L'Industrie
conserve une forte charge politique en France, et dans de nombreux
pays. La production de bien manufacturiers serait la plus à même de
faire le bonheur des statistiques de l'exportation. Passons outre le
fait que la question de la "désindustrialisation" de la France est un
débat biaisé puisque nombre d'emplois dans le secteur de l'Industrie ont
été externalisé dans les Services depuis une ou deux décennies...
Le
nouveau gouvernement, en fonction depuis l'élection présidentielle de
2012, souhaite, comme ses prédécesseurs, relancer le secteur industriel
en "France". Signe des temps, nombre de personnes continue encore à
résumer la France à ses territoires d'Europe. Il s'agirait de réformer
le code minier afin d'aller dans la direction d'une relance de
l'exploitation des ressources fossiles des territoires français
d'Europe. Or, les français sont gouvernés par un mensonge : la France,
un hexagone ?
Non, la France est un archipel d'ampleur mondiale.
A
cet effet, l'industrie nationale ne se relancera pas en Europe où les
ressources du sol semblent soit pauvre, soit négligeable soit
problématique à exploiter (cas des gaz de schistes). Mais c'est bien
dans la France archipélique qu'il existe des perspectives formidables et
dont l'exploitation pourrait marquer un tournant historique.
La Guyane a inauguré un état de fait : en 2019, la France sera pays producteur de pétrole.
Les réserves pétrolières de cette France d'Amérique du Sud ne sont pas
encore totalement délimitées et estimées. C'est une introduction car
c'est dans l'océan Indien que les plus grandes réserves de ressources
seraient à découvrir. L'avenir offrira donc le choix d'exploiter ces
ressources. Partant de là, le sel de la valeur ajoutée des industries
réside dans la transformation des ressources primaires, ce qui
nécessitera de grandes quantités d'énergies dans une zone où le secteur
industriel français n'est pas ou peu développé.
Enfin,
l'existence de ressources de taille suffisante pour mériter le
qualificatif de stratégique ne pourra qu'attiser la convoitise. Dans
cette optique, la République devra faire respecter sa souveraineté et
dissuader de tout pillage. Les moyens affectés à ces missions ne
consisteront pas en un nombre plus ou moins grands de patrouilleurs
hauturiers, mais bien en un bouleversement historique de notre outil de
Défense nationale car notre géographique est à un tournant historique.
Si le propos prend comme exemple l'Océan Indien, il peut se tenir dans n'importe quel endroit de l'Archipel français.
L'Archipel
La
France est donc un archipel dont la représentation ci-dessus donne un
aperçu de l'ampleur. Il s'agit de deux objets distincts :
- les
différentes îles et les différents îlots qui constituent le territoire
de la France et que la République se doit de protéger en vertu de la
Constitution. Un point particulier doit être dit concernant la métropole
et la Guyane :
- La première est une île artificielle grâce à la
fin du danger continental de la Guerre froide et la disparition de tous
les autres que la France avait connu. Mais aussi c'est une île
articielle grâce à la construction européenne. C'est l'équivalent
moderne des Longs murs d'Athènes.
- La Guyane bénéficie de
l'existence du désert humain qu'est la forêt amazonienne, ce qui assure
une certaine protection naturelle, aussi infranchissable que peut
l'être la forêt des Ardennes.
- Les zones économiques exclusives sont l'une des principales créations de la convention de Montego Bay
(1982). Elle délimite une zone allant de la mer territoriale (de la
ligne de base jusque 12 miles en mer) jusqu'à 188 miles nautiques en
haute mer.
Les ZEE ne sont pas
un territoire mais l'Etat qui en possède a l'exclusivité de leur
exploitation. C'est l'Etat qui en régule l'exploitation. Mais il ne peut
pas en interdire le libre passage. Cependant, la création des ZEE
relève de logiques américaines (ressources fossiles du plateau
continental) et sud-américaines (ressources halieutiques) visant à
territorialiser la mer pour interdire à d'autres utilisateurs ses
ressources.
