Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





01 novembre 2012

Transformer l'outil militaire pour défendre les ressources françaises de l'Océan Indien


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L'Industrie conserve une forte charge politique en France, et dans de nombreux pays. La production de bien manufacturiers serait la plus à même de faire le bonheur des statistiques de l'exportation. Passons outre le fait que la question de la "désindustrialisation" de la France est un débat biaisé puisque nombre d'emplois dans le secteur de l'Industrie ont été externalisé dans les Services depuis une ou deux décennies...
Le nouveau gouvernement, en fonction depuis l'élection présidentielle de 2012, souhaite, comme ses prédécesseurs, relancer le secteur industriel en "France". Signe des temps, nombre de personnes continue encore à résumer la France à ses territoires d'Europe. Il s'agirait de réformer le code minier afin d'aller dans la direction d'une relance de l'exploitation des ressources fossiles des territoires français d'Europe. Or, les français sont gouvernés par un mensonge : la France, un hexagone ? Non, la France est un archipel d'ampleur mondiale.

A cet effet, l'industrie nationale ne se relancera pas en Europe où les ressources du sol semblent soit pauvre, soit négligeable soit problématique à exploiter (cas des gaz de schistes). Mais c'est bien dans la France archipélique qu'il existe des perspectives formidables et dont l'exploitation pourrait marquer un tournant historique. La Guyane a inauguré un état de fait : en 2019, la France sera pays producteur de pétrole. Les réserves pétrolières de cette France d'Amérique du Sud ne sont pas encore totalement délimitées et estimées. C'est une introduction car c'est dans l'océan Indien que les plus grandes réserves de ressources seraient à découvrir. L'avenir offrira donc le choix d'exploiter ces ressources. Partant de là, le sel de la valeur ajoutée des industries réside dans la transformation des ressources primaires, ce qui nécessitera de grandes quantités d'énergies dans une zone où le secteur industriel français n'est pas ou peu développé.

Enfin, l'existence de ressources de taille suffisante pour mériter le qualificatif de stratégique ne pourra qu'attiser la convoitise. Dans cette optique, la République devra faire respecter sa souveraineté et dissuader de tout pillage. Les moyens affectés à ces missions ne consisteront pas en un nombre plus ou moins grands de patrouilleurs hauturiers, mais bien en un bouleversement historique de notre outil de Défense nationale car notre géographique est à un tournant historique.

Si le propos prend comme exemple l'Océan Indien, il peut se tenir dans n'importe quel endroit de l'Archipel français.
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L'Archipel

La France est donc un archipel dont la représentation ci-dessus donne un aperçu de l'ampleur. Il s'agit de deux objets distincts :
  • les différentes îles et les différents îlots qui constituent le territoire de la France et que la République se doit de protéger en vertu de la Constitution. Un point particulier doit être dit concernant la métropole et la Guyane :
    • La première est une île artificielle grâce à la fin du danger continental de la Guerre froide et la disparition de tous les autres que la France avait connu. Mais aussi c'est une île articielle grâce à la construction européenne. C'est l'équivalent moderne des Longs murs d'Athènes.
    • La Guyane bénéficie de l'existence du désert humain qu'est la forêt amazonienne, ce qui assure une certaine protection naturelle, aussi infranchissable que peut l'être la forêt des Ardennes.
  • Les zones économiques exclusives sont l'une des principales créations de la convention de Montego Bay (1982). Elle délimite une zone allant de la mer territoriale (de la ligne de base jusque 12 miles en mer) jusqu'à 188 miles nautiques en haute mer.
Les ZEE ne sont pas un territoire mais l'Etat qui en possède a l'exclusivité de leur exploitation. C'est l'Etat qui en régule l'exploitation. Mais il ne peut pas en interdire le libre passage. Cependant, la création des ZEE relève de logiques américaines (ressources fossiles du plateau continental) et sud-américaines (ressources halieutiques) visant à territorialiser la mer pour interdire à d'autres utilisateurs ses ressources.

Le premier objet stratégique relève du territoire national quand le second est une création internationale qui étend notre souveraineté en mer sur des zones qui ne sont des territoires stricto sensu, mais dont le devenir nous appartient. La jonction des deux objets forment l'Archipel français. De ce simple constat découlera un certain nombre de réalités  et d'enjeux, ce qui fait que toute construction d'outils militaires ne peut que être conçu pour et par l'Archipel. Toute construction qui méconnaîtrait cette chose n'aurait ni pour ambition de respecter la Constitution, ni même de protéger la France, ses habitants et ses intérêts compris.

La région française de l'Océan Indien

Les marins d'autrefois ont donné à la France de nombreux territoires dans l'Océan Indien. Les principaux sont :
  • les archipels de Mayotte (département de la République depuis un référendum de 2011) et les îles éparses dans le canal du Mozambique,
  • les îles de Tromelin et de la Réunion à l'Est de Madagascar,
  • l'ensemble des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) formé par les archipels de Crozet, St-Paul et Amsterdam, Kerguelen et par la terre Adélie.
C'est la réunion de ces territoires, et donc de leur ZEE, qui forme un grand ensemble qui pourraît être nommé "région française de l'Océan Indien" (RFOI ?). Région qui est à l'intersection des axes Nord et Sud de l'Archipel français. Mais qui est aussi légèrement au sud de la route de circumnavigation. Et encore, les territoires français de l'Océan Indien sont aussi au sud des principales routes mondiales du commerce et de l'énergie. Mais cette région peut aussi être l'un des tremplins pour participer aux affaires asiatiques alors que le centre géopolitique du monde tend à se repositionner tout à l'Est du Rimland, en Asie du Sud-Est.

De manière plus particulière, la région française de l'Océan Indien est positionnée face à une grande partie des détroits du Rimland : le Cap, Suez, Bab El-Manded, Ormuz, Malacca et la Sonde. Ce n'est pas une mince position stratégique que d'être à proximité de ces points là qui s'ils venaient à être coupés pourraient alors perturbés l'écoulement des flux maritimes, ce qui perturberait grandement l'économie mondiale.

Néanmoins, il convient de noter que cette région est constitué de deux sous-ensembles géographiques différenciés :
  • une partie Nord qui est en regard de l'Afrique et de Madagascar,
  • une partie Sud qui est baignée de sa proximité avec l'Antarctique.
Qui plus est, cette région possède des dimensions relativement importantes puisqu'elle s'étend d'un axe Nord-Sud de 3000 km et s'étire en largeur sur 2000 km. C'est presque l'ampleur du territoire des Etats-Unis en Amérique du Nord, hors Alaska.

S'il fallait trouver au moins une unité à ce territoire alors cela pourrait être l'exploitation de ses ressources fossiles. Plusieurs îles recèleraient, par leurs zones économiques exclusives, de grandes réserves d'hydrocarbures et de minéraux. La plus-value de l'industrie se réalise dans la transformation des matières premières. Ce qui revient à rechercher un lieu pour cette transformation, et ce lieu est tout trouvé : c'est la Réunion. L'île posséderait suffisamment de place et d'énergie pour mener à bien ce projet. De plus, elle à vocation être le centre de gravité des territoires français de l'Océan Indien.

Ressources

Ces ressources fabuleuses, de quoi sont-elles composer ? Le rapport du Sénat sur la Maritimisation, mais aussi un ouvrage -"France-sur-Mer : l'Empire oublié", nous en offre un aperçu :
  • "Dans le canal du Mozambique, les eaux sous souveraineté française, autour des îles Eparses, disposent de sous-sols semblables à ceux de Madagascar où se trouveraient des réserves estimées à plus de 16 milliards de barils" (rapport du Sénat sur la Maritimisation).
  • "Dans les TAAF, la légine australe est bien exploitée, avec 6 000 tonnes/an dans le cadre d'une pêche extrêmement réglementée qui a fait ces dernières années l'objet d'un contrôle renforcé pour limiter le pillage des stocks par la pêche illégale" ((rapport du Sénat sur la Maritimisation).
  • "La pisciculture concerne la Réunion, Mayotte, la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie, avec des perspectives de développement, mais aussi des freins identifiés" (rapport du Sénat sur la Maritimisation).
  • "La pêche constitue, en effet, un rouage de notre indépendance alimentaire qu'il faut sauvegarder, même si, d'ores et déjà, elle ne peut plus couvrir que 80 % de nos besoins, ce qui pénalise notre balance des paiements, le déficit global de la France sur les seuls poissons étant malheureusement passé en dix ans de 500 000 à 1 million de tonnes" (rapport du Sénat sur la Maritimisation).
  • Il y aurait de fortes suspicions quant à la présence de réserves de pétrole dans l'archipel des Kerguelen. Les campagnes détudes visant à étudier la possibilité d'étendre les ZEE de cet archipel par le biais de la dorsale océanique (KERGUEPLAC) comprennaient divers organismes dont l'IFP (Institut Français du Pétrole). Il n'y a eu ni infirmation, ni confirmation concernant l'existence de gisements d'or noir (et possiblement de gaz) (Travaux hydrographiques aux îles Kerguelen (1996-2003).
  • Il reste à savoir si des ressources minérales seront découvertes dans les ZEE et les territoires français de l'Océan Indien.
Rien qu'avec les réserves de pétrole, estimées, résidant dans les eaux françaises du canal du Mozambique, il y a de quoi relancer, un peu l'industrie nationale. Le Sénat fait bien, aussi, de mettre en exergue que les ressources halieutiques participent de l'enjeu de notre indépendance alimentaire, et de notre diversification des approvisionnements, également.

