© Antoine Grumbach et Associés.
Introduction
A l'occasion de son discours de politique générale (8 avril 2014),
le premier ministre Manuel Valls annonçait une réforme territoriale
d'ampleur :
- diviser par deux le nombre de régions métropolitaines,
- supprimer les conseils généraux comme collectivité territoriale (mais pas le département ? Le débat est lancé).
De mémoire, c'est un sujet qui est souvent discuté dans des rapports
et les déclarations plutôt qu'annoncé dans un tel discours. A cette
occasion, Géographie de la ville en guerre nous a trouvé une histoire des régions en
France.
Passons sur le fait que cette réforme ne serait que cosmétique si
elle n'abordait pas la question de la répartition des compétences entre
les différentes collectivités territoriales. Tout comme
la question de l'avenir du département ne sera pas non plus abordée.
C'est l'occasion de proposer une vision maritime de la construction régionale (métropolitaine).
Sans trop nous répéter, depuis 1989 la France n'observe plus de
danger à ses frontières continentales européennes qui menacerait son
existence. De facto, l'Union européenne est l'équivalent des
"Longs murs" de l'Antique Athènes. Ainsi protégée, la France peut
intégralement se projeter dans l'Océan pour devenir l'Archipel France.
Ce fait géostratégique majeur ne peut être ignoré, en
particulier dans la mesure où ce sont "souvent" (en théorie plutôt)
les régions qui administrent ports, aéroports, routes et politique
économique des collectivités territoriales).
Il n'est pas aisé (ou pas possible) de trouver une définition de ces
régions "plus grandes", adaptées à la concurrence européenne et à la
mondialisation. Par exemple, le rapport du comité
Balladur est assez lapidaire et sa lecture n'a pas donné souvenir à
l'auteur de ces lignes d'une quelconque définition ou d'un schéma
directeur.
C'est peut-être pourquoi la France à 15 régions est assez peu
convaincante (précisions que ce rapport ne propose pas cette carte). Le
redécoupage qui a circulé est une magnifique démonstration de
l'esprit continental : l'accès aux ports et aux façace maritime ne
semble pas être un enjeu. Le nombre de régions enclavées (autant
vis-à-vis de la mer que de l'Union européenne : du commerce en
somme dans une France en perte de vitesse industrielle) est
surprenant par rapport aux autres débats nationaux (sur l'industrie, à
tout hasard).
Des régions pour quoi faire ?
De ce que nous pouvons lire des différentes propositions qui
circulent dans la presse, outre ces deux objectifs, il s'agit de
considérer :
- l'identité (dans une certaine mesure),
- les bassins de vie,
- de donner une assise territoriale aux métropoles,
- la cohérence économique et territoriale.
L'avenir "géopolitique" (le terme est-il le bon ?) des métropoles, tel que dépeint par Jacques Attali ("Les (hyper) métropoles vont supplanter les nations"),
laisse apparaître l'enjeu de leur donner l'espace nécessaire à leur
développement tout comme la nécessité de les dominer politiquement.
Loin de ces considérations, il apparaît, de l'ancien premier
ministre Dominique de Villepin à l'actuel qu'en plus de ces objectifs,
il est recherché de les concilier avec la concurrence
européenne et la mondialisation :
- c'est
une reconnaissance d'un défaut de masse critique des régions (par
rapport aux départements, aux enjeux économiques et à la concurrence)
pour peser en Europe
et dans le monde ;
- tout
comme il est reconnu, gauche comme droite, qu'il est nécessaire de
s'adapter à la mondialisation, donc à la maritimisation du monde (en
attendant de
s'adapter aux questions liées au cyberespace ?).
Paris : une capitale pour la mer ?
Un dernier objectif, bien particulier est celui de prendre en compte l'assise maritime de Paris. Napoléon dit un jour que "Paris, Rouen, Le Havre, une seule ville dont la Seine est la grande
rue". C'est un axe de développement qui a été repris dans l'un
des projets d'archiectecte du Grand Paris (avec deux siècles de retard,
soit dit en passant)
Axe de développement incontournable si Paris souhaite demeurer une
ville-monde face aux autres villes qui n'ont pas tourné le dos à la mer
et qui ont un port de stature internationale. Le
problème de la Seine est que sa partie maritime ne dépasse pas
Rouen. Après cette ville, la navigation commerciale n'est là que pour le
ravitaillement de la capitale, déconnectée de la mer. Ce
qui oblige à forcer le caractère maritime du fleuve jusqu'à Paris.