Le
premier objet stratégique relève du territoire national quand le second
est une création internationale qui étend notre souveraineté en mer sur
des zones qui ne sont des territoires stricto sensu, mais dont le
devenir nous appartient. La jonction des deux objets forment l'Archipel
français. De ce simple constat découlera un certain nombre de réalités
et d'enjeux, ce qui fait que toute construction d'outils militaires ne
peut que être conçu pour et par l'Archipel. Toute construction qui
méconnaîtrait cette chose n'aurait ni pour ambition de respecter la
Constitution, ni même de protéger la France, ses habitants et ses
intérêts compris.
La région française de l'Océan Indien
Les marins d'autrefois ont donné à la France de nombreux territoires dans l'Océan Indien. Les principaux sont :
- les
archipels de Mayotte (département de la République depuis un référendum
de 2011) et les îles éparses dans le canal du Mozambique,
- les îles de Tromelin et de la Réunion à l'Est de Madagascar,
- l'ensemble
des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) formé par les
archipels de Crozet, St-Paul et Amsterdam, Kerguelen et par la terre
Adélie.
C'est la réunion de ces
territoires, et donc de leur ZEE, qui forme un grand ensemble qui
pourraît être nommé "région française de l'Océan Indien" (RFOI ?).
Région qui est à l'intersection des axes Nord et Sud de l'Archipel
français. Mais qui est aussi légèrement au sud de la route de
circumnavigation. Et encore, les territoires français de l'Océan Indien
sont aussi au sud des principales routes mondiales du commerce et de
l'énergie. Mais cette région peut aussi être l'un des tremplins pour
participer aux affaires asiatiques alors que le centre géopolitique du
monde tend à se repositionner tout à l'Est du Rimland, en Asie du
Sud-Est.
De manière plus particulière, la région française de l'Océan Indien est positionnée face à une grande partie des détroits du Rimland
: le Cap, Suez, Bab El-Manded, Ormuz, Malacca et la Sonde. Ce n'est pas
une mince position stratégique que d'être à proximité de ces points là
qui s'ils venaient à être coupés pourraient alors perturbés l'écoulement
des flux maritimes, ce qui perturberait grandement l'économie mondiale.
Néanmoins, il convient de noter que cette région est constitué de deux sous-ensembles géographiques différenciés :
- une partie Nord qui est en regard de l'Afrique et de Madagascar,
- une partie Sud qui est baignée de sa proximité avec l'Antarctique.
Qui
plus est, cette région possède des dimensions relativement importantes
puisqu'elle s'étend d'un axe Nord-Sud de 3000 km et s'étire en largeur
sur 2000 km. C'est presque l'ampleur du territoire des Etats-Unis en
Amérique du Nord, hors Alaska.
S'il
fallait trouver au moins une unité à ce territoire alors cela pourrait
être l'exploitation de ses ressources fossiles. Plusieurs îles
recèleraient, par leurs zones économiques exclusives, de grandes
réserves d'hydrocarbures et de minéraux. La plus-value de l'industrie se
réalise dans la transformation des matières premières. Ce qui revient à
rechercher un lieu pour cette transformation, et ce lieu est tout
trouvé : c'est la Réunion. L'île posséderait suffisamment de place et
d'énergie pour mener à bien ce projet. De plus, elle à vocation être le
centre de gravité des territoires français de l'Océan Indien.
Ressources
- "Dans
le canal du Mozambique, les eaux sous souveraineté française, autour
des îles Eparses, disposent de sous-sols semblables à ceux de Madagascar
où se trouveraient des réserves estimées à plus de 16 milliards de barils" (rapport du Sénat sur la Maritimisation).
- "Dans
les TAAF, la légine australe est bien exploitée, avec 6 000 tonnes/an
dans le cadre d'une pêche extrêmement réglementée qui a fait ces
dernières années l'objet d'un contrôle renforcé pour limiter le pillage
des stocks par la pêche illégale" ((rapport du Sénat sur la Maritimisation).
- "La
pisciculture concerne la Réunion, Mayotte, la Polynésie et la
Nouvelle-Calédonie, avec des perspectives de développement, mais aussi
des freins identifiés" (rapport du Sénat sur la Maritimisation).
