intervention militaire, regardée classiquement comme s'inscrivant dans un conflit périphérique opposant indirectement la République islamique d'Iran aux États-Unis d'Amérique et à Israël. Il y a, là aussi, une incohérence qui ne semble pas frapper l'esprit de JD VANCE entre la défense d'Israël qui s'échine à démonter une stratégie iranienne d'encerclement et une intervention américaine au Yémen contre un groupe armé non-étatique luttant contre le trafic maritime israélien, depuis le 19 octobre 2023. Un « blocus » s'étendant depuis à tous les pays alliés d'Israël.

     Cela devient une constante remarquable : la dimension nucléaire est, une nouvelle fois, évacuée des réflexions du gouvernement de Donald J. TRUMP. Et alors même qu'une négociation est ouverte avec Téhéran, à la demande du Président des États-Unis d'Amérique. Ce dernier ne s'oppose pas à un déploiement militaire d'État européen en Ukraine, au plus près de la ligne de front alors même que cela rapprocherait le seuil d'engagement des armements nucléaires britanniques et français en cas d'accrochages puis de guerre ouverte avec de grandes unités russes. De même, le sort du trafic maritime allant de Gibraltar jusqu'au détroit de Bab el-Mandeb en passant par le canal de Suez reposerait sur des marines européennes, dans le cadre d'un « jeu » avec l'Iran dont une partie des manœuvres est nucléaire.

     Il y aurait, bel et bien, de facto, un découplage des enjeux diplomatiques entre les États-Unis d'Amérique et le reste du monde, dont les Européens : même sur les attributs particuliers de la puissance américaine dont le Droit de la Mer et son application mais aussi l'ordre nucléaire, associé aux contrôles des mécaniques d'ouverture potentielle du feu nucléaire.

     Il résulte des commentaires précédents que l'US Navy pourrait être conduite à opérer à changement de sa nature politico-navale. La logique voudrait que tout désengagement, tant en termes de présences que de missions, serait contre-balancé par la recherche de nouvelles alliances afin de compenser celui-ci. Et ce, à la manière de la Royal Navy déléguant ses anciennes responsabilités à l'Empire du Japon (1902 – 1923) pour l'océan Pacifique Nord et à la France pour la Méditerranée (1904) afin d'opérer une concentration navale en Mer du Nord, au bénéfice de la création de la Home Fleet (1902). Mêmes mouvement, au bénéfice de la Pacific Fleet ?

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