Les sénateurs ajoutent que : "Les difficultés rencontrées par la pêche française aussi bien en métropole que dans les territoires d'outre-mer militent pour un renforcement des moyens de contrôle et de surveillance maritimes des zones de pêche afin, d'une part, de protéger les stocks dans nos eaux territoriales contre les pêches illégales et la surexploitation de certaines zones et, d'autre part, défendre les intérêts de nos pêcheurs nationaux dont l'activité est essentielle à l'équilibre économique de ces territoires". Il n'y a pas plus clair lien établi entre des ressources qui peuvent s'avérer vitales, les zones économiques exclusives et leur nécessaire protection.

Exploitation

La production d'or noir est un vecteur non-négligeable de création d'emplois : il faudra construire ou louer des navires d'exploration et de forage, avoir recours à des plateformes pétrolières et à des navires pour transporter les ressources extraites jusqu'à leur lieu de transformation.

Les ressources halieutiques ne seront pas en reste puisque la flotte de pêche française pourra trouver des débouchés inespérés et composer avec une politique d'exploitation durable de ces ressources si et seulement si les moyens dédiés à la surveillance maritime seront bel et bien présent.

Si l'exploitation de ces ressources sera source d'une activité industrielle non-négligeable, l'enjeu reste à les transformer afin de pouvoir les exporter dans les Etats riverains, voire dans le monde. Cet objectif nécessite de développer des zones industrielles capables de raffiner le pétrole, ou des conserveries pour conditionner les ressources halieutiques afin qu'elles puissent être consommées. Mais ce genre d'activité requiert d'avoir à sa disposition de grandes quantités d'énergies. C'est tout l'enjeu des énergies marines renouvelables (énergie houlomotrice, marémotrice, éolienne offshore, hydrolienne, etc... - voir à ce sujet le bulletin d'études marine n°153, le rapport du Sénat sur la maritimisation et l'ouvrage "France-sur-mer l'empire oublié").

Mais l'île de la Réunion, lieu potentiel et probable de la transformation des ressources, dispose aussi de l'intérêt non-négligeable d'être une île volcanique. A ce sujet, le modèle de développement par excellence est l'Islande. L'île de l'Atlantique Nord a su tiré parti de son importante activité volcanique et de ses capacités de production d'électrique d'origine hydraulique pour développer de grandes capacités industrielles dans la production de l'aluminium.

Protection (maritime) ?

La Protection est l'une des cinq fonctions stratégiques, érigée par le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008, consistant en la protection de la population et du territoire français (s'entend donc la protection de l'Archipel (?) et de ses habitants). Dans l'esprit du livre blanc, il s'agit de protéger ces deux objets contre les "nouvelles" vulnérabilités : terrorisme, cyberdéfense, trafics illicites et catastrophes industrielle et naturelle.

Le problème, c'est qu'il y a un vide surprenant entre la fonction Protection et les quatre autres. Par exemple, la fonction "Connaître et anticiper" doit permettre d'appréhender les différentes menaces qui pèsent sur le pays grâce aux différentes manières de collecter du renseignement et de le traiter. Et L'anticipation de ces menaces doit éviter qu'elles ne se développent trop au point que la Prévention (autre fonction stratégique) ne puisse plus les traiter. A ce moment là, il ne resterait plus que le choix d'Intervenir (avant-dernière fonction) : c'est-à-dire recourir à une opération militaire qui est coûteuse sous tous ses rapports. La dissuasion est la dernière fonction de l'actuel livre blanc.

Premier écueil, il n'est pas dit que la connaissance et l'anticipation comprenne la collecte de renseignement sur les activités maritimes en liaison avec les intérêts français. Si la création de la fonction garde-côtes (sans rapport aucun avec le livre blanc) a pour ambition de fournir une image globale des activités maritimes intéressants l'intérêt national, il n'est pas dit qu'elle bénéficie des moyens de renseignement d'autres agences nationales. C'est paradoxal puisque le renseignement est l'apanage des puissances qui cherchent à se protéger d'une surprise stratégique car elles n'ont pas les capacités d'y résister par le fait d'une puissance militaire trop faible. C'est souvent l'apanage des puissances insulaires.
Deuxième écueil, et pas des moindres : de quelle fonction stratégique relève la protection de l'archipel, de ses territoires et de ses zones économiques exclusives ? La fonction Protection n'ambitionne pas, du moins explicitement, de remplir cette mission. Et pourtant, elle est essentielle puisque des missions de sauvegarde maritime dépend la crédibilité de la souveraineté française dans les zones économiques exclusives. Sans cette souveraineté, ces zones ne valent plus rien puisque l'Etat régulateur pourra être contourné et ce sera le pillage qui disposera des ressources. A moins d'une incompréhension du livre blanc de 2008, il y a un gros vide.

C'est par ces deux biais qu'il est possible de comprendre en quoi le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale est passée presque complètement à côté de la maritimisation. Pour un travail de prospective... C'est à croire que la pleine mesure de la fin de la Guerre froide n'a pas été prise quand aux évolutions qui sont intervenues dans la géographie de la France (qui est un Archipel).

Donc, l'Action de l'Etat en Mer, comprise dans la fonction garde-côtes, mène les missions de sauvegarde maritime, et est un parent pauvre stratégique. Non prise en compte dans les livres blancs alors qu'elle est gardienne du dernier empire que possède la France. Un empire qui s'étend sur cinq océans, presque tous les océans et qui représente une surface de 11 millions de km², bientôt 13.

Protection ?

La betteravisation est un concept mort-né, obsolète dès son énonciation. C'est la fonction stratégique Protection qui est poussée à son paroxysme car l'Armée de Terre, suite à la fin d'opérations extérieures de longue durée, et "sans perspectives de se réengager dans de telles opérations" (sauf au Mali ? En Somalie ? En Syrie ?), était vouée à rentrer dans ses casernes le temps de régénérer le potentiel.

Ce dernier concept permettrait de rêver l'Armée de Terre comme une grande force de protection du territoire contre les catastrophes naturelles et humaines. Soit dit en passant, que font les pompiers et la gendarmerie ? Boutade, s'il en est, puisque pour ceux qui lisent avec délectation et horreur le récit de la bataille de France de la fameuse année 1940 ne peuvent que se rappeler combien la Gendarmerie nationale a un rôle essentiel, vital dans la protection du territoire national.

Le cas de Fukushima serait un grand exemple militant pour cette approche de la fonction Protection. Ce leitmotiv aurait la puissance nécessaire afin d'amener le Politique à sauvegarder la cohérence de l'Armée de Terre par la fourniture des crédits budgétaires. C'est justement ce en quoi l'accident nucléaire japonais est révélateur : le fait que les forces d'auto-défense japonaises aient pu mobiliser une centaine de milliers d'hommes fait, et il faut le dire, rêver en France. Il n'est pas tant question de savoir si le dispositif de Sécurité civile japonais ait été le plus efficient qu'il soit car, au fond, le plus important est de se raccrocher à un pays capable de mobiliser l'équivalent d'un corps d'armée pour lutter contre catastrophes naturelles et industrielles.
Malheureusement, le but de la guerre n'est pas d'aligner le plus grand effectif possible et disponible mais bien d'assurer la défense nationale. C'est pompeux à dire, mais il est possible de se délecter avant l'heure en pensant à quelle manière il va être possible de défendre le programme Scorpion (et son EBRC), les hélicoptères issus du programme HC4 ou le maintien en service des chars Leclerc avec un concept de potager, plus propre à la Sécurité civile qu'à la Guerre.

L'obsolescence du projet est telle qu'il viole allègrement la constitution : est-ce que la seule métropole mérite protection ?

Dès lors, ce modèle projeté et qui traîne depuis trop longtemps comme référent dans les débats est à abattre : il est incompatible avec la protection des intérêts français de l'Océan Indien (et pis de la France). Ces archipels de cet océan exigent, pour la protection des biens et des personnes, une savante défense qui allie défense en mer (maîtrise des mers, sea denial et sea control) avec des capacités aéroamphibies pour répondre à toutes les menaces potentielles. Si la Protection exige de protéger et les territoires et les ressources des zones économiques exclusives alors la manœuvre débute dans les océans et les mers qui bordent nos deux objets stratégiques. Il s'agit de surveiller, par le travail clandestin d'un agent, l'œil d'un satellite ou depuis la caméra déployée depuis le drone d'un patrouilleur afin de traquer l'intrus. Mais dans un archipel, il peut s'agit aussi de porter secours à une île coupée du monde par une catastrophe naturelle (cas de Haïti) ou bien de la reprendre de vive force car c'est un morceau du territoire national qui a été envahi par une puissance étrangère lors d'une opération surprise (cas des Malouines). Mais il s'agit aussi de préserver les flux maritimes, aériens et les communications immatérielles qui relient les îles de l'Archipel entre elles et avec le monde. Ce dernier impératif dépasse même le cadre de l'Archipel, mais aussi celui de la fonction Protection.

Plus largement, le fait que la France soit un archipel et que la constitution affirme que le territoire de la République est un et indivisible, et qu'il est à protéger, fait que la Marine nationale est la première force armée garante de l'intégrité du territoire. Cela n'enlève en rien à l'impérieuse nécessité de disposer de forces terrestres cohérentes afin d'attaquer toute menace où qu'elle se trouve, et de préférence à sa source, afin de prévenir l'émergence d'une menace plus grande qui pourrait passer cette première barrière de Défense, la Marine, pour venir balayer nos forces terrestres.