- "La pêche constitue, en effet, un rouage de notre indépendance alimentaire qu'il faut sauvegarder, même
si, d'ores et déjà, elle ne peut plus couvrir que 80 % de nos besoins,
ce qui pénalise notre balance des paiements, le déficit global de la
France sur les seuls poissons étant malheureusement passé en dix ans de
500 000 à 1 million de tonnes" (rapport du Sénat sur la Maritimisation).
- Il
y aurait de fortes suspicions quant à la présence de réserves de
pétrole dans l'archipel des Kerguelen. Les campagnes détudes visant à
étudier la possibilité d'étendre les ZEE de cet archipel par le biais de
la dorsale océanique (KERGUEPLAC)
comprennaient divers organismes dont l'IFP (Institut Français du
Pétrole). Il n'y a eu ni infirmation, ni confirmation concernant
l'existence de gisements d'or noir (et possiblement de gaz) (Travaux hydrographiques aux îles Kerguelen (1996-2003).
- Il reste à savoir si des ressources minérales seront découvertes dans les ZEE et les territoires français de l'Océan Indien.
Rien
qu'avec les réserves de pétrole, estimées, résidant dans les eaux
françaises du canal du Mozambique, il y a de quoi relancer, un peu
l'industrie nationale. Le Sénat fait bien, aussi, de mettre en exergue
que les ressources halieutiques participent de l'enjeu de notre
indépendance alimentaire, et de notre diversification des
approvisionnements, également.
Les sénateurs ajoutent que : "Les
difficultés rencontrées par la pêche française aussi bien en métropole
que dans les territoires d'outre-mer militent pour un renforcement des
moyens de contrôle et de surveillance maritimes des zones de pêche afin,
d'une part, de protéger les stocks dans nos eaux territoriales contre
les pêches illégales et la surexploitation de certaines zones et,
d'autre part, défendre les intérêts de nos pêcheurs nationaux dont
l'activité est essentielle à l'équilibre économique de ces territoires".
Il n'y a pas plus clair lien établi entre des ressources qui peuvent
s'avérer vitales, les zones économiques exclusives et leur nécessaire
protection.
Exploitation
La
production d'or noir est un vecteur non-négligeable de création
d'emplois : il faudra construire ou louer des navires d'exploration et
de forage, avoir recours à des plateformes pétrolières et à des navires
pour transporter les ressources extraites jusqu'à leur lieu de
transformation.
Les ressources halieutiques ne seront pas en
reste puisque la flotte de pêche française pourra trouver des débouchés
inespérés et composer avec une politique d'exploitation durable de ces
ressources si et seulement si les moyens dédiés à la surveillance
maritime seront bel et bien présent.
Si l'exploitation de ces
ressources sera source d'une activité industrielle non-négligeable,
l'enjeu reste à les transformer afin de pouvoir les exporter dans les
Etats riverains, voire dans le monde. Cet objectif nécessite de
développer des zones industrielles capables de raffiner le pétrole, ou
des conserveries pour conditionner les ressources halieutiques afin
qu'elles puissent être consommées. Mais ce genre d'activité requiert
d'avoir à sa disposition de grandes quantités d'énergies. C'est tout
l'enjeu des énergies marines renouvelables (énergie houlomotrice,
marémotrice, éolienne offshore, hydrolienne, etc... - voir à ce sujet le
bulletin d'études marine n°153, le rapport du Sénat sur la
maritimisation et l'ouvrage "France-sur-mer l'empire oublié").
Mais
l'île de la Réunion, lieu potentiel et probable de la transformation
des ressources, dispose aussi de l'intérêt non-négligeable d'être une
île volcanique. A ce sujet, le modèle de développement par excellence
est l'Islande. L'île de l'Atlantique Nord a su tiré parti de son
importante activité volcanique et de ses capacités de production
d'électrique d'origine hydraulique pour développer de grandes capacités
industrielles dans la production de l'aluminium.
Protection (maritime) ?
La
Protection est l'une des cinq fonctions stratégiques, érigée par le
livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008, consistant
en la protection de la population et du territoire français (s'entend
donc la protection de l'Archipel (?) et de ses habitants). Dans l'esprit
du livre blanc, il s'agit de protéger ces deux objets contre les
"nouvelles" vulnérabilités : terrorisme, cyberdéfense, trafics illicites
et catastrophes industrielle et naturelle.
Le problème, c'est
qu'il y a un vide surprenant entre la fonction Protection et les quatre
autres. Par exemple, la fonction "Connaître et anticiper" doit permettre
d'appréhender les différentes menaces qui pèsent sur le pays grâce aux
différentes manières de collecter du renseignement et de le traiter. Et
L'anticipation de ces menaces doit éviter qu'elles ne se développent
trop au point que la Prévention (autre fonction stratégique) ne puisse
plus les traiter. A ce moment là, il ne resterait plus que le choix
d'Intervenir (avant-dernière fonction) : c'est-à-dire recourir à une
opération militaire qui est coûteuse sous tous ses rapports. La
dissuasion est la dernière fonction de l'actuel livre blanc.
Premier
écueil, il n'est pas dit que la connaissance et l'anticipation
comprenne la collecte de renseignement sur les activités maritimes en
liaison avec les intérêts français. Si la création de la fonction
garde-côtes (sans rapport aucun avec le livre blanc) a pour ambition de
fournir une image globale des activités maritimes intéressants l'intérêt
national, il n'est pas dit qu'elle bénéficie des moyens de
renseignement d'autres agences nationales. C'est paradoxal puisque le
renseignement est l'apanage des puissances qui cherchent à se protéger
d'une surprise stratégique car elles n'ont pas les capacités d'y
résister par le fait d'une puissance militaire trop faible. C'est
souvent l'apanage des puissances insulaires.
Deuxième
écueil, et pas des moindres : de quelle fonction stratégique relève la
protection de l'archipel, de ses territoires et de ses zones économiques
exclusives ? La fonction Protection n'ambitionne pas, du moins
explicitement, de remplir cette mission. Et pourtant, elle est
essentielle puisque des missions de sauvegarde maritime dépend la
crédibilité de la souveraineté française dans les zones économiques
exclusives. Sans cette souveraineté, ces zones ne valent plus rien
puisque l'Etat régulateur pourra être contourné et ce sera le pillage
qui disposera des ressources. A moins d'une incompréhension du livre
blanc de 2008, il y a un gros vide.
C'est
par ces deux biais qu'il est possible de comprendre en quoi le livre
blanc sur la défense et la sécurité nationale est passée presque
complètement à côté de la maritimisation. Pour un travail de
prospective... C'est à croire que la pleine mesure de la fin de la
Guerre froide n'a pas été prise quand aux évolutions qui sont
intervenues dans la géographie de la France (qui est un Archipel).
Donc,
l'Action de l'Etat en Mer, comprise dans la fonction garde-côtes, mène
les missions de sauvegarde maritime, et est un parent pauvre
stratégique. Non prise en compte dans les livres blancs alors qu'elle
est gardienne du dernier empire que possède la France. Un empire qui
s'étend sur cinq océans, presque tous les océans et qui représente une
surface de 11 millions de km², bientôt 13.
Protection ?
La
betteravisation est un concept mort-né, obsolète dès son énonciation.
C'est la fonction stratégique Protection qui est poussée à son paroxysme
car l'Armée de Terre, suite à la fin d'opérations extérieures de longue
durée, et "sans perspectives de se réengager dans de telles opérations"
(sauf au Mali ? En Somalie ? En Syrie ?), était vouée à rentrer dans
ses casernes le temps de régénérer le potentiel.
Ce
dernier concept permettrait de rêver l'Armée de Terre comme une grande
force de protection du territoire contre les catastrophes naturelles et
humaines. Soit dit en passant, que font les pompiers et la gendarmerie ?
Boutade, s'il en est, puisque pour ceux qui lisent avec délectation et
horreur le récit de la bataille de France de la fameuse année 1940 ne
peuvent que se rappeler combien la Gendarmerie nationale a un rôle
essentiel, vital dans la protection du territoire national.
Le
cas de Fukushima serait un grand exemple militant pour cette approche
de la fonction Protection. Ce leitmotiv aurait la puissance nécessaire
afin d'amener le Politique à sauvegarder la cohérence de l'Armée de
Terre par la fourniture des crédits budgétaires. C'est justement ce en
quoi l'accident nucléaire japonais est révélateur : le fait que les
forces d'auto-défense japonaises aient pu mobiliser une centaine de
milliers d'hommes fait, et il faut le dire, rêver en France. Il n'est
pas tant question de savoir si le dispositif de Sécurité civile japonais
ait été le plus efficient qu'il soit car, au fond, le plus important
est de se raccrocher à un pays capable de mobiliser l'équivalent d'un
corps d'armée pour lutter contre catastrophes naturelles et
industrielles.
Malheureusement, le but de la guerre n'est pas
d'aligner le plus grand effectif possible et disponible mais bien
d'assurer la défense nationale. C'est pompeux à dire, mais il est
possible de se délecter avant l'heure en pensant à quelle manière il va
être possible de défendre le programme Scorpion (et son EBRC), les
hélicoptères issus du programme HC4 ou le maintien en service des chars
Leclerc avec un concept de potager, plus propre à la Sécurité civile
qu'à la Guerre.
L'obsolescence du projet est telle qu'il viole allègrement la constitution : est-ce que la seule métropole mérite protection ?
Dès
lors, ce modèle projeté et qui traîne depuis trop longtemps comme
référent dans les débats est à abattre : il est incompatible avec la
protection des intérêts français de l'Océan Indien (et pis de la
France). Ces archipels de cet océan exigent, pour la protection des
biens et des personnes, une savante défense qui allie défense en mer
(maîtrise des mers,
sea denial et
sea control) avec
des capacités aéroamphibies pour répondre à toutes les menaces
potentielles. Si la Protection exige de protéger et les territoires et
les ressources des zones économiques exclusives alors la manœuvre débute
dans les océans et les mers qui bordent nos deux objets stratégiques.
Il s'agit de surveiller, par le travail clandestin d'un agent, l'œil
d'un satellite ou depuis la caméra déployée depuis le drone d'un
patrouilleur afin de traquer l'intrus. Mais dans un archipel, il peut
s'agit aussi de porter secours à une île coupée du monde par une
catastrophe naturelle (cas de Haïti) ou bien de la reprendre de vive
force car c'est un morceau du territoire national qui a été envahi par
une puissance étrangère lors d'une opération surprise (cas des
Malouines). Mais il s'agit aussi de préserver les flux maritimes,
aériens et les communications immatérielles qui relient les îles de
l'Archipel entre elles et avec le monde. Ce dernier impératif dépasse
même le cadre de l'Archipel, mais aussi celui de la fonction Protection.
Plus
largement, le fait que la France soit un archipel et que la
constitution affirme que le territoire de la République est un et
indivisible, et qu'il est à protéger, fait que la Marine nationale est
la première force armée garante de l'intégrité du territoire.
Cela n'enlève en rien à l'impérieuse nécessité de disposer de forces
terrestres cohérentes afin d'attaquer toute menace où qu'elle se trouve,
et de préférence à sa source, afin de prévenir l'émergence d'une menace
plus grande qui pourrait passer cette première barrière de Défense, la
Marine, pour venir balayer nos forces terrestres.
Mais il n'en
demeure pas moins que la première barrière de Défense est navale, et à
ce titre, tous les débats, tous les appels à sauvegarder la seule Armée
de Terre, à préserver son assise institutionnel et budgétaire qui en
fait la première force armée de France, avec le premier budget, ne
peuvent que laisser pantois face à la réalité géographique du pays, de
l'Archipel et des enjeux qui en découle.
Il y a une sorte
d'anachronisme dangereux à laisser ces tentatives de préserver un ordre
ancien et désuet. Comme le disait le général Weygand dans un autre temps
"
la France croira qu'elle sera défendue et elle ne le sera pas".
Le général pourfendait l'Armée construite alors car elle n'offrait pas
les garanties nécessaires face à la menace d'un nouveau danger
continental qui émergeait. Pire, il se disait que l'habit de l'Armée
était trop grand pour elle et l'on cherchait à préserver des effectifs
et l'apparence d'une grande puissance alors que l'on avait sacrifié
l'essentiel : la capacité d'intervenir pour abattre toute menace
naissance.
L'Amiral Castex admettait alors qu'il n'y avait pas
manière à discuter de la hiérarchie budgétaire entre l'Armée et la
Marine : le danger continental impose de sauvegarder la métropole de
tout péril. A cette fin, la Marine doit se concentrer sur la protection
de l'Empire, de ses lignes de communication et le préserver de toute
invasion. Aujourd'hui, et alors qu'il n'existe plus de grand danger
continental pour la France depuis 1989 -et c'est une (r)évolution
historique- la priorité ne peut que s'inverser entre l'Armée et la
Marine pour la défense du territoire national, de l'Archipel. C'est une
question de pragmatisme. Cela découlé intrinsèquement de la géographie
du territoire.
Si cette évolution n'était pas prise en compte, si
cette inversion de priorité n'était pas non plus prise en compte, alors
la citation cruelle de Richelieu reviendra encore : "les larmes de nos
souverains ont le goût salé de la mer qu'ils ont ignoré".
Le livre bleu ?
Au
final, un nouveau livre blanc va bientôt être offert à la France. Sa
réflexion ne va pas s'arrêter à une ou deux années budgétaires
difficiles. Mais elle va bien prendre en compte l'état des lieux :
c'est-à-dire que la France possède un riche empire maritime. Il faut le
protéger, et il contient les ressources pour le faire. A charger pour
d'autres de les exploiter selon les modalités qu'ils définiront. L'Océan
Indien n'est qu'un exemple, le propos s'applique en tout point de la
France.
Des conceptions stratégiques vont être annoncées et il
découlera un outil de Défense nationale reforgé. Il sera question de
savoir comment cet outil se construira et se réorientera pour aborder la
"nouvelle" géographie française, celle qui a été libérée -enfin depuis
des siècles que cela été attendu- de ses servitudes continentales. A ce
moment là :
- l'Action de l'Etat en Mer ne pourra plus être un outil subsidiaire, délaissé par les arbitrages budgétaires.
- Les
forces de haute mer continueront à être autant un outil d'intervention
extérieur par excellence qu'un outil naval qui par sa capacité à
disputer la maîtrise des mers (sea control et sea denial)
sera capable d'assurer la légitimité des forces de la fonction
garde-côtes qui n'auront pas à craindre d'être engagées par une
puissance trop aventureuse sans que celle-ci craigne des représailles.
- Il
ne faudra pas non plus répéter l'erreur de l'entre-deux-guerres :
c'est-à-dire ne pas s'arquebouter sur des questions de rang et de rêve
du nombre, mais bien construire des forces terrestres capable
d'intervenir d'un bout à l'autre de l'Archipel, et se projeter à partir
de lui pour étouffer toute constitution d'une menace qui dépasserait,
par son ampleur, les moyens nationaux.
La
mer sera l'élément essentiel de la manœuvre pour projeter et soutenir
les forces terrestres, pour soutenir la puissance aérienne française.
L'enjeu n'est plus de construire un corps d'armée pour contenir une
invasion qui viendrait par les Ardennes ou par la Belgique. L'enjeu est
la défense d'un Archipel, de ses habitants, ses territoires et de ses
ressources. Si l'interarmisation des forces peut être un gage
d'efficacité, elle ne peut pas non être un frein à un rééquilibrage,
salutaire, entre les priorités budgétaires qui vont à chaque Armée. Tous
les programmes sont nécessaires, mais ils ne sont pas tous sur le même
pied d'égalité quand à la protection des îles de l'Archipel. A titre
d'exemple, il est d'une nécessité impérieuse que les programmes de la
fonction garde-côtes (BATSIMAR, BSAH, BIS, BMM et AVSIMAR) et des forces
de haute mer (PA2 et PA3, FLOTLOG) aboutissent. Aucun artifice, aucun
concept, aussi séduisant soit-il, ne pourra ignorer ou espérer cacher la
réalité géographique de l'Archipel. Et tout découlera de cette
géographie : la manière dont la France pense sa place dans le monde, la
manière dont elle construit sa stratégie pour y agir.
Pour aller plus loin :