© Armada de la República Argentina. Le P-52 ARA Piedrabuena (2021 - 2051 ?) à Concarneau. |
Le Royaume du Maroc s'est engagé dans la redéfinition de son domaine maritime : ses prétentions déposées devant les instances idoines des Nations unies portent sa superficie de 250 000 à près de 1 000 000 de km², en tenant compte de l'extension de la Zone Economique Exclusive (ZEE) le long du plateau continental. La Marine royale marocaine (القوات البحرية الملكية المغربية) dont les 22 patrouilleurs sont vieillissants recevra l'essentiel des responsabilités et pour affirmer les prétentions marocaines en mer et pour contrôler les espaces maritimes qui lui sont ou seront reconnus. Le projet Patrouilleurs de Haute Mer (PHM) est une des premières pierres du nouvel édifice maritime marocain. Projet où s'opposent Damen, Kership et Navantia. Une offre française audacieuse, mêlant l'État et les industriels, dans le cadre de la relation diplomatique et de la coopération militaire franco-marocaine, aurait des chances de présenter des intérêts mutuellement profitables face aux autres propositions.
Domaine maritime du Royaume du Maroc (1973 - 2020)
Le domaine maritime du Royaume du Maroc était défini par un dahir portant loi n° 1.73.211 du 26 Moharrem 1393 (2 mars 1973) délimitant les eaux territoriales (12 miles nautiques) et la zone de pêche exclusive. Le dahir portant loi n° 1.81 instaurait en 1981 une Zone Economique Exclusive (ZEE - 200 miles nautiques), selon les dispositions de la Convention des Nations unies sur le Droit de la Mer (CNDUM) qui recevait ses premières signatures le 10 décembre 1982 dont celle du Royaume du Maroc. Mais Rabat ne l’a ratifiée que le 31 mai 2007. La zone économique exclusive n'était instaurée qu'entre la localité de Tarfaya, à la frontière avec le Sahara occidental au Sud, et avec Tanger, au Nord, ce qui représentait alors 274 577 km².
L'accord de pêche entre le Royaume du Maroc et l'Union Européenne (UE), entré en vigueur le 28 février 2007, était applicable jusqu’au 14 juillet 2018. Cet accord portait la reconnaissance de la souveraineté et des droits souverains marocains sur les eaux adjacentes aux côtes du Sahara occidental. Mais la plainte déposée devant la Cour de Justice de l'Union européenne par l'organisation non-gouvernementale Western Sahara Campaign aboutissait à l'arrêt du 27 février 2018 qui excluait l'application de l'accord aux eaux du Sahara occidental, dans la droite lignée de l'arrêt du 21 décembre 2016 excluant le Sahara occidental de l'accord de libre-échange UE - Maroc.
Un nouvel accord de pêche était négocié où souveraineté au sein duquel une formule reconnaissant l'administration des eaux adjacentes aux côtes du Sahara occidental par le Royaume du Maroc. L'accord est entré en vigueur le 24 juillet 2018.
Le conseil des ministres et le conseil du gouvernement du Maroc donnaient leur accord à la pleine application de la CNUDM au domaine maritime marocain, étendu à l'intégralité de ses côtes en 2017. Décision dont la transposition législative était préparée par deux projets de loi n° 37.17 modifiant et complétant le Dahir portant loi n° 1.73.211 du 26 Moharrem 1393 (2 mars 1973) fixant la limite des eaux territoriales et n° 38.17 modifiant et complétant la loi n° 1.81 instituant une zone économique exclusive de 200 miles marins au large des côtes marocaines.
Ces textes furent présentés à la commission des affaires étrangères à la Chambre des représentants qui les adoptait le 16 décembre 2019. Le ministre des affaires étrangères, Nasser Bourita, déclarait alors que cette procédure avait été engagée après la négociation avec l'UE sur le nouvel accord de pêche afin ne pas interférer avec sa négociation. La Chambre des représentants adoptait à l'unanimité ces deux projets de loi, le 22 janvier 2020.