Mais il n'en demeure pas moins que la première barrière de Défense est navale, et à ce titre, tous les débats, tous les appels à sauvegarder la seule Armée de Terre, à préserver son assise institutionnel et budgétaire qui en fait la première force armée de France, avec le premier budget, ne peuvent que laisser pantois face à la réalité géographique du pays, de l'Archipel et des enjeux qui en découle.

Il y a une sorte d'anachronisme dangereux à laisser ces tentatives de préserver un ordre ancien et désuet. Comme le disait le général Weygand dans un autre temps "la France croira qu'elle sera défendue et elle ne le sera pas". Le général pourfendait l'Armée construite alors car elle n'offrait pas les garanties nécessaires face à la menace d'un nouveau danger continental qui émergeait. Pire, il se disait que l'habit de l'Armée était trop grand pour elle et l'on cherchait à préserver des effectifs et l'apparence d'une grande puissance alors que l'on avait sacrifié l'essentiel : la capacité d'intervenir pour abattre toute menace naissance.

L'Amiral Castex admettait alors qu'il n'y avait pas manière à discuter de la hiérarchie budgétaire entre l'Armée et la Marine : le danger continental impose de sauvegarder la métropole de tout péril. A cette fin, la Marine doit se concentrer sur la protection de l'Empire, de ses lignes de communication et le préserver de toute invasion. Aujourd'hui, et alors qu'il n'existe plus de grand danger continental pour la France depuis 1989 -et c'est une (r)évolution historique- la priorité ne peut que s'inverser entre l'Armée et la Marine pour la défense du territoire national, de l'Archipel. C'est une question de pragmatisme. Cela découlé intrinsèquement de la géographie du territoire.

Si cette évolution n'était pas prise en compte, si cette inversion de priorité n'était pas non plus prise en compte, alors la citation cruelle de Richelieu reviendra encore : "les larmes de nos souverains ont le goût salé de la mer qu'ils ont ignoré".

Le livre bleu ?

Au final, un nouveau livre blanc va bientôt être offert à la France. Sa réflexion ne va pas s'arrêter à une ou deux années budgétaires difficiles. Mais elle va bien prendre en compte l'état des lieux : c'est-à-dire que la France possède un riche empire maritime. Il faut le protéger, et il contient les ressources pour le faire. A charger pour d'autres de les exploiter selon les modalités qu'ils définiront. L'Océan Indien n'est qu'un exemple, le propos s'applique en tout point de la France.

Des conceptions stratégiques vont être annoncées et il découlera un outil de Défense nationale reforgé. Il sera question de savoir comment cet outil se construira et se réorientera pour aborder la "nouvelle" géographie française, celle qui a été libérée -enfin depuis des siècles que cela été attendu- de ses servitudes continentales. A ce moment là :
  • l'Action de l'Etat en Mer ne pourra plus être un outil subsidiaire, délaissé par les arbitrages budgétaires.
  • Les forces de haute mer continueront à être autant un outil d'intervention extérieur par excellence qu'un outil naval qui par sa capacité à disputer la maîtrise des mers (sea control et sea denial) sera capable d'assurer la légitimité des forces de la fonction garde-côtes qui n'auront pas à craindre d'être engagées par une puissance trop aventureuse sans que celle-ci craigne des représailles.
  • Il ne faudra pas non plus répéter l'erreur de l'entre-deux-guerres : c'est-à-dire ne pas s'arquebouter sur des questions de rang et de rêve du nombre, mais bien construire des forces terrestres capable d'intervenir d'un bout à l'autre de l'Archipel, et se projeter à partir de lui pour étouffer toute constitution d'une menace qui dépasserait, par son ampleur, les moyens nationaux.
La mer sera l'élément essentiel de la manœuvre pour projeter et soutenir les forces terrestres, pour soutenir la puissance aérienne française. L'enjeu n'est plus de construire un corps d'armée pour contenir une invasion qui viendrait par les Ardennes ou par la Belgique. L'enjeu est la défense d'un Archipel, de ses habitants, ses territoires et de ses ressources. Si l'interarmisation des forces peut être un gage d'efficacité, elle ne peut pas non être un frein à un rééquilibrage, salutaire, entre les priorités budgétaires qui vont à chaque Armée. Tous les programmes sont nécessaires, mais ils ne sont pas tous sur le même pied d'égalité quand à la protection des îles de l'Archipel. A titre d'exemple, il est d'une nécessité impérieuse que les programmes de la fonction garde-côtes (BATSIMAR, BSAH, BIS, BMM et AVSIMAR) et des forces de haute mer (PA2 et PA3, FLOTLOG) aboutissent. Aucun artifice, aucun concept, aussi séduisant soit-il, ne pourra ignorer ou espérer cacher la réalité géographique de l'Archipel. Et tout découlera de cette géographie : la manière dont la France pense sa place dans le monde, la manière dont elle construit sa stratégie pour y agir.

Pour aller plus loin :

13 octobre 2012

Chine : un outil aéronaval en construction pour réaffirmer les ambitions géopolitiques de Pékin


© APL. Le porte-avions chinois Liaoning.
Le « porte-avions » de la Marine de l'Armée Populaire de Libération (MAPL) a été admis en service le 26 septembre 2012. Ni le bâtiment, ni le futur groupe constitué autour ne sont opérationnels, Pékin évoquait un bâtiment "école". Son arrivée dans la flotte chinoise est pourtant l'accomplissement des ambitions formalisées dans les années 1980 quand la marine océanique chinoise était imaginée. Et ce premier porte-aéronefs ouvre très certainement la voie à un long apprentissage afin de former un outil opérationnel apte vers 2022.

09 octobre 2012

Qu’est ce qu’un trois-ponts ?

© Léon Haffner, vaisseau trois-ponts sous voile.

L'auteur du blog "Trois Ponts" me fait l'honneur de répondre longuement et de manière très complète à quelques questions concernant ces navires de ligne : un grand merci à lui !


24 septembre 2012

Chine : pas de groupe aéronaval crédible avant 2022


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© Inconnu. Photomontage montrant le porte-aéronefs chinois avec groupe aérien embarqué et un navire d'escorte.

La nouvelle a fait le tour du monde : le "porte-avions" de la Marine populaire de libération a été livré !

Un petit retour en arrière peut être nécessaire : « Racheté en juin 2000 au chantier ukrainien par l'intermédiaire d'un homme d'affaires chinois, la coque, à environ 70% d'achèvement, a été remorquée en 2002 à Dalian ». Il s'agit du Varyag.

 Il est la seconde unité de la classe Kuznetsov qui ne compte pas d'autres navires (outre le Varyag et cette tête de série). Il est question que la coque vendue à la Chine devienne un casino-flottant (un croiseur porte-aéronefs, le Kiev, tête de série de sa classe, a connu un tel destin en Chine. Un navire de la même classe, le Minsk, est devenu un musée).

Il y eu des chancelleries qui ne furent pas dupes de la finalité du projet puisque la Turquie bloqua le passage de ses détroits (des Dardanelles et du Bosphore). La coque eu alors quelques difficultés à quitter la mer Noire. Les détroits turcs ont la particularité d'être sous la juridiction de traités internationaux (comme, par exemple, la convention de Montreux) qui prohibent le passage de navire porte-avions. Le pont plat quitte donc finalement l'Ukraine en 2001 et arrive en Chine, à Dailan, en 2002. Mais, le navire qui est livré n'est doté d'aucun engin de propulsion.
Le Kuznetsov et l'ex-Varyag sont plus des porte-aéronefs que des porte-avions -et la différence est fondamentale. Première chose, les soviétiques les ont conçu comme des "croiseurs porte-aéronefs". Il s'agissait de pouvoir s'affranchir de la convention de Montreux par un artifice juridique.

De plus, la stratégie navale soviétique s'appuyait sur des bastions. Ces zones, au nombre de deux, étaient sous la responsabilité des flottes du Nord et du Pacifique. Il s'agissait pour la marine russe de construire, par diverses actions opérationnelles, des zones interdites à toutes les menaces dans l'optique de sécuriser les vecteurs nucléaires (SNLE principalement) qui pouvaient y patrouiller.

