Si
les navires sont la stricte représentation matérielle d'une pensée
navale -et quelque soit le degré d'élaboration de celle-ci-, cela
implique qu'ils représentent leur Etat. Le "prestige" représenté par ces
coques de bois ou d'acier est lié à de très nombreux facteurs : le
degré de sophistication de l'ingénierie nécessaire à leur construction,
la qualité ou le nombre des armements embarqués, la taille du navire, la
puissance effective que le navire de combat déplace, etc...
Parfois,
et comme souvent sous d'autres cieux, il suffit de changer l'habillage
pour regarder autrement un navire. C'est-à-dire qu'il peut suffire de
modifier l'apparence, totalement ou à la marge, pour conférer au
flotteur une impression de modernité. La modification des
superstructures peut parfois modifier l'impression de puissance dégager
par un navire, bien plus que ses armements.
Bien plus en arrière, il avait ainsi été esquissé une autre refonte pour les cuirassés des classes Courbet et Provence
dans un précédent billet. Cette refonte, proposée par un stratège en
chambre et ingénieur de sa chambrée, consistait à être plus ambitieux
sur la modification des superstructures afin de copier "l'esprit" de
celles des Dunkerque et Strasbourg, mais surtout de celles des Richelieu
(même si les Richelieu et Jean Bart sont construit bien plus
tardivement). L'objectif est que les cuirassés obsolètes dégagent à
nouveau une impression de modernité et de puissance. La chose est utile
quand elle est maniée avec habilité dans le cadre d'une diplomatie
navale savamment mise en oeuvre. En outre, l'installation des tourelles
de 380mm aurait conféré une valeur dissuasive supérieure aux cinq
navires de ligne. Le choix de ce calibre se justifier dans l'argumentation émise par l'Amiral Darrieus.
Celui-ci privilégiait la portée à la cadence de tir. Au final, nos cinq
cuirassés hors-d'âge, et obsolètes, auraient présentés quelques
caractères de modernité, alors qu'il aurait été plus utile de les
désarmer dans leur réel état historique.
Revenons-en aux avisos A69.
17 de ces navires furent construit, et huit d'entre-eux ont été vendus à
la Turquie autour de l'an 2000. Premièrement, ces navires semblent
avoir été d'un coût très modique, alors qu'ils ont été d'une très grande
utilité. Deuxièmement, en 2000, si Ankara rachète ces huit avisos,
alors qu'ils ont d'ores et déjà une trentaine années de service, c'est
qu'il existait un certain potentiel... mais pour un MCO de quel prix ?
Imaginons un "what if"
: et si à la fin des années 80, le choix avait été fait de conserver
ces 17 navires, et de les moderniser afin de les emmener jusqu'au début
des années 2000, époque de leur remplacement ?
Il
aurait été question de les "moderniser". L'objectif aurait été d'en
tirer des navires polyvalent qui, dans le cadre d'un groupe naval
constitué, aurait plutôt servi à décupler la force de frappe d'un grand
navire de combat. En dehors de ces phases de de constitution en
escadres, les avisos A69 modernisés auraient servi aux traditionnelles
missions de l'Action de l'Etat en Mer.
Première
chose à coriger, les tubes lance-torpilles sont débarqués afin de
dégager la plage arrière. L'espace gagné doit servir à une véritable
zone d'appontage pour voilure tournante, et surtout, un hangar permanent
en lieu et place des tubes lance-torpilles est construit. Le défaut
majeur des avisos seraient ainsi corrigés
Les rails de lancement pour les missiles Exocet seront désormais placés sur le toit du nouvel hangar aéronautique.
Les rails de lancement pour les missiles Exocet seront désormais placés sur le toit du nouvel hangar aéronautique.
En
lieu et place des deux actuels bossoirs, et de l'espace compris entre
ces deux installations, la modernisation consistera à installer 32
lanceurs Sylver A43 pour missiles à lancement vertical. Ce sont les
mêmes silos qui doivent équiper le futur Charles de Gaulle, encore en
construction. Il serait question de lancer plusieurs études afin que les
Exocet, Milas (équivalent italien du MALAFON) et Crotale puissent être
lancés depuis ces installations.
A la fin des années 90, les avisos pourront recevoir des Aster 15. Ces missiles issus du programme FSAF sont conçus en coopération avec l'Italie. A terme, ils doivent équiper le Charles de Gaulle dans ce qui deviendra le système SAAM. Ce dernier est constitué d'un radar ARABEL, le senseur, et d'Aster 15, les effecteurs. L'état-major de la Marine n'a pas encore tranché entre l'installation d'un tel radar à bord des avisos, ce qui leur donnerait un rayonnement nouveau et appréciable, ou d'une liaison tactique. Cette dernière offre l'avantage de permettre à un navire équipé des senseurs adéquats de pouvoir renseigner les missiles des avisos, dépourvus de ces mêmes senseurs.