Il en résultait une proclamation interne des prétentions marocaines sur un domaine maritime s'étendant de Lagouira, à la frontière avec la Mauritanie au Sud, jusqu'à Saidia, à la frontière avec l'Algérie au Nord-Est. La superficie déclamée atteint, environ, 1 million de km².
Reste la reconnaissance internationale des prétentions marocaines qui passent, notamment, par le dépôt d'un dossier devant les Nations unies, et notamment devant la Commission des Limites du Plateau Continental (CLPC) afin d'essayer de voir reconnaître l'extension de la zone économique exclusive sur une partie du plateau continental (articles 76 à 85 de la CNUDM), c'est-à-dire jusqu'à 350 miles nautiques des côtes, mais aussi par des accords bilatéraux avec les États concernés (Mauritanie, Espagne et Algérie).
Dossier qui a été préparé par une nouvelle délimitation de la ligne de base, les précédents relevés datant de 1973, et une investigation du plateau continental. La constitution de ce dossier a bénéficié de l'admission au service actif du Bâtiment Hydrographique et Océanographique Multi-Missions (BHO2M) Dar al Beida (2018) conçu par Piriou, en collaboration avec le Service Hydrographique et Océanographique de la Marine (SHOM) et qui aura été une étude préliminaire du BH NG au programme Capacité Hydrographique et Océanographique Future (CHOF).
Par ailleurs, la flotte scientifique marocaine bénéficiera de la réception en 2021 d'une troisième unité conçue et construite par Toyota Tsusho Corporation au profit de l'Institut national de recherche halieutique (INRH) qui bénéficiait, en janvier 2017, d'un prêt de 467 millions de dirhams couvrant la majeure partie du coût du navire de 623 millions de dirhams (58 millions d'euros ajustés des données de l'inflation (2019) par l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA). L'INRH disposait d'ores et déjà du Al Amir Moulay Abdallah (2011), acquis auprès du même industriel en 2011 pour 120 millions de dirhams (12 millions d'euros ajustés des données de l'inflation (2019).
L'adaptation de l'outil naval marocain au nouveau domaine maritime
En mettant de côté la question des frégates, la Marine royale marocaine (القوات البحرية الملكية المغربية) fait face au vieillissement de ses patrouilleurs côtiers et hauturiers qui sont au nombre de 22 par comptabilisation, par facilité, de ceux la classe Lazaga (4). Ils se répartissent donc en 6 classes.
Leur moyenne d'âge est de 31 ans : le plus ancien ayant été admis au service actif en 1976 et le plus récent en 2011 : c'est-à-dire que débute la phase de renouvellement complet de tous ces bâtiments - moins un : le Bir Anzaran (2011) - au cours des années 2020.
Le projet Patrouilleurs de Haute Mer (PHM) - pour lequel les discussions techniques et commerciales - auraient débuté au dernier trimestre 2019 a pour objectif d'en remplacer une partie de ces patrouilleurs et la proposition industrielle de Navantia, dévoilée par El País (Miguel González, España negocia la venta de buques militares a Rabat por primera vez en tres décadas, El País, 30 décembre 2019), présente un programme dont la cible ne serait que de deux patrouilleurs.
Cette cible peut sembler désigner le remplacement des Okba (1976) et Triki (1977) de classe Okba - type PR-72, conçus par la Société Française de Construction Navale (1970 - 1996) - car ils ont l'avantage d'être la seule classe de patrouilleurs au nombre de deux et sont, également, parmi les plus veilles unités en service dans la Marine royale marocaine.
Cette cible du programme PHM peut apparaître comme (trop ?) limité car d'autres bâtiments sont frappés par un âge pouvant être qualifiés d'excessifs, comme par exemple :
· le Lieutenant-Colonel Errahmani (1983) de classe Descubierta (Navantia) qui a atteint les 37 ans ;
· la classe Lazaga (El Khattabi (1981), Commandant Boutouba (1981), Commandant El Harty (1982) et Commandant Azouggarh (1982) - conçue par Lürssen (FPB-57) mais mise sur cale en Espagne (Navantia) - dont la moyenne d'âge est de 38,5 ans.
Ce sont donc plutôt une corvette et six patrouilleurs qui apparaissent comme étant prioritairement à remplacer, soit 27,27% de la composante patrouilleurs de la flotte de surface.
Les propositions industrielles
Navantia
La proposition de la société de construction navale civile et militaire Navantia a bénéficié d'une mise en lumière de sa proposition industrielle par le quotidien espagnol El País (Miguel González, España negocia la venta de buques militares a Rabat por primera vez en tres décadas, El País, 30 décembre 2019).
L'offre de Navantia est bâtie à partir de la gamme commerciale Avante et le modèle concerné est présenté comme similaire à celui retenu par les Guardacostas Bolivariano de l’Armada Bolivariana de Venezuela pour son programme Buques de Vigilancia del Litoral (4) : par déduction, il s'agit donc du patrouilleur Avante 1400. Et le coût de la proposition est donné pour, environ, 260 millions d'euros. Mais un différend diplomatique entre l'Espagne et le Maroc semble avoir porté préjudice aux chances de Navantia de l'emporter.
Le calendrier du programme PHM (4ième trimestre 2019) a rencontré, dans le cas de l'Espagne, celui des procédures législatives des projets de loi n° 1.73.211 et n° 38.17 dont l'adoption par la Chambre des représentants, le 22 janvier 2020, a déclenché une passe d'arme diplomatique entre Madrid et Rabat, dont un vol de McDonnell Douglas EF-18A+/B Hornet de l'Ejército del Aire. Les prétentions marocaines chevauchent celles de l'Espagne autour de l'archipel des îles Canaries, le Maroc rejetant pour la délimitation des zones économiques exclusives la méthode dite de la « ligne médiane ». Faute d'un accord bilatéral portant reconnaissance bilatérale de la délimitation des deux ZEE, le différent pourrait, comme pour d'autres États, atterrir devant la Cour internationale de justice de La Haye.
Naval group
Les discussions autour du projet Patrouilleurs de Haute Mer (PHM) auraient vraisemblablement débuté fin 2019 pour la France, en marges d'autres programmes militaires marocains où des industriels français présentèrent leurs propositions. Une partie d'entre-elles devait être sanctionnée par des contrats qui auraient pu être signé à l'occasion de la visite du Président de la République, M. Emmanuel Macron, en février 2020. Mais ce voyage fut annulé et malgré la visite de la ministre des Armées, Mme Florence Parly, le 6 février 2020 au royaume chérifien aucun contrat ne fut signé.
Devant la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat (audition de MM. Stéphane Mayer, président du CIDEF et du GICAT, Éric Trappier, président du GIFAS, et Hervé Guillou, président du GICAN, représentants de l'industrie de défense (en téléconférence), 14 mai 2020), il avait été affirmé par M. Philippe Paul (sénateur du Finistère) que « Naval Group avait enregistré un nombre important de commandes pour l'année en cours [2020], notamment de la part [...] du Maroc » tandis que Hervé Guillou évoquait lui-même le « cas des FDI grecques et des corvettes marocaines, roumaines et chypriotes » : hormis les FDI, il n'est évoqué que des campagnes commerciales pour des bâtiments de la gamme Gowind, au sein de laquelle les OPV 87/90 sont la survivance des Gowind 1000.
Une nouvelle évocation de discussions franco-marocaines au sujet du projet Patrouilleurs de Haute Mer (PHM) était contenue dans la Revue des Forces armées royales (n°399, août-septembre 2020) par le propos rapporté (p. 16) d'une conférence prononcée par le colonel Salahedinne Reizouni (Etat-Major Général (EMG) à l'occasion de la visite du général d'armée François Lecointre, chef d'état-major des Armées, du 10 au 11 septembre 2020. Visite au cours de laquelle furent rappelés par le colonel Salahedinne Reizouni les principaux jalons de la coopération militaire franco-marocaine, portée par l'accord-cadre de 1994.
La société de construction navale militaire Kership - co-entreprise fondée en 2013 par Piriou (55%) et DCNS (45%), renommée Naval Group depuis 2017 - est réputé avoir présenté l'OPV 90 qui semble être la nouvelle dénomination de l'OPV 87 : c'est-à-dire l'Adroit (2012 - 2018). L'Armada de la República Argentina avait retenu l'OPV 87 dans le cadre d'un programme de quatre patrouilleurs hauturiers, comprenant l'acquisition de l'Adroit (2012 - 2018), la construction à Concarneau de trois autres patrouilleurs et les services associés pour 319 millions d'euros.
Damen
La proposition industrielle de Damen n'a pas été mise en lumière dans la presse. Néanmoins, et sans prendre trop de risque, il pourrait s'agir du Patrouilleur de Haute Mer 2400 car ses caractéristiques sont les plus proches de celles des propositions espagnole et française et eu égard à ces dernières, il aurait été étonnant que l'industriel hollandais propose un bâtiment de la gamme SIGMA car tous sont présentés comme des frégates ou corvettes.
Damen
peut se targuer d'avoir obtenu la confiance de la Marine royale marocaine qui
avait acquis deux SIGMA 9813 (Sultan Moulay Ismail
(2012 – 2042 ?), Allal ben Abdellah
(2012 - 2042 ?) et une SIGMA 10145 (Tarik ben Ziyad (2011 -
...). Et l'industriel hollandais est aussi parvenu à fournir cinq Interceptor 1503.
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Navantia |
Naval
group |
Damen |
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Buques
de Vigilancia del Litoral |
Classe
Bouchard |
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Caractéristiques nautiques |
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Longueur (mètres) |
79,9 |
87,00 |
90,00 |
Maître-bau (mètres) |
11,50 |
15,00 |
14,40 |
Tirant d’eau (mètres) |
04,00 |
03,80 |
04,00 |
Déplacement (tonnes) |
|
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Propulsion (MW) |
CODAD (2 lignes d’arbre) |
CODAD (2 LA à pas variable) |
CODAD (2 LA) |
Vitesses (nœuds) |
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Autonomie : |
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Logements |
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Caractéristiques opérationnelles |
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Capacités aéronautiques |
1 x AS.565/H155 |
1 x AS.365/HIL |
1 x NH90 NFH |
Drôme |
2 x RHIB de 7,5 mètres ? |
2 x RHIB de 9 mètres |
2 x RHIB de 9 mètres |
Une nouvelle proposition : OPV 90 NG
L'OPV 90 (Kership) a peut-être toutes les qualités d'un patrouilleur de haute mer, cependant, il manque probablement de quelques qualités commerciales. En France, il est bien trop minoré l'importance, au sein d'une campagne commerciale, d'une belle maquette qui, comme toute réclame efficace, fait appel au subjectif, voire à la passion.
En tout premier lieu, cette maquette se doit d'arborer les couleurs de la Marine royale marocaine, donc non seulement son pavillon mais aussi les tons des peintures employés par ses bâtiments.
La plage avant de l'OPV 90 soit entièrement couverte, depuis le pied du château jusqu'à la proue et d'une hauteur suffisante pour se mouvoir dessous, à hauteur d'homme.
L'artillerie se composera d'une pièce RapidFire Naval 40 mm CTA (GME Nexter - Thales), supplantant le canon téléopéré de 20 mm de la plage avant et d'un SIMBAC RC, disposé sur un roof au pied du bloc passerelle et dans une structure carénée autant que possible avec la plage avant couverte et la structure pyramidale la dominant. Et deux canons téléopérés de 20 mm Narwhal (Nexter) seront installés sur le pourtour de la passerelle : l'un à l'avant-bâbord, l'autre à l'arrière-tribord.
Et l’armement anti-navire consistera dans la disposition, le long de chacune des faces avant de la pyramide, de lanceurs quadruples pour missiles MM40 Exocet Block 3C (MBDA). Une alternative, notamment pour une capacité de tir sous l’horizon radar, serait d’embarquer des lanceurs quadruples ou sextuples emplis de missiles Anti-Navires Légers (ANL)/Sea Venom (MBDA).