Donc, il y avait nécessité de navires de défense aérienne car l'attaque anti-navires se faisait par avions à long rayon d'action (Tu-95 et 142, par exemple). En outre, il n'y avait pas de projection de puissance dans la doctrine navale russe car elle était essentiellement défensive (mais pas seulement, soit dit en passant). Alors, ces deux navires (ainsi qu'une classe de quatre autres croiseurs porte-aéronefs : les Kiev) sont des croiseurs lance-missiles en tout premier lieu. Le navire tête de série, le Kuznetsov qui est en service dans la Marine russe, permet d'appréhender la chose. Ils (exemple de la classe Kuznetsov) ont donc :
  • une batterie principale composée de missiles : "12 missiles anti-navires SS-N-19 Shipwreck ("Granit" de 555 km de portée) situés sous le pont d’envol au milieu de la piste (la phase de tir interromprait donc les opérations aériennes). La défense anti-aérienne du bâtiment est assurée par 4 groupements de 6 silos à 8 missiles surface-air SA-N-9 (15 km de portée), 4 systèmes anti-aériens CADS-N-1 (2 canons de 30mm et 8 missiles SA-N-11 -8 km de portée- chacun) et 6 canons anti-aériens multitubes de 30mm. Deux lance-roquettes anti sous-marins complètent le tout" ;
  • et d'une batterie secondaire qui repose sur un groupe aérien embarqué : "Le groupe aérien du Kouznetsov se compose généralement de trente aéronefs dont des chasseurs embarqués Su-33, des avions d’entraînement Su-25UTG et des hélicoptères anti sous-marins Ka-27, de guet aérien Ka-31 et de transport d’assaut Ka-29. A l’origine, il était également prévu d’embarquer des chasseurs à décollage vertical Yak-141 Freestyle avant abandon du programme à la chute de l’URSS. Le Mig-29K a quant à lui été testé mais n’a pas été retenu face au Su-33". 
Le problème pour la Chine, c'est que le navire a été livré sans sa batterie principale. Cette dernière prend une place considérable à bord, ce qui fait que le groupe aérien est plutôt limité (30 machines, officiellement) par rapport au tonnage du navire (60 000 tonnes, contre 32 aéronefs et 40 000 tonnes pour le Charles de Gaulle). Le vaisseau n'est pas non plus optimisé, à l'origine, pour les opérations aériennes puisqu'il fallait composer avec un navire hybride (croiseur/porte-aéronefs) avec deux batteries aux solutions architecturales presque contradictoires.

De plus, les deux navires russes (et six avec les quatre Kiev) relèvent de la filière aéronavale des STOBAR (Short take-off but arrested recovery). C'est-à-dire que les aéronefs à voilure fixe décollent à la seule force de leur réacteur et avec l'aide d'un tremplin et ils reviennent apponter sur le navire avec l'aide de brins d'arrêt. Il n'y a pas de catapultes et c'est une différence vraiment fondamentale d'avec la filière CATOBAR (Catapult Assisted Take Off Barrier Arrested Recovery - qui compte comme seuls membres les Etats-Unis, la France et le Brésil). Si la filière STOBAR simplifie l'architecture des navires, elle implique que l'avion embarqué soit inférieur en performances à son homologue terrestre. La chose est simple à constater : un Su-33 qui décolle du Kuznetsov ne le fait pas avec son plein chargement de munitions et de carburant. A contrario, et avec la filière CATOBAR, un Rafale qui est catapulté du Charles de Gaulle a les mêmes performances que celui de l'Armée de l'Air qui décolle d'une base terrestre : ils sont tout les deux aussi chargés. Cette symétrie des performances entre l'avion catapulté et son homologue terrestre est vraie dans l'US Navy depuis les années 50. Dans la pratique, cela aboutit à ce que le groupe aéronaval CATOBAR ait une portée très supérieure au groupe aéronaval STOBAR.

Si l'ex-Varyag arrive finalement en Chine en 2002, il n'entre en cale sèche qu'au cours de l'année 2005. Si ce long retard reste à expliquer (était-ce pour cacher la finalité de l'opération ? Les deux porte-aéronefs musée et casino ne suffisaient-ils pas pour faire illusion ?), il faut noter que le navire ne quitte sa cale que pendant l'année 2011. 6 années de travaux, c'est à la fois beaucoup et à la fois très peu. Il fallait, au mons, motoriser le navire. Par la suite, les chinois l'ont un peu adapté à leurs besoins, comme c'est expliqué par Mer et Marine. Il semblerait que la batterie principale n'ait pas été renouvelée. Mais les chinois n'auraient pas mené les travaux nécessaires pour optimiser les opérations aériennes à bord du navire, comme cela est actuellement réalisé par la Russie sur un autre navire de la classe Kiev qui a été vendu à l'Inde. Il n'y a pas eu d'installations de catapultes de conception russe ou chinoise à bord non plus.

Le navire sert donc à pratiquer de nombreux essais à la mer depuis 2011, et il a surtout fait l'objet d'une mise en service, plutôt que d'une refonte aussi ambitieuse que celle choisie par l'Inde pour un autre croiseur porte-aéronefs.

Pékin présente son porte-aéronefs (puisque ce n'est pas un porte-avions) comme un navire-école. Il y a un décalage entre ce qui se passe en Asie et ce qui est perçu dans divers endroits de l'Occident. Ce décalage en sera que plus dommageable pour ceux qui perçoivent très mal la montée en puissance des capacités aéronavales chinoises.

Dans un premier temps, l'apprentissage de l'outil aéronaval fondé sur un porte-aéronefs sera très long pour la Chine. Comme le faisait remarquer Coutau-Bégarie, il est nécessaire de distinguer deux notions différentes :
  • le groupe aérien embarqué, qui va de paire avec le navire porte-aéronefs,
  • le groupe aéronaval.
Le groupe aérien embarqué n'est pas une notion qui va de soi. Par exemple, dans le colloque du CESM consacré au centenaire de l'aéronautique navale française, Coutau-Bégarie notait qu'il avait fallu attendre les porte-avions Foch et Clemenceau pour que la notion s'impose en France. Entre temps, bien des compétences avaient été perdues entre les porte-avions de la guerre de l'Indochine et de la crise de Suez et l'entrée en service des deux navires de la classe Clemenceau. Les chinois peuvent difficilement passer à côté d'une telle unité organique qui permet de générer, diffuser et de régénérer les compétences opérationnelles.

Pékin a pris les devants. D'une part, la Chine a conclu un accord aéronaval avec le Brésil, en 2010, relatif à la formation des futurs pilotes embarqués chinois. D'autre part, il y a de nombreuses installations terrestres en Chine qui permettent le début de la formation du groupe aérien embarqué et des personnels méconnus mais ô combien indispensables pour sa mise en œuvre (rien que la gestion du pont est tout un art).

La marine chinoise bénéficierait d'une très bonne préparation avant de percevoir son navire-amiral : mais la pratique sur le porte-aéronefs demeure indispensable...

De plus, si la Chine prépare la constitution d'un groupe aérien embarqué et sa mise en œuvre à la mer sur son pont plat, il est à noter que ce groupe est incomplet. Par exemple, il n'y a pas d'aéronefs dédié à l'éclairage de l'escadre ou à la coordination et au soutien des activités aériennes. Ce groupe est donc sans aéronef de guet aérien (AEW dans la terminologie anglo-américaine) et c'est un manque crucial car c'est l'absence de ce genre d'appareils qui a coûté bien des pertes aux anglais lors de la guerre des Malouines (sans compter qu'il semblerait que la Royal Navy ait été incapable de suivre le 25 de Mayo, le porte-avions Argentin).
C'est sans oublier les hélicoptères de sauvetage qui sont, eux aussi, indispensables pour parer à toutes les éventualités. De même que les hélicoptères logistiques sont nécessaires pour faire durer le navire à la mer.

Outre le couple porte-aéronefs/groupe aérien embarqué, il faut pouvoir l'escorter. Ce n'est pas une mince affaire que d'articuler une base aérienne flottante avec, au moins, un escorteur dédié à la lutte anti-sous-marine et un autre à la lutte anti-aérienne. Tout comme il est impensable de nos jours de déployer un porte-aéronefs ou un porte-avions sans sous-marin nucléaire d'attaque pour assurer sa protection (sauf quand la nation détentrice du pont plat ne possède pas de SNA, mais alors elle déploie rarement son porte-aéronefs de manière indépendante). C'est l'escorte minimale pour protéger le porte-aéronefs.

Et c'est sans compter sur le nécessaire train logistique pour faire durer le navire à la mer : il faut autant ravitailler le pont plat que ses aéronefs que son escorte. Tout comme l'escorte doit pouvoir être relevé si besoin est par de nouveaux navires. Cela implique d'avoir une flotte de surface bien dimensionnée par rapport au besoin -même si le navire n'est pas destiné à être projeté loin de sa base (par exemple, le Charles de Gaulle œuvrait au Sud du port de Toulon pendant l'opération Harmattan). L'escorte de SNA (française était insuffisante pendant l'opération Harmattan) doit aussi suivre, et dans ce domaine, la Chine ne déborde pas de sous-marins d'attaque à propulsion nucléaire.

Le porte-aéronefs chinois se prépare à entrer en service depuis l'année 2011 : c'est-à-dire que son équipage prend en main le navire et le porte vers l'état opérationnel en qualifiant les systèmes les uns après les autres. Si le navire est livré en fin d'année 2012 (le 23 ou le 25 septembre, peu importe), c'est qu'il aura fallu au moins une année pour le prendre en main depuis ses premiers essais à la mer.

Dans le même temps, le navire a commencé les essais aéronautiques dont les objectifs sont autant de qualifier les hommes que les machines et l'intégration des deux aussi bien sur le pont d'envol que dans les airs. Il faudra probablement une bonne année pour prendre en main tout cela.

Mais il faudra encore une bonne année, si ce n'est plus, pour adjoindre au pilier du groupe aéronaval son escorte et un train logistique efficace.

Bernard Prézelin, l'auteur actuel de "Fottes de combat", estimait en 2011, que cinq année, au minimum, serait nécessaire à la Chine pour construire un groupe aéronaval crédible (par rapport à ce qui se faisait pendant l'opération Harmattan). Il faudra certainement quelques années de plus car il sera nécessaire à la marine chinoise d'apprendre de nombreux exercices, voire d'interventions militaires.

