Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





14 juin 2011

Marina Militare : la puissance navale bridée

© Inconnu. Croiseur lance-missiles Giuseppe Garibaldi accompagné de deux autres navires italiens.



Le croiseur italien Giuseppe Garibaldi construit dans les années 30 était modernisé et réadmis au service actif après la Deuxième Guerre mondiale (1939 - 1945). En 1962 le navire est réarmé avec une rampe double d'engins Terrier mais également avec quatre silos à son bord pour embarquer des missiles balistiques Polaris. Ce premier (?) croiseur lanceur d'engins (C.L.E. ?) devait matérialiser leur participation à la force nucléaire multilatérale de l'OTAN (1964 - 1965 ; projets MLF et ANF).


Le numéro 41, octobre 1963, de la revue de l'ACORAM relate l'affaire grâce au travail du journaliste Pierre Nouzy, correspondant du Figaro (son travail a été publié dans l'édition du Figaro du 18 juin 1963), qui a pu interroger le capitaine de vaisseau Baldini, commandant le croiseur : "mais, explique le Commandant BALDINI, il est tout de même beaucoup plus simple et beaucoup moins onéreux de se servir d'un navire comme base de lancement. Pourquoi ? Eh bien, en premier lieu, nous avons pu remplacer le système d'expulsion par air comprimé utilisé à bord des sous-marins atomiques et qui nécessite des compresseurs, par une simple charge de poudre. C'est possible sur un bâtiment de surface; ce ne l'est pas en raison du dégagement de gaz, à bord d'un submersible"

La Marine italienne explore une voie qui, à ma connaissance, devrait être naturelle, et pourtant... personne d'autre à part elle semble avoir entrevue l'intérêt d'un tel dispositif. C'est très fort ! En effet, la Méditerranée est alors un lac otanien : l'Eskadra n'est pas encore tout à fait présente dans les années 60. Les bases aériennes soviétiques sont peu nombreuses à proximité de la Mer intérieure, voir inexistante. Si la Yougoslavie n'a pas encore rompu avec le bloc socialiste, c'est en passe d'être fait. Il était donc envisageable de mettre en oeuvre une dissuasion dont "l'invulnérabilité" ne venait pas tant des qualités de la plate-forme mais plutôt du contexte géopolitique de la zone de lancement (un parallèle avec les "bastions" soviétiques et russes est tout à fait possible).


La limite à ce beau raisonnement est qu'il est nécessaire de disposer d'une version assez évoluée du missile Polaris afin d'atteindre des cibles stratégiques en Russie, sinon, point de dissuasion. Le journaliste du Figaro a également interrogé l'amiral, italien, Michelagnoli :

"la vulnérabilité d'un navire de surface armé de "Polaris" n'est évidente que si on la compare à la situation tout à fait privilégiée dont joit le sous-marin atomique. Elle n'en reste pas moins beaucoup moindre, en raison de la mobilité du bateau, que celle des bases terrestres dont la situation ne peut pas rester inconnue de l'ennemi.

De plus, le navire armé de "Polaris" n'est très vulnérable qu'autant qu'il reste une exception attirant une surveillance de l'ennemi constante. Répandu à de très nombreux exemplaires, il se perdra facilement dans l'anonymat. la capacité de représailles d'une flotte de surface ainsi équipée garde donc toute sa valeur.

Une grande partie de l'intérêt des sous-marins atomiques est de pouvoir s'approcher avec le minimum de risques à faible distance des côtes ennemies pour lancer ses fusées. Cette facilité d'approche a beaucoup moins d'intérêt pour les flottes qui opèrent en Méditerranée, à distance généralement "utile" des cibles à atteindre
.

L'Italie souhaite donc allier la géographie navale des futures zones de patrouille au contexte géopolitique, à la multiplicité des navires et leur faible coût de construction.

L'amiral Michelagnoli se charge, donc, d'achever ce modèle très intéressant : "l'installation de fusées "Polaris" sur un bateau de surface donne à celui-ci une ambivalence parfaite. Elément de "deterrent", il n'en reste pas moins disponible pour toutes sortes de missions afférentes à un conflit du type conventionnel, alors que le sous-marin lanceur de "Polaris" ne sera jamais qu'une arme de dissuasion".


Dans un dernier extrait, l'amiral italien éluder la possibilité d'installer des missiles balistiques sur des navires de commerce. Cette utilisation des navires de commerce permettrait, pour l'amiral, de cumuler les défauts d'un navire civil par rapport à un navire militaire. Ce n'est pas sans rappeler les croiseurs auxiliaires allemands. C'est toujours d'actualité avec des missiles Club-K intégrés dans des conteneurs et pouvant, par définition, parcourir le monde en toute impunité, ou presque, à bord de navires de commerce : n'est-ce pas là la définition de la dissuasion ?

Ces essais italiens avec des maquettes de missile Polaris avait pour décor la proposition américaine de créer une force nucléaire multilatérale au sein de l'OTAN. La Marina militare aurait pu prendre un très sérieux avantage stratégique sur la France dans la Méditerranée et à moindre frais, en comparaison de l'effort financier français pour produire les navires de la classe Le Redoutable.