Le hangar aéronautique sera fusionné par la suppression des deux niches abritant les deux semi-rigides sous bossoirs à bâbord et tribord qui deviendra ainsi un hangar modulaire (« flex zone », « mission bay », etc) non-cantonné aux seules activités aéronautiques. Les nouveaux volumes permettront l'embarquement de conteneurs pour des besoins logistiques ou bien pour apporter des fonctionnalités supplémentaires au bâtiment grâce à des modules de mission.
Deux ouvertures de 10 mètres de longueur pouvant être fermées par un volet mécanique mobile ou bien une porte mobile remplaceront les deux niches. Un bras mécanique sur rail fixé au toit du hangar permettra de saisir une embarcation semi-rigide de 4 à 9 mètres et sera en mesure de la mettre à l'eau ou bien de la récupérer.
La proue sera légèrement allongée de 3 mètres afin d’accommoder l'allongement des deux rampes de 9 à un peu plus de 12 mètres et son élargissement. La structure des rampes sera renforcée afin d'encaisser la mise en œuvre d'embarcations d'un poids de près du double. Cela permettra la mise en œuvre de drones de surface (Unmanned Surface Vessel (USV) d’environ 11,5 mètres de longueur pour 3,6 mètres de largeur et d’un poids en charge d’environ 9 tonnes.
Les œuvres vives présenteront, à l'avant et au droit de la pièce d'artillerie principale, un dôme sonar qui contiendra le sonar de coque BlueWatcher (Thales) dont l'emploi sera présenté avec la combinaison d'un sonar remorqué à immersion variable CAPTAS-1 (Thales) disposé sur l'une des deux rampes arrière et d'une antenne linéaire remorquée depuis l'autre rampe.
In fine, l'OPV 90 NG reprendra le nouveau concept de lutte asymétrique de la Marine nationale, notamment pour le choix de l'artillerie avec la conduite de tir afférente (PASEO XLR (Safran) ?), mais également une partie des systèmes et matériels considérés pour le programme Patrouilleurs Océaniques (PO).
© BAE Systems. Le Mission-Bay-Handling-System des Type 26. |
Plan Brumaire
L'idée centrale de la manœuvre proposée est de soumettre une offre globale au Royaume du Maroc, en marge du programme PHM, afin de proposer six patrouilleurs OPV 90. Eu égard au coût du programme argentin, la proposition commerciale se chiffrerait à, environ, 478,5 millions d'euros. Et encore car il peut être espérer d'obtenir un effet de série avec ces mêmes OPV 90 argentins actuellement construction tandis que plus le nombre d'unités est important, plus le coût par plateforme est dégressif tandis que les frais fixes (formation, contrat initial de maintien en condition opérationnelle) évoluent peu ou pas.
La différence entre ces 478,5 millions d'euros et le budget de la proposition espagnole, divulguée par El País à hauteur de 260 millions d'euros, peut être drastiquement réduite par quatre leviers d'action :
Le premier consistera dans un assouplissement des conditions d'un prêt bancaire, garanti par l'État, qui permettront au Maroc moins de viser une acquisition conditionnée par la conjoncture économique et financière du programme que par la gestion à long terme de la flotte marocaine.
Le deuxième consistera dans l'acceptation d'un intérêt bien compris par l'État que les recettes fiscales seront plus importantes et intéressantes à long terme plutôt qu'à court terme et que donc l'État-actionnaire pourrait moduler ses ambitions au sujet des dividendes à verser par Naval group.
Le troisième intéressera tout particulièrement le Maroc puisqu'il s'agira de compenser partiellement les dépenses consenties au titre de la proposition faite en marge du programme PHM par un investissement majoré des sociétés françaises Naval group et Piriou au titre de leur candidature, au sein du groupement Chantiers et Ateliers du Maroc/ Naval Group, à l'obtention de la concession (30 ans) du nouveau chantier naval du port de Casablanca. L’Agence Nationale des Ports (ANP) avait déclaré infructueux, le 2 janvier 2020, le résultat de l'appel d'offres lancé début 2019.