Dire que le groupe aéronaval chinois ne sera crédible que vers l'an 2022, ce n'est ni exagéré, ni une sous-estimation. La Chine se donne les moyens de préparer l'aventure avant la perception du navire afin de gagner du temps sur les enseignements à tirer de la mer. Elle parviendra à construire l'outil qu'elle ambitionne de se doter, à n'en pas douter. Donc, il serait surfait de craindre que le navire puisse actuellement, et dès sa livraison (comme s'il pouvait être livré "prêt à l'emploi en guerre"), être la pièce maîtresse d'un dispositif naval offensif.

C'est sur le plan de la diplomatie navale que le navire produit ses premiers effets car il est l'objet du fantasme d'une "Chine impéraliste". Tout du moins, il montre que la Chine entend aussi projeter sa puissance aérienne par la voie des mers, au moins au large de ses côtes. Mais en attendant le nécessaire apprentissage, il n'est pas un instrument de combat, ce qui va compliquer les bénéfices politiques à retirer de ses croisières. Cela pourrait même fragiliser sa position : un navire inapte au combat ne va pas dans un théâtre d'opérations où pourrait se dérouler des actions offensives de moyenne ou haute intensité. Et donc, le moral chinois en prendrait un coup terrible puisque le fleuron de la flotte resterait au port ou loin des combats, dans une sorte de "fleet in being". La diplomatie navale peut être à double tranchant.

Le décalage entre la situation opérationnelle du porte-aéronefs chinois d'aujourd'hui et la montée en puissance des capacités aéronavales chinoises dissimulent ce qui pourrait se passer en 2022. Ce navire demeurera très certainement un navire-école (tout comme il sera le centre d'un groupe aéronaval école, à vrai dire) car tant qu'il flottera, il sera une inappréciable source d'enseignements opérationnels pour la Chine. Si jamais il devait ne plus naviguer pour bien des raisons, alors ce serait autant de temps perdu.

Mais si Pékin tient son calendrier, alors la marine chinoise pourrait sereinement faire entrer en service d'autres porte-avions à partir de 2022 (la Chine achète les coques d'anciens porte-avions depuis les années 70 (pour leur déconstruction, officiellement) et elle est soupçonnée de pratiquer la rétro-ingénierie à ces occasions). Les équipages du premier groupe aéronaval auront constitué le noyau dur de la puissance aéronavale chinoise. C'est à partir de ce noyau qu'elle grandira. Les actuelles agitations autour de la livraison du navire font oublier le fait que bien des échos annonçent la construction de porte-avions en Chine. S'ils étaient livrés en 2022, alors la Chine ferait un pas de géant dans le club des puissances aéronavales.

Ce n'est pas vraiment une projection saugrenue puisque :
  • le Japon aura alors au moins quatre porte-aéronefs (avec, peut être, des F-35B),
  • la Russie devrait percevoir un second porte-avions (en plus de ses deux premiers BPC et de son Kuznetsov qui serait alors toujours en service),
  • l'Inde percevra, au minimum, deux porte-aéronefs (l'Air Defense Ship et l'ex-Gorshkov, refondu, Russe),
  • la Corée du Sud aura toujours ses trois Dokdo (et pourquoi pas des F-35B à mettre dessus), 
  • et les Etats-Unis auront toujours un porte-avions basé au Japon, en sus des autres naviguant de la mer d'Arabie jusqu'au Pacifique en passant par l'océan Indien.
Dans une telle mêlée, deux ou trois porte-aéronefs chinois, ce n'est pas difficile à justifier.

Pendant ce temps là, en France, le second porte-avions et le remplaçant du Charles de Gaulle se font attendre... Que sera la puissance aéronavale française dans le contexte des années 2020 ?  

23 septembre 2012

Renforcer la puissance navale française ? Des solutions logistiques originales


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© Inconnu. Les navires de l'opération Myrrhe : le porte-avions Foch, bâtiment de commandement et de ravitaillement Somme, la frégate (ou croiseur léger) Duquesne et le navire-atelier Jules Verne. Un SNA pourrait certainement être partie intégrante de cette escadre.

La logistique navale n'est que trop rarement mise en avant alors qu'elle est parfaitement essentielle. Par exemple, pendant la seconde guerre mondiale, les allemands s'appuyaient intelligemment sur des pétroliers pour allonger le rayon d'action des raiders (les cuirassés de poche par exemple), des croiseurs auxiliaires et des sous-marins. Les alliés eurent bien des difficultés à enlever à l'Allemagne ce bras logistique qui démultipliait le rayon d'action de ses navires. Autre exemple, et plus près de nous, pendant la guerre des Malouines, la capacité de la Royal Navy à durer à la mer ne tenait qu'en sa capacité à ravitailler son escadre combattant en Atlantique Sud depuis la métropole. Si les Argentins avaient visé en priorité les navires logistiques anglais, la fin de cette guerre aurait pu être tout autre (comme dans le cas où les Argentins auraient réussi à se procurer quelques missiles Exocet de plus).

Globalement, il est impossible d'envisager l'action lointaine et durable d'une force navale sans qu'elle puisse s'appuyer sur un train logistique hauturier apte à ravitailler les navires en munitions, combustibles, nourritures et pièces de rechanges. Pour peser sur une crise, les outils militaires adéquats sont appelés à durer. En mer, il est donc nécessaire que le groupe naval puisse durer en face des côtes de la crise. Toutes les fois où la puissance aéronavale française a été engagée, les porte-avions durèrent à la mer, sans séloigner de l'épicentre de la crise -ce qui revient à dire que le lien doit être fait entre la base avancée et l'escadre. Mais cette nécessité de durer à la mer concerne aussi le groupe amphibie (voir la présence du Tonnerre pendant la crise présidentielle ivoirienne) et le groupe de la guerre des mines (voir son action durable (un peu plus de 4 mois) et bénéfique dans la dépollution des eaux koweïtiennes (quand l'Irak avait interdit l'accès de cet Etat à l'US Marines Corps).

Pour satisfaire aux besoins de la logistique navale, il faut, généralement, des pétrolier-ravitailleurs et des navires-ateliers. Ainsi, la Flotte des porte-avions Clemenceau et Foch était, à ses débuts, accompagnée par des pétroliers-ravitailleurs, des transports-ravitailleurs et des bâtiments de soutien logistique. Les derniers servaient plutôt au soutien de différentes divisions navales, grâce à leurs ateliers, dans des lieux éloignés des arsenaux ou directement à la mer. Cette flotte logistique était alors constituée d'unités très spécialisées. Par la suite, au cours des années qui suivirent (de 1970 vers 2000), la flotte logistique se resserra autour d'unités de plus fort tonnage et plus polyvalentes. Il faut dire aussi que, après la mise à la retraite des unités logistiques des années 60, il n'y eu pas vraiment de nouvelles entrées en service de navires logistiques. Outre le pétrolier-ravitailleur Durance et les Bâtiments de Commandement et de Ravitaillement (BCR) Meuse, Var, Marne et Somme (ils sont issus de la même classe, sauf que la tête de série n'a pas de moyens de commandement), il n'y a pas eu d'autres constructions de navires logistiques. Par ailleurs, passé l'an 2010, il ne reste plus que les quatre BCR. Le dernier bâtiment se soutien logistique affecté à la guerre des mines, le Loire, a quitté le service en 2009. Le dernier navire-atelier affecté au reste de la Flotte, le Jules Verne, a été désarmé, lui aussi, en 2009.

Les buts de la guerre navale française ont changé et l'évolution du visage de la flotte logistique l'atteste.

Par exemple, la flotte logistique qui existe en 1960 semble très bien adaptée à la flotte issue de la IVe République qui était très équilibrée et très pyramidale. Les trois types d'unités logistiques navales d'alors -pétroliers, transporteurs et navires-ateliers- devaient, manifestement, permettre de soutenir en de nombreux points de la planète bleue les escorteurs et les sous-marins classiques. Il s'agissait de diffuser la flotte en différentes escadres légère pour combattre là où les adversaires se concentreraient, certainement près des points vitaux du trafic maritime. Les porte-avions ne constituent pas encore le centre névralgique du ravitaillement.

Mais la montée en puissance de la force aéronavale française semble bouleverser la flotte logistique toute entière. Les buts de la guerre navale changèrent aussi. La permanence aéronavale française, matérialisée par la navigation quasi-permanente d'un porte-avions, devient la finalité de la flotte logistique. Qui plus est, la guerre navale change car la puissance navale française, tout du moins, se fait au soutien d'opérations de moins en moins hauturières et de plus en plus côtières. Si les Clemenceau et Foch quittent Toulon et la Méditerranée en 1966, sur décision du général De Gaulle, après le retrait de la France du commandement intégré de l'OTAN, c'est pour la retrouver le 18 décembre 1974 par la décision présidentielle de Giscard d'Estaing. Dès lors, nos deux porte-avions ne cessèrent de projeter la puissance aérienne française de la mer vers la terre afin de peser sur les différentes crises qui apparaîtront.

