Des hélicoptères de l’ALAT et de la Gendarmerie nationale à Dammartin vendredi 9 janvier. Michel Spingler / AP. |
Aujourd’hui, nous vous proposons de
revenir sur les opérations menaient entre les 7 et 9 janvier. Non pas
que nous prétendions décrire avec exhaustivité toutes les opérations et
manœuvres des forces de l’ordre. Mais très modestement, nous souhaitons
proposer quelques remarques sur le niveau d’engagement, son ampleur,
notamment géographique et le dispositif actuel de prévention.
A la suite de nombreux attentats et de
prises d’otages ayant eu lieu de par le monde – de la prise d’otage de
l’école de Beslan en 2004 à celle d’In Amenas en 2013 en passant par le
détournement de l’Airbus en 1994 – nos forces de Police et de
Gendarmerie travaillaient, notamment, mais pas seulement, sur le
scenario d’une Prise d’Otages Massive (POM). Les gardiens de la paix
prévoyaient de contrer ces hypothèses structurantes par l’intervention
conjointe de toutes les unités spéciales. Au fil des reportages, il
apparaissait même des coopérations ponctuelles, tout du moins pour
l’enrichissement des formations, entre les forces spéciales des Armées
et les unités spéciales des forces de Police et Gendarmerie. Le
dispositif « contre-POM » se doit de contrer une ou des équipes de
terroristes prenant massivement des otages en quelque lieu que ce soit
(site industrielle, TGV, avion, métro, etc.).
Lors des attentats du 7 au 9 janvier,
nous les observions affronter une « variante » de ce scénario. Cet
attentat « dynamique » était mené par très peu de moyens humains et
matériels. Sans présumer des résultats des enquêtes des services
judiciaires et de renseignement, il y aurait eu au moins trois auteurs
et un éventuel soutien logistique.
Ce qui revient à remarquer que ces
unités poursuivaient avec plusieurs dizaines d’hommes seulement deux
individus entre Paris et le Sud de la Picardie. Ce dispositif se devait
d’être dynamique pour partir à la chasse d’un binôme. Il a pu avoir
recours à des enveloppements verticaux via l’utilisation d’hélicoptères
de manœuvre et légers. Et il s’appuyait aussi sur un quadrillage serré
du terrain par la Police nationale et la Gendarmerie. Est-ce bien
courant d’observer une telle opération « militaire » sur le sol
national ?
Allier nos meilleurs unités de sécurité
intérieure à une telle aéromobilité ce n’est que constater la faiblesse
de nos moyens. Non pas qu’ils soient faibles par nature. Mais utiliser
un dispositif exceptionnel – utilisation bien forcée – pour seulement
deux hommes, c’est poser la question de ce qui serait nécessaire s’il y
avait eu plus d’une équipe. Comment réagir si une autre commet ses
forfaits par exemple à Rennes et une troisième à Clermont-Ferrand ?
Ce dispositif contre-POM peut être dilué
en combien de divisions ? Combien d’hélicoptères de manœuvres peuvent
être fournis dans l’urgence ? Ceux des Armées sont très sollicités (doux
euphémisme) et ne sont pas forcément en Europe (puisque la France est
un archipel globale). L’attentat qui frappait la Norvège en 2011
démontrait que, même dans le pays le plus fourni au monde en
hélicoptères moyens et lourds (pour le secteur pétrolier), il n’était
pas aisé pour les forces de police de réquisitionner dans l’urgence
quelques voilures tournantes.
Autre chose, nous nous devons de
considérer ce qui peut apparaître, par l’observation, des problèmes de
génération de forces. Le plan VIGIPIRATE, étendu par l’opération
Sentinelle, met sur le terrain plus de 10 000 hommes de l’Armée de Terre
pour seulement 300 réservistes engagés. Le problème est-il le même pour
la Police nationale et la Gendarmerie ? Toutes ces forces produisaient
l’effort nécessaire à la hauteur des enjeux. Mais quelque soit la
hauteur de l’engagement individuel ou de celui des organisations, il y a
besoin, à un moment ou un autre, de régénérer les forces. C’est-à-dire
que pour conserver autant d’hommes et de femmes sur le terrain, il
faudra toujours des phases de relève et de repos. Et si nous devons
craindre à l’avenir un contournement du dispositif déployé contre les
attentats des 7-9 janvier, alors de futurs criminels pourraient tenter
de diviser ce même dispositif.
Comment allier un dispositif
exceptionnel de commandos de chasse, appuyé par des moyens aéromobiles
militaires, sur un terrain quadrillé par les forces de police sans
renouveler les réserves de force ? Comment faire durer un tel
quadrillage de la France par la Police nationale et la Gendarmerie dans
des proportions extraordinaires ? Les budgets actuels tendent les hommes
et les femmes. Ne pas leur offrir des dispositifs temporaires de forces
et de matériels pourraient devenir rapidement problématique tant notre
pays est adulé dans certaines parties du monde. Faut-il évoquer une
Garde nationale ? Une Garde républicaine ? Une juste répartition des
besoins au sein même des administrations (que chaque zone police et zone
gendarmerie reçoivent hommes et matériels en fonction des chiffres du
ministère, par exemple) ? Autre chose : comme par exemple la répartition
de l’effort dans le budget de l’Etat ? La problématique matérielle
montre aussi le besoin, peut-être futur, de pouvoir soit projeter, soit
disperser des matériels, tant aériens que terrestres. C’est aussi un des
volets du besoin de « réserves » sur tous les territoires nationaux.
Les menaces nous dictent leur tempo, nous ne pouvons que nous y adapter.
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