Un projet industriel qui pourrait être alimenté par l'entretien d'une ou plusieurs classes de patrouilleurs et pour lequel les deux sociétés françaises pourraient présenter au gouvernement marocain leur retour d'expérience de la conduite du maintien en condition opérationnelle en France et le format des contrats, sans oublier le sujet de la « verticalisation ».
Le quatrième intéressera tout particulièrement la Marine nationale car il sera fait la proposition de la reprise des frégates Mohammed V (2002 – 2032 ?) et Hassan II (2003 – 2033 ?) de classe Floréal par Naval group, selon une somme à négocier entre les deux parties, tandis que la marine française proposera la cession des patrouilleurs Flamant (1997), Cormoran (1997) et Pluvier (1997) du type OPV 54 au profit de la Marine royale marocaine.
Pour la Marine royale marocaine, l'introduction de six PHM du type OPV 90 permettra de remplacer les Mohammed V (2002 – 2032 ?) et Hassan II (2003 – 2033 ?), les Okba (1976) et Triki (1977), la corvette Lieutenant-Colonel Errahmani (1983) ainsi qu'un patrouilleur de la classe Lazaga. Le reste des unités de cette dernière classe sera entièrement remplacée grâce à la cession des OPV 54 (3) qui viendront les OPV 64 (5) marocains. Malgré les différences architecturales et matérielles, ce sont des patrouilleurs très similaires par leur emploi opérationnel.
La question du coût financier pourrait être renversée car ne résidant plus dans le volume financier de la proposition la mieux-disante mais dorénavant dans le coût unitaire de production par patrouilleurs - soit un maximum théorique de 130 millions d'euros par Avante 1400 contre 79,75 pour un OPV 90 - et dans la faculté de la proposition à proposer une meilleure offre opérationnelle et sa faculté à faire bénéficier la Marine royale marocaine d'économies et de souplesse sur sa composante patrouilleurs.
Conséquences pour la Marine royale marocaine
Il en ressortira pour la Marine marocaine la sortie du service des sept unités anciennes, précédemment pointées, ce qui permettra d'ici à 2025 par la livraison de six patrouilleurs de facture neuve et de trois autres ayant encore 7 ans et plus de potentiel opérationnel de rajeunir la composante patrouilleurs qui tombera de 31 ans à 20,64 ans en 2025, le nombre de coque ayant même été porté à 25, en tenant compte de l'élargissement de la base de calcul à la corvette et aux deux frégates.
Trame frégates de la Marine royale marocaine dont l'âge moyen chuterait de 13,28 ans à seulement 7,75 ans ; il est vrai que le format aura été réduit de 7 à 4 unités. Mais en contrepartie la composante patrouilleurs progressera de 22 à 25 coques dont 6 patrouilleurs océaniques et 19 patrouilleurs côtiers.
Et le nombre de classes aura été réduit de 6 à 5,5 pour les patrouilleurs tandis que le nombre de classes de frégates et corvettes chutera de 4 à 2, en assimilant le type SIGMA à une seule classe. Ou dit autrement : la Marine royale marocaine profitera d'une simplification de sa logistique grâce à un nombre de classes, pour sa flotte de surface, chutant de 10 à 7,5.
Sur le plan stratégique, les 6 patrouilleurs pourraient être livrés très rapidement dans la mesure où le chantier naval de Lorient de Naval group a les avantages de ses inconvénients car souffrant d’un creux de charge mais a déjà mis sur cale l’Adroit (2012 -2018) tandis qu’une commande supplémentaire d’OPV 90 permettrait de saturer les capacités du chantier naval de Piriou à Concarneau et les deux travaillant de concert parviendraient à livrer dès 2022.