A la fin des années 90, les avisos pourront recevoir des Aster 15. Ces missiles issus du programme FSAF sont conçus en coopération avec l'Italie. A terme, ils doivent équiper le Charles de Gaulle dans ce qui deviendra le système SAAM. Ce dernier est constitué d'un radar ARABEL, le senseur, et d'Aster 15, les effecteurs. L'état-major de la Marine n'a pas encore tranché entre l'installation d'un tel radar à bord des avisos, ce qui leur donnerait un rayonnement nouveau et appréciable, ou d'une liaison tactique. Cette dernière offre l'avantage de permettre à un navire équipé des senseurs adéquats de pouvoir renseigner les missiles des avisos, dépourvus de ces mêmes senseurs.
Ainsi,
en s'équipant du missiles ASM italiens, les navires n'auraient pas
perdu toute leur spécialité ASM. La conservation des tubes
lance-torpilles fixes aurait été préférable. Mais vu qu'une partie des
installations de stockage des torpilles ont été conservées (en les
regroupant avec les anciens volumes dédiés au lance-roquettes ASM), et
que celles-ci se trouvent sous le hangar aéronautique, alors c'est la
voilure tournante qui se chargera dorénavant de délivrer la munition
anti-sous-marine. Cela justifie amplement l'emport de torpilles légères
pour voilure tournante, plutôt que des anciennes torpilles lourdes L3 et
L5.
L'installation d'une flute pour compléter le sonar avait été envisagée. Cependant, l'opération a été jugée trop ambitieuse en considération de la durée de vie espérée et restante pour ces navires, et alors que la menace sous-marine se détend depuis l'effondrement du mur de Berlin.
Les différentes antennes des avisos auraient été regroupées en deux mâts principaux. A ce sujet, ces superstructures auraient directement bénéficié des études lancées pour les futures frégates légères furtives. Cependant, elles seront plus ramassées, plus basses sur les avisos car ceux-ci ont d'ores et déjà quelques problèmes de stabilité par mauvais temps. L'opération est l'occasion d'installer un système Crotale complet à bord des navires.
L'installation d'une flute pour compléter le sonar avait été envisagée. Cependant, l'opération a été jugée trop ambitieuse en considération de la durée de vie espérée et restante pour ces navires, et alors que la menace sous-marine se détend depuis l'effondrement du mur de Berlin.
Les différentes antennes des avisos auraient été regroupées en deux mâts principaux. A ce sujet, ces superstructures auraient directement bénéficié des études lancées pour les futures frégates légères furtives. Cependant, elles seront plus ramassées, plus basses sur les avisos car ceux-ci ont d'ores et déjà quelques problèmes de stabilité par mauvais temps. L'opération est l'occasion d'installer un système Crotale complet à bord des navires.
Enfin,
l'ensemble des structures hors d'eau des avisos sont redessinées grâce
aux études réalisées pour la première frégate légère furtive : la frégate LaFayette.
Désormais, les avisos partageront un faux-air de ressemblance, et de
furtivité, avec ces navires récents grâce à leurs lignes très
dépouillées et épurées. Les nouveaux bossoirs sont mêmes cachés, à
l'instar des nouvelles frégates, dans des alcôves bâchées, en lieu et
place des anciens rails de lancement des Exocet près de la cheminée. Les
navires ne sont pas devenus furtifs, mais plus discrets.
Au
début des années 90, les avisos A69 auraient été tous conservés dans la
Royale afin d'être modernisés selon les "canons" imposés par les
frégates LaFayette. Il n'est pas question d'évoquer leur refonte en
navire furtif. Mais de leur donner une telle apparence. In fine, en tout
et pour tout, ils auraient continués à mettre en oeuvre des moyens ASM
basiques (sonar de coque) mais renforcés par un hélicoptère dédié à
cette mission (ce qui pourrait largement compenser la perte des tubes
lance-torpilles fixes). En outre, à moins que les études sur les
lancement verticaux des Exocet et Crotale puissent aboutir dans cette
simulation, les 17 avisos auraient continués à mettre en oeuvre le
célèbre missile rase-mer depuis le toit du hangar aéronautique. La
dernière arme est l'irremplaçable pièce de 100mm.
Les
avisos modernisés n'auraient eu que la furtivité et l'autonomie
supérieure des LaFayette à envier. Sinon, pour le reste, ils n'auraient
pas été moins pourvus que ces nouvelles frégates en terme d'armements.
C'est-à-dire
que cette refonte aurait permis de donner l'illusion de la modernité à
17 navires. Ils auraient bénéficié du "prestige" engendré par la
construction des LaFayette. Ces frégates étaient tellement considérés
comme moderne, qu'elles apparurent même dans un épisode de la saga James
Bond ! Nos LaFayette ont véhiculé cette image de modernité car elles
étaient les premiers navires réellement furtifs à entrer en service
opérationnel. Comme pour les cuirassés d'antan, il s'agit de tirer la
couverture de la modernité des constructions récentes aux plus
anciennes, qui atteignent à peine la moitié de leur vie utile.
La "modernité" d'une Marine repose pour beaucoup sur l'apparence de ses navires.
L'image véhiculée par la Marine nationale lors des escales n'auraient pas été la même, à coup sûr. Les navires à l'apparence furtive étaient rares dans les années 90. Les avisos n'auraient pas été regardés de la même manière. La diplomatie navale n'est pas la même avec des navires à l'apparence moderne -même si le plus important est d'avoir suffisamment de navires.
La France aurait eu 25 frégates de second rang jusqu'au début des années 2000. La situation aurait été plus belle... Et elle aurait du être plus belle puisque : un sixième LaFayette devait être construite (et peut être que d'autres étaient imaginées), et il n'était pas question de tronquer le programme FREMM qui prend vraiment forme au tout début des années 2000.
La "modernité" d'une Marine repose pour beaucoup sur l'apparence de ses navires.
L'image véhiculée par la Marine nationale lors des escales n'auraient pas été la même, à coup sûr. Les navires à l'apparence furtive étaient rares dans les années 90. Les avisos n'auraient pas été regardés de la même manière. La diplomatie navale n'est pas la même avec des navires à l'apparence moderne -même si le plus important est d'avoir suffisamment de navires.
La France aurait eu 25 frégates de second rang jusqu'au début des années 2000. La situation aurait été plus belle... Et elle aurait du être plus belle puisque : un sixième LaFayette devait être construite (et peut être que d'autres étaient imaginées), et il n'était pas question de tronquer le programme FREMM qui prend vraiment forme au tout début des années 2000.
Il
n'est pas tellement question de savoir si la refonte, la
"modernisation" ainsi proposée est viable, peu importe, finalement. Mais
de considérer l'espace d'un instant que l'esthétique de la puissance
navale a considérablement évolué avant et après, alors que, les
armements sont et resteront les mêmes, que le rayonnement politique du
navire est et restera le même avant et après la modernisation.
Le
navire ainsi dessiné à main levé dans cette très, très rapide étude
ressemble trait pour trait à "l'Aviso NG" qui a pu être évoqué dans les
commentaires sur ce blog. Une frégate de second rang qui sert,
essentiellement, à démultiplier l'horizon et la force d'un grand navire
de combat (porte-avions, frégates ASM et AA), tout en étant relié à lui
par diverses liaisons (L11 et L16) pour la mise en oeuvre d'armes que
l'aviso ne peut lui-même lancer. En dehors de ces périodes de combat,
les avisos NG ne serviraient qu'aux missions de l'Action de l'Etat en
Mer.
Pour aller plus loin sur les avisos A69 -ou classe d'Estienne d'Orves-, vous pouvez lire Les Avisos A69 de Jean Moulin et Patrick Maurand, publié chez Marines Editions :
Les avisos type A69, entrés en service dans la Marine nationale entre 1976 et 1986, sont de sympathiques petits bâtiments adaptés à presque toutes les missions : surveillance des approches maritimes des côtes françaises, chasse aux pirates en océan Indien, protection des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins aux abords de la rade de Brest…Huit des dix-sept unités de la série ont déjà été désarmées entre 1997 et 2002, mais les neuf derniers avisos, reclassés patrouilleurs de haute mer en 2009, doivent rester en service jusqu’aux environs de 2020. Ce livre accompagnera donc encore longtemps les faits d’armes de la classe A69…
Les avisos type A69, entrés en service dans la Marine nationale entre 1976 et 1986, sont de sympathiques petits bâtiments adaptés à presque toutes les missions : surveillance des approches maritimes des côtes françaises, chasse aux pirates en océan Indien, protection des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins aux abords de la rade de Brest…Huit des dix-sept unités de la série ont déjà été désarmées entre 1997 et 2002, mais les neuf derniers avisos, reclassés patrouilleurs de haute mer en 2009, doivent rester en service jusqu’aux environs de 2020. Ce livre accompagnera donc encore longtemps les faits d’armes de la classe A69…
6 avisos ont été vendus à la Turquie.
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