© Naval group. Image extraite de la vidéo de présentation du SMX Ocean à EuroNaval 2016. |
La Marine nationale devient client de lancement du drone sous-marin - ou Unmanned underwater vehicles (UUV) - conçu par Naval group : le D-19T (Xavier Vavasseur, « Euronaval: French Navy Becomes Launch Customer of Naval Group’s D-19T UUV », Naval news, 26 octobre 2020). Cette commande semble devoir incarner le contrat de prestation de services d'une durée de six années dévolu à Naval group. Mais les premières réactions ont plutôt trait à ce que cette commande pourrait nous apprendre des futures capacités des Sous-marins Nucléaires d'Attaque (SNA) de la classe Suffren.
La cible finalement arrêtée pour le programme Artémis - Future Torpille Lourde (578 millions d'euros en données corrigées de l'inflation (2019) est de 93 torpilles lourdes F21 dont 65 furent effectivement commandées en 2017 et les 28 suivantes doivent encore l'être. Et celles-ci devaient être complétées, au profit des entraînements et exercices, par la commande de douze torpilles d'exercice puis seulement deux cibles. Elles furent, torpilles d'exercice et cibles, remplacées par un contrat de prestations de services d'une durée de six années dévolu à Naval group, sans que ne soit détaillé à quoi pouvait correspondre ces prestations et ce qu'il allait advenir des torpilles d'exercice et en quoi elles se distingueraient des F21 opérationnelles.
F21
Le Projet de Loi de Finances (PLF) 2017 livre
d'ultimes informations au sujet du programme Artémis – Future Torpille Lourde
(FTL). Cette munition est cruciale à la crédibilité des forces sous-marines
françaises, et, partant de là, à la composante océanique de la dissuasion
nucléaire.
Il semblerait bien qu'il puisse exister un lien direct entre l'abandon de l'acquisition de ces torpilles d'exercice et cibles prévus pour les entraînements et exercices et l'avènement de la D-19T, dérivée de la F21. Ce contrat de prestations de services pourrait dans cet ordre d'idées avoir été la source d'un financement à cet effet. Et il aurait été signé durant l'édition numérique du salon EuroNaval 2020. Et il est bien précisé que ce contrat entre bel et bien dans le périmètre du programme Artémis (- Future Torpille Lourde).
Toutefois, ni le volume financier afférent dudit contrat, ni le nombre de D-19T à produire à cet effet n'ont été précisé : pire, il n'est même pas permis de préciser cette dernière donnée.
Le calendrier de production prévoit l'atteinte de cadences soutenues à la mi-2021 et les premières livraisons des D-19T dès la fin de l'année 2021, c'est-à-dire l'année de l'admission au service actif du Suffren (mi-2021) et du lancement du Duguay-Trouin.
Marine nationale :livraison du 1er lot de torpilles lourdes F21
Hervé Guillou, Président Directeur Général (PDG) de la société Naval group, donnait une conférence de presse au siège de l'industriel à Paris. Faisant, notamment, le bilan de l'année 2019, Hervé Guillou dévoilait qu'un premier lot de torpilles F21 a été livré et accepté par la Marine nationale à la fin du mois de novembre 2019 et que d'autres suivront au cours des prochains mois, des prochaines années. La Marinha do Brasil a été livré sur la même période également d'un premier lot.
La D-19T se présente comme une F21 ayant reçu un camouflage comme livrée avec pour caractéristiques une longueur inférieure à 6000 mm pour un diamètre de 533 mm. Son poids est donné pour être inférieur à 1000 kg : soit, au moins, 550 de moins que la F21 dont la charge militaire est de 200 kg. Son autonomie est supérieure à 30 heures et l'immersion opérationnelle est donnée pour être supérieure à 300 mètres tandis que la vitesse dépasserait les 25 nœuds.
Il convient de relever que ce ne sont que les données de la D-19T et non pas celles d'une autre D-19.