Sur le plan opérationnel, ces patrouilleurs de haute mer serviront à des missions de longue durée, d’environ 30 jours, dans la zone économique exclusive marocaine. Et Kership sera en mesure de présenter l’intérêt du système à deux équipages pour l’optimisation du cycle opérationnel du bâtiment, permettant de soutenir dans les 200 à 220 jours de mer par année plutôt que 100 à 150 pour un seul équipage.
Et la configuration des patrouilleurs constituera, en outre, des capacités dissuasives puisque renforçant les capacités de lutte anti-sous-marine. Par ailleurs, l’armement anti-navire reposera autant sur la capacité de la Marine royale marocaine à pourvoir les lanceurs en missiles MM40 Block 3C (MBDA) et d’un hélicoptère à bord pour leur désigner la cible que sur la probable incapacité de l’adversaire à pouvoir déterminer si ces mêmes lanceurs seront chargés ou non.
Conséquences pour la Marine nationale
Pour la Marine nationale, la cession par la Marine royale marocaine des frégates Mohammed V (2002 – 2032 ?) et Hassan II (2003 – 2033 ?) et leur adaptation matérielle par Naval group (par exemple, la récupération de canons de 100 mm modèle 68 des Georges Leygues), bénéficiant d'un potentiel opérationnel théorique de 12 et 13 ans, permettrait de renforcer le nombre de frégates dans son absolu, en le portant de 21 à 23 (2022), étant donné que ce sont les frégates anciennement dites de « deuxième rang » dont le nombre progressera de 11 à 13. Aussi, il est remarquable que le format global de la disposition de surveillance maritime pour chaque collectivité ou département d'outre-mer (une frégate, deux patrouilleurs, un bâtiment logistique) sera presque entièrement étendu à la métropole par la présence de ces deux nouvelles frégates.
Dans la pratique opérationnelle, les anciennes frégates marocaines pourraient être rebaptisées Brumaire (2022 - 2032 ?) et Thermidor (2022 - 2033 ?) et idéalement affectées à la base navale de Toulon. La Force d'Action Navale (FAN) bénéficierait, non seulement par deux frégates, mais surtout de deux bâtiments porte-hélicoptères supplémentaires : l'action navale française en Méditerranée serait renforcée par deux unités, pouvant tenir 50 jours d'opérations sans escale, apte à embarquer un hélicoptère léger mais aussi à accueillir 25 commandos-Marine ou d'autres renforts : autant de choses que ne peuvent pas faire des avisos.
Et ce, alors même que la Marine nationale, par sa flotte intérimaire (12 AS.365 N3+ Dauphin) et par ses travaux pour permettre l'embarquer des 11 autres AS.365 déjà en sa possession sera en mesure de les pourvoir en voilures tournantes.
Il peut être proposé que ces deux frégates pourraient se concentrer au titre de la diplomatie navale et de défense françaises au profit de la République de Chypre tandis que les autres frégates pourront se concentrer sur les missions en mer Noire, au large de la Syrie et du Liban mais également au large de la Libye.
Et en même temps, les trois avisos A69, ou plutôt patrouilleurs de haute mer, de la classe d'Estienne d'Orves de la base navale de Toulon (Commandant Ducuing (1983), Commandant Birot (1984) et Commandant Bouan (1984) auront vocation à rejoindre la base navale de Cherbourg afin d'y remplacer les Flamant (1997), Cormoran (1997) et Pluvier (1997). Ainsi, tous les avisos A69 restants (6) et à désarmer entre 2023 et 2028 n'auront plus qu'un unique centre logistique (Brest). La FAN comptera une classe de moins et une concentration des efforts au profit des avisos A69/PHM pour tenter de faire durer les derniers jusqu'en 2028.
Le poids du renforcement de la FAN à Toulon par deux nouvelles frégates de classe Floréal sera largement contrebalancé par l'accroissement soudain de l'âge des patrouilleurs basés à Cherbourg mais aussi par l'état général des avisos A69 qui n'incitent pas à modifier calendrier et cible du programme Patrouilleurs Océaniques (PO) : bien au contraire, le creux des plans de charge industriel rencontrant la pression opérationnelle et l'accélération de la fatigue structurelle des vieilles coques.
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