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Dans les années d'après-guerre la France reconstruisait sa marine. La
IVe République effectua, alors, un travail plutôt fantastique, vu les
conditions du pays, vu ses finances, par conséquent. À l'avènement de la
Ve République des projets emblématiques comme la force aéronavale
autour des Clemenceau et Foch, et la dissuasion, sont très avancés et hérités de la IVe République.
En
ce qui concerne la force aéronavale, les débats ont bien sûr été très,
très violent et houleux entre les partisans du porte-avions d'une part,
avec l'Amiral Pierre Barjot en chef de fille, et les "anti". Ces
derniers n'ont pas de chef de file bien identifié, et ils toujours aussi
vivant de nos jours. Paradoxalement, le porte-avions a bien survécu à
ces débats.
Le Conseil Supérieur de la Marine avait pour mission d'établir le nombre de porte-avions dont la Marine nationale devait avoir à sa disposition. De 1949 à 1953 le nombre évolua de 4 à 3 en passant par une proposition à 6 !
L'Amiral Barjot -qui mériterait bien un navire à son nom au vu de l'énergie qu'il déploya pour promouvoir ce type de navire- est celui qui fit la fameuse proposition des six porte-avions pour la France. L'amiral dira lui même que ce n'est pas irréaliste de demander six pont-plats... de 20 000 tonnes ! A l'heure actuelle, la France en aligne presque trois de la classe Mistral -il faut bien constater que les différences de qualités nautiques et aéronautiques entre l'Arromanches et le Mistral ne sont pas particulièrement frappantes. L'avancement des projets feront que le nombre de navire souhaité tombera à 4, puis 3.
Le troisième navire de la classe Clemeanceau, le PA58 (tout en haut, dont j'ai enfin pu trouver une illustration), devait remplacer l'Arromanches qui finira sa carrière comme porte-hélicoptères d'assaut au service de la force amphibie française (qui a déménagé d'Arzew en Algérie pour Lorient en Bretagne). Le troisième navire devait être inscrit au budget de 1958. La tranche navale est supprimée, le navire est emporté avec.
Le projet est relancé sous la forme du PA59, un "Clemeanceau amélioré" (35 000 tonnes lège, 283m de longueur) afin de fournir un navire apte à opérer une composante aéroportée de la dissuasion sur une plate-forme aéronavale. Les voilures fixes devant porter la bombe devaient être une version navalisée du Mirage IV : le Mirage IVM. L'information est à souligner puisque la Marine sera très, très malheureuse qu'un autre Mirage ne soit pas navalisé (et la possible navalisation de l'Eurofighter va forcer beaucoup de monde à changer sa grille de lecture). L'augmentation du tonnage du navire doit permettre d'opérer des Mirage IVM, via de plus grandes catapultes, de 20 tonnes (contre 15 tonnes max, environ, pour les aéronefs qui ont opéré sur les Foch et Clemenceau).
Le PA59 sera lui aussi abandonné. La raison synthétique en est la constitution de la force de frappe océanique, une dévoreuse de crédits absolument fabuleuse, bien que, avant l'avènement de celle-ci, il semblerait qu'un mécanisme inter-armées de financement de la force stratégique fut en place.
Nous discutions depuis plusieurs années, c'est-à-dire la construction du Charles de Gaulle, sur la pertinence de mettre sur cale un second porte-avions. J'aimerais revenir sur les débats allant de 1949 à 1953 car l'enjeu nucléaire y semble absent, ce qui correspond bien à notre situation actuelle (je dis bien qu'il n'existe pas d'enjeu majeur d'emporter la bombe sur les porte-avions français, sinon nous aurions déjà un sister-ships à l'ex-Richelieu). Le Conseil Supérieur de la Marine voulait 4 navires pour en avoir deux en permanence à la mer en 1949. Au vu des débats anglais, pourquoi ne pas imaginer de faire aussi bien en terme de disponibilité, avec trois navires seulement ? On traite de porte-avions, et il sera bien moins difficile d'en opérer au moins un constamment à la mer, sinon deux car ceux-ci n'auront pas de réforme M51 à faire. Trois porte-avions, cela veut dire que la France peut en déployer un constamment dans les eaux métropolitaines, et un second... "plus loin", dans l'océan Indien par exemple.
Je vous laisse imaginer le potentiel de ce format à l'heure actuelle : un porte-avions à Toulon en attendant Godot et la crise libyenne, un second dans l'océan Indien pour rassurer quelques pays riverains face aux évolutions d'une terrible escadre composé d'un pétrolier-ravitailleur et d'un aviso. L'arc de crise est bien assez grand pour deux navires, et je rappelle que quand la crise coréenne était encore d'actualité, la France était le seul pays au monde, avec les Etats-Unis à opérer un groupe aéronaval dans l'océan Indien pendant que ledit groupe américain était en mer du Japon. Il suffit de parcourir le net pour voir que le déplacement du Charles de Gaulle fait l'attention du monde entier. Par exemple, la blogosphère brésilienne fait état de son déplacement. Là où les commentateurs se perdent, c'est sur l'état de notre diplomatie : ce qui intéresse les chancelleries, et les citoyens de ces chancelleries au fait de ces questions, c'est pourquoi quand les Etats-Unis déplacent un CVN de l'océan Indien à la Méditerranée, le Charles de Gaulle reste à Toulon ? Il y a-t-il un message de la France ? En tout les cas, c'est certainement la vraie interrogation, et la valse des critiques sur la diplomatie française ne dépasse pas nos frontières, n'en déplaise aux révolutionnaires de chambre. Par contre, il se joue un jeux d'échec subtil pour savoir qui du GAN ou de la VIe Flotte est le plus à même d'intervenir en Méditerranée.
Il y a longtemps, j'ai eu l'occasion de lire le commentaire lucide et simplicime d'un citoyen sur la toile. En résumé, il défendait la nécessité d'avoir trois navires. Mieux, il démontrait que c'est le gouvernement lui-même qui avait choisi ce format sans s'en rendre compte ! Il est vrai que c'est un comble, mais... Le petit livre blanc dit bien que si les circonstances économiques et financières le permettent, la commande d'un second porte-avions est nécessaire afin d'assurer la permanence aéronavale. Deux navires, ce n'est pas suffisant, démonstration en est fort simple : dans un monde où le risque asymétrique est devenu le nouveau dogme mahanien, alors comment survivrait notre permanence aéronavale si le porte-avions en mer était victime d'un tel incident ? D'une panne ? Voir même, d'un risque ancestral : une fortune de mer ? Il faut donc trois navires : un en mer, un en IE ou lui aussi en mer et le dernier en IPER.
CQFD : Du PA58 au PA3 ?
Les évènements actuels montrent bien que le porte-avions est un outil très utile. Les débats français portent bien sur le fait que le Charles de Gaulle est à quai, ne nous y trompons pas : même à quai la diplomatie du porte-avions opère..
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