Ce qui est particulièrement intéressant est que le D-19T est donc la version d'entraînement (« T » pour Training ?) d'un drone extrapolé à partir de la F21 grâce, et semble-t-il, à un retrait de la charge militaire au profit d'autres charges utiles afin de pouvoir mener différentes missions comme, par exemple, et selon le catalogue de l'industriel : reconnaissance (ISR), guerre électronique (ROEM ?), entraînement à la lutte ASM, cible sous-marine, lutte contre les mines (en appui du sonar MOAS (Thales), évaluation environnementale rapide, minage et contre-minage.
Si ce drone sous-marin peut être déployé depuis et par un sous-marin, notamment en raison de ses caractéristiques intrinsèques - dont un diamètre (533 mm) et une longueur (~6000 mm) compatibles avec un tube lance-torpilles -, sa mise en œuvre depuis la terre ou un bâtiment de surface est également prévu. Donc, et sauf surprise : le D-19T devrait être employé par un bâtiment servant en appui d'un entraînement ou d'un exercice de lutte anti-sous-marine faisant intervenir ou non des sous-marins dans la Marine nationale.
Il est à se demander si ces premières interactions entre les D-19T et les sous-marins français des classes Rubis, Triomphant et Suffren préfigurent une ou plusieurs expérimentations ayant pour vocation à préparer l'intégration d'un drone (UUV ou AUV) à la panoplie des armes tactiques embarquées à bord des SNA-NG. Il sera intéressant d'observer si l'Agence de l'Innovation de la Défense (AID) publiera un ou plusieurs appels à projets au profit de drones sous-marins mis en œuvre depuis des sous-marins.
En absence de telles actions, et sans que cela ne présage rien d'une potentielle commande de drones D-19, cela n'ouvrirait pas plus aisément la porte à des initiatives concurrentes comme quand Thales poussait l'Autonomous Underwater and Surface System (AUSS) dès 2016 dans des dimensions très similaires à la D-19T et dans l'objectif d'accomplir, peu ou prou, les mêmes missions. Cette proposition se distinguant par une autonomie maximale de deux semaines (Vincent Groizeleau, « AUSS :Quand Thales entreprend de révolutionner les drones sous-marins », Mer et Marine, 17 novembre 2016).
Faute d'ouverture, et à moins que les industriels parviennent à imposer une mise en concurrence en recourant, par exemple, à leurs fonds propres afin de présenter d'autres projets parvenus à maturité en guise d'alternative, ce premier contrat de prestations d'une durée de six années pourrait autant être le ferment d'une rationalisation industriel en cantonnant d'autres acteurs à leurs premières investigations du secteur, par exemple dans la guerre des mines, ou bien servir de tremplin à une confrontation plus ouverte à l'orée des années 2026 - 2030, c'est-à-dire vis-à-vis de la future programmation (2025 - 2031 ?).
L'une des inconnues qui commande tout déploiement à bord de pareils senseurs déportés à bord d'une plateforme sous-marine tel un SNA de la classe Suffren est la capacité à lancer et récupérer l'UUV ou l'AUV par ledit bateau.
Les États-Unis d'Amérique ont largement exploré depuis les années 1990 les phases de lancement et de récupération par l'entremise d'un tube lance-torpilles et les premiers déploiements opérationnels ont lieu depuis la deuxième moitié des années 1990. Et c'est même le TLT qui commande de l'autre côté de l'océan Atlantique la distinction entre UUV et XLUUV : le drone dépassant le diamètre d'un Tube Lance-Missiles (TLM), en l'espèce et au départ d'un des quatre Ohio refondus de la classe éponyme, est de facto un XLUUV.
Mais la pratique américaine s'appuie sur des sous-marins qui s'ils possèdent pour la majorité des classes (Los Angeles, Ohio, Virginia) seulement quatre tubes lance-torpilles à l'instar de leurs confrères français peuvent se targuer, à l'inverse, de bénéficier de silos de lancement vertical, voire même de TLM. En effet, la mise en œuvre d'un UUV depuis un tube lance-torpilles l'immobilise pour ce seul usage en raison de la présence de l'installation nécessaire aux manœuvres de lancement, récupération, sans compter les problématiques liées au reconditionnement de l'engin.
