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© INS Vikramaditya durant ses essais à la mer (2012-2013). |
Dans un billet, "le Rafale furtif"1,
j'avais alors exploré une possible voie de développement dudit
appareil. Le modèle est le F-15 américain dont une nouvelle déclinaison a
été développé pour, peut être, parer aux déboires du F-35 : le F-15
Silent Eagle.
La
"furtivisation" est simple mais efficace : synthétiquement, l'appareil
se voit "améliorer" par l'adjonction de soutes "internes" (des CFT ou
assimilés), la correction à la marge d'une cellule trop peu portée sur
la furtivité (les dérives non-inclinées du F-15 par exemple) et une
nouvelle électronique, bien entendu.
Le
but de la manœuvre est, par des modifications bien plus mineures et
moins aventureuses qu'un programme de cinquième génération, de pouvoir
proposer une énième déclinaison des appareils de quatrième génération
dont les programmes sont maîtrisés.
Le
F-15 est devenu Silent Eagle, le F-18 devient Silent Hornet (en haut
d'article) ! Les modifications adoptées sont peu ou prou les mêmes,
relevant de la même logique :
Dans
le contexte du refus de la Russie de présenter le MiG-35 à Bangalore,
les Etats-Unis se sont au contraire activés en présentant en Inde la
dernière version du F/A-18, le Silent Hornet, modernisé avec
l’utilisation de la technologie « stealth« .
Cet
avion est doté de réservoirs de carburant conformes, de réacteurs
améliorés, du système laser multidirectionnel de détection d’attaque
missile SM/LW (Spherical Mmissile/Laser Warning), d’un compartiment
interne de stockage d’armes et d’un nouveau cockpit avec une station
infrarouge intégrée.
La
version présentée à l’exposition est le premier avion développé dans le
cadre du programme International Super Hornet Roadmap, annoncé par
Boeing lors du dernier salon aérospatial de Farnborough. Ce chasseur est
présenté comme une nouvelle génération de la famille Super Hornet qui
bénéficiera d’une capacité de survie accrue, d’une meilleure évaluation
de la situation et sera plus efficace.
"Le
vice-président de Boeing, Vivek Lall, a déclaré que si l’Inde signait
le contrat avec Boeing dans le cadre de l’appel d’offres de la MMRCA
(compétition Medium Multi-Role Combat Aircraft), elle pourrait obtenir
ces technologies. « Nous créons une nouvelle plateforme de combat qui
sera efficace au cours de 30-40 prochaines années », a déclaré Vivek
Lall.
Une telle
déclaration est sans précédent pour cette entreprise américaine. Jusqu’à
présent, seuls les alliés très proches des Etats-Unis obtenaient
l’accès aux technologies de ce genre. Tous les autres se contentaient
des matériels qu’on leur vendait."
Il
y a donc un tournant stratégique, et silencieux, qui s'opère dans
l'industrie aéronautique mondiale : les fabricants américains, leader en
la matière, gardaient les appareils de la quatrième génération en
production pour l'exportation car la cinquième génération ne l'est pas
forcément, elle n'est pas forcément au point non plus (et pas forcément
destinée à tout les pays). Il n'est pas dit que le développement du
PAK-FA russe entraîne un retrait de la vitrine commerciale du même pays
de ses avions de quatrième génération. Désormais, il semblerait que,
contrairement aux annonces triomphantes et face aux nouveaux challenger
(Corée du Sud, Japon), la cinquième génération soit écartée du devant
de la scène. Ce mouvement de "furtivisation" de la quatrième génération
est là pour montrer qu'il y a une alternative crédible. Cela montre
aussi que le besoin d'un appareil de cinquième génération n'est pas
aussi criant que ce que les oracles veulent bien dire. Il est même
possible que la maritimisation des économies soit à l'origine de ce
choix, on le verra que la doctrine du STOBAR gagne en adeptes !
Ce
mouvement du "renouveau" est-il l'un des préludes de la chute du F-35 ?