Il y eu des années 60 à 1974 un passage de témois entre une guerre navale qui se concevait dans l'optique d'une guerre des communications et de batailles de rencontre dans l'Atlantique entre les deux blocs à des missions d'intervention dans le cadre des conflits périphériques et au plus près des côtes. Dès lors, il ne s'agissait plus de soutenir des escadres et des divisions qui combattraient à travers le monde. Mais il s'agit bien désormais d'appuyer l'action d'un groupe aéronaval qui doit durer face à des côtes pour peser politiquement sur le règlement d'une crise. Il y a eu concentration de la logistique navale sur une escadre en particulier. A cette formation, il est possible d'adjoindre deux autres groupes tout aussi essentiels : le groupe amphibie et celui de la guerre des mines. La Marine doit pouvoir escorter le groupe amphibie, indépendamment du groupe aéronaval, nous dit le livre blanc de 2008. D'un autre côté, il est bien difficile d'imaginer l'engagement dissocié des trois groupes navals -et donc un soutien logistique naval à assurer en trois points différents du globe. Mais cela est encore arrivé, récemment : le Tonnerre participait donc à la résolution de la crise ivoirienne alors que le porte-avions était en mission Agapanthe.

La physionomie des escorteurs a également été bouleversée. Premièrement, l'Amiral Nomy expliquait que l'introduction des engins (premier nom des missiles) dans la Marine était l'occasion de concevoir de grands escorteurs : il n'était plus question dans son esprit d'escorteurs spécialisés (anti-aérien et anti-sous-marin) mais bien de frégates polyvalentes car il valait mieux "les construire plus gros et plus cher". L'aboutissement de ce processus là, sous l'influence américaine, était le croiseur à propulsion nucléaire. De l'autre côté, c'est bien l'évolution de la guerre navale française qui réduit les objets à protéger et concentre les missions de protection sur la FOST (Force Océanique Stratégique) et sur le GAn (Groupe Aéronaval). Le passage d'une guerre navale à l'autre entraîne aussi des besoins différents : s'il n'est plus tellement question de lutter contre une marine mondiale comme la flotte rouge, alors il s'agit de réussir à peser sur une succession de crises régionales. Le besoin en escorteurs est moins grands (même s'il y a des paliers à ne pas franchir pour pouvoir continuer à avoir une présence mondiale) mais l'endurance qui leur est demandée l'est beaucoup plus, d'où une croiseurisation des frégates, ce qui amène à disposer de FREMM de 6000 tonnes en charge.

Il y a encore une chose qui a poussé la logistique navale vers la concentration : la propulsion nucléaire. Quid de l'intérêt de posséder un train naval dédié au soutien des sous-marins quand ceux-ci sont devenus les navires les plus libres de la planète grâce à leurs réacteurs nucléaires ? L'adoption de cette propulsion par le porte-avions n'a fait que pousser le processus à son paroxysme.

La Royale dispose donc d'un train de logistique navale très concentré, ce qui a entraîné une croissance en tonnage des plateformes et une réduction du nombre de navires. L'expression des besoins de la Marine a conduit DCNS à proposer les BRAVE pour le programme de remplacement des BCR. Ce programme de renouvellement devrait être notifié dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire (et serait même nécessaire pour sauvegarder l'avenir des Chantiers de l'Atlantique, arsenal devenu indispensable pour la Marine). Il y a une confirmation, par cette matérialisation de la pensée actuelle de l'état-major, du processus entamé depuis les années 70 : quatre unités sont espérées. Il y a donc confirmation d'une flotte (logistique) avec de grandes unités polyvalentes. Le processus de concentration s'accompagnerait, tout de même, d'une certaine croissance car le tonnage unitaire grimperait de 18 000 tonnes (BCR) à 30 000 tonnes (BRAVE). Ce surplus consisterait en la prise en compte qu'il manque quelques capacités opérationnelles depuis le retrait du service des navires-ateliers (Loire (guerre des mines) et Jules Verne). Tout aussi intéressant, il faut noter que les volumes supplémentaires des BRAVE serviront pour transporter hommes et matériels au soutien d'une opération amphibie.

Le problème d'une logique qui est portée à son paroxysme, c'est qu'elle crée des déséquilibres propres à déstabiliser tout le système. Cela a été vu avec l' US Navy qui souffre d'une logique mahanienne qui réduit son nombre de navires et donc sa présence mondiale. Dans le cas de la logistique navale française, la concentration observée, constatée, permet, effectivement, de soutenir le groupe aéronaval et ses branches que sont le groupe amphibie et celui de la guerre des mines. Mais c'est un mouvement qui ampute la Marine nationale des capacités nécessaires pour intervenir dans d'autres endroits de la planète quand la nécessité se fait impérieuse. Il y a des choses qui corrigent naturellement les déséquilibres :
  • l'une des premières choses qui redonne de la souplesse au système c'est la plus grande endurance des plateformes actuelles : les sous-marins nucléaires ont très peu besoin de logistique navale dans le cas français (différent dans le cas américain avec des missions de 7 à 9 mois contre 3 à 4 en France) et les frégates sont désormais conçues pour durer plusieurs mois à la mer, avec comme seuls arrêts logistiques les bases avancées.
  • C'est par ailleurs ces bases avancées qui permettent aux unités de la Marine de prendre appui sur des relais terrestres tout autour de l'arc de crises, et même plus grâce aux territoires français d'Outre-mer. 
  • Enfin, il y a donc cette concentration du soutien logistique navale sur un groupe et ses ramifications qui permettent de supporter un si petit nombre de navires logistiques.
Néanmoins, les hypothèses actuelles d'emploi dissocié du groupe aéronaval et de l'un des deux autres groupes ne sont pas si minces. Dans le cadre de la crise syro-iranienne, il ne serait pas étonnant que le porte-avions soit employé dans le bassin oriental de la Méditerranée quand au large de l'Arabie Saoudite Washington demandera l'aide du groupe de guerre des mines français (car la marine américaine n'a presque plus de capacités dans ce domaine et que le groupe de guerre des mines de l'OTAN, s'il a le mérite d'exister, est relativement restreint).

Corriger les déséquilibres constatés ne serait pas simple quand le budget (éternellement, il faut le dire) est contraint. Néanmoins, c'est peut être possible.

Première possibilité, c'est le BPC. Le navire est constitué de grands volumes, vides, pour permettre l'embarquement d'un groupe aéromobile (constitué de voilures tournantes) et et d'un SGTIA (Sous-Groupement Tactique InterArmes) de l'Armée de Terre pouvant être à dominante blindée (il est peut être imaginable qu'un BPC embarque deux SGTIA pour de "courte durée", mais c'est une autre affaire). La proposition se retrouve en bas des billets de blog : pourquoi ne pas utiliser, ponctuellement, un BPC comme navire-atelier ? Cela supposerait que les ateliers soient modulaires et déplaçable pour ne pas faire d'un BPC un navire définitivement spécialisé après installation de tels équipements. Le monde est bien fait puisque à bord des BRAVE "sur l'arrière, une zone modulable peut servir au stockage de matériel, abriter des ateliers de réparation ou accueillir des troupes et des véhicules". Les hangars à véhicules et hélicoptères des BPC devraient bien pouvoir embarquer de telles installations. La plateforme aurait même de belles qualités nautiques puisque ses grandes dimensions et son fort tonnage lui assure une grande stabilité, caractéristique essentielle pour un navire-atelier où peut se dérouler de la micro-électronique (par exemple). 

De cette première possibilité, il découle deux directions différentes, mais complémentaires :
  • un BPC au soutien du groupe aéronaval,
  • un autre, BPC, au soutien du groupe de guerre des mines ou de missions aéroamphibies devant durer dans le temps (comme la mission Corymbe en cas de crise).
Dans le cas d'un BPC navire-atelier, il pourrait soutenir le porte-avions, ses frégates, son SNA et de ses aéronefs. Il pourrait s'approcher de chacune des unités pendant une opération pour livrer des pièces de rechange, des équipements réparés et faire des ravitaillements complémentaires à ceux opérés par les BCR et les futurs BRAVE. Par la suite, le navire s'éloigne rapidement de l'escadre pour se protéger et se ravitailler lui-même au près d'un port amical ou d'une base avancée.

Dans ce cadre là, l'hélicoptère est le moyen incontournable pour faire rapidement le lien pour opérer les échanges entre les navires logistiques et les unités soutenues. Mais est-ce le seul moyen ? Un BPC logistique pourrait se servir de deux EDA-R pour ravitailler plus rapidement les navires de l'escadre et donc écourté une manœuvre qui demeure risqué dans une zone de guerre.

De là, il faudrait peut être proposer un échange de services entre le porte-avions et l'unité logistique. Clément Ader disait que les aéronefs devaient être entretenus et réparés à bord. Mais dans le cadre d'un BPC-atelier qui ferait le lien entre le porte-avions et la terre, il pourrait fluidifier l'entretien des voilures fixes et tournantes. A quoi bon garder à bord un chasseur qui serait bon pour plusieurs semaines de réparations ? Pourquoi ne pas permettre à un BPC qui ferait la rotation entre une base avancée et le porte-avions d'en apporter un directement depuis la France qui serait entièrement disponible et d'enlever la machine indisponible et qui ne pourrait plus quitter le bord par elle-même ? Le porte-avions pourrait délocaliser les opérations lourdes d'entretien vers le BPC et la terre. Ce nouveau partage des tâches allégerait le bateau porte-avions (et peut être son coût - est-ce que le déplacement des moyens de commandement vers un BPC serait de nature à en faire de même pour le PA2 ?). Mais cela permettrait, aussi, de maintenir un groupe aérien embarqué avec des machines en permanence disponible. Mais un tel changement suppose de disposer d'un hélicoptère lourd apte à réaliser de tels mouvements...

Imaginez une autre hypothèse : le soutien d'un BPC-atelier aux opérations offensives du porte-avions. Grâce à l'aide d'hélicoptères lourds, il serait donc possible de transporter des Rafale du pont d'un BPC vers le porte-avions. Ce dernier envoie tout ses Rafale. A ce moment là, pourquoi ne pas concevoir que les Rafale stockés à bord du BPC soient déplacés sur le porte-avions. La suite de l'idée consisterait à les conditionnés pour constituer la seconde vague de l'attaque et donc, à être catapultés. La première vague, à son retour, pourrait être transvasée du porte-avions au BPC et y serait reconditionnée quand la seconde le serait à bord du porte-avions. Dans cette optique, le BPC devient un considérable multiplicateur de forces. L'idée peut être séduisante car elle offre la possibilité de ne plus se laisser limiter aux 32 aéronefs du Charles de Gaulle (dont 24 Rafale) : le poids opérationnel du GAn face à un groupe aéronaval américain serait beaucoup plus relatif.

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© Marine nationale. BCR Var entouré de l'Andromède et du Croix du Sud.

Si le BPC pouvait devenir navire-atelier, ponctuellement, alors il pourrait servir de navire-base au groupe de guerre des mines. Bien que les futurs chasseurs de mines seront plus hauturiers que les actuels, il n'en demeure pas moins qu'ils auront besoin d'un soutien logistique pour renouveler "leurs munitions" nécessaires à la chasse aux mines (constatations de l'opération menée dans le Golfe persique en 1991). Le BCR Var a d'ores et déjà expérimenté une telle formule lors d'un exercice en 2011. Est-ce qu'un BPC pourrait servir dans une telle mission ? Cela permettrait, en tout cas, de délester les futurs BRAVE de missions qui n'emploieraient pas l'intégralité de leur potentiel et où un BPC démultiplierait la force d'une opération de guerre des mines. La protection du groupe pourrait passer, par exemple, par l'embarquement d'hélicoptères Tigre à bord du porte-hélicoptères. Il serait envisageable, à nombre de chasseurs de mines égale, d'embarquer plusieurs équipages afin de travailler presque nuit et jour (grâce aussi aux ateliers et à l'embarquement de consommables). Surtout que, un BPC, avec son radier, pourra emporter deux drones porte-drones (du programme SLAMF) en plus de ceux des futurs chasseurs de mines. Ce ne serait pas un mince avantage quand l'économie mondiale peut être menacée par le minage d'un détroit.

Enfin, il y a le cas où BRAVE et BPC pourraient être au soutien d'une mission aéroamphibie. Il y a clairement la volonté d'utiliser les BRAVE pour renouveler les équipages lors d'une opération qui dure, mais, et peut être aussi, pour soutenir une opération amphibie. Ce serait une option prise sur le  Sea basing : le BPC servirait de porte d'entrée sur un théâtre et le BRAVE transporterait les troupes à injecter sur ce théâtre.

Dans une autre mesure, il y aurait le cas où le BPC dépasse le cas du navire-atelier pour devenir presque un navire-usine. Il est alors engagé dans une mission qui dure et il a besoin de se faire durer, mais aussi de soutenir des moyens qui lui sont rattachés (comme des aéronefs) ou adjoints (d'autres navires qui ne pourraient pas durer aussi longtemps). Ce serait tout l'avantage de coupler les capacités aéroamphibies d'un BPC avec celles d'un navire-atelier. Une telle utilisation du BPC en Somalie permettrait de se passer de quelques frégates dans un contexte où il est difficile d'obtenir les précieuses frégates de la part des Etats engagés dans l'opération Atalante.

Il y a une toute dernière option. La guerre navale à la française permet de se concentrer avec de grands moyens sur chaque crise internationale qui se présente. Cette manière de faire empêcherait d'être ponctuellement présent en d'autres endroits du globe, avec, certes, des moyens moins important. Mais être présent, c'est le minimum pour pouvoir pesé, et c'est le propre d'une marine à vocation mondiale. Les Russes reconstruisent leur puissance hauturière avec des remorqueurs comme navire logistique. Ces auxiliaires de haute mer font rarement partie intégrante d'une escadre. Et pourtant, ils servent très souvent dans la marine russe à appuyer un déploiement de deux ou trois frégates ou destroyers, notamment au large de la Corne de l'Afrique ou dans le bassin oriental de la Méditerranée.
Le cas du groupe de guerre des mines de l'OTAN a été évoqué : lors de son dernier passage à Brest, le SNMCMG1, était composé de quatre chasseurs de mines et d'un navire de soutien polonais, le Kontradm. Z. Czernick. Ce dernier jauge à peine plus qu'un chasseur de mines (6 ou 700 tonnes). Sa présence demeure un puissant moyen pour faire durer la formation à la mer.
Ce ne serait peut être pas une solution à négliger en France que de constituer une seconde ceinture logistique autour de petites unités, comme des remorqueurs de haute mer polyvalent. Dans cette optique, il y a les programmes BSAH et BMM qui pourraient fournir les unités nécessaires. Les BSAH semblent étudiés pour. Mais pourquoi donc ne pas saisir l'opportunité de fusionner, au moins, ces deux programmes pour avoir ce second rideau logistique ? A l'heure où les relations en Asie se tendent, il faudrait peut être plutôt miser sur le déploiement d'une FREMM (avec commandos, MdCN et Exocet block III (donc MdCN aussi) avec l'appui d'un navire de soutien en Asie du Sud-Est pour faire sentir la présence de la France, sans se couper de la présence du GAn en Méditerranée.

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En tout dernier lieu, il y a le cas des EDA-R (Engin de Débarquement Amphibie Rapide). Ils pourraient constituer le troisième niveau du soutien logistique naval. Ils sont de faible tonnage, ce qui fait leur force le jour où il sera possible de remonter des fleuves dans le cadre d'une opération terrestre. Une version agrandie de ces chalands -soit la taille d'un EDIC- avec une plus puissante motorisation pourrait servir de navire logistique et amphibie rapide. Prépositionné, il pourrait faire le lien entre BRAVE, BPC et la base avancée la plus proche. Hors opération, il pourrait bien servir de patrouilleur hauturier : l'EDA-R demeure un catamaran -ce qui est une formule architecturale assez économique- et il n'est pas impératif qu'il navigue à sa vitesse maximale, mais bien à sa vitesse de croisière économique.

Ce ne sont là que quelques pistes qui sont jetées comme sur un brouillon. Le format se réduira à quatre unités logistiques : les futurs BRAVE. Ceux-ci devraient permettre de remplacer une partie des capacités qui étaient offertes par les navires-ateliers et de soutien. C'est le premier rang du soutien logistique naval. Il n'en demeure pas moins que 4 navires est un format bien léger : il faut considérer que le format en SNA à six unités est insuffisant pour protéger la FOST et soutenir le GAn en Libye, face à Toulon. Donc, il y a ces pistes pour combattre les déséquilibres créés par le système : se servir des BPC comme navire logistique auxiliaire, voire comme navire-atelier. La logique pourrait même être poussé pour en faire des porte-aéronefs auxiliaires afin de participer au soutien des aéronefs du GAn, et pourquoi pas d'augmenter le nombre d'avions pouvant être catapultés par le porte-avions. C'est le deuxième rang du soutien logistique naval. En outre, il ne faudrait pas négliger les "nouvelles" capacités de projections (celles des années 60, aujourd'hui perdues, en réalité) qui pourraient être offertes par l'utilisation de navires dédiés initialement à l'Action de l'Etat en Mer comme d'une flotte logistique. C'est le troisième rang. Parfois, il suffit d'une frégate multi-missions et d'un navire de soutien pour participer à une crise à l'autre bout du monde. Enfin, les nouveaux chalands de débarquement, les EDA-R, et une éventuelle version agrandie, les EDA-R XL, pourraient servir d'unités logistiques de bases pour accélérer la manœuvre logistique lors du ravitaillement d'une escadre ou faire la liaison entre la terre et l'escadre. La version agrandie du nouveau chaland de la Marine servirait de moyen prépositionné pour des transports entre théâtres et de patrouilleur en dehors du service aux escadres. C'est le quatrième rang.

Qu'est-ce que ces propositions représentent sur le plan budgétaire ? Les quatre unités logistiques (BRAVE) sont d'ores et déjà programmées : ne pas les commander, c'est une économie comptable et la perte du statut de marine à vocation mondiale. Il y a d'ores et déjà trois BPC, et dans le cadre des propositions, ce ne serait pas un luxe que de monter à 5 unités, sachant qu'une telle commande en lot offrirait des navires moins coûteux (300 millions l'unité) qu'une commande isolée (400 millions l'unité) -soit dit en passant qu'une commande en série et en lot de 5 BPC aurait coûté autant que la méthode actuelle pour en acquérir quatre unités. En attendant, le quatrième BPC est programmé pour la prochaine loi de programmation militaire. Tout comme les programmes BSAH et BMM qui concerneront des unités de 2 à 3000 tonnes. Enfin, il est prévu de percevoir deux EDA-R par BPC. Et la version agrandie n'a pas quitté le brouillon. Donc, au final, il n'est question que d'un BPC de plus et d'EDA-R XL.

21 septembre 2012

Crédibilité de la doctrine nucléaire nationale face à l’évolution de l’anti-missile balistique, par le général Pinatel


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© DGA. Le SNLE Le Téméraire a été admis au service actif en 1999.

Le général Pinatel me fait l’honneur de m’expliquer son point de vue sur la question de la DAMB (Défense Anti-Missile Balistique) de territoire otanienne (couplée à l’ABM -Anti-Ballistic Missile- américain) et sur ses conséquences sur la dissuasion nationale. Ce qui suit est le résultat de ce dialogue où j’ai pu lui demander si l’ABM américain pouvait avoir quelques conséquences sur l’évolution de notre dissuasion nucléaire.

Quand le général mène la fronde contre la défense antimissiles balistique de territoire de l’EPAA (European Phased Adaptive Approach) de l’administration Obama, l’équivalent de l’ABM américain, en Europe, il aime revenir sur les fondements des dissuasions nucléaires américaine et française.

Les explosions des deux premières bombes nucléaires américaines sur Hiroshima et Nagasaki (1945) s’accompagnent après la guerre d’une volonté de « dominance » des États-Unis qui souhaitent tirer les bénéfices politiques du pouvoir nucléaire et ne le partager avec personne. Dès lors, ils commencent à pratiquer une dissuasion « du fort au faible » c’est-à-dire à développer une capacité de première frappe suffisante pour désarmer tout adversaire potentiel et se mettre ainsi à l’abri de ses représailles. C’est l’explosion de la bombe atomique soviétique (à fission, le 29 août 1949) qui va permettre l’apparition d’un dialogue entre les deux puissances nucléaires. Mais c’est aussi l’apparition d’autres bombes -anglaise, française et chinoise- qui achève de complexifier le jeu nucléaire qui n’est plus un « je » américain. Dès lors, les États-Unis ne peuvent retrouver la suprématie nucléaire, c’est-à-dire une capacité de première frappe sans risque de représailles, qu’en disposant d’un bouclier anti-missile efficace. Ainsi, le RIM-8 Talos, engin anti-aérien de la série « T » des années 60, était semble-t-il une première ébauche d’une défense contre les missiles balistiques pour l’US Navy.

La crise de Cuba de 1962 permet de calmer le jeu et de poser les bases d’un dialogue fructueux (sur le plan nucléaire) entre les deux supergrands, et le traité ABM de 1972 enterre, pendant un temps, toutes prétentions à casser l’équilibre qui s’est construit entre les deux grands.
La dernière bataille de la Guerre froide a été la relance de la course aux armements dans les années 80, dont le point d’orgue est le lancement de l’Initiative de Défense Stratégique (IDS) du président Reagan, qui a conduit à l’épuisement de l’économie soviétique.

L’URSS disparue, l’IDS et ses suites perdureront : le traité ABM n’est plus là, et les États-Unis tentent de saisir l’occasion pour reconstruire une « dominance » de l’espace mondial, tant par des moyens conventionnels que nucléaires. L’ABM doit permettre de retrouver la suprématie nucléaire perdue avec l’apparition de la bombe soviétique et la prolifération nucléaire. La mise sur pied d’un système antimissile efficace permettrait de mettre en échec la dissuasion « du faible au fort » des nouvelles ou potentielles puissances nucléaires.

En effet et c’est une constante, une partie importante des stratèges américains ont toujours refusé la logique de la dissuasion nucléaire car elle revient à accepter, si elle échoue, de subir une première frappe adverse avant de riposter. Or la mentalité «cow-boy» est fortement ancrée chez les militaires et les stratèges américains : c’est celui qui dégaine et qui tire le plus vite qui sort vainqueur de l’affrontement. C’est dans cette logique et, en dehors de tout mandat de l’ONU, que, prenant prétexte de l’existence d’armes de destruction massive en Irak, le texan George Bush junior a décidé la seconde Guerre du Golfe ; c’est pour cela aussi qu’un débat existe actuellement aux États-Unis sur la nécessité de lancer une attaque préemptive contre le potentiel nucléaire iranien en cours de constitution.

Il va s’en dire que le pari est audacieux, au regard des résultats de l’avatar actuel de l’ABM : les missiles GBI (Ground Based Interceptor) ont, au mieux, une réussite de 50%. Ce sont plutôt les missiles SM-3 de l’US Navy (couplés au système AEGIS) qui donnent les meilleurs résultats lors des essais : autour de 70%. Bien entendu, il est difficile de parler d’un bouclier avec une telle passoire. L’interception de missiles balistiques d’une portée de 2000 km, comme celle du missile iranien Sejil 2, est, en effet, très difficilement réalisable car, entre le moment où le tir est décelé et la phase d’impact, on ne dispose que de 15 à 20 minutes pour prendre une décision, lancer un missile anti-missile et espérer toucher une cible qui fonce vers la terre à une vitesse de 4 à 6 km par seconde.

Pour qu’un bouclier anti-missile soit efficace, il devrait être capable d’arrêter à coup sûr un missile équipé d’une tête nucléaire. Cela implique un système en alerte 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, un processus de décision quasi-automatique et surtout une capacité démontrée d’interception de 100%. En effet, on ne peut pas accepter le risque qu’un missile équipé d’une tête nucléaire atteigne son objectif. Or il n’existe aucune preuve qu’un taux d’interception voisin de 100% soit réalisable.

C’est pour cette raison que tous les théoriciens de l’arme nucléaire, et en particulier Lucien Poirier et le Général Gallois, ont bâti une stratégie basée sur la dissuasion nucléaire du faible au fort: signifier à tout agresseur potentiel qu’une attaque qui mettrait en cause nos intérêts vitaux entraînerait automatiquement des représailles nucléaires massives sur ses villes. Dès lors, il n’est pas question de concurrencer les deux grands et de tenter de pouvoir annihiler une force considérablement supérieure. Mais les forces stratégiques françaises doivent pouvoir mener des représailles, même après une première frappe destinée à détruire son potentiel nucléaire. Le vocable utilisé sera l’expression de « capacité de seconde frappe » et les SNLE seront l’incarnation de cette expression. Il y aura également une composante terrestre fixe (le plateau d’Albion).

Le problème inhérent à cette capacité de dissuasion est qu’elle s’apparente à une stratégie du tout ou rien. Que faire donc si les divisions soviétiques menaçaient d’envahir notre territoire? La stratégie de dissuasion est alors complétée par la notion « d’ultime avertissement » que doivent donner à l’adversaire l’arme nucléaire tactique, lui signifiant que nous considérons que nos intérêts vitaux sont mis en cause par son agression. Les forces atomiques nationales vont ainsi s’articuler entre celles dédiées à l’ultime avertissement (Mirage IV, missiles Pluton) et celles devant causer des dommages considérables à un éventuel assaillant, au point de le dissuader de tenter l’aventure.

Les vecteurs nucléaires français ont très bien traversé les épreuves à coup de modernisations successives. D’une part, des « aides à la pénétration » ont même été inclues pour tenir compte des développements en URSS et aux États-Unis, puis face aux développements américains issus de l’IDS. D’autre part, les missiles balistiques français embarqués à bord des SNLE ont évolué du M-2 au M-51. Cette succession d’évolutions a permis d’augmenter considérablement les zones de patrouilles des navires de la FOST (grâce à l’augmentation de la portée des missiles embarqués), et par conséquence, de renforcer leur crédibilité rendant leur localisation encore plus difficile.

Enfin, est-ce que la France doit participer à la défense antimissile balistique de territoire, adoptée dans son principe à l’OTAN ? La réponse découle des explications du général Pinatel : non, ce n’est pas l’intérêt de la France de favoriser tout ce qui peut affaiblir sa capacité de dissuasion nucléaire. Mais surtout, l’EPAA de l’administration Obama (relance des sites de l’ABM américain en Europe suite à l’échec du projet de l’administration Bush -installation de missiles GBI-, qui ne permettait aucune protection des territoires européens contre les menaces balistiques) n’est dirigée, dans les discours, que contre la « menace » iranienne. Dans cette optique, il y aura l’installation et le pré positionnement de missiles SM-3 (les destroyers Arleigh Burke AEGIS/SM-3 de la Rota, Espagne, et d’autres destroyers et croiseurs AEGIS en mer Noire). Hors, et comme l’explique très bien le général dans un de ses billets, la menace iranienne n’existe pas contre l’Europe !

Les développements de l’ABM servent, notamment, et peut être essentiellement, à faire tourner les industries de défense américaines. Une partie des Européens y répondent favorablement en s’équipant de missiles SM-3 pour leurs navires, construits autour du système AEGIS qu’ils ont acquis. C’est par exemple le cas des Pays-Bas qui viennent de franchir le pas en annonçant la mise à jour du système d’armes de leurs navires et l’acquisition de missiles SM-3. Les marines de la Norvège, du Danemark et de l’Espagne pourraient franchir également le pas. Dans ce cas ou bientôt ces cas, il ne s’agit pas tant de répondre à une menace. Comme pour le programme JSF, et surtout, comme pour le contrat du siècle où ces pays ont acquis des F-16, il est question d’acheter la présence américaine en Europe : ces dépenses militaires aux États-Unis compensent les frais de stationnement des troupes américaines en Europe.

Pour conclure, le général Pinatel insiste bien pour affirmer que la dissuasion nucléaire française est crédible et que c’est notre seule assurance pour nous garder de tout acte hostile recourant à des « armes terribles » (discours de l’Île Longue de 2006 du Président Chirac) et qu’elle nous permet de préserver notre rang.