Ainsi
donc, l'actuel gouvernement anglais a choisi de faire le chemin inverse
de celui qui avait conduit le précédent aux décisions de la Strategic Defense Review de 2010. Au grand dam d'une partie de l'opinion navale anglaise, ce ne sera plus le F-35C qui appontera sur le Prince of Wales, mais les F-35B qui pourraient apponter sur les deux navires. La décision anglaise est d'une logique difficilement contestable en l'état actuel des informations.
Le point noir au tableau de la Royal Navy, c'est que la refonte coûterait un peu plus d'un milliards de livres, en sus du coût du programme CVF (Carrier Vessel Future). C'est un coût très lourd si l'on considère que les études des deux navires contiennent des dispositions conservatoires pour une telle refonte :
- l'Angleterre envisageait une telle refonte à mi-vie (pour recevoir quels appareils ? Le F-35 doit durer plus d'un demi-siècle aux dires de ses concepteurs... Cette énigme perdure),
- les Français qui se sont joints au programme CVF désiraient une telle possibilité afin que le PA2 (ou CVF-FR) puisse mettre en oeuvre Rafale et E-2.
Le
coût de la refonte s'expliquerait par la difficulté d'intervenir sur un
navire construit dans différents chantiers. Explication difficile à
admettre puisque, en 2010, rien n'était suffisamment entamé sur le Prince of Wales,
pour ne pas utiliser les plans prévus pour les catapultes... Le navire a
beau être constitué de différents blocs venant de différents chantiers,
il ne doit pas être si difficile de communiquer entre chantiers.
Pour compenser cette dépense, le premier navire aurait été gréé en porte-hélicoptères. Il avait été évoqué de le placer par la suite en réserve, voir de le vendre.
La France étudia discrètement le rachat de la coque du Queen Elizabeth. Le CEMA, l'Amiral Guillaud, ancien commandant du Charles de Gaulle, dira devant les parlementaires le 13 octobre 2011 que l'achat du premier navire anglais et son adaptation technique aux besoins opérationnels de la Royale aurait nécessité une opération financière de plus de 4 milliards d'euros. Le coût de la refonte CATOBAR semblait se confirmer... sur un navire qui aurait dû être modifié une fois sa construction achevée.
Mais les coopérations aéronavales avec les Etats-Unis, et la France (transposée dans les traités du 2 novembre 2010) devaient permettre de reprendre en main l'outil aéronaval et de palier l'abence de permanence aéronavale.
Tout
change en 2012, et la situation s'est presque inversée. La version B du
JSF est donc sortie de probation avant le terme du délai de cette
période dangereuse. Mais, et surtout, c'est
la version C qui présente désormais des problèmes techniques : des
fissures sont apparues sur les prototypes servant aux essais d'appontage
et de catapultage. La crosse d'appontage serait, notamment, mal
située. Un déplacement de celle-ci entraînerait des problèmes pour la
furtivité de l'appareil.
Mieux
encore, le devis de la refonte a explosé : selon les sources, celle-ci
varie entre 1,5 milliards de livres et 2,5 milliards d'euros. C'est
presque le coût du navire lui-même. « Alors que le programme a mûri,
et que des analyses plus détaillées ont été livrées par les
fournisseurs, il est devenu clair que la conversion coûterait le double
de ce qui était prévu et que le bâtiment ne serait livré, au plus tôt,
qu'en 2023. C'est inacceptable », a expliqué Philip Hammond (cité par Mer et Marine).
Plusieurs tentatives d'explications ont été avancées : les EMALS (ElectroMagnetic Aircraft Launch System) , les nouvelles catapultes électromagnétiques américaines, auraient un coût significatif.
Mais surtout, il a été possible de lire sur Mer et Marine que les porte-avions anglais, qui n'ont toujours pas touché la mer, manqueraient de puissance électrique pour mettre en oeuvre ces catapultes : "sur le papier, ajouter deux catapultes électromagnétiques et une piste oblique avec brins d'arrêt semblait simple, d'autant qu'à priori, lors du développement du design, la possibilité d'installer ultérieurement ces équipements avait été prise en compte. Mais, en réalité, les modifications ont soulevé de nombreux problèmes techniques, avec notamment une augmentation significative de la puissance électrique devant être produite".
Avec une telle présentation, il est forcément très logique de repasser à la version B du JSF, et, finalement, de pouvoir conserver les deux navires. Il vaut mieux une permanence aéronavale avec deux porte-avions et un groupe aérien embarqué composé de F-35, malgré toutes les limites inhérentes à la formule des ADAV (Aéronef à Décollage et Atterrissage Verticaux).
Pis, Londres souhaitait une refonte CATOBAR à mi-vie. Tout espoir n'est pas perdu. Même s'il y a de quoi se demander quelle est la raison d'être de cette refonte initialement prévue avant les atermoiements de ces dernières années.
Il n'en demeure pas moins qu'il y a de quoi se poser légitimement la question de la sincérité du coût avancé pour la refonte : 1,5 milliards de livres, voir 2,5 milliards d'euros, c'est très difficile à expliquer à première vue.
Ces navires ont été conçus pour recevoir des catapultes à vapeur puisque le précédent gouvernement français avait du annuler la commande d'une paire de catapultes à vapeur auprès de l'industriel américain qui les fabrique. C'était Michèle Alliot-Marie qui avait alors tenté de rendre inévitable la réalisation du PA2 en engageant le maximum de crédits budgétaires. La commande des catapultes en faisait partie.
Mais surtout, il a été possible de lire sur Mer et Marine que les porte-avions anglais, qui n'ont toujours pas touché la mer, manqueraient de puissance électrique pour mettre en oeuvre ces catapultes : "sur le papier, ajouter deux catapultes électromagnétiques et une piste oblique avec brins d'arrêt semblait simple, d'autant qu'à priori, lors du développement du design, la possibilité d'installer ultérieurement ces équipements avait été prise en compte. Mais, en réalité, les modifications ont soulevé de nombreux problèmes techniques, avec notamment une augmentation significative de la puissance électrique devant être produite".
Avec une telle présentation, il est forcément très logique de repasser à la version B du JSF, et, finalement, de pouvoir conserver les deux navires. Il vaut mieux une permanence aéronavale avec deux porte-avions et un groupe aérien embarqué composé de F-35, malgré toutes les limites inhérentes à la formule des ADAV (Aéronef à Décollage et Atterrissage Verticaux).
Pis, Londres souhaitait une refonte CATOBAR à mi-vie. Tout espoir n'est pas perdu. Même s'il y a de quoi se demander quelle est la raison d'être de cette refonte initialement prévue avant les atermoiements de ces dernières années.
Il n'en demeure pas moins qu'il y a de quoi se poser légitimement la question de la sincérité du coût avancé pour la refonte : 1,5 milliards de livres, voir 2,5 milliards d'euros, c'est très difficile à expliquer à première vue.
Ces navires ont été conçus pour recevoir des catapultes à vapeur puisque le précédent gouvernement français avait du annuler la commande d'une paire de catapultes à vapeur auprès de l'industriel américain qui les fabrique. C'était Michèle Alliot-Marie qui avait alors tenté de rendre inévitable la réalisation du PA2 en engageant le maximum de crédits budgétaires. La commande des catapultes en faisait partie.
En
outre, les catapultes électromagnétiques ne nécessitent plus de
conduites de vapeur qui montent depuis la salle des machines jusqu'au
pont tout de suite en-dessous du pont d'envol. A priori, il n'y aurait
plus que des câbles électriques à faire passer.
Pourtant, c'est manifestement un changement de monde avec les EMALS.
L'enjeu des EMALS est ailleurs car, ce qui aurait été peut être plus coûteux, c'est l'adaptation ou l'intégration d'un logiciel IPS (Integrated Power System) apte à gérer les flux électriques pour charger ces catapultes afin qu'elles catapultes "à la chaîne".
In fine, c'est une grande partie des problématiques du "navire tout électrique" et des navires devant mettre en oeuvre des canons électromagnétiques que l'on retrouve à travers les EMALS :
L'enjeu des EMALS est ailleurs car, ce qui aurait été peut être plus coûteux, c'est l'adaptation ou l'intégration d'un logiciel IPS (Integrated Power System) apte à gérer les flux électriques pour charger ces catapultes afin qu'elles catapultes "à la chaîne".
In fine, c'est une grande partie des problématiques du "navire tout électrique" et des navires devant mettre en oeuvre des canons électromagnétiques que l'on retrouve à travers les EMALS :
- être capable de produire de grandes impulsions électriques en série,
- et transmettre ces impulsions de leur lieu de production ou de stockage vers l'équipement qui va consommer cette quantité d'énergie (EMALS ou canon électromagnétique).
Dans
cette optique, il faut avoir la puissance électrique nécessaire pour les
générer, avec les câbles et logiciels nécessaires pour les transférer
d'un bout à l'autre du bord. L'énergie nécessaire pour une EMALS afin de
catapulter un appareil de 30 tonnes n'est peut être pas la même que
celle qui est nécessaire pour faire partir un obus de 155mm par un canon
électromagnétique.
En réalité, il semblerait que un coup d'EMALS nécessite une énergie de 121 Mégajoules. Bernard Fontaine ("Les armes à énergie dirigée : mythe ou réalité ?") trouvait d'ores et déjà qu'une énergie de 40 Mégajoules pour l'essai de l'Advanced Gun System de 2008 était une quantité d'énergie formidable...
Mer et Marine semblait donc dire que les deux Queen Elizabeth pourraient manquer de puissance électrique :
- Ils développent tout de même 110MW (deux turbines MT30 de 36MW, quatre diesel-alternateurs (deux de 9MW, deux autres de 11MW). La production électrique ne serait "que" de 40MW.
- Il est vrai que le Charles de Gaulle afficherait une puissance théorique de 300MW thermique, mais ses usines électriques ne développeraient que 20MW. Le PAN met en oeuvre des catapultes à vapeur, ce qui permet de réserver les 20MW d'électricité à d'autres fonctions.