Le refus du porte-avions

Un autre journaliste du Figaro, Philippe Noury, avait pu interroger lui aussi un officier général de la Marine italienne. Il s'agissait de l'Amiral Enzo Zanni. L'entretien est paru dans le Figaro du 17 juillet 1962 et a été reproduit partiellement dans le numéro 40 (juillet 1962) de la revue de l'ACORAM. L'Amiral définit dans l'entretien la politique navale italienne :

"en cas de conflit, la mission qui incomberait à notre escadre serait de protéger les convois alliés en Méditerranée, de défendre les détroits de Sicile et de Sardaigne contre les entreprises des bâtiments de surface et de surtout des submersibles ennemis.

Notre vocation est donc essentiellement anti-sous-marine. D'autre part, notre flotte étant intégrée totalement à l'OTAN, nous n'estimons pas nécessaire de construire nous-même des porte-avions. Nous comptons sur ceux de la VIe Flotte américaine. A nous de participer à leur protection le plus efficacement possible. C'est pourquoi nous tenons tellement à posséder des bâtiments vraiment modernes, armés de missiles anti-aériens.

[...]

Nous ne cherchons pas à sortir du rôle que notre vocation propre et les plans de défense de l'OTAN nous imposent. Nous pensons donc qu'il est préférable de mener à bien, dans ce cadre, un programme limité plutôt que de nous lancer dans la construction d'une flotte disposant, certes, d'un éventail complet de bâtiments et d'engins nationaux mais qui de toutes façons -quels que soient nos efforts - ne pourrait suffire à elle-même dans une guerre moderne. Vous le voyez : je crois que nous sommes réalistes".

Il y avait une servitude légale en Italie contre la construction de porte-avions : une loi fasciste interdisait à la Marine de disposait d'avions. Il y a une autre servitude qui a aussi empêché la Marina militare de lancer un projet de porte-avions : la ridigité mentale des armées otaniennes. Tout ce qui ne rentre pas dans les missions OTAN est à exclure. Il n'y a plus d'aspiration à la puissance nationale. Dans le cas allemand, cela s'explique par une remise en cause nationale du comportement du pays pendant la deuxième guerre mondiale. Dans le cas italien, il n'y a pas vraiment eu de comportements similaires (comme en France). Il est aussi possible que ces déclarations soient faites pour trouver une raison publique, au lieu d'avoir à annoncer que c'est simplement en raison de problèmes budgétaires. Peut être que le projet Polaris décrit plus haut devait absorber bien des crédits s'il avait été mené à bien.

La seule perspective de la Marine italienne était donc de suivre les missions corbettiennes assignées aux marines de l'OTAN : défendre les voies de communication. On s'étonne que les officiers italiens, si imaginatif dans la dissuasion, ne déploient aucun talent dans l'aéronaval. Les officiers français ont déployé des trésors d'imaginations pour justifier la classe Clemenceau au près de Washington, qui ne voyait pas d'un très bon oeil notre outil aéronaval en gestation. En Italie, il n'y a pas eu une telle volonté. Rome abdiquait devant la volonté américaine de se réserver toutes les opérations navales offensives contre les cibles soviétiques -hors dissuasion.

Si on lit rigoureusement la déclaration de cet amiral, cela reviendrait à condamner l'attitude de la France qui déployait, presque, autant d'efforts pour l'OTAN que pour la Communauté française.

De facto, la Marine italienne s'est auto-limitée dans ses perspectives. Si jamais elle avait eu une paire de porte-avions en Méditerranée, elle aurait pu bénéficier d'un certain vide stratégique français puisqu'il faudra attendre l'élection de Valéry Giscard d'Estaing à la président de la République pour que les Foch et Clemenceau retournent en Méditerranée.

L'Italie a eu aussi la volonté de lancer un projet de SNA, quelques années avant le projet Q244 français, mais un référendum viendra condamner l'énergie nucléaire de l'autre côté des Alpes.

Au final, nous avons l'occasion de retenir que la puissance navale est aussi le fruit d'occasion. Rome a eu l'opportunité d'étoffer sa puissance par le porte-avions, la dissuasion nucléaire et les sous-marins nucléaires. Ce sont autant de moyen qui, avec un groupe amhibie et les moyens de soutien et de protection adéquats, font une "marine de guerre moderne" à vocation mondiale, ou presque. Est-ce que si l'Italie avait parié sur sa Marine dans les années 60 en se dotant de ces trois outils, les crédits budgétaires auraient abondés ? Le rôle des officiers est peut être de convaincre le pouvoir politique de l'opportunité d'acquérir des moyens d'action. Le politique n'a qu'une seule façon de reconnaître la justesse de la démonstration de ses officiers : renouveler ces moyens d'action, signe qu'ils servent bien la cause nationale. Il y a donc un effort de démonstration et de publicité à faire.

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