Mais ce serait trop peu de s'arrêter à une simple construction
reliant Paris à la mer. Il s'agit également de relier la capitale de la
France :
- aux ports du Nord et donc à Lille, le centre économique (qui doit influencer Anvers),
- aux ports de l'Ouest et à leur centre économique : Nantes,
- à Bordeaux et son port,
- à Marseille qui doit regagner son hinterland jusqu'à Lyon,
- aux canaux européens.
Une prise de conscience maritime ?
La proposition d'une France à dix régions a été le délencheur d'un
mouvement de prise de conscience maritime. Par exemple : Paris est relié
à la Normandie, la façade méditerranéenne est unie,
l'Aquitaine trouve une assise historique et la Bretagne s'étend de
Nantes à Cherbourg quand Strasbourg et Lille possède une grande assise
territoriale pour l'Europe.
Néanmoins, Lyon et Toulouse demeurent enclavées. L'Ile-de-France
devient un tel bassin de vie que nous pourrions croire que les échecs
des politiques des transports et du logement sont la seule
chose qui passionne le développement économique de Paris.
En réaction à cette carte, sursaut des idendités et d'autres
projets, le président de la région Haute-Normandie propose, avec l'aval
des présidents des régions Basse-Normandie et Picardie, de
constituer une grande région maritime de Cherbourg à St Valery
(ville d'où est parti Guillaume le Conquérant). Bourgogne et Bourgogne
(la Franche-Comté est l'enfant du Comté de Bourgogne)
proposent de fusionner.
Il y a, enfin, la carte révélée par Challenges qui serait celle trônant sur le bureau du premier ministre. Que faire ?
Des régions maritimes pour la France ?
Premièrement, l'enjeu des métropoles et du réseau de ville les
entourant est un très bon révélateur des ensembles à coiffer par des
régions. Une carte des aires urbaines (selon l'INSEE) de la
France européenne révèle aussi des axes économiques.
Avec tous ces éléments, il nous est donc possible de proposer
modestement un découpage régional prenant en compte l'ensemble des
facteurs et des objectifs :
La plus grande originalité de cette carte est de proposer la fusion
des régions Rhône-Alpes et PACA (Provence-Alpes-Côte d'Azur). Il semble
logique d'associer Lyon et Marseille pour que le port
méditerranéen gagne la place qui devrait être la sienne. Grâce une
politique entre les deux métropoles, Marseille pourrait reconquérir son
hinterland (alors que Lyon s'approvisionne plutôt aux
ports du Nord de l'Europe). Une seule grande rue orienterait tout le
développement régional. Cette région équilibrerait celle de la "Grande
Normandie".
L'Aquitaine et le Languedoc-Roussillon se construisent autour de
Bordeaux et Toulouse, ce qui permet de drainer tous les territoires
alentours afin de les orienter vers la mer et le commerce.
La Bretagne fusionne avec les Pays de la Loire pour construire une
région capable de coiffer Nantes et Rennes (dont les territoires
périurbains se toucheront vers 2030-2040). Deux villes qui ne
cesseront de travailler avec Angers et Le Mans.
Bourgogne et Bourgogne fusionnent ensemble tout comme Alsace,
Lorraine et Champagne-Ardennes. Deux grandes régions qui serviront
d'interface entre la France métropolitaine et l'Europe.
Nord-Pas-de-Calais et Picardie fusionne pour construire un couloir
allant de Paris à Lille pour ouvrir sur Londres et l'Europe du Nord.
L'Auvergne et le Centre deviennent un hyercentre qui serait autant
une interface au coeur de la France européenne qu'un couloir alternatif à
celui longeant le Rhône.
Enfin, L'Ille de France, la Normandie avec le département
d'Eur-et-Loire se rapproche pour construire une grande région qui sera
capable d'orienter Paris jusqu'au Havre et de profiter des
différents axes de développement métropolitain, de Paris vers les
ports.
La France européenne, tournée vers la Mer, se construirait comme
puissance thalassocratique grâce à la résultante de puissances
potamiennes...