Mais les travaux français en la matière n'ont pas reçu grande publicité, si ce n'est aucune. Par contre, il était précisé lors de la conférence de presse du 12 juillet 2019, tenue à l'occasion et en prélude à la cérémonie de lancement du Suffren par le Président de la République, que de nouvelles capacités seraient conférées aux Barracuda n°4 (De Grasse (2015 - 2024), n°5 (Rubis (2019 - 2026) et n°6 (Casabianca (2020 - 2028).
Le Saphir (1984 - 2019) arrivé pour son désarmement à Cherbourg le mercredi 3 juillet 2019 assistera à la "marche" du Suffren entamée depuis plusieurs jours à direction du dispositif de mise à l'eau. Inaugurant un cycle de près de 40 ans devant voir le lancement de six nouveaux Sous-marins Nucléaires d'Attaque de Nouvelle Génération (SNA-NG), leur vie opérationnelle avant qu'ils ne doivent être à leur tour désarmés. Et ces nouveaux sous-marins bénéficieront de marges d'évolution.
Et trois marges d'évolutions étaient identifiées - le massif peut accueillir un mât supplémentaire, des calculateurs plus puissants peuvent être montés à bord et l'usine électrique pourrait voir sa puissance augmentée - sans qu'il ne soit possible d'affirmer que les nouvelles capacités correspondent aux marges mais plutôt de supposer que les marges d'évolutions sont le socle des futures évolutions annoncées ou non.
Néanmoins, c'est la présentation du SMX Ocean par DCNS - aujourd'hui Naval group - lors d'EuroNaval 2016 qui peut également interpeller par d'autres possibilités d'évolutions matériels comme, et par exemple, l'intégration entre les coques résistantes et hydrodynamiques de propulseurs azimutaux afin de renforcer les qualités d'évolutions des Suffren à petites vitesses et par petits fonds ; l'adjonction d'un système de ravalement d'une antenne linéaire remorquée - la future ALRO - et, enfin, la mise en œuvre d'un UUV depuis un logement installé entre les deux coques et depuis lequel serait libéré le drone (cf. image d'en-tête du billet).
C'est pourquoi il y a matière à s'interrogeait au sujet de cette esquisse présentée en 2016 qui pouvait tout aussi bien servir de vitrine aux marines étrangères auprès desquelles était présenté le Barracuda conventionnel mais également si certaines des caractéristiques mises en exergue pouvaient tout simplement être autant de ballons d'essais envoyés à l'endroit de la Marine nationale.
Et dans cette perspective, l'adjonction d'un « hangar » aux alentours du sas permettant le transfert des nageurs de combat depuis le bord jusqu'au Dry Deck Shelter (DDS) permettrait de libérer la soute à armes tactiques des Suffren d'un ou plusieurs drones et de leurs installations, préservant ou augmentant d'autant le nombre d'armes tactiques. Reste à observer si le système de lancement et de récupération envisagé en 2016 bénéficiera de la mise au point d'un démonstrateur et peut-être même d'études et d'expérimentations afférentes, tout comme si celui-ci bénéficiera d'un partage des « normes » afin de l'ouvrir à d'autres engins et donc d'autres concurrents. Ou bien si le DDS peut devenir à terme une zone modulaire pour drones, à la manière des missions bay de certaines frégates européennes.
L'enjeu opérationnel final étant la capacité des futurs sous-marins à déployer par eux-mêmes un réseau de plusieurs drones leur permettant de décupler la surface surveillée tout en rapprochant lesdits senseurs jusqu'à des petits fonds inimaginables pour des sous-marins (jusqu'à 1 mètre de profondeur ?) et en libérant le bateau-mère des contraintes associées, lui permettant de retrouver la liberté de manœuvre. Il ne manquerait plus que de voir apparaître des drones aériens consommables...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire