Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





11 septembre 2017

Irma : gestion défaillante de la crise

© Marine nationale. 10 septembre. "Tout juste arrivés à Saint-Martin, les Marins de la frégate Ventôse déchargent du fret humanitaire pour les populations."
Il n'est pas audacieux mais nécessaire de prétendre proposer quelques remarques au sujet de la gestion de crise autour de l'ouragan Irma et de la qualifier d'ores et déjà de "défaillante" alors que la crise n'est seulement qu'en voie de résolution. Bien des éléments interpellent quant aux décisions à prendre dans l'urgence de la part de l'État mais aussi - et c'est peut-être là le plus important - une apparente incapacité à anticiper un phénomène prédictible et prédit.

La saison des ouragans se déploie, chaque année, entre le 1er juin et le 30 novembre. Cette période correspond à une saison longue, si bien que le cœur de la saison se comprend plutôt du 1er juillet aux derniers jours de novembre. La zone à risque étant à peine plus longue.

La saison


Le NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) affirmait dans ses prévisions le 25 mai 2017 que "l'activité cyclonique a 45% de chance d'être supérieure à la normale, 35% d'être proche de la normale et 20% d'être en dessous de la normale. En termes de nombre de système baptisé, le scénario privilégié par les prévisionnistes de la NOAA et de 11 à 17, dont 5 à 9 atteindraient le stade de cyclone tropical, incluant 2 à 4 cyclones intenses ou très intenses (Cat.3-4-5)." 

Une simple recherche dans un moteur de recherche permet de remarquer que les prévisions de cette administration américaine sont lues et reprises depuis les Antilles jusqu'au Canada, pourtant assez peu concerné par ces phénomènes climatiques. Rien en France.

Le 18 août, Harvey est le huitième ouragan de la saisons. Il est bien signalé que la "saison très en avance puisqu'en moyenne ce huitième système naît autour du 24 septembre." L'alerte est donnée pour la Martinique le jour-même et s'il faiblit en franchissant les petites Antilles, il dévastera le Texas à la fin du mois quand il touchera les côtes le vendredi 25 août. Il serait le pire ouragan depuis Katrina (2005).

Irma est perçue sur les différents senseurs des administrations spécialisées depuis, au moins, le 25 août 2017. Dès le 31 août, Irma inquiète pour un éventuel passage sur les Antilles françaises.Le 5 septembre, il est acté qu'elle visitera Saint Martin et Saint Barthélémy avec une puissance équivalente à Harvey. Son parcours est même prédit heure par heure à partir du 5 septembre, toujours.

"Gestion" de "crise" ?

La crise est la rupture d'un équilibre dans un système qui ne parvient plus à fonctionner convenablement, selon les perceptions des différents acteurs, jusqu'à ce qu'un nouvel équilibre soit échafaudé et que les mécaniques des différents acteurs parviennent à fonctionner comme en temps normal, de nouveau, sans dispositifs exceptionnels pour tenter de gérer la situation.

Il serait difficile de qualifier de signaux faibles une période définie à l'avance, revenant périodiquement sans jamais faillir et une connaissance affinée de l'intensité de la saison grâce à des prévisions dont la qualité se vérifie année après année. Prévisions annoncées avant le début officiel de la saison. 

Premièrement, qui produit l'information ? L'administration américaine NOAA permet d'avoir une connaissance du "théâtre" avec l'élaboration de l' "ordre de bataille adverse". Le NHC (National Hurricane Center), autre administration américaine, est capable de suivre l' "offensive" de l'ouragan et de prédire sa trajectoire heure par heure. Pourquoi une administration nationale n'est pas capable de produire ou reprendre en coopération les informations nécessaires à l'anticipation des risques ? La diffusion de l'information aux acteurs de la prévention des risques semble quelque peu défaillante. Comment se fait-il que le Canada semble se sentir plus concerné que la France des Antilles ? 

Deuxièmement, la centralisation de l'information, absente, ne conduit pas non plus à avoir un centre de commandement pour la région afin d'orienter les forces, le matériel, à l'arrivée de chaque ouragan. Qui commande ? Où est la structure ? Quelle est l'organisation territoriale ? Toute l'administration semble surprise et désemparée. La Zone de Défense et de Sécurité (ZDS) dont le siège est à Fort-de-France (ressort territorial : Guadeloupe, Martinique, Saint-Barthélemy, Saint-Martin) a-t-elle joué son rôle pour estimer ses capacités d'action et demander des renforts, eu égard à la violence de l'ouragan Harvey ?

Troisièmement, si la prévention des risques n'est pas de la gestion de crise, il s'agit de montrer que l'état normal en France est d'une fragilité bien plus importante que celui prévalant, alors, aux États-Unis à cause d'une gestion défaillante de l'information. Alors, la rupture de l'équilibre du système provoquant la crise est plus aisée. Réduisons la portée de la comparaison qui n'est pas raison puisque, en 2005, Katrina surprenait la présidence, le gouvernement et donc les différentes administrations américaines. Ce traumatisme américain est équivalent aux réactions de l'État en France quand un épisode caniculaire survient depuis 2003. 

Quatrièmement, ce qui se joue est donc la célérité de la décision étatique. Il y un risque à prendre entre sur-réagir et ne pas agir. La première option aurait du être privilégiée car, en se fondant sur l'image stratégique dressée par les administrations américaines, ce qui ne servait pas pour Irma aurait eu de très grandes chances de servir plus tard pour les territoires français. Et même si nos concitoyens avaient, au final, étaient épargnés - tant mieux, nos voisins depuis les États-Unis jusqu'au Mexique auraient notablement apprécié une diplomatie humanitaire française.

© Royal Air Force.
Cinquièmement, et comme le dit M. Meszaros (MCF, Lyon III), la gestion de crise est, avant toute chose, de la logistique. Aux États-Unis, le gouvernement peut manquer quelques jours de réaction, il n'en demeure pas moins que les forces armées américaines sont à pré-positionnées et que la bascule depuis d'autres réservoirs de forces peut intervenir rapidement quand il y a dix jours de navigation entre la métropole et les Antilles en France. Les Pays-Bas ne connaissent pas les mêmes désordres qu'en France, notamment au sujet du maintien de l'ordre.

La problématique de l'aéro-mobilité perdure depuis, au moins, le témoignage du colonel "Spartacus" au sujet de l'opération Manta au Tchad...en 1984. Il est hautement critiquable de ne se satisfaire que d'un seul A400M disponible (n'avons-nous pas des voisins européens ? des contrats d'affrètement ?) et de laisser entendre dans les médias qu'il ne peut pas se poser quand un autre A400M, en Angleterre, se pose pour redécoller... d'une plage. Quand bien même il aurait été parfaitement vrai qu'il n'était pas possible d'entretenir de suite, les 6 et 7 septembre une liaison aérienne, une telle communication affiche l'inaction de l'État.

Les deux frégates de surveillance, basées aux Antilles, ne sont pas taillées pour une telle mission. C'est pourquoi un BPC (Bâtiment de Projection et de Commandement) Tonnerre n'est annoncé que le 9 septembre pour un appareillage le 12 septembre (finalement le 11), six jours après le chaos du 6 ! Eu égard à la pratique opérationnelle de la Marine nationale, les planificateurs doivent très certainement savoir quoi emporter pour la situation relevée le 6 septembre ou même au Texas. Un BPC aurait même pu être armé "à l'aveugle" avec une capacité d'action humanitaire fonction des prévisions et être pré-positionné dans une logique de Sea basing.

Conclusion

La crise n'est pas concevable puisque le système de l'Archipel France connaît une saison des ouragans qui est un élément ordinaire, et non pas exceptionnel, du fonctionnement de notre pays. Notre organisation institutionnelle devrait être fonction des risques et menaces. Où est la surprise ? Si Irma est un ouragan important, ce n'est pas, non plus, la tempête du siècle...    
 
Le passage de l'ouragan Irma est une crise car il y a deux défaillances :
  • une défaillance de l'organisation de la sûreté territoriale face aux phénomènes météorologiques ;
  • une autre défaillance dans la chaîne de commandement. 
Les défaillances les plus critiques sont dans la non-préparation aux évènements puisque le lien n'est pas fait entre l'expérience et l'adaptation. Où est la capacité "RETEX" (RETour d'EXpérience) de l'État ? Interpellons notre organisation politico-administrative : qu'est-ce qui a été fait depuis l'ouragan Dean du 17 août 2007 ? Deux livres blancs furent rédigés par la suite (2008, 2013)...
 
Aussi, les contrats opérationnels des livres blancs ne correspondent, finalement, à rien. Le potentiel opérationnel, défini par ces contrats, des forces militaires est immédiatement (sur-)consommé (120 à 130% des contrats) dans les postures diplomatiques et intérieures. Il n'y a pas eu de débat et d'adaptations institutionnelles sur la posture d'alerte à prendre autant contre des États, des Groupes Armées Non-Étatiques (GANE) que face à des aléas météorologiques. L'opération Sentinelle voit l'Armée de Terre boire jusqu'à la lie sa force opérationnelle. Que sont les 10 000 hommes pour le théâtre national ? Tout simplement les 10 000 hommes prévus pour le plan Neptune de la crue centennale à Paris... Nous avons aucune réflexion sur l'engagement des forces armées sur le territoire national.

Le CEMA (Chef d'État-Major des Armées), le général Lecointre, demandait "Serions-nous capables aujourd'hui de nous engager dans l'opération Serval ? La question mérite d'être posée. Nous devons réfléchir, le président de la République est d'accord là-dessus, à une nécessaire modulation du niveau d'engagements, pour ne pas épuiser les forces et être capable de répondre en cas de crise majeure et imprévue." La réponse risque d'être cruelle mais salvatrice si nous réorganisons notre posture civilo-militaire et notre organisation politico-administrative.


3 commentaires:

  1. La Sécurité civile a-t-elle des plans d'intervention conçus pour les crises en outre-mer ? Voilà la bonne question à poser !

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  2. j'aime bien votre article.
    J'ai une remarque supplémentaire : Quand on a commencé à parler d'Irma, j'ai cru que nous avions toujours un Batral aux Antilles. Or, il se trouve que nous avons vendu les deux que nous avions et que le dernier d'entre eux (Dumont D'Urville) a été rapatrié à Brest en Juin dernier.

    Je ne sais pas qui a pris cette décision, mais si la saison des cyclones est à son plein en Septembre, il m'eut semblé intelligent de le garder sur place jusqu'à la fin de ladite saison...

    Je ne suis pas sûr que nous ayons réellement fait des économies.

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    1. Bonjour Drix,

      Merci bien, content que cela plaise !

      Concernant le BATRAL, j'ai lu à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux que, eu égard à l'état de la coque, et du navire en général, il n'était plus vraiment opérationnel. À vérifier mais ce n'est pas la première fois qu'il se dit que c'est la peinture qui soutient la coque... !

      Bien cordialement,

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