Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





17 avril 2019

"Forces Aériennes Stratégiques - Histoire des deux premières composantes de la dissuasion nucléaire française" de Serge Gadal


Serge Gadal livre dans son Forces Aériennes Stratégiques - Histoire des deux premières composantes de la dissuasion nucléaire française (Paris, Économica, 2009, 397 pages) une histoire stratégique des FAS (Forces Aériennes Stratégiques) qui mérite lecture, malgré quelques défauts, tant pour une première approche que pour certains points abordés qui sont très bien exposés comme, par exemple et à tout hasard, le programme de simulation nucléaire.


L'introduction suivie de la première partie est très riche de par sa capacité à faire le lien entre l'expérience opérationnelle, certes limitée en volume dans l'absolu, de l'Armée de l'Air en matière de bombardement stratégique. Néanmoins, certains de ses acteurs dont le premier d'entre-eux est le général Gallois, vont avoir une lecture critique de la stratégie aérienne théorique - Douhet plus l'emploi militaire de l'atome - à l'aune des progrès techniques et militaires engendrés par l'arme nucléaire dans la Deuxième Guerre mondiale. Les principes essentiels du nucléaire militaire au service d'une stratégie de dissuasion sont rappelés ici, notamment la différence de nature essentielle du nucléaire par rapport aux forces conventionnelles.

L'auteur parvient à lier cette évolution de la pensée stratégique qui innerve le pouvoir politique confronté aux soubresauts de la politique internationale (OTAN, Suez, CED, etc). Il explore les arcanes du programme atomique français au gré des gouvernements et donne l'impression que, plus que la IVe République, l'atome a pu être l'apanage de quelques hommes détenant un maroquin ministériel plutôt qu'un projet coordonné de gouvernement.

Cette première partie s'achève par le volet matériel le plus spectaculaire de l'affaire : l'accès à l'arme nucléaire par la France par les bombes A (13 février 1960) et H (24 août 1968) et du vecteur avec le programme Mirage IV. C'est ici que la prose recèle quelques défaits car il n'y a pas de critique des choix faits à l'aune des alternatives considérés (Mirage IVB) ou non-considérés (une dissémination des FAS dans les océans Indien et Pacifique en plus de la métropole ?). Ni même le volet naval du programme puisque l'appareil était considéré en même temps et après lui avec le SO 4060M Super Vautour par la Marine nationale pour avant-projet PA58.

La deuxième partie est riche d'enseignement quant à la mise en place des FAS en tant que force opérationnelle devant délivrer l'arme nucléaire à la moindre demande du politique. Là où Philippe Wodka-Gallien (Essai nucléaire - La force de frappe française au XXIe siècle : défis, ambitions et stratégie, Lavauzelle, 2014, 226 pages) parlera plus tard du "sacre nucléaire" reçu par le Président de la République après son élection comme le roi était sacré en cathédrale de Reims. Serge Gadal montre comment cette même organisation des FAS voit le Président de la République, par son rôle essentiel dans la chaîne de commandement, faire entrer la Défense nationale dans son domaine réservé malgré toute l'ampleur des dispositions constitutionnelles.

L'histoire proposée côté matériels recèle une nouvelle fois quelques défauts car elle atteint rapidement ses limites. La Marine nationale est souvent citée comme miroir de l'autre composante sans que celles-ci ne soient jamais confrontées dans leur mise en œuvre, hormis quelques traités généraux. Ainsi, il est tout de même intéressant d'apprendre que les FAS peuvent s'entraîner avec la Marine nationale mais étonnant de ne pas en apprendre plus sur les liens FAS/FANu. Par ailleurs, écrire que la mise en place des escadrons de Mirage IVA et des avion-ravitailleurs C-135FR conduisaient à retenir deux couloirs privilégiés avant l'arrivée de l'ASMP pour atteindre Moscou - mer Baltique et mer Méditerranée - aurait appelé à bien des commentaires sur l'aptitude de l'Armée de l'air à franchir ces zones où se déploieront bien plus tard les "bastions soviétiques" ou encore l'Eskadra... Curieux croisement des deux composantes... en mer qui rappelle que le nucléaire n'abolit pas la géographie, contrairement aux premiers commentaires liés à l'émergence des missiles balistiques intercontinentaux.

Toujours sur le volet matériel, l'auteur écrivant lui-même qu'il n'y aurait eu que 300 km de portée de différence entre les missiles S2 (SSBS) et M1 (MSBS) : alors pourquoi ne pas fusionner les programmes SSBS/MSBS ? Quelques années plus tard, il deviendra une évidence que les deux feront cause commune (S4, S45, S5). Il est très intéressant de lire à travers les recherches de l'auteur comment le budget a orienté la constitution des FAS (Mirage IVB, ICBM, ASLP) et donc leur doctrine et par voie de conséquence la doctrine nucléaire française. Derrière les grands principes de celles-ci, il y a aussi un édifice dont les aspects financiers sont peut être trop mal explorés pour comprendre le dimensionnement actuel théorique et matériel.

L'un des grands apports de l'ouvrage est la critique du passage des essais nucléaires au programme de simulation. Les problématiques de ce dernier sont explorés en détail, permettant de confronter le lecteur aux difficultés à entretenir des têtes nucléaires d'une durée de vie de 15 à 25 ans selon ce qui est toléré en matière de fiabilité (faire détonner la bombe au moment voulu à la puissance désirée) et de sûreté (ne pas voir la bombe détonner au moment indésiré). Les charges actuelles et la prochaine génération sont dites "robustes" : les référentiels sont ceux de la dernière campagne d'essais. Les nouvelles armes sont conçues pour admettre une marge d'erreur plus grande que la génération précédente où l'optimisation des précédentes têtes obligeaient à des essais pour valider les modèles théoriques. Ce qui revient à dire que l'abandon des essais oblige à dimensionner un peu plus largement têtes et vecteurs. Mais aussi que la position française quant à l'arrêt des essais est vulnérable vis-à-vis des choix faits pour le programme simulation, surtout si certains d'entre eux s'avéraient défaillants et qu'une nouvelle campagne sous-critique ou critique devenaient inéluctable au fur et à mesure que les données enregistrées lors de la dernière campagne vieillissent...

Serge Gadal conclue par l'avenir de la composante aéroportée vis-à-vis de sa position difficile d'incarner des économies budgétaires "évidentes" alors que l'autre puissance nucléaire d'Europe de l'Ouest - le Royaume-Uni - est parvenu à s'en débarrasser. Néanmoins, si l'auteur montre bien la complémentarité des deux composantes et, surtout, la capacité à manœuvrer sous le seuil détenue par les FAS là où la composante océanique est plus limitée dans sa capacité à manœuvrer dans une crise (navigation en surface, escales, essais), il n'offre pas de perspectives quant à la complémentarité FAS/FANu. Et, plus grande lacune : il n'y a pas d'exemple de l'emploi des FAS au sein d'une crise internationale. Thérèse Delpech (La Dissuasion nucléaire au XXIe siècle. Comment aborder une nouvelle ère de piraterie stratégique, Paris, Odile Jacob, 2013, 304 pages) avait proposé une recension de ces mêmes crises ayant engagé le Strategic Air Command aux Etats-Unis.

Aussi, l'auteur défend largement la composante SSBS, citant abondamment, par exemple, le Président Mitterrand quant à l'automaticité de la réponse nucléaire française à une attaque contre ses forces stratégiques, faisant aussi la part belle aux défenseurs de cette composante, sans jamais explorer son éventuelle pertinence stratégique au XXIe siècle, notamment au prisme de sa disponibilité quasi-permanente, sa capacité à accueillir des vecteurs plus volumineux et pouvant donc répondre aux problématiques sans cesse renouvelées de pénétration et donc ayant un rayonnement géographique potentiellement bien plus important, dépassant toute l'Europe pour atteindre tous les protagonistes.

L'auteur nous régale de la profondeur de sa réflexion quant à la dissuasion nucléaire en mettant en exergue que ce n'est pas tant l'avenir de la dissuasion en tant que tel qui est posé dans les débats menés dans le Livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale 2008 mais bien celui de l'autonomie politique conférée par la dissuasion. Dit autrement, est-ce que face aux efforts imposés par la servitude technologique (défense anti-missile balistique de territoire, évolution des vecteurs (planeur et missile hypersonique), renouvellement (SN3G, SCAF), est-ce que les différents courants politiques français s'accordent toujours sur l'intérêt de pouvoir agir le plus librement possible sur la scène internationale ? 


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