La quesiton se pose, le programme ne cesse de perdre de son intérêt.
Les attributs de la cinquième génération se réduisent à peau de chagrin :
- la supercroisière ? Une histoire de réacteurs, pas vraiment une histoire de cellule.
- L'électronique
? Le radar AESA ? Est-ce que ce sont des technologies uniquement liées à
la cinquième génération ? Messire Rafale : non. On aurait beau
installer un radar ASEA sur un Spitfire que...
- La furtivité ?
Afin de dépasser le seuil de la discrétion, il faut un nouvel appareil
pour aller plus loin que ces furtivisations qui seront forcément
imparfaites.
Mon intention
n'est pas d'ouvrir un débat sur la cinquième, voir la sixième génération
qu'on lance déjà, et peut être trop vite, mais plutôt de souligner que
ces attributs de la dernière génération ne sont pas des attributs
intransposables à la précédente.
Le renouveau du STOBAR
Paradoxalement, c'est au JSF que l'on doit l'évolution, sinon la "révolution" des porte-aéronefs STOBAR : en ce sens que l'échec relatif du F-35B est peut être l'échec du dernier des Harrier-like, c'est-à-dire d'un appareil ADAV. Bon nombre d'Etats étudient une voie alternative, dont la Suède avec le Sea Gripen et l'Europe avec de fortes demandes d'une navalisation de l'EF-20002. Cependant, aucun Etat, autre que les Etats-Unis, n'étudient de chasseurs ADAV...On voit là une des conséquences de la maritimisation de l'économie mondiale : il y a un nouvel intérêt pour la puissance navale et des puissances émergentes peuvent s'offrir de grands navires de combats, comme les porte-avions, car il y a le besoin de porter la puissance aérienne en pleine mer.Le navire porte-avions devra peut être évoluer sous la pression budgétaire vers ce navire STOBAR3 qui a bien moins de contraintes pour porter des avions : pas de catapultes. La contrepartie est bien sûr que le porte-aéronefs STOBAR aura une capacité moindre que le vaisseau porte-avions. Le fait nouveau, par rapport au porte-aéronefs STOVL, c'est que le rapport coût/efficacité pourraît être bien plus intéressant car l'aéronef sera bien moins coûteux et portera peut être plus d'armements.En exagérant beaucoup, un appareil STOBAR c'est un chasseur terrestre avec un réacteur à poussée vectorielle, on est loin des conceptions délicates des Harrier et JSF !En exagérant encore, un porte-aéronefs STOBAR, c'est un cargo avec un pont plat et un hangar : le retour des porte-avions d'escorte ?
Cette gestion est bien difficile, et des marines risquent d'en être pour leur frais :
- l'Espagne
a un BPE, qui est un LHD américain plus qu'autre chose, mais si le
F-35B échoue, il n'y aura plus d'aéronefs à mettre sur le pont.
- On
s'étonne de la réalisation italienne : le Cavour tend aussi à être un
LHD mais sans radier. Même problème que pour Madrid : s'il n'y a pas
d'avions... que faire ?
Ces
deux cas sont symptomatiques d'une possible erreur : on a voulu coupler
un porte-aéronefs avec un navire amphibie. Il y a une contradiction
entre les deux fonctions car ces navires seront polyvalent mais
excellent en rien, et ils risque d'être inefficaces en définitive. Il
faut se rappeler que les croiseurs porte-aéronefs russes étaient une
formidable chose pour contourner la convention de Montreux, mais en
contrepartie, ils ont des performances aéronautiques bien faibles au vu
de leur tonnage : ils sont bien plus gros que le Charles de Gaulle avec
un groupe aérien similaire, si ce n'est moindre !
Par là, il est peut être nécessaire de théoriser la fonction des navires dans la
Flotte, et que certains "navire-fonctions" ne peuvent pas être mélangés
sans atteindre une "certaine masse critique" (que ce soit en tonnage ou
en capacités).
La question du
STOBAR risque fort de faire débat en France puisque le lancement du
projet du Charles de Gaulle avait été à l'origine d'un grand débat
doctrinal. Le Conseil supérieur de la Marine a très souvent bien du mal à
se décider, ce qui peut laisser pantois si l'on songe qu'avant le PAN
on pensait à un porte-hélicoptère nucléaire !
Plus sérieusement, je ne serais pas étonné que le débat s'ouvre en France sur le choix entre :
- deux porte-avions,
- ou trois porte-aéronefs STOBAR.
Cet
éventuel débat devra se garder d'être trop passionné : un
porte-aéronefs STOBAR restera un navire aux capacités aéronautiques plus
limitées que celles d'un porte-avions puisque les appareils qui
décollent des deux navires n'ont pas le même emport d'armement. En
redonnant dans la caricature illustrative, c'est comme comparer un
Mistral opérant des Alphajet avec un PA2 faisant décoller des Mirage IV4 avec ses catapultes de 90m.
Mon
exagération n'est pas un hasard puisque je ne serais pas étonné que
face à la démocratisation du porte-avions STOBAR, les porte-avions
soient tentés de gagner un horizon plus lointain en opérant des
appareils plus lourd (comme un Su-34 Fullback). L'intérêt, ce serait de
couvrir une surface bien plus grande que celles d'un porte-avions STOBAR
et de pouvoir tirer le premier. Le risque, ce serait d'augmenter une
fois de trop le coût du porte-avions classique.
Retour aux Silent
Dérive-t-on ? Ce n'est peut être pas le cas :
- le coût de la cinquième généraiton a ouvert la voie à une nouvelle déclinaison de la quatrième génération.
- La
conjugaison du coût de la cinquième génération et de la formule
particulière de l'ADAV, elle-même coûteuse avec un rapport coût
efficacité tout aussi douteux, ont fait que le STOBAR est en plein
essor.
Il faut observer qu'il y
a une interdépendance de plus en plus forte entre le choix d'un
appareil de combat moderne et le format d'une marine car l'aéronaval est
de plus en plus subordonnée au choix de l'armée de l'air :
- Le
Brésil et l'Inde en sont de beaux exemples car les marines de ces deux
pays peuvent ou pourront recevoir la version navalisée du chasseur de
leurs armées de l'air.
- L'un des plus beaux exemples est bien sûr
la France, quand notre pays a choisi le Rafale et pour son armée de
l'air et pour sa marine.
Deux questions :
- Face
à la difficulté de développer un appareil de cinquième génération en
France, doit-on furtiviser le Rafale via une nouvelle version (tel que
décrite dans le bilet proposant un "Rafale furtif") ?
- Le STOBAR doit-il être étudié comme solution alternative au CATOBAR pour le PA2 (et PA3) ?
1 "Le Rafale furtif", le Fauteuil de Colbert, 8 novembre 2010 (initialement publié sur Mon Blog Défense le 28 avril 2010).2
Ce qui remet sur le devant de la scène la non-existence du Mirage 2000M
: il est possible que la Royale doive s'expliquer sur la non-commande
d'un Mirage 2000 naval dès le lancement de ce programme. Plus
généralement, au moment du lancement des Mirage 2000 et 4000, il
semblerait que nous ayons eu une absence flagrante de vision
stratégique. La petite histoire des Crusader et des F-18 ne serait que
la conséquence de l'absence de la Marine dans le lancement du Mirage
2000. Même sans cela, je doute toujours que le célèbre chasseur de
l'Armée de l'air ne puisse pas être navalisable : la possible
navalisation du Typhoon remet bien des choses en cause !3
J'aurais aimé que l'on puisse disposer du point de vue de l'Amiral
Pierre Barjot, mais je crains qu'il n'est jamais connu les porte-avions
STOBAR.4 Le PA58 Verdun devait emporter des Mirage IVM de 20 tonnes au catapultage !
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