- Le CVN78 qui est actuellement en construction aux Etats-Unis, et qui doit recevoir ou qui reçoit actuellement les fameuses EMALS, développerait 90MW d'électricité pour au moins 206MW thermiques.
Au
passage, oui, la puissance théorique des K-15 pose beaucoup de
questions au regard d'une simple comparaison avec le dernier-né
américain.
Il faudrait donc en conclure qu'il est possible que les deux porte-avions anglais souffrent de deux défauts majeurs :
- l'architecture électrique du navire ne répondrait pas aux exigences d'équipements électromagnétiques comme les EMALS,
- les deux navires souffriraient d'un manque cruel de puissance électrique.
Ces
deux défauts, s'ils sont avérés, sont largement suffisants pour obérer
toute prétention à une refonte CATOBAR avec des catapultes
électromagnétiques. La prétention à accéder à cette technologie pourrait
expliquer le coût faramineux avancé par le ministre anglais de la
Défense. En effet, il ne s'agirait plus d'installer simplement des
équipements, mais il faudrait retravailler l'architecture du navire,
notamment son architecture électrique, augmenter significativement sa
production d'électricité et refondre, peut être aussi, ses logiciels.
C'est presque faire sauter une génération.
En outre, les réacteurs nucléaires en seraient presque indispensables afin de produire de telles quantités d'énergies... La refonte aurait été peut être plus accessible à partir d'un navire pouvant plus facilement délivrer la puissance électrique demandée. Et encore, si l'on tentait une telle refonte sur le Charles de Gaulle, il faudrait peut être démultiplier sa puissance électrique qui est, à la base, de 20MW... Les américains semblent estimer comme nécessaire une puissance électrique maximale de 90MW. Peut être qu'ils exagèrent, peut être pas. Quoi qu'il en soit, la seule possession de réacteurs nucléaires d'une telle puissance ne semble pas suffire.
Le grand mystère, c'est le pourquoi du comment le gouvernement anglais n'a pas opté pour des catapultes à vapeur. Il n'est pas dit que les américains refondront leurs actuels CVN avec des EMALS dans les prochaines décennies. L'USS Georges Bush (CVN73) a été livré avec des catapultes à vapeur. Quoi qu'il en soit, il ne semblerait pas que le gouvernement anglais ait cherché dans la direction de cette solution, moins ambitieuse, certes, mais beaucoup plus réaliste. De là à dire qu'ils ont cherché à limiter volontairement l'allonge du groupe aérien embarqué de ces navires, et donc son allonge politique, pour ne pas remettre en cause la nécessité de l'allié américain, alors il y a un pas...
En outre, les réacteurs nucléaires en seraient presque indispensables afin de produire de telles quantités d'énergies... La refonte aurait été peut être plus accessible à partir d'un navire pouvant plus facilement délivrer la puissance électrique demandée. Et encore, si l'on tentait une telle refonte sur le Charles de Gaulle, il faudrait peut être démultiplier sa puissance électrique qui est, à la base, de 20MW... Les américains semblent estimer comme nécessaire une puissance électrique maximale de 90MW. Peut être qu'ils exagèrent, peut être pas. Quoi qu'il en soit, la seule possession de réacteurs nucléaires d'une telle puissance ne semble pas suffire.
Le grand mystère, c'est le pourquoi du comment le gouvernement anglais n'a pas opté pour des catapultes à vapeur. Il n'est pas dit que les américains refondront leurs actuels CVN avec des EMALS dans les prochaines décennies. L'USS Georges Bush (CVN73) a été livré avec des catapultes à vapeur. Quoi qu'il en soit, il ne semblerait pas que le gouvernement anglais ait cherché dans la direction de cette solution, moins ambitieuse, certes, mais beaucoup plus réaliste. De là à dire qu'ils ont cherché à limiter volontairement l'allonge du groupe aérien embarqué de ces navires, et donc son allonge politique, pour ne pas remettre en cause la nécessité de l'allié américain, alors il y a un pas...
Au
final, il est possible d'observer que les deux porte-avions anglais ne
répondent pas aux enjeux énergétiques des catapultes électromagnétiques.
Les accords de Nassau de 1964 aménagent une solide coopération
bilatérale entre Washington et Londres. Manifestement, la communication
ne passe pas entre les deux rives de l'Atlantique sur ce programme. Il
serait surprenant que l'US Navy ait sous-estimé les besoins
électriques des EMALS si l'on considère que le CVN78 voit ses réacteurs
de nouvelle génération posséder une puissance électrique de 25%
supérieure à la génération précédente. Il n'y a donc pas pu avoir de
problème de communication entre les deux rives de l'Atlantique...
Vraiment, il y a de quoi s'interroger sur la volonté du gouvernement anglais : ont-ils jamais voulu installer des catapultes, fussent-elles électromagnétiques ou à vapeur, à bord des deux Queen Elizabeth ?
Vraiment, il y a de quoi s'interroger sur la volonté du gouvernement anglais : ont-ils jamais voulu installer des catapultes, fussent-elles électromagnétiques ou à vapeur, à bord des deux Queen Elizabeth ?
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