Par cette fiche de lecture ce blog, véhicule du cyberespace de son
auteur, évolue dans de nouvelles conditions. Pour ceux qui l'auront
remarqué, le Fauteuil est désormais membre d'un nouveau
webzine : EchoRadaЯ. Pour participer au premier
dossier de ce nouveau webzine, ce blog va tenter de produire quelques
billets sur l'état du monde (naval) en 1914.
Débutons bien et mal en nous intéressant à Deux combats navals
(1925, éditions Flammarion, 3 francs 75) de Claude Farrère et Paul
Chack. Nous commençons bien car nous
allons évoquer la bataille navale de Coronel (1er novembre 1914).
Nous commençons mal car elle ne s'est pas produite pendant "l'été" de
l'hémisphère Nord. Dans l'autre hémispère, et
particulièrement dans le décor de cette bataille, le soleil c'est
comme à Brest : un concept.
N'aggravons pas mon cas en ces temps troublés : nos
deux auteurs ont eu une vie passionnante, si ce n'est plus. Sauf que
Paul Chack, et nous y reviendrons plus tard, fut exécuté
à la Libération. En l'état de mes connaissances, ce n'est pas un
regret.
Il n'est pas anodin de préciser cela car à la lecture de l'ouvrage, le lecteur peut se rendre compte que la "race" est un concept bien ancré dans les esprits. Comment ne peut pas être surpris quand il est possible de lire dedans que l'Allemand n'est pas doué d'imagination ?
Il n'est pas anodin de préciser cela car à la lecture de l'ouvrage, le lecteur peut se rendre compte que la "race" est un concept bien ancré dans les esprits. Comment ne peut pas être surpris quand il est possible de lire dedans que l'Allemand n'est pas doué d'imagination ?
Paru en 1925, Deux combats navals nous
offre un regard de l'époque. Les renseignements qui permettent de
reconstituer les combats proviennent certainement du travail des
attachés navals français, des services de renseignement, de la
presse et d'autres sources. Ensemble de travaux qui a une importance
considérable.
Point de vue d'autant plus intéressant qu'il relate
une époque magnifique : les sous-marins comme les avions ne sont encore
que des curiosités, le combat en ligne est roi (et
c'est lui qui justifie les grades des amiraux) et il s'agit
uniquement de bataille navale. Un décor magnifique pour des combats au
canon, La chapelle reine des marines.
Quel est donc l'enjeu de la bataille des Coronel ?
Une escadre allemande commandée par le vice-amiral Maximilian Von Spee
traverse le Pacifique. Londres craint que Berlin cherche
à vaincre au large de l'Amérique pour s'offrir une liberté totale
pour mener la guerre de course et ainsi sérieusement mettre à mal les
communications alliés au service de l'effort de guerre en
Europe. Face au comte Von Spee, le contre-amiral Christopher
Cradock. Il est surnommé par des officiers français qui ont servi sous
ses ordres de "vieux gentilhomme".
Nos deux escadres se rencontrent le 1er novembre
1914. Le combat dure pas plus de deux heures. Nos deux auteurs nous
relatent comment Von Spee a vaincu Cradock. Dans les faits,
les différences techniques entre les navires, la différence du
niveau d'entraînement entre les équipages, justifient un rapport de
force écrasant en faveur des allemands.
Si Deux combats navals évoque un certain
âge d'or du canon, cela ne veut pas dire que les "armes" sont négligées.
Elles le sont, dans le sens où elles sont à peine
évoquées dans le récit. Mais cette évocation de la place tenue par
la logistique, la guerre électronique et le renseignement suffit à en
montrer l'importance capitale. Sans oublier que le droit
international joue un rôle essentiel dans le façonnage du théâtre
des opérations. Evoquons quelques exemples de ces armes indispensables
qui vont encadrer la bataille de Coronel.
Premièrement, les britanniques se servent de
plusieurs bases navales avancées en Amérique du Sud, dont deux sont
secrètes. Il y a une savante utilisation de ces bases alors que
l'escadre allemande quitte la Chine de peur d'y être bloquée,
traverse le Pacifique de crainte d'être anéantie par les forces
australiennes et japonaises et arrivent en Amérique du Sud où elle
n'a accès qu'aux port neutres, faute de colonie ou de base avancée.
Deuxièmement, quand les deux escadres jouent au jeu
du chat et de la souris, les allemands dissimulent le volume de leur
force en mettant en avant sur les ondes un navire pour
cacher les autres. Les Anglais seront surpris alors qu'ils avaient
casser le code naval allemand, "comme de juste" disent les deux auteurs
(ce qui fait écho à la tradition d'excellence des
services britanniques jusqu'à aujourd'hui).
Troisièmement, le renseignement est un enjeu
crucial. Il est encore organisé à cette époque autour de l'amiral
commandant l'escadre et non pas centralisé à terre. C'est dire
l'importance dans notre bataille des réseaux de communications fixe
et mobile, du réseau diplomatique et des services de renseignement pour
apprécier la position et le volume des forces adverses
ainsi que la situation stratégique.
Enfin et quatrièmement, le facteur juridique est
crucial. A l'époque, la souveraineté des Etats n'existe en mer que dans
le cadre de la mer territoriale (qui s'étend "jusqu'à la
portée des canons"). En temps de guerre, les forces belligérantes
ont le droit de se ravitailler dans les ports neutres, mais uniquement
pendant 24h et seulement trois navires à la fois.
Considérations qui renvoient à l'avantage logistique anglais...
Autre chose, les deux auteurs évoquent les choix
qui s'offraient aux deux amiraux. Pour l'Anglais, il est question de
savoir comment exécuter les ordres : faut-il trouver et
garder les Allemands au contact ? Pour l'Allemand, que faire du
capital victoire remporté à Coronel ? Von Spee se croit condamné et les
auteurs se demandent pourquoi il n'a pas mené une guerre de
course à la manière d'autres raiders de surface allemand, au bilan
déjà bien lourd.
Aussi, à travers ce combat nous retrouvons les
spécificités du combat naval. Les optiques se couvrent de sel. Le soleil
et la lune sont à utiliser comme atout au combat. La mer
formée, en plus de perturber la précision des pièces et d'en user
les servants, empêche l'utilisation des batteries au-dessus de la ligne
de flottaison (un souci constant depuis... des
siècles).
Tout comme il n'est pas inintéressant de relever que la différence de qualité de charbon entre les anglais et allemand rend les premiers plus discrets que les seconds.Le navire doit se faire discret dans l'océan qu'il parcourt et donc échapper à l'oeil humain et, plus tard